La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/06/2016 | FRANCE | N°15LY03127

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 5, 23 juin 2016, 15LY03127


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Omnium thermique des grands ensembles (ci-après Omnitherm) a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler le titre de recettes du 12 juillet 2013 d'un montant de 625 753,18 euros émis pour la commune de Valence, de la décharger de cette somme et de mettre à la charge de la commune la somme de 15 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Par un jugement n° 1304912 du 17 juillet 2015, le tribunal administratif de Grenoble a annulé le titre de recettes du 12 jui

llet 2013, déchargé la société Omnitherm de la somme de 625 753,18 euros, mis ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Omnium thermique des grands ensembles (ci-après Omnitherm) a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler le titre de recettes du 12 juillet 2013 d'un montant de 625 753,18 euros émis pour la commune de Valence, de la décharger de cette somme et de mettre à la charge de la commune la somme de 15 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Par un jugement n° 1304912 du 17 juillet 2015, le tribunal administratif de Grenoble a annulé le titre de recettes du 12 juillet 2013, déchargé la société Omnitherm de la somme de 625 753,18 euros, mis à la charge de la commune une somme de 2 000 euros à verser à la société Omnitherm sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 19 septembre 2015 et le 21 mai 2016, ainsi que par un mémoire enregistré le 3 juin 2016 et non communiqué, la commune de Valence, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 juillet 2015 ;

2°) de rejeter la demande de la société Omnitherm ;

3°) de condamner la société Omnitherm à lui verser la somme de 625 753,18 euros ;

4°) de mettre à la charge de la société Omnitherm une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen tiré de l'absence de mentions obligatoires du titre de recettes, invoqué devant les premiers juges, n'est pas fondé ;

- c'est à juste titre que le tribunal a estimé que la créance en cause n'était pas prescrite ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que les quotas de gaz à effet de serre ne constituaient pas des biens de retour et qu'elle n'avait pas vocation à se voir rétrocéder les revenus issus de la cession des quotas ;

- la cession indue de quotas d'émission a diminué la part de risque du délégataire et engendré un déséquilibre des relations contractuelles au détriment de la collectivité ;

- il appartenait au délégataire d'informer le délégant du changement de circonstance de fait et de droit, ce qui aurait permis d'engager une renégociation des clauses financières du contrat ; en s'en abstenant, il a fait preuve de déloyauté contractuelle ;

- à titre subsidiaire, l'encaissement par le délégataire des sommes issues de la cession de quotas constitue un enrichissement sans cause.

Par des mémoires enregistrés les 12 février et 30 mai 2016, la société Omnitherm, représentée par MeA..., conclut à la confirmation du jugement et au rejet de la requête et demande à la cour, le cas échéant, d'annuler le titre de recettes émis le 12 juillet 2013 et de la décharger du paiement de la somme de 625 753,18 euros et, en toute hypothèse, de mettre à la charge de la commune de Valence les dépens et une somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens invoqués ne sont pas fondés ;

- le titre de recettes ne comporte pas de mentions suffisantes s'agissant des voies et délais de recours et est insuffisamment motivé ;

- à titre subsidiaire, c'est à tort que le tribunal a estimé que la créance n'était pas atteinte par la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Samson-Dye,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,

- les observations de MeB..., représentant la commune de Valence, et de Me A..., représentant la société Omnitherm ;

1. Considérant que la commune de Valence a délégué en 1968 le service public du chauffage urbain de la zone à urbaniser en priorité (ZUP) de Valence à la SCET - BETURE, aux droits de laquelle est venue la société Omnitherm ; qu'en tant qu'opérateur de la chaufferie centrale de la ZUP de cette commune, cette société s'est vu attribuer une certaine quantité de quotas de dioxyde de carbone dans le cadre du premier plan national d'affectation de quotas établi pour la période 2005-2007 ; que, pour ces trois années, cette société a cédé ses quotas excédentaires sur le marché dédié et encaissé le produit de ces ventes ; que, suite à une analyse des comptes de son délégataire, la commune de Valence, par délibération du 1er juillet 2013, a décidé de l'émission d'un titre de recettes à son encontre pour un montant de 625 753,18 euros, correspondant au produit de ces cessions, augmenté des intérêts ; que le 12 juillet 2013, le titre de recettes a été émis ; que, saisi par la société Omnitherm, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ce titre de recettes et a déchargé celle-ci de l'obligation de payer cette somme ; que la commune de Valence relève appel de ce jugement ;

