Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E...A...a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des amendes pour non-déclaration d'un compte à l'étranger mises à sa charge au titre des années 2007, 2008 et 2009.
Par un jugement n° 1300934 du 15 avril 2014, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 juin 2014, et un mémoire en réplique, enregistré le 13 janvier 2016, Mme A..., représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 15 avril 2014 ;
2°) de prononcer la décharge des amendes contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé et, par suite, irrégulier, les premiers juges ne s'étant pas prononcés sur le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis de mise en recouvrement ;
- l'administration n'a pas adressé la proposition de rectification relative à l'année 2009 à son conseil, alors qu'elle avait désigné celui-ci afin de la représenter auprès de l'administration fiscale et élu domicile chez ce dernier, de telle sorte qu'elle a été privée de la garantie prévue par l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, ce qui rend irrégulière la procédure d'établissement de l'amende pour l'année 2009, d'autant plus que le service n'a pas fait droit à sa demande ultérieure de communication de cette proposition de rectification ;
- l'avis de mise en recouvrement a été pris au nom d'un " comptable des impôts ", fonction qui n'existait pas, et il ne mentionne pas les nom, prénom et qualité du comptable public originellement compétent et méconnaît ainsi les dispositions du second alinéa de l'article 4 de la loi du 10 avril 2000 ;
- l'agent de catégorie C signataire de l'avis de mise en recouvrement ne pouvait, du fait de son grade, recevoir délégation de signature, en outre, la délégation de signature ne définit pas avec une précision suffisante ses limites juridiques et financières et elle n'a pas fait l'objet d'une publication régulière la rendant opposable aux tiers ;
- l'application de l'amende n'est pas justifiée dans la mesure où, en se fondant sur un prétendu aveu oral, sur une simple demande, non signée, d'entrée en relation avec une banque luxembourgeoise et sur la situation d'un autre contribuable, l'administration n'apporte pas la preuve de l'existence d'un compte bancaire effectivement ouvert à son nom au Luxembourg.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 novembre 2014, et un mémoire complémentaire, enregistré le 15 mars 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Meillier,
- les conclusions de Mme Chevalier-Aubert, rapporteur public.
1. Considérant que Mme E...A...a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 ainsi que d'un contrôle sur pièces portant sur l'année 2009 ; qu'à l'issue de ces contrôles, l'administration, estimant que l'intéressée était co-titulaire depuis 2005 d'un compte bancaire ouvert au Luxembourg et non déclaré en France a, pour chacune des années 2007, 2008 et 2009, infligé à Mme A...une amende sur le fondement du IV de l'article 1736 du code général des impôts ; que, par jugement du 15 avril 2014, le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de l'intéressée tendant à la décharge de ces amendes ; que Mme A...relève appel de ce jugement ;
Sur le bien-fondé des amendes :
2. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts : " Les personnes physiques (...) domiciliées (...) en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus (...), les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. Les modalités d'application du présent alinéa sont fixées par décret. " ; qu'aux termes du IV de l'article 1736 du même code, dans sa version applicable en 2007 et 2008 : " Les infractions aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A (...) sont passibles d'une amende de 750 euros par compte ou avance non déclaré. " ; qu'aux termes du IV du même article, dans sa version applicable en 2009 : " Les infractions aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A (...) sont passibles d'une amende de 1 500 € par compte ou avance non déclaré. Toutefois, pour l'infraction aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A, ce montant est porté à 10 000 € par compte non déclaré lorsque l'obligation déclarative concerne un Etat ou un territoire qui n'a pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires. " ; qu'aux termes de l'article 344 A de l'annexe III au code général des impôts : " I. Les comptes à déclarer en application du deuxième alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts sont ceux ouverts auprès de toute personne de droit privé ou public qui reçoit habituellement en dépôt des valeurs mobilières, titres ou espèces. / II. Les personnes physiques joignent la déclaration de compte à la déclaration annuelle de leurs revenus. Chaque compte à usage privé, professionnel ou à usage privé et professionnel doit être mentionné distinctement (...) / III. La déclaration de compte mentionnée au II porte sur le ou les comptes ouverts, utilisés ou clos, au cours de l'année ou de l'exercice par le déclarant, l'un des membres de son foyer fiscal ou une personne rattachée à ce foyer. / Un compte est réputé avoir été utilisé par l'une des personnes visées au premier alinéa dès lors que celle-ci a effectué au moins une opération de crédit ou de débit pendant la période visée par la déclaration, qu'elle soit titulaire du compte ou qu'elle ait agi par procuration, soit pour elle-même, soit au profit d'une personne ayant la qualité de résident. " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les personnes physiques domiciliées en France qui ne déclarent pas les références des comptes ouverts, utilisés ou clos qu'elles possèdent à l'étranger sont passibles d'une amende d'un montant forfaitaire par compte non déclaré ;
