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12/07/2016 | FRANCE | N°15LY02643

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 12 juillet 2016, 15LY02643


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler l'arrêté du 1er février 2012 par lequel le président de la communauté urbaine de Lyon l'a licenciée pour motifs disciplinaires ;

2°) d'enjoindre à la communauté urbaine de Lyon de la réintégrer, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

3°) de faire application des dispositions des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1202469 du 6 mai 2015, le tribun

al administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler l'arrêté du 1er février 2012 par lequel le président de la communauté urbaine de Lyon l'a licenciée pour motifs disciplinaires ;

2°) d'enjoindre à la communauté urbaine de Lyon de la réintégrer, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

3°) de faire application des dispositions des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1202469 du 6 mai 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2015, et un mémoire complémentaire, enregistré le 9 novembre 2015, MmeB..., représentée par MeD..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 mai 2015 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er février 2012 du président de la communauté urbaine de Lyon ;

3°) de mettre à la charge de la métropole de Lyon le versement d'une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente ;

- le délai entre la date des griefs formulés à son encontre et la procédure disciplinaire n'est pas raisonnable et contrevient aux droits de la défense, tels qu'ils sont énoncés au premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi qu'au principe du contradictoire ;

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu six des griefs formulés contre elle par son employeur, les faits qui lui sont reprochés n'étant pas établis ;

- à supposer que ces faits aient été établis, ils ne seraient pas d'une gravité telle qu'ils justifieraient une mesure de licenciement, sanction qui revêt un caractère disproportionné ;

- l'arrêté contesté est entaché de détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2015, et un mémoire complémentaire, enregistré le 5 avril 2016, la métropole de Lyon, venant aux droits de la communauté urbaine de Lyon, agissant par son président en exercice et représentée par la SCP Deygas-Perrachon et associés, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens de légalité interne soulevés devant les premiers juges étaient irrecevables ;

- l'acte attaqué a été signé par une autorité compétente ;

- la requérante a bénéficié de toutes les garanties de nature à lui permettre d'exercer ses droits et de faire valoir ses observations ; le délai entre les faits reprochés et la procédure disciplinaire s'explique par les efforts qu'elle a déployés pour rétablir de bonnes relations de travail avec MmeB... ;

- les faits reprochés à MmeB..., retenus à juste titre par les premiers juges, sont établis, Mme B...ayant délibérément refusé de servir, manqué de manière répétée à son devoir d'obéissance et adopté un comportement inadapté avec ses collègues ;

- la sanction n'est pas disproportionnée au regard des manquements commis ;

- aucune présomption de harcèlement moral n'existe et les faits qui lui sont reprochés à cet égard par Mme B...sont inexistants ou ne constituent que la conséquence d'un exercice normal du pouvoir de direction ; l'arrêté contesté ne saurait être regardé comme étant le fruit d'un détournement de pouvoir.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Peuvrel, rapporteur ;

- les conclusions de M. Clément, rapporteur public ;

- et les observations de MmeB..., ainsi que celle de Me E...pour la métropole de Lyon.

Mme B...a produit des pièces en délibéré le 4 juillet 2016.

1. Considérant que Mme B...a été recrutée par la communauté urbaine de Lyon le 8 septembre 2003 en qualité d'agent non titulaire, au grade d'attaché territorial puis, à compter de 2004, au grade de directeur territorial en charge des fonctions de responsable du protocole et des relations extérieures à la direction de la communication ; qu'elle a bénéficié d'un contrat à durée indéterminée à compter du 27 juillet 2005 ; qu'à la suite d'une réorganisation des services ayant conduit au transfert de la majorité de ses missions au service du protocole de la ville de Lyon, elle a été affectée, à compter du 1er janvier 2010, sur un poste nouveau de responsable de la communication et de l'événementiel au sein de la direction de la prospective et du dialogue public de l'agglomération ; que, par un arrêté du 1er février 2012, le président de la communauté urbaine de Lyon l'a licenciée pour motifs disciplinaires ; que Mme B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler cet arrêté et d'enjoindre à la communauté urbaine de Lyon de la réintégrer sous astreinte ; que cette demande a été rejetée par jugement du 6 mai 2015 dont Mme B...relève appel ;