Sur le bien-fondé du titre exécutoire :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 229-15 du code de l'environnement : " Les quotas d'émission de gaz à effet de serre délivrés aux exploitants d'installations autorisées à émettre ces gaz ou aux exploitants d'aéronef sont des biens meubles exclusivement matérialisés par une inscription au compte de leur détenteur dans le registre national mentionné à l'article L. 229-16. Ils sont négociables, transmissibles par virement de compte à compte et confèrent des droits identiques à leurs détenteurs. Ils peuvent être cédés dès leur délivrance sous réserve des dispositions de l'article L. 229-18 " ;

3. Considérant que la commune de Valence soutient que les quotas qui ont été cédés par son concessionnaire relèvent de sa propriété, au titre de biens de retour ;

4. Considérant toutefois qu'il y a lieu, pour définir le régime juridique des quotas d'émission de gaz à effet de serre délivrés au titre d'une installation faisant l'objet d'une concession ou d'une délégation de service public, de tenir compte des spécificités du régime de ces biens qui résultent des dispositions législatives mentionnées ci-dessus ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les quotas dont la cession est en cause avaient été, conformément aux dispositions législatives qui viennent d'être rappelées, délivrés à la société Omnitherm, qui avait alors seule la qualité d'exploitante de l'installation ; que la commune de Valence ne pouvait en conséquence se prévaloir d'un droit de propriété dès l'origine sur les quotas ainsi cédés, alors même que ces derniers étaient indispensables au fonctionnement du service public ; que, dans ces conditions, eu égard au régime spécifique auquel ils sont soumis, ces quotas excédentaires ne relèvent pas des biens de retour ;

6. Considérant, par ailleurs, que la convention liant la collectivité à la société Omnitherm n'évoque pas les quotas d'émission de gaz à effet de serre et le sort des revenus issus de leur cession en cours d'exécution du contrat ; que dès lors, la commune de Valence, qui, comme il a été dit, n'était pas propriétaire des quotas qui ont été cédés par son concessionnaire, ne justifie d'aucun droit à obtenir, en cours d'exécution de la convention, la rétrocession des revenus issus de leur vente ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'enrichissement de la société Omnitherm n'était pas dépourvu de cause, mais résultait de sa qualité de détenteur de quotas d'émission de gaz à effet de serre, ce qui lui permettait de les céder ; que, par suite et en tout état de cause, la commune n'est pas fondée à demander une quelconque somme au titre de l'enrichissement sans cause ;

8. Considérant, en outre, qu'aucune disposition législative ou réglementaire ni aucune stipulation contractuelle n'imposait à la société Omnitherm d'informer la collectivité d'une telle vente, ni ne faisait obstacle à ce qu'elle en perçoive la contrepartie ; que la commune n'est dès lors pas fondée à soutenir que son concessionnaire a méconnu son obligation de loyauté contractuelle en encaissant les sommes résultant de la cession de quotas excédentaires, sans l'en informer ;

9. Considérant, enfin, que la commune de Valence invoque une rupture de l'équilibre du contrat de délégation du service public du chauffage urbain; qu'une telle circonstance, si elle était établie, serait de nature à justifier la résiliation du contrat ; qu'elle ne peut cependant être utilement invoquée par une collectivité pour obtenir de son concessionnaire les sommes qu'elle demande au titre d'une cession prétendument indue de quotas de gaz à effet de serre ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Valence n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé le titre exécutoire litigieux et déchargé la société Omnitherm de l'obligation de payer la somme en cause ; qu'elle n'est pas davantage fondée à demander à la cour de condamner cette société à lui verser le montant correspondant au prix de cette cession de quotas excédentaires de dioxyde de carbone ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Omnitherm, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la commune de Valence et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante la somme de 2 000 euros à verser à la société Omnitherm en application des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Valence est rejetée.

Article 2 : La commune de Valence versera à la société Omnitherm la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Valence et à la société Omnitherm.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2016, où siégeaient :

- M. Fraisse, président,

- M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,

- M. Drouet, président-assesseur,

- M. Segado, premier conseiller,

- Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 juin 2016.

N° 14LY00768

N° 15LY03127 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 15LY03127
Date de la décision : 23/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat.

Nature et environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. FRAISSE
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : HELIOS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-06-23;15ly03127 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award