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16/06/2016 | FRANCE | N°14LY02425

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 16 juin 2016, 14LY02425


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Saint-Loup-d'Ordon a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner solidairement la société MPR et M. B...D...à lui payer la somme de 44 686,93 euros, outre valorisation selon indice de construction et intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de la requête, à titre principal, sur le fondement de la responsabilité contractuelle et, à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité décennale, la somme de 5 209,80 euros au titre des frais d'expertise, ainsi qu

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Saint-Loup-d'Ordon a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner solidairement la société MPR et M. B...D...à lui payer la somme de 44 686,93 euros, outre valorisation selon indice de construction et intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de la requête, à titre principal, sur le fondement de la responsabilité contractuelle et, à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité décennale, la somme de 5 209,80 euros au titre des frais d'expertise, ainsi que la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1300118 du 6 mai 20146 mai 2014, le tribunal administratif de Dijon a condamné M. D...à verser à la commune de Saint-Loup d'Ordon, une somme de 44 686,93 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2013, une somme de 5 209,80 euros au titre des frais d'expertise, une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2014, M.D..., représenté par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 6 mai 2014 ;

2°) de débouter la commune de Saint-Loup d'Ordon de toutes ses demandes à son encontre ;

3°) à titre subsidiaire de condamner la société MPR à le garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, intérêts et frais ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Loup d'Ordon et de la société MPR le versement d'une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les travaux ayant été réceptionnés sans réserve le 4 mars 2005, ainsi qu'il a été jugé, la responsabilité contractuelle des constructeurs, que ce soit celle de l'entreprise ou celle de la maîtrise d'oeuvre, ne peut être engagée ;

- aucune faute contractuelle ne peut au surplus être imputée à la maîtrise d'oeuvre dans l'exécution des travaux ainsi que l'a relevé l'expertise, aussi bien concernant les désordres relatifs aux tâches d'humidité que s'agissant des fissures ; s'agissant de l'enduit gelé et des tâches d'humidité, l'expertise retient la responsabilité pleine et entière de la société MPR qui au demeurant a reconnu ses fautes mais qui n'a pas respecté ses engagements envers la commune ; s'agissant des fissures, l'expertise retient là encore la responsabilité pleine et entière de la société MPR ;

- aucune faute contractuelle ne peut de même être imputée à la maîtrise d'oeuvre pour manquement à ses obligations contractuelles à la réception des travaux alors que les défauts qui affectaient l'enduit étaient parfaitement connus du maître d'ouvrage, que l'exposant a constamment demandé à l'entreprise de s'engager à reprendre les désordres, notamment dans des comptes rendus de réunion de chantier remis au maître de l'ouvrage et que ce dernier a néanmoins prononcé la réception des travaux tout en sachant que des reprises d'enduit étaient nécessaires sur la plupart des travaux et que l'entreprise s'était engagée à intervenir ; alors, enfin, que postérieurement à la réception des travaux, les désordres ont été notifiés par le maître d'oeuvre à l'entreprise qui, dans le cadre de la garantie de parfait achèvement, avait l'obligation de les reprendre ;

- dès lors que l'entreprise MPR a commis des fautes dans la réalisation des travaux et que ces fautes sont directement et de manière exclusive à l'origine du dommage, le requérant est fondé à demander à être relevé et garanti par celle-ci de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées contre lui-même dans l'hypothèse où sa responsabilité serait retenue pour défaut de conseil ;

- si le caractère décennal des désordres était retenu, le requérant est également fondé à demander à être relevé et garanti par l'entreprise MPR de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées contre lui-même.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 octobre 2014, la société MPR, représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. D...le versement d'une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité contractuelle des entreprises ne peut plus être invoquée dès lors que la commune a accepté la réception sans réserve et a établi le décompte général et définitif, à une date où elle connaissait l'existence des désordres, ceux-ci étant apparents et alors, au surplus, que l'ouvrage était déjà affecté de problèmes d'humidité ;

- à titre subsidiaire, les désordres étaient apparents à la réception, ce qui fait obstacle à la possibilité d'engager la responsabilité décennale, d'autant qu'il n'est pas établi que ces désordres portent atteinte à la solidité de l'ouvrage ; les désordres touchant les travaux réalisés par l'exposante n'affectent pas au surplus la solidité de l'ouvrage de façon réelle et sérieuse et ne le rendent donc pas impropre à sa destination ;