Sur la légalité de l'arrêté du 1er février 2012 :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article 89 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité territoriale après avis de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline. Ce pouvoir est exercé dans les conditions prévues à l'article 19 du titre Ier du statut général. (...) " ; qu'aux termes des dispositions de l'article 40 de ce texte : " La nomination aux grades et emplois de la fonction publique territoriale est de la compétence exclusive de l'autorité territoriale. " ; que selon les dispositions de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination. (...) " ; que l'article 37 du décret du 15 février 1988 susvisé, dans sa rédaction applicable à la date de l'acte attaqué, dispose que : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité territoriale ayant le pouvoir de procéder au recrutement. " ;

3. Considérant qu'en vertu de ces dispositions il appartenait, à la date de l'acte contesté, au président de la communauté urbaine de Lyon d'exercer le pouvoir disciplinaire à l'égard du personnel de la communauté ; qu'aux termes de l'article L. 5211-9 du code général des collectivités territoriales: " Le président (...) de l'établissement public de coopération intercommunale (...) peut déléguer (...) l'exercice d'une partie de ses fonctions aux vice-présidents (...) " ;

4. Considérant que, par un arrêté du 6 mai 2008, le président de la communauté urbaine de Lyon a donné à M.A..., vice-président, délégation permanente à l'effet de signer "tous actes, arrêtés (...) ressortissants aux domaines suivants au sein du pôle ressources et institutions : Ressources humaines (...) - recrutement et carrières (...)" ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient MmeB..., M.A..., signataire de l'arrêté du 1er février 2012 en litige, avait reçu délégation régulière pour signer, au nom du président de la communauté urbaine, les décisions et arrêtés relatifs à la discipline, au titre de la gestion des carrières des agents de cette communauté ; que le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige serait entaché d'incompétence doit, dès lors, être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, et d'une part, que Mme B...ne saurait utilement se prévaloir, pour soutenir que le délai qui s'est écoulé entre les dates des faits retenus contre elle et l'engagement de la procédure disciplinaire, de ce que l'arrêté contesté méconnaîtrait les stipulations de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aux termes desquelles : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ", dès lors que l'acte attaqué a été pris par une autorité qui ne présente ni le caractère d'une juridiction, ni celui d'un Tribunal, au sens de ces stipulations ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un délai déraisonnable se soit écoulé entre la date des faits reprochés à MmeB..., survenus en 2010 et 2011, et la procédure disciplinaire, engagée en janvier 2012, alors, au demeurant, que l'intéressée était placée en congé de maladie dans cet intervalle ;

