Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société anonyme (SA) Lyonnaise des Eaux France a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :
1°) d'annuler la délibération du 25 juin 2013 par laquelle le conseil général du Puy-de-Dôme a accepté la transformation de la société d'économie mixte pour l'exploitation des réseaux d'eau potable et d'assainissement en société publique locale dénommée " société d'exploitation mutualisée pour l'eau, l'environnement, les réseaux, l'assainissement dans l'intérêt du public " (SEMERAP) et a approuvé le projet de statuts de ladite société, de condamner le département du Puy-de-Dôme aux dépens de l'instance et de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) d'annuler la délibération du 22 juin 2013 par laquelle le comité du syndicat intercommunal d'alimentation en eau potable (SIAEP) Sioule et Morge a accepté la transformation de la société d'économie mixte pour l'exploitation des réseaux d'eau potable et d'assainissement en société publique locale dénommée SEMERAP et a approuvé le projet de statuts de ladite société, de condamner le SIAEP aux dépens de l'instance et de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1301532-1301534 du 10 mars 2015, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 30 mars 2015, et un mémoire complémentaire, enregistré le 7 octobre 2015, la SA Lyonnaise des Eaux France, prise en la personne de ses dirigeants en exercice, représentée par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 10 mars 2015 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la délibération du 25 juin 2013 du conseil général du Puy-de-Dôme ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette délibération du 25 juin 2013 ;
3°) de mettre à la charge du département du Puy de Dôme et de la société d'économie mixte pour l'exploitation des réseaux d'eau potable et d'assainissement le versement d'une somme de 3 000 euros chacun en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les dépens de l'instance.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a estimé à tort que sa demande était irrecevable ;
- la délibération contestée a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 3121-19 du code général des collectivités territoriales ;
- cette délibération méconnaît les dispositions de l'article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales, dès lors que le département du Puy-de-Dôme ne dispose pas de toutes les compétences afférentes à l'objet social de la société publique locale SEMERAP.
Par un mémoire, enregistré le 16 juin 2015, la SEMERAP, prise en la personne de son président directeur général, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SA Lyonnaise des Eaux France en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la SA Lyonnaise des Eaux était dépourvue d'intérêt à agir contre la délibération du conseil général du Puy-de-Dôme du 25 juin 2013 ;
- le département est compétent en matière de desserte des habitations de son ressort en eau potable en application de l'article L. 211-7 du code de l'environnement.
Par un mémoire, enregistré le 26 juin 2015, le syndicat intercommunal de Sioule et Morge, pris en la personne de son président en exercice, représenté par MeD..., demande qu'une somme de 1 500 euros lui soit versée en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2015, le département du Puy-de-Dôme, pris en la personne de son président en exercice, représenté par la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Cabinet GB2A, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SA Lyonnaise des Eaux France.
Il fait valoir :
- à titre principal, que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la SA Lyonnaise des Eaux était dépourvue d'intérêt à agir contre la délibération du 25 juin 2013 ;
- à titre subsidiaire, que le moyen tiré de la violation de l'article L. 3121-19 du code général des collectivités territoriales est irrecevable en ce qu'il repose sur une cause juridique nouvelle, aucun moyen de légalité externe n'ayant été soulevé dans son recours gracieux par la requérante ; que les moyens sont infondés.
Par une ordonnance du 1er septembre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 16 octobre 2015.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes C-107/98 du 18 novembre 1999 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Peuvrel, rapporteur ;
- les conclusions de M. Clément, rapporteur public,
- et les observations de Me E...pour la SA Lyonnaise des Eaux France, ainsi que celles de Me B...substituant Me C...de la selarl GB2A, pour le département du Puy-de-Dôme, et celles de Me A...substituant Me D...pour la SEMERAP et pour le syndicat intercommunal de Sioule et Morge.
Une note en délibéré, présentée par la SA Lyonnaise des eaux France, a été enregistrée le 13 septembre 2016.
Une note en délibéré, présentée pour le département du Puy-de-Dôme, a été enregistrée le 26 septembre 2016.