4. Considérant que les deux propositions de rectification du 15 décembre 2010 relatives, d'une part, aux années 2007 et 2008 et, d'autre part, à l'année 2009 relèvent que, lors de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de Mme A...portant sur les années 2007 et 2008, il a été mis en évidence que l'intéressée possédait un compte bancaire au Luxembourg ouvert, sous le n° 0141536727000000, auprès de la banque ING à Esch-sur-Alzette depuis le 18 février 2005 et que ce compte n'a pas été mentionné sur les déclarations n° 2042 souscrites par l'intéressée au titre des années 2007 et 2008 ainsi que de la période, antérieure à son mariage, du 1er janvier au 19 juin 2009 ; qu'en conséquence, l'administration a mis à la charge de Mme A...une amende sur le fondement du IV de l'article 1736 du code général des impôts pour chacune des trois années précitées, d'un montant de 750 euros pour l'année 2007 et d'un montant de 10 000 euros pour les années 2008 et 2009, le Luxembourg n'ayant, à cette époque, pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires ;
5. Considérant qu'il est constant que, lors d'une procédure de visite et de saisie au domicile de MmeA..., l'administration a saisi un document daté du 18 février 2012 et se présentant comme une demande d'entrée en relation en vue de l'ouverture auprès de la banque ING Luxembourg d'un compte bancaire joint solidaire au nom de M. C...B...et de Mme E...A... ; que le ministre soutient que, comme l'indique la réponse aux observations présentées par Mme A... à la suite de la proposition de rectification relative aux années 2007 et 2008, l'intéressée a admis le 10 décembre 2010, lors de l'entretien de clôture des opérations de vérification, qu'elle détenait ce compte bancaire et qu'elle l'aurait mentionné sur sa déclaration n° 2042 d'impôt sur le revenu si elle avait eu connaissance du montant de l'amende sanctionnant l'absence de déclaration ; qu'il fait valoir que M. B...a également admis, lors du même entretien, détenir le compte bancaire litigieux et qu'il a déclaré, lors de la souscription de sa propre déclaration des revenus de l'année 2009, ledit compte bancaire, en précisant que ce dernier avait été ouvert le 18 février 2005 ; que le ministre déduit de l'ensemble de ces éléments qu'ils attestent de l'existence de ce compte bancaire, alors même que l'intéressée a contesté cette existence dans ses observations du 17 février 2011 ;
6. Considérant, toutefois, qu'ainsi que le relève la requérante, le document du 18 février 2012 n'est qu'une simple demande de mise en relation ne comportant ni sa signature ni celle de la banque ; que ce document préparatoire, non signé et ne mentionnant aucun numéro de compte, ne suffit pas à révéler l'ouverture effective d'un compte bancaire ; que si aucune disposition ni aucun principe n'interdit aux parties d'invoquer devant le juge de l'impôt et à celui-ci de prendre en compte, parmi d'autres éléments de preuve, un aveu recueilli oralement, les seules mentions de la réponse aux observations du contribuable ne suffisent pas à établir que l'intéressée, qui le conteste, aurait effectivement reconnu, lors d'un entretien avec le vérificateur, être titulaire du compte bancaire litigieux ; que la circonstance qu'un autre contribuable, M. B..., a reconnu et déclaré être titulaire d'un compte bancaire ouvert le 18 février 2005 au Luxembourg ne permet pas d'établir que ce compte a été ouvert à la suite de la demande de mise en relation précitée et, par suite, que Mme A...était co-titulaire du compte ouvert et déclaré par M.B... ; que, dans ces conditions, et en l'absence d'autres éléments, le ministre ne peut être regardé comme apportant la preuve, qui lui incombe, de ce que Mme A...détenait personnellement un compte bancaire au Luxembourg au cours des années 2007, 2008 et 2009 ; qu'au surplus, l'administration n'établit ni même n'allègue que le compte bancaire en cause aurait été ouvert, clos, ou utilisé au sens des dispositions précitées du III de l'article 344 de l'annexe III au code général des impôts au cours des années 2007, 2008 et 2009 ; que, dès lors, c'est à tort que l'administration a mis à la charge de Mme A...les amendes litigieuses en application du IV de l'article 1736 du code général des impôts ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à Mme A...d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1300934 du 15 avril 2014 du tribunal administratif de Dijon est annulé.
Article 2 : Mme A...est déchargée des amendes pour non-déclaration d'un compte à l'étranger mises à sa charge au titre des années 2007, 2008 et 2009.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A...et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 30 juin 2016 à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président,
Mme Bourion, premier conseiller,
M. Meillier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 août 2016.
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N° 14LY01821