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23/06/2016 | FRANCE | N°14LY03134

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 23 juin 2016, 14LY03134


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C..., épouseD..., a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté, en date du 25 avril 2014, par lequel le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a désigné le pays à destination duquel elle serait reconduite.

Par un jugement n° 1403213, en date du 17 septembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enreg

istrée le 17 octobre 2014, Mme C..., épouseD..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C..., épouseD..., a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté, en date du 25 avril 2014, par lequel le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a désigné le pays à destination duquel elle serait reconduite.

Par un jugement n° 1403213, en date du 17 septembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 octobre 2014, Mme C..., épouseD..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 septembre 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté susmentionné pour excès de pouvoir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est fondée à solliciter le bénéfice du renouvellement de son titre de séjour en qualité de conjoint de français, dès lors qu'elle établit que la communauté de vie a été rompue en raison de violences conjugales subies de la part de son conjoint ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle pouvait bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile du fait de sa qualité de salariée bénéficiant d'un contrat à durée indéterminée après de la SARL Aber Propreté depuis le 2 janvier 2013 ;

- elle avait d'ailleurs formulé ce souhait de changement de statut dans sa demande de renouvellement de titre de séjour du 31 juillet 2013 ;

- le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour avant de prendre son arrêté et a ainsi méconnu les dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Le préfet de la Haute-Savoie, à qui la requête a été communiquée, n'a produit aucune observation.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi, signé le 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Bourion.

1. Considérant que MmeC..., ressortissante marocaine née en 1970, est entrée en France le 24 mars 2010 sous couvert d'un visa D délivré par les autorités italiennes ; qu'elle a épousé M. D..., ressortissant français, le 23 octobre 2010, et a bénéficié de cartes de séjour en qualité de conjoint de ressortissant français du 18 octobre 2011 au 17 octobre 2013 ; que, par un arrêté du 25 avril 2014, le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui renouveler son titre de séjour, en assortissant ce refus d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et d'une décision fixant son pays de destination ; que Mme C...relève appel du jugement du 17 septembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté :

2. Considérant, en premier lieu, que l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que ce code s'applique " sous réserve des conventions internationales " ; qu'aux termes de l'article 9 de l'accord franco-marocain susvisé : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) " et qu'aux termes de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et peut en accorder le renouvellement. (...) " ;

3. Considérant que lorsque qu'il se prononce tant sur une demande de première délivrance d'un titre de séjour, présentée par un ressortissant étranger conjoint d'un ressortissant français, que sur une demande de renouvellement d'un tel titre, et lorsque le demandeur soutient que la condition de communauté de vie, mentionnée par les dispositions précitées des articles L. 313-11 et L. 313-12, n'est plus satisfaite en raison de violences subies de la part de son conjoint, le préfet doit, dans tous les cas, s'assurer de la réalité de ces violences avant de se prononcer sur ces demandes ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeC..., épouseD..., de nationalité marocaine, entrée régulièrement en France le 24 mars 2010, sous couvert d'un visa D délivré par les autorités italiennes, s'est vu refuser le renouvellement de son titre de séjour par arrêté du préfet de la Haute-Savoie en date du 25 avril 2014, au motif de la rupture de la communauté de vie d'avec son époux français ; que MmeC..., qui ne conteste pas la réalité de la cessation de la communauté de vie, soutient que le préfet aurait dû néanmoins procéder au renouvellement de son titre de séjour, eu égard au fait que cette rupture trouve son origine dans les violences physiques et psychologiques qu'elle a subies de la part de son conjoint ; qu'elle produit notamment à l'appui de ses allégations trois certificats médicaux datés des 26 mars 2012, 8 septembre 2012 et 12 juin 2013 constatant l'existence d'hématomes et de douleurs musculaires et psychologiques ayant entraîné cinq jours d'ITT et d'arrêt de travail et un récépissé de déclaration de main courante effectuée par la requérante le 13 juin 2013 pour " différends entre époux " ; que toutefois ces éléments apportés à l'appui de son récit ne permettent pas, à eux seuls, de retenir l'existence de violences conjugales, précises et avérées, faisant entrer la requérante dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Haute-Savoie a méconnu les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui refusant le renouvellement de son titre de séjour ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

6. Considérant que MmeC..., entrée en France récemment, le 24 mars 2010, à l'âge de quarante ans, n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine ; qu'ainsi, et nonobstant ses efforts d'insertion, notamment professionnelle, sur le territoire français, l'arrêté du 25 avril 2014 du préfet de la Haute-Savoie n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

7. Considérant, en troisième lieu, que Mme C...ne peut utilement invoquer à l'encontre de l'arrêté attaqué la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que sa demande de titre de séjour n'était pas fondée sur cet article ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. " ;

9. Considérant que, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas applicables à un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ; qu'en revanche, elles lui sont applicables lorsqu'il sollicite son admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale ;

10. Considérant, d'une part, qu'eu égard à ce qui a été dit au point 6, Mme C...ne justifie pas d'une situation exceptionnelle ou de considérations humanitaires au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile justifiant la délivrance d'un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale ; que, d'autre part, la seule production d'un contrat de travail ne constitue pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifiant la régularisation de sa situation au titre du travail ; que dès lors le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté ;

11. Considérant, en cinquième lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d' asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 de ce code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12 ainsi que dans les cas prévus à l'article L.431-3. (...) " ; que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 313-11 précité auxquels il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; qu'en l'espèce et ainsi qu'il a été dit ci-dessus, Mme C...ne justifie pas entrer effectivement dans le champ d'application du renouvellement du titre de séjour du 4° de l'article L. 313-11 ; qu'ainsi, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que MmeC..., épouseD..., n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à Mme C..., épouseD..., une somme au titre des frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de MmeC..., épouseD..., est rejetée.

Article 2: Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C..., épouseD..., et au ministre de l'intérieur. Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2016 à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président,

Mme Bourion, premier conseiller,

M. Meillier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 juin 2016.

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N° 14LY03134


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY03134
Date de la décision : 23/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Isabelle BOURION
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-06-23;14ly03134 ?
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