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30/08/2016 | FRANCE | N°14LY03145

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 30 août 2016, 14LY03145


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B..., veuveA..., a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 13 février 2014 du préfet du Rhône refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant son pays de reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1401846 du 24 juin 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée

le 19 octobre 2014, MmeB..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B..., veuveA..., a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 13 février 2014 du préfet du Rhône refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant son pays de reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1401846 du 24 juin 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 octobre 2014, MmeB..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 24 juin 2014 ;

2°) d'annuler les décisions du 13 février 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer le titre de séjour sollicité ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation, sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- cette décision n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination sont illégales du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- ces décisions méconnaissent les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire, enregistré le 3 juin 2016, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête, en s'en rapportant à ses écritures de première instance.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 septembre 2014.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leur famille ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Meillier,

- et les observations de MeC..., représentant MmeB....

1. Considérant que Mme D...B..., veuveA..., ressortissante algérienne, est entrée en France le 24 juillet 2011, munie d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour portant la mention " étranger non à charge " ; qu'elle a sollicité le 4 octobre 2011 auprès du préfet de la Savoie, puis le 5 novembre 2012 auprès du préfet du Rhône, la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des 5 et 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; que, par décisions du 13 février 2014, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination ; que, par jugement du 24 juin 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de l'intéressée tendant à l'annulation de ces décisions ; que Mme B...relève appel de ce jugement ;

Sur la légalité des décisions contestées :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, que la décision de refus de titre de séjour comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; qu'en particulier, elle fait état des éléments sur lesquels le préfet s'est fondé pour s'écarter de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, s'agissant de la possibilité pour l'intéressée de bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait insuffisamment motivée, au regard des exigences des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée, doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces stipulations qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un ressortissant algérien qui en fait la demande au titre du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale en Algérie ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause en Algérie ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Algérie ;

5. Considérant, d'une part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment du formulaire de demande de titre de séjour produit par le préfet, et n'est d'ailleurs pas allégué, que Mme B...ait fait valoir devant le préfet, au cours de l'instruction de sa demande, qu'elle ne pourrait effectivement bénéficier des possibilités de traitement existant en Algérie en raison du coût de son traitement ; que, par suite, la circonstance que le préfet, sur la base des éléments dont il disposait relativement aux capacités locales en matière de soins médicaux et de médicaments disponibles en Algérie, a constaté que l'intéressée pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans cet Etat, sans faire état des ressources personnelles de Mme B...ou de son éligibilité au système algérien de protection sociale, ne révèle pas un défaut d'examen particulier de la situation de MmeB... ;

6. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des différents certificats médicaux produits par MmeB..., que cette dernière a subi en 2012 une greffe de la cornée de l'oeil gauche et qu'en raison du rejet de cette greffe, compliqué d'une hypertonie intraoculaire, elle a été hospitalisée à plusieurs reprises et bénéficiait, début avril 2014, soit un mois et demi après la décision contestée, d'un traitement hypotonisant local et général par perfusion, d'une corticothérapie locale à forte dose ainsi que d'un traitement immunodépresseur ; qu'elle présente également d'autres affections, notamment, un problème au genou soigné en 2011 par des piqûres, des cervicalgies soignées par rééducation en août 2013 et une pathologie cardiaque constatée en mars 2014 ; qu'il est constant qu'ainsi que l'a estimé le médecin de l'agence régionale de santé dans son avis émis le 9 août 2013, l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que si ce médecin a également estimé que l'intéressée ne peut avoir accès à un traitement approprié dans son pays d'origine, le préfet s'est toutefois écarté, sur ce point, de l'avis de ce médecin en se fondant, notamment, sur des éléments fournis par le consulat général de France à Alger et sur une déclaration du ministre de la santé du gouvernement algérien citée dans un rapport de l'agence de gestion des frontières du ministère de l'intérieur britannique et démontrant le sérieux et les capacités des institutions algériennes qui sont à même de traiter la majorité des maladies courantes ainsi que la possibilité pour les ressortissants algériens de trouver en Algérie un traitement adapté à leur état de santé ; que le préfet a produit en première instance un annuaire des établissements de santé algériens dont il ressort que ce pays dispose d'établissements hospitaliers universitaires ainsi que de cliniques généralistes ou spécialisées en ophtalmologie ou en cardiologie ; que Mme B...ne conteste pas réellement l'existence de cette offre de soins et ne produit aucun document indiquant que les traitements dont elle a spécifiquement besoin n'existeraient pas en Algérie ; qu'elle se borne à soutenir qu'elle ne pourrait bénéficier d'hospitalisations de longue durée dans ce pays, ni y poursuivre son traitement et y être suivie eu égard à ses faibles ressources, à savoir une pension de réversion d'un montant de 226,11 euros, et à sa situation familiale, son fils demeuré en Algérie n'étant pas en mesure de la prendre en charge financièrement, sans toutefois apporter d'éléments justifiant du coût de son traitement ainsi que de l'impossibilité pour elle de bénéficier du système algérien de protection sociale ; que, dans ces conditions, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que Mme B...pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié en Algérie ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit être écarté ;

7. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...n'est entrée en France qu'en juillet 2011, soit deux ans et demi seulement avant la décision attaquée ; qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, elle peut être soignée en Algérie ; qu'alors qu'elle perçoit une pension de réversion et est entrée en France munie d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour portant la mention " étranger non à charge ", elle ne justifie pas être dépendante ou à charge de ses deux enfants, de nationalité française, vivant en France ; qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de soixante-neuf ans et où vivent un de ses fils, deux frères et une soeur ; que, dans ces conditions, et alors même que l'intéressée perçoit une pension de réversion versée par les organismes sociaux français auxquels son défunt époux a cotisé, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté, eu égard aux buts qu'elle poursuit, une atteinte disproportionnée au droit de Mme B...au respect de sa vie privée et familiale ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

En ce qui concerne les décisions d'obligation de quitter le territoire français et de fixation du pays de destination :

9. Considérant, en premier lieu, que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, Mme B... n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

10. Considérant, en deuxième lieu, qu'au vu de ce qui a été dit précédemment et en l'absence de circonstance particulière, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

11. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que ces stipulations ne peuvent, sauf cas très exceptionnels tenant à des considérations humanitaires impérieuses, être invoquées par un étranger malade au seul motif qu'il ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

12. Considérant que MmeB..., qui peut effectivement être soignée en Algérie, ne justifie pas de considérations humanitaires impérieuses tenant à son état de santé qui feraient obstacle à son éloignement à destination de cet Etat ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Considérant que le présent arrêt de rejet n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme B...doivent être rejetées ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme B...demande pour son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...B..., veuveA..., et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2016 à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président,

Mme Bourion, premier conseiller,

M. Meillier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 août 2016

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N° 14LY03145


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY03145
Date de la décision : 30/08/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Charles MEILLIER
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : MATARI

Origine de la décision
Date de l'import : 13/09/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-08-30;14ly03145 ?
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