- il n'appartient qu'à la juridiction judiciaire de connaître de l'appel en garantie formé par M. D...contre la société MPR ; la société MPR ne saurait en outre être appelée à garantir le maître d'oeuvre des condamnations qui seront prononcées à son encontre dès lors que cette entreprise n'a pris aucune part aux manquements caractérisés et retenus par le tribunal à l'encontre de celui-ci.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2014, la commune de Saint-Loup-d'Ordon, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement du 6 mai 2014 du tribunal administratif de Dijon et à ce qu'il soit mis à la charge de M. D... ou qui mieux le devra, le versement d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité contractuelle de la société MPR et de M. D...peut être engagée en l'absence de réception des travaux, le procès-verbal de réception du 4 mars 2005 devant être considéré comme un procès-verbal de complaisance prononcé alors que des travaux restaient à réaliser ;

- la société MPR est responsable des désordres affectant les travaux de rénovation du clocher de l'église en raison d'une mauvaise exécution des travaux ;

- M. D...est également responsable des désordres affectant les travaux de rénovation du clocher de l'église en raison des manquements à sa mission de base et à son obligation de conseil ;

- à titre subsidiaire, les désordres sont de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage et engagent la responsabilité décennale de la société MPR et de M.D... ;

- c'est à bon droit que le tribunal a condamné M. D...à indemniser la commune et à lui verser une somme de 44 686,93 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2013 et une somme de 5 209,80 euros au titre des frais d'expertise.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mesmin d'Estienne,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public.

- et les observations de MeA..., représentant la commune de Saint-Loup-d'Ordon.

1. Considérant que la commune de Saint-Loup d'Ordon a entrepris en 2004 des travaux de restauration du clocher de l'église communale ; que la maîtrise d'oeuvre de ces travaux a été confiée à M. B...D..., architecte, par acte d'engagement du 2 avril 2004, tandis que les travaux du lot n° 1 " maçonnerie pierre de taille sculpture " l'étaient à la société MPR par acte d'engagement du 21 juin 2004 ; que la réception des travaux du lot n° 1 a été prononcée sans réserve avec effet au 4 mars 2005 ; que le projet de décompte général de ce lot a été établi le 30 juin 2005 et signé par le maître d'oeuvre le 19 septembre 2005 ; que le 25 mars 2005, des désordres sous forme de taches affectant les enduits à la chaux de la façade du clocher ainsi que sous forme de fissures avaient été néanmoins signalés par le maître d'oeuvre à l'entreprise ; que la commune de Saint-Loup d'Ordon a saisi le tribunal de grande instance de Sens, qui a désigné un expert par ordonnance du 24 juillet 2008 ; que, sur la base des conclusions du rapport d'expertise déposé le 20 janvier 2010, la commune a demandé au tribunal administratif de Dijon la condamnation in solidum du maître d'oeuvre, M.D..., et de l'entreprise MPR à lui verser la somme de 44 686,93 euros en réparation du préjudice résultant de ces désordres, ainsi qu'une somme de 5 209,80 au titre des frais d'expertise, à titre principal sur le fondement de la responsabilité contractuelle des entrepreneurs et, à titre subsidiaire, sur le fondement de leur responsabilité décennale ; que M. D...a demandé, pour sa part, que la société MPR le garantisse de toutes condamnations susceptibles d'être mises à sa charge ; que M. D...demande l'annulation du jugement du 6 mai 6 mai 2014, par lequel le tribunal administratif de Dijon, après avoir retenu sa responsabilité pour défaut de conseil, l'a condamné à verser à la commune de Saint-Loup d'Ordon une somme de 44 686,93 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2013 ainsi qu'une somme de 5 209,80 euros au titre des frais d'expertise et a rejeté ses conclusions aux fins d'être garanti par la société MPR des condamnations mises à sa charge ;

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les responsabilités :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'après avoir retenu comme date d'achèvement des opérations de réception, celle du 7 mars 2005, M. D...a proposé au maître de l'ouvrage la réception sans réserve de l'ouvrage à la date du 4 mars 2005 ; que l'authenticité du procès verbal de réception de l'ouvrage qui a été contradictoirement signé par M. D...en sa qualité de maître d'oeuvre des travaux de restauration du clocher de l'église communale et par le représentant de l'entreprise MPR et a été visé, le 10 mars 2005, par le maire de la commune de Saint-Loup d'Ordon, n'est pas sérieusement contestée ; que cette réception sans réserve des travaux, qui a été confirmée par l'établissement le 30 juin 2005 d'un projet de décompte général du lot en cause, signé par le maître d'oeuvre le 19 septembre 2005, puis arrêté par le maître de l'ouvrage au montant de 118 434,69 euros TTC le 30 septembre 2005, et accepté par l'entreprise MPR, le 6 octobre 2005, ne faisant état d'aucune réfaction ou pénalité, fait en conséquence obstacle à l'engagement de la responsabilité de ladite entreprise à raison d'éventuels défauts d'exécution de sa mission ; que, dans ces conditions, M. D...et la commune de Saint-Loup d'Ordon ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal a jugé que la responsabilité contractuelle de la société MPR ne pouvait être recherchée ;

