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07/07/2016 | FRANCE | N°14LY03178

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 07 juillet 2016, 14LY03178


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté, en date du 28 février 2014, par lequel le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a désigné le pays à destination duquel elle serait reconduite.

Par un jugement n° 1403247, en date du 22 septembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le

21 octobre 2014, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté, en date du 28 février 2014, par lequel le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a désigné le pays à destination duquel elle serait reconduite.

Par un jugement n° 1403247, en date du 22 septembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2014, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 22 septembre 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté susmentionné pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour lui permettant d'exercer une activité salariée, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, en cas d'annulation pour un vice de forme, de réexaminer sa demande, dans un délai de deux mois, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

- elle est entachée d'illégalité externe tirée du défaut d'indication par le médecin inspecteur de l'agence régionale de santé de sa capacité ou non de voyager sans risque vers son pays d'origine ;

- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'illégalité par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle viole les articles L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas produit d'observations.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 novembre 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Bourion.

1. Considérant que MmeB..., ressortissante bosnienne née en mai 1978, déclare être entrée en France le 7 février 2010 ; que sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 16 avril 2010, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 20 mai 2011 ; qu'elle a fait l'objet le 25 juin 2010 d'un arrêté portant refus de titre de séjour assorti d'une décision portant obligation de quitter le territoire français à destination du pays dont elle a la nationalité, confirmée par le tribunal administratif de Grenoble le 22 octobre 2010 ; qu'elle a bénéficié d'un titre de séjour au regard de son état de santé valable jusqu'au 29 décembre 2013 ; que le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui renouveler son titre de séjour par un arrêté du 28 février 2014 portant refus de titre de séjour assorti d'une décision portant obligation de quitter le territoire français à destination du pays dont elle a la nationalité ; que Mme B...relève appel du jugement du 22 septembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

Sur la décision de refus de délivrance de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) ;

3. Considérant, qu'aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) " et qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 susvisé : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. (...) " ;

4. Considérant, d'une part, qu'il incombe au préfet de prendre en considération les modalités d'exécution d'une éventuelle mesure d'éloignement dès le stade de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin de disposer d'une information complète sur l'état de santé de l'étranger, y compris sur sa capacité à voyager sans risque à destination de son pays d'origine ; que si le médecin de l'agence régionale de santé, qui n'est pas tenu de le faire, ne s'est pas prononcé sur le point de savoir si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine, il appartient au préfet d'examiner et de se prononcer sur cette question, dès lors qu'il estime qu'un traitement approprié existe dans ce pays et que, par ailleurs, il ressort des autres éléments du dossier que l'état de santé de l'étranger malade suscite des interrogations sur sa capacité à supporter le voyage vers son pays d'origine ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par avis rendu le 16 décembre 2013, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de Mme B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut aurait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'un traitement approprié existait dans son pays d'origine et que les soins nécessités présentaient un caractère de longue durée ; que ce médecin ne s'est pas prononcé sur la capacité de Mme B...à supporter un voyage vers la Bosnie ; que, toutefois, le préfet de la Haute-Savoie, qui n'était pas lié par cet avis, a refusé le renouvellement du titre de séjour, sollicité sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif que Mme B...pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'il ne ressort pas des mentions des décisions contestées que le préfet de la Haute-Savoie, qui ne s'est pas prononcé sur le point de savoir si Mme B... pouvait voyager sans risque, ait examiné la capacité de l'intéressée à voyager sans risque vers ce pays ; que, néanmoins, dans les circonstances de l'espèce, le médecin de l'agence régionale de santé n'ayant pas formulé d'appréciation défavorable sur ce point et les autres pièces du dossier ne faisant état d'aucune contre-indication médicale au voyage, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de Mme B...pouvait susciter des interrogations en la matière ; que, dès lors, le fait que le préfet n'ait pas examiné la capacité de l'intéressée à supporter un voyage vers la Bosnie n'est pas, par lui-même, de nature à entacher d'illégalité le refus de titre de séjour litigieux ;

6. Considérant, d'autre part, que sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;

7. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

8. Considérant que si Mme B...produit des ordonnances et des certificats médicaux peu circonstanciés indiquant qu'elle a besoin de soins réguliers, en raison de son état dépressif majeur de longue durée lié aux évènements vécus dans son pays d'origine l'ayant conduite à être hospitalisée en réanimation suite à une tentative de suicide médicamenteuse en août 2010, elle n'établit pas qu'elle ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié en Bosnie-Herzégovine, alors, au demeurant, que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ont rejeté sa demande d'asile ; que par suite, le préfet de la Haute-Savoie n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant à Mme B...le renouvellement d'un titre de séjour sur ce fondement ;

9. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 " ; que si Mme B... travaille comme femme de chambre au bénéfice d'un contrat à durée indéterminée, cette circonstance n'est pas constitutive d'un motif exceptionnel de nature à justifier que lui soit délivré un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

10. Considérant, en dernier lieu, que, par les mêmes motifs que ceux retenus par les juges de première instance, qu'il y a lieu pour la cour d'adopter, les moyens tirés de ce que la décision portant refus de titre de séjour méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, quant à ses conséquences sur l'état de santé et la situation personnelle de MmeB..., doivent être écartés ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français et sur la décision désignant le pays de destination :

11. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'examen ci-avant de la légalité de la décision de refus de délivrance de titre de séjour, que Mme B...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination prises à son encontre ;

12. Considérant, en deuxième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux retenus par les juges de première instance, qu'il y a lieu pour la Cour d'adopter, les moyens tirés de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination méconnaîtraient les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur l'état de santé et la situation personnelle de MmeB..., doivent être écartés ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

14. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par MmeB..., n'appelle pas de mesures d'exécution ; que ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent, dès lors, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à Mme B...une somme au titre des frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2016 à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président,

Mme Bourion, premier conseiller,

M. Meillier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 juillet 2016.

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N° 14LY03178


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY03178
Date de la décision : 07/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Isabelle BOURION
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : SELARL DESCHAMPS et VILLEMAGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-07-07;14ly03178 ?
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