La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/06/2016 | FRANCE | N°15LY00175

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 23 juin 2016, 15LY00175


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble, sous le n° 1402898, d'annuler l'arrêté du 18 avril 2014 du préfet de l'Isère refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, lui interdisant le retour sur ce territoire pendant une durée de deux ans et fixant son pays de destination.

II. Mme B...D..., épouseC..., a demandé au tribunal administratif de Grenoble, sous le n° 1402901, d'annuler l'arrêté du 18 avril 2014 du préfe

t de l'Isère refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le ter...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble, sous le n° 1402898, d'annuler l'arrêté du 18 avril 2014 du préfet de l'Isère refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, lui interdisant le retour sur ce territoire pendant une durée de deux ans et fixant son pays de destination.

II. Mme B...D..., épouseC..., a demandé au tribunal administratif de Grenoble, sous le n° 1402901, d'annuler l'arrêté du 18 avril 2014 du préfet de l'Isère refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, lui interdisant le retour sur ce territoire pendant une durée de deux ans et fixant son pays de destination.

Par un jugement n°s 1402898-1402901 du 14 octobre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2015, M. et MmeC..., représentés par Me Pochard, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 14 octobre 2014 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 18 avril 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de procéder à l'effacement du signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen et de leur délivrer à chacun un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer leur situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil d'une somme de 1 400 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- les décisions de refus de titre de séjour sont insuffisamment motivées et sont entachées d'une erreur de droit et d'un défaut d'examen particulier de leur situation personnelle et familiale, le préfet s'étant borné à indiquer que l'article L. 313-14 n'était pas applicable aux ressortissants algériens, sans apprécier l'opportunité d'une mesure de régularisation ;

- ces décisions méconnaissent les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant et sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle et familiale ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, interdiction de retour sur le territoire français et fixation du pays de destination sont illégales du fait de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour ;

- ces mêmes décisions méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant et sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle et familiale ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus d'octroi d'un délai de départ volontaire méconnaissent en outre les stipulations des articles 7 et 24 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- les décisions de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire sont insuffisamment motivées et sont entachées d'une erreur de droit, dès lors qu'il ne résulte pas de la rédaction de ces décisions que le préfet aurait effectivement examiné leur situation au regard des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- ces décisions sont entachées d'une erreur de droit, dès lors que l'existence d'une précédente mesure d'éloignement non exécutée ne suffit pas à caractériser une soustraction à une mesure d'éloignement au sens du d du 3° du II de l'article L. 511-1 du code précité ;

- les décisions d'interdiction de retour sur le territoire français sont insuffisamment motivées et méconnaissent les dispositions du III de cet article L. 511-1.

Le préfet de l'Isère, à qui la requête a été communiquée, n'a produit aucune écriture.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 décembre 2014. Par une décision du même jour, Mme C...n'a pas été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ou partielle.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant, signée le 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leur famille ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Meillier,

- les conclusions de Mme Chevalier-Aubert, rapporteur public,

- et les observations de Me Pochard, représentant M. et MmeC....

1. Considérant que M. A...C...et Mme B...D..., son épouse, ressortissants algériens nés respectivement en 1969 et 1973, sont entrés en France, selon leurs déclarations, le 25 mai 2009, munis de passeports et de titres de séjours espagnols en cours de validité ; qu'ayant déposé le 9 juin 2009 des demandes de titres de séjour, ils ont tous deux fait l'objet le 2 septembre 2010 d'un arrêté de refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français, dont la légalité a été confirmée le 17 décembre 2010 par le tribunal administratif de Grenoble et le 4 octobre 2011 par la cour administrative d'appel de Lyon ; qu'ils ont sollicité le 27 décembre 2011 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par arrêtés du 18 avril 2014, le préfet de l'Isère a refusé de leur délivrer des titres de séjour, les a obligés à quitter le territoire français sans délai, leur a interdit le retour sur ce territoire pendant une durée de deux ans et a fixé leur pays de destination ; que, par jugement du 14 octobre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les demandes des intéressés tendant à l'annulation de ces arrêtés ; que M. et Mme C...relèvent appel de ce jugement ;