1. Considérant que, par délibération du 25 juin 2013, le conseil général du Puy-de-Dôme a donné son accord à la transformation de la société d'économie mixte pour l'exploitation des réseaux d'eau potable et d'assainissement en société publique locale dénommée " société d'exploitation mutualisée pour l'eau, l'environnement, les réseaux, l'assainissement dans l'intérêt du public " (SEMERAP) et a approuvé le projet de statuts de ladite société ; que la société anonyme (SA) Lyonnaise des Eaux France a demandé l'annulation de cette délibération au tribunal administratif de Clermont-Ferrand ; qu'elle relève appel du jugement de ce tribunal n° 1301532-1301534 du 10 mars 2015 en tant qu'il a rejeté cette demande ;
Sur l'intervention de la société d'exploitation mutualisée pour l'eau, l'environnement, les réseaux, l'assainissement dans l'intérêt du public :
2. Considérant que la SEMERAP a intérêt au maintien de la délibération contestée ; que, par suite, son intervention en défense est admise ;
Sur la régularité du jugement :
3. Considérant que les premiers juges ont rejeté la demande de la SA Lyonnaise des Eaux France au motif que cette dernière ne justifiait pas d'un intérêt direct et certain pour contester la délibération du conseil général du Puy-de-Dôme du 25 juin 2013 ; que, toutefois, la transformation de la société d'économie mixte pour l'exploitation des réseaux d'eau potable et d'assainissement en société publique locale permettra à ses actionnaires de lui confier, sans mise en concurrence préalable, des missions dans les domaines, notamment, de l'exploitation des réseaux d'eau potable et de l'assainissement ; qu'elle porte ainsi une atteinte suffisamment directe et certaine aux intérêts de la SA Lyonnaise des eaux France qui intervient dans ces domaines d'activité ; que le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 10 mars 2015 doit, par suite, être annulé ;
4. Considérant qu'il y a lieu de statuer, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par la SA Lyonnaise des eaux France devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand et tendant à l'annulation de la délibération du conseil général du Puy-de-Dôme du 25 juin 2013 ;
Sur le bien-fondé de la requête :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales : " Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent créer, dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi, des sociétés publiques locales dont ils détiennent la totalité du capital. / Ces sociétés sont compétentes pour réaliser des opérations d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, des opérations de construction ou pour exploiter des services publics à caractère industriel ou commercial ou toutes autres activités d'intérêt général. / Ces sociétés exercent leurs activités exclusivement pour le compte de leurs actionnaires et sur le territoire des collectivités territoriales et des groupements de collectivités territoriales qui en sont membres. / Ces sociétés revêtent la forme de société anonyme régie par le livre II du code de commerce et sont composées, par dérogation à l'article L. 225-1 du même code, d'au moins deux actionnaires. / Sous réserve des dispositions du présent article, elles sont soumises au titre II du présent livre. " ;
6. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, interprétées à la lumière du droit de l'Union européenne, et notamment des objectifs de la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, que la création d'une société publique locale par des collectivités territoriales ou des groupements de collectivités a pour objet de leur permettre d'assurer conjointement l'exécution d'une mission de service public qui leur est commune tout en dérogeant aux règles de la commande publique ; qu'elles nécessitent, d'une part, que les personnes publiques qui en sont membres exercent sur cette société un contrôle comparable à celui qu'elles exercent sur leurs propres services et, d'autre part, que cette dernière réalise exclusivement ses activités pour le compte de ces personnes publiques ; qu'il s'ensuit qu'elles font obstacle à ce qu'une telle personne publique puisse être actionnaire d'une société publique locale dont la partie prépondérante des missions outrepasserait son domaine de compétence ;
7. Considérant que, par la délibération contestée, le département du Puy-de-Dôme a approuvé la création d'une société publique locale qui, selon l'article 2 de ses statuts, pourra se voir confier des missions relatives aux services publics de l'eau potable, de l'assainissement collectif, de l'assainissement non collectif, du traitement des déchets et de l'entretien et du suivi des bassins d'eau, des missions relatives à la collecte, au transport, au stockage, au traitement des eaux pluviales et à l'élimination de boues détruites et des missions relatives à la surveillance, à l'entretien et au contrôle des infrastructures de défense incendie extérieure ; que, si le département fait valoir qu'il exerce des compétences en matière d'assainissement, de gestion des déchets et d'approvisionnement en eau, il ressort des dispositions de l'article L. 3232-1-1 du code général des collectivités territoriales qu'il est seulement chargé d'apporter dans le domaine de l'assainissement, une assistance technique aux collectivités dépourvues de moyens suffisants et ne peut, ainsi, être regardé comme exerçant une compétence en cette matière ; que la compétence qui lui est confiée par les dispositions de l'article L. 541-12 du code de l'environnement dans le domaine de la gestion des déchets consiste en une simple participation aux politiques menées en la matière ; qu'ainsi, et à supposer même que le département exercerait des compétences dans le domaine de l'approvisionnement en eau potable, le champ d'intervention de la société publique locale excède de façon prépondérante les compétences du département ; que, par suite, la SA Lyonnaise des eaux France est fondée à soutenir que département du Puy-de-Dôme a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales et à demander, pour ce motif, l'annulation de la délibération du 25 juin 2013 ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SA Lyonnaise des eaux France, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement au département du Puy-de-Dôme et au syndicat intercommunal de Sioule et Morge des sommes demandées au titre des frais non compris dans les dépens ; qu'elles font également obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par l'intervenante en défense, qui n'est pas partie à l'instance au sens de ces dispositions ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département du Puy-de-Dôme la somme que demande la SA Lyonnaise des Eaux France en application des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : L'intervention de la société d'exploitation mutualisée pour l'eau, l'environnement, les réseaux, l'assainissement dans l'intérêt du public est admise.
Article 2 : Le jugement du 10 mars 2015 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand et la délibération du 25 juin 2013 par laquelle le conseil général du Puy-de-Dôme a accepté la transformation de la société d'économie mixte pour l'exploitation des réseaux d'eau potable et d'assainissement en société publique locale et a approuvé le projet de statuts de ladite société sont annulés.
Article 3 : Les conclusions du département du Puy-de-Dôme, du syndicat intercommunal de Sioule et Morge et de la société d'exploitation mutualisée pour l'eau, l'environnement, les réseaux, l'assainissement dans l'intérêt du public tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SA Lyonnaise des Eaux France est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Lyonnaise des Eaux France, au département du Puy-de-Dôme, à la société d'exploitation mutualisée pour l'eau, l'environnement, les réseaux, l'assainissement dans l'intérêt du public et au syndicat intercommunal de Sioule et Morge.
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2016, à laquelle siégeaient :
M. Fraisse, président de la cour ;
M. Boucher, président de chambre ;
M. Alfonsi, président de chambre ;
M. Drouet, président-assesseur ;
M. Gille, président-assesseur ;
M. Segado, premier conseiller ;
Mme Peuvrel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 octobre 2016.
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N°15LY01099