3. Considérant, en second lieu, que le maître d'oeuvre qui n'a pas appelé l'attention du maître d'ouvrage sur des malfaçons apparentes et qui a signé sans réserve le procès-verbal de réception définitive ou n'a pas présenté en temps utile d'observations qui puissent faire obstacle à ce que la réception devienne définitive, commet une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage ; qu'il résulte de l'instruction que les désordres affectant l'enduit recouvrant la façade du clocher de l'église de la commune de Saint-Loup d'Ordon étaient apparents lors de la réception des travaux ; que, par suite et alors même que ces désordres ne rendaient pas l'édifice impropre à sa destination et n'entraient pas dans le champ de la garantie décennale, M. D...ne devait pas signer le procès-verbal de réception sans réserve et avait l'obligation d'appeler l'attention de la commune sur ces malfaçons apparentes ou se devait de présenter en temps utile des observations qui auraient pu faire obstacle à ce que la réception devienne définitive, ce qu'il n'a pas fait ; que M. D...n'est dès lors pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon a estimé que la faute qu'il avait ainsi commise était de nature à engager sa responsabilité contractuelle et l'a condamné à payer à la commune de Saint-Loup d'Ordon la somme de 44 686,93 euros ;

En ce qui concerne l'appel en garantie :

4. Considérant que le litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics et opposant des participants à l'exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, quel que soit le fondement juridique de l'action engagée, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé ; que tant M.D..., en sa qualité de maître d'oeuvre, que la société MPR titulaire du lot n° 1 " maçonnerie pierre de taille sculpture ", étaient liés avec la commune de Saint-Loup d'Ordon par une convention de droit public ; qu'il suit de là que, contrairement à ce que soutient la société MPR, les conclusions de M. D...tendant à être relevé et garanti par cette entreprise de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées contre lui-même relèvent de la compétence de la juridiction administrative ;

5. Considérant que, dès lors qu'ainsi qu'il vient d'être dit, la responsabilité contractuelle de M.D..., en sa qualité de maître d'oeuvre, a été engagée pour défaut de conseil du maître d'ouvrage lors des opérations de réception, celui-ci n'est pas fondé, compte tenu du caractère spécifique de cette responsabilité, à rechercher à ce titre à être garanti par un autre constructeur des condamnations à payer à la commune de Saint-Loup d'Ordon les sommes nécessaires à la reprise des enduits du clocher mises à sa charge ; qu'il ne saurait pas davantage être garanti des condamnations mises à sa charge en conséquence des obligations de parfait achèvement qui auraient pu peser sur ladite société ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 6 mai 2014, le tribunal administratif de Dijon, après avoir retenu sa responsabilité pour défaut de conseil, l'a condamné à verser à la commune de Saint-Loup d'Ordon la somme non contestée de 44 686,93 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2013, ainsi que celle de 5 209,80 euros au titre des frais d'expertise ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Loup d'Ordon et de la société MPR qui ne sont pas les parties perdantes, une quelconque somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées sur ce fondement par M. D...doivent, par suite, être rejetées ;

8. Considérant, en second lieu, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Saint-Loup d'Ordon et non compris dans les dépens ainsi que la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société MPR au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : M. D...versera à la commune de Saint-Loup et à la société MPR, chacune, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune de Saint-Loup et de la société MPR est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à la commune de Saint-Loup-d'Ordon et à la société MPR.

Délibéré après l'audience du 26 mai 2016 à laquelle siégeaient :

M. Mesmin d'Estienne, président,

Mme Gondouin, premier conseiller,

Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juin 2016.

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N° 14LY02425


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-02-03 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité contractuelle. Faits de nature à entraîner la responsabilité de l'architecte.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. MESMIN d'ESTIENNE
Rapporteur ?: M. Olivier MESMIN d'ESTIENNE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : SCP DOREY - PORTALIS - PERNELLE - FOUCHARD - BERNARD

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 16/06/2016
Date de l'import : 28/06/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 14LY02425
Numéro NOR : CETATEXT000032771615 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-06-16;14ly02425 ?
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