Sur la légalité des arrêtés contestés :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme C...ont quitté l'Algérie en 1999 pour s'installer en Espagne, pays qui leur a délivré des titres de séjour ; qu'ils sont entrés en France en mai 2009, près de cinq années avant les arrêtés contestés ; que s'ils ont l'un et l'autre fait l'objet le 2 septembre 2010 d'un premier arrêté de refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français et se sont maintenus sur ce territoire malgré le rejet de leurs recours contre cet arrêté, ils ont de nouveau sollicité le 27 décembre 2011 la délivrance d'un titre de séjour ; que le préfet leur a alors remis des récépissés de demande de carte de séjour et a renouvelé ces documents pendant l'instruction de leurs demandes, alors qu'il n'était pas tenu de leur délivrer de tels récépissés, s'agissant de deuxièmes demandes de titre de séjour ; que le préfet n'a en outre statué sur ces demandes, pour les rejeter, que le 18 avril 2014, soit deux ans et trois mois plus tard, alors que M. C... faisait preuve d'une volonté d'insertion professionnelle dont témoignent des promesses d'embauche du 10 septembre 2010, en qualité d'ouvrier-bardeur, du 17 janvier 2013, en qualité de chauffeur-livreur, et, peu après les arrêtés litigieux, du 4 juin 2014, en qualité d'agent d'entretien ; que M. et Mme C...ont trois enfants, Smaïn, Sara et Amine, nés respectivement en janvier 1999 en Algérie, en décembre 2005 en Espagne et en juillet 2010 en France ; que ces trois enfants sont scolarisés et ne connaissent pas l'Algérie, Smaïn ayant quitté son pays natal peu après sa naissance et étant entré en France à l'âge de dix ans, Sara étant née en Espagne et étant entrée en France à l'âge de trois ans et demi et Amine étant né en France ; qu'il n'est pas contesté que seul Smaïn comprend et parle la langue arabe, sans l'écrire, et que sa soeur Sara et son frère Amine ne connaissent que la langue française ; que, dès lors, dans les circonstances très particulières de l'espèce, compte tenu notamment du délai mis par le préfet pour statuer sur les demandes de titres de séjour des intéressés, des perspectives professionnelles de M. C...et, surtout, de la situation des enfants du couple, le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses arrêtés sur la situation personnelle des intéressés en refusant de délivrer à M. et Mme C...des titres de séjour, en les obligeant à quitter le territoire français sans délai à destination de l'Algérie et en leur interdisant tout retour sur ce territoire pendant une durée de deux ans ; que, par suite, les arrêtés du 18 avril 2014 doivent être annulés ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. et Mme C...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

4. Considérant, d'une part, que, compte tenu du motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance de certificats de résidence portant la mention " vie privée et familiale " à M. et MmeC... ; que, dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Isère de délivrer aux intéressés de tels titres de séjour dans un délai fixé, dans les circonstances de l'espèce, à deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 511-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les modalités de suppression du signalement d'un étranger effectué au titre d'une décision d'interdiction de retour prise en application du III de l'article L. 511-1 sont celles qui s'appliquent, en vertu de l'article 7 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010, aux cas d'extinction du motif d'inscription au fichier des personnes recherchées " ; et qu'aux termes de l'article 7 du décret du 28 mai 2010 susmentionné : " Les données à caractère personnel enregistrées dans le fichier sont effacées sans délai en cas d'aboutissement de la recherche ou d'extinction du motif de l'inscription (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'annulation des décisions d'interdiction de retour sur le territoire français implique nécessairement l'effacement sans délai des signalements aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen résultant de ces décisions ; qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Isère de procéder à cet effacement à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à Me Pochard, avocat de M.C..., qui a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Pochard renonce à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les arrêtés du 18 avril 2014 du préfet de l'Isère refusant de délivrer des titres de séjour à M. et MmeC..., les obligeant à quitter le territoire français sans délai, leur interdisant le retour sur ce territoire pendant une durée de deux ans et fixant leur pays de destination, ainsi que le jugement n°s 1402898-1402901 du 14 octobre 2014 du tribunal administratif de Grenoble, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de délivrer des certificats de résidence portant la mention " vie privée et familiale " à M. et Mme C...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de procéder sans délai à l'effacement des signalements aux fins de non-admission les concernant dans le système d'information Schengen.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à Me Pochard, avocat de M.C..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Pochard renonce à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., à Mme B...D..., épouseC..., et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2016 à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président,

Mme Bourion, premier conseiller,

M. Meillier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 juin 2016.

''

''

''

''

2

N° 15LY00175


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY00175
Date de la décision : 23/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Charles MEILLIER
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : POCHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-06-23;15ly00175 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award