6. Considérant, d'autre part, que MmeB..., qui se borne à soutenir que l'absence de délai raisonnable a porté atteinte au principe du contradictoire, dès lors qu'elle n'aurait pas été en mesure de pouvoir répondre efficacement aux griefs formulés à son encontre avec documents justificatifs à l'appui, n'assortit pas ce moyen de précisions suffisantes pour permettre à la Cour d'en apprécier la portée ou le bien-fondé ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'il est reproché à Mme B...d'avoir manqué à son devoir d'obéissance, à son obligation de servir et à son devoir de respecter sa hiérarchie, d'avoir porté de fausses accusations en manquant à son obligation de réserve par la diffusion à des personnes extérieures au service de différends internes et d'avoir manqué de retenue en se livrant à une agression verbale envers un autre agent communautaire ; qu'il ressort, notamment, de la note de son supérieur hiérarchique rédigée le 15 avril 2011, que corroborent les autres pièces du dossier, que l'intéressée n'a, à compter de sa mutation dans ses fonctions de responsable de la communication et de l'événementiel au sein de la direction de la prospective et du dialogue public, le 1er janvier 2010, manifesté qu'une faible implication dans son poste, dont il n'apparaît pas, contrairement à ce qu'elle allègue, qu'il était dépourvu d'utilité ; qu'elle n'a pas, ainsi, comme elle était supposée le faire, participé à la définition des orientations stratégiques de communication de la direction, exercé le rôle de proposition attendu d'elle en matière de manifestations événementielles, contribué activement à la réalisation de telles manifestations, ni cherché à collaborer avec ses collègues chargées respectivement du site internet et du pôle édition ; que, par ailleurs, il ressort des nombreux échanges de courriers électroniques versés aux débats que Mme B...a, notamment en discutant avec insistance certains éléments de sa fiche de poste, été à l'origine, avant même de prendre ses fonctions, de relations tendues avec son futur directeur et qu'elle a, à plusieurs reprises, utilisé à son égard un ton agressif et inutilement polémique, critiquant de manière peu constructive voire discourtoise certaines demandes qu'il lui adressait, comme, en particulier, celle du 20 avril 2010 portant sur la note de stratégie de communication de la direction qu'elle devait rédiger, ou celle du 9 mai 2011 portant sur la plaquette de présentation de la direction qu'elle devait élaborer depuis un an ; qu'en outre, par un courrier du 16 février 2011 adressé au directeur de cabinet du Grand Lyon et transmis en copie à quatre syndicats, au président du groupe du parti socialiste à la ville de Lyon, à des avocats et à des médecins, Mme B...a exercé son droit de retrait, reprochant à son employeur de lui avoir fait subir des agissements assimilables à du harcèlement moral, de l'avoir rétrogradée en la mutant sans explication sur un poste dépourvu de consistance, d'avoir réorganisé le service du protocole du Grand Lyon dans l'objectif de se débarrasser d'elle, de ne pas lui avoir permis d'exercer ses nouvelles fonctions dans des conditions normales et laissant entendre qu'elle avait été victime de menaces portant sur sa personne et ses biens ; que ces faits suffisent à établir la réalité des manquements à son devoir d'obéissance, à son obligation de servir, à son devoir de respecter sa hiérarchie et à son devoir de réserve reprochés à Mme B... et sont d'une gravité suffisante pour justifier une sanction disciplinaire ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'au regard des motifs qui la fondent et des fonctions d'encadrement exercées par la requérante, et alors même que l'intéressée n'aurait fait précédemment l'objet d'aucune mesure disciplinaire, la sanction du licenciement prononcée contre Mme B...ne peut être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme présentant un caractère disproportionné ;

9. Considérant, en cinquième et dernier lieu, que si Mme B...soutient que son licenciement est en réalité motivé par la volonté de l'autorité territoriale de la sanctionner en raison, d'une part, de l'avis réservé qu'elle a donné, en janvier 2008, sur l'éventuel recrutement, dans son ancien service, d'une élue socialiste et, d'autre part, de ses questionnements sur l'imputation à son service du paiement de factures qui ne lui incombaient pas, il ne ressort pas des pièces du dossier que la sanction prononcée soit entachée de détournement de pouvoir ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la métropole de Lyon, que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que Mme B...demande sur leur fondement au titre de ses frais non compris dans les dépens soit mise à la charge de la métropole de Lyon, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B...le versement à la métropole de Lyon d'une somme de 1 000 euros au titre de ces mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Mme B...versera à la métropole de Lyon une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et à la métropole de Lyon.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Boucher, président de chambre ;

- M. Drouet, président-assesseur ;

- Mme Peuvrel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juillet 2016.

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N° 15LY02643


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY02643
Date de la décision : 12/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Motifs - Faits de nature à justifier une sanction.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Sanctions - Erreur manifeste d'appréciation.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: Mme Nathalie PEUVREL
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : SCP DEYGAS-PERRACHON et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-07-12;15ly02643 ?
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