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14/06/2016 | FRANCE | N°14LY03518

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 14 juin 2016, 14LY03518


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Grenoble la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2004 et 2005.

Par un jugement n° 1103430 du 18 septembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a, en son article 2, déchargé M. D...du montant des revenus distribués correspondant à l'application d'un taux de pertes, d'offerts et de consommation du personnel de la discothèque l'Hacienda

porté de 15 % à 20 % et, en son article 3, rejeté le surplus de la demande de M.D...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Grenoble la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2004 et 2005.

Par un jugement n° 1103430 du 18 septembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a, en son article 2, déchargé M. D...du montant des revenus distribués correspondant à l'application d'un taux de pertes, d'offerts et de consommation du personnel de la discothèque l'Hacienda porté de 15 % à 20 % et, en son article 3, rejeté le surplus de la demande de M.D....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 novembre 2014, M.D..., représenté par Me B... de la SELARL AM Consultants Montélimar, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 septembre 2014 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) à titre principal, de le décharger de ces impositions ; à titre subsidiaire, de prononcer, au titre de l'année 2004, un dégrèvement de 280 755 euros de l'impôt sur le revenu et de 64 219 euros de contributions sociales et, au titre de l'année 2005, un dégrèvement de 288 843 euros de l'impôt sur le revenu et de 66 077 euros de contributions sociales ; en tout état de cause de prononcer le dégrèvement des pénalités pour manquements délibérés.

M. D...soutient que :

- les avis d'imposition méconnaissent les dispositions de l'article L. 253 alinéa 2 du livre des procédures fiscales et l'article 170.3 alinéa 2 du code général des impôts en ce qu'ils mentionnent que les revenus en cause ont été imposés dans la catégorie des revenus fonciers alors qu'ils relèvent de la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;

- la procédure de rectification de la SARL Domaine du Manson est irrégulière pour défaut de débat oral et contradictoire en raison du placement en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire de cette société :

- la méthode de reconstitution de l'administration est critiquable sur quatre points de sorte que le montant des revenus distribués devrait être limité à 52 813 euros au titre de 2004 et à 59 027 euros au titre de 2005 ;

. les recettes vestiaires sont surévaluées et devraient être limitées à 16 720 euros au titre de 2004 et à 18 261 euros au titre de 2005 ; en effet, le vérificateur aurait dû retenir les recettes correspondant aux billets d'entrée au lieu de retenir la capacité maximale d'accueil de la discothèque pour évaluer les recettes vestiaires ; le pourcentage de clients prenant un vestiaire fixé à 30 % est surestimé car le vestiaire n'est utilisé que pendant les mois de novembre à avril ; le carnet de vestiaire correspondant à la période du 14 septembre 2007 au 9 mai 2008, établit que même pendant la saison d'hiver, le vestiaire n'est pas utilisé à proportion du pourcentage retenu par le vérificateur ;

. l'absence de prise en compte de la pratique de demi-tarifs sur les consommations vendues avant minuit, soit sur 20 % des consommations, conduit à une surestimation des recettes de 265 974 euros en 2005 ;

. les quantités offertes sont supérieures à 15 % compte tenu de la pratique de la discothèque des bouteilles offertes par les disc-jockeys et du fait que le droit d'entrée ouvrait droit à un pouvoir d'achat équivalent convertissable en jetons de consommation ;

. la méthode de vérification est critiquable en ce qu'elle n'a porté que sur la cohérence du chiffre d'affaires de la discothèque l'Hacienda sans contrôler les autres établissements de l'EURL Domaine du Manson ; ainsi des recettes de l'Hacienda, réglées par cartes bancaires au moyen de deux terminaux de paiement électronique, ont été comptabilisées à tort dans celles de la Bodega de sorte que pour reconstituer les recettes de la discothèque l'Hacienda il faut rajouter les sommes correspondantes ;

- les pénalités de 40 % pour manquements délibérés ne sont pas fondées car les rectifications ne sont pas fondées et qu'il a été relaxé du chef des poursuites pour fraude fiscale par le tribunal correctionnel de Valence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 février 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre des finances et des comptes publics soutient que :

- la procédure d'imposition est régulière car, en premier lieu, les avis d'impositions sont réguliers et, qu'en tout état de cause, il résulte de la jurisprudence qu'une erreur dans la catégorie d'imposition mentionnée dans un avis d'imposition est sans incidence sur la validité des impositions dès lors la notification de redressement comporte l'exacte qualification des revenus redressés ; en second lieu, le requérant n'établit pas que la société Domaine du Manson aurait été privée d'un débat oral et contradictoire alors que les opérations de contrôle se sont déroulées dans l'entreprise ;

- c'est à bon droit que l'administration a imposé, sur le fondement de l'article 109-1 du code général des impôts, M. D...qui a bénéficié de revenus distribués de la société Domaine du Manson dont il était le maître de l'affaire ; le rejet de la comptabilité est fondé ; la reconstitution des recettes vestiaires doit être maintenue ; le requérant n'établit pas qu'avant minuit, 20 % des boissons étaient vendues à moitié prix ; la contestation d'un taux d'offert établi à 15 % manque en fait dès lors que le taux retenu, après avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur la chiffre d'affaires, est de 20 % ; la ventilation des recettes comptabilisées entre la discothèque l'hacienda et le restaurant Bodega, telle que proposée par le requérant, se traduirait par un recours au paiement par carte bleue non cohérent avec les modalités de paiement de l'exercice clos en 2006, postérieur à la période en litige ;

- les pénalités pour manquement délibéré sont fondées ; en premier lieu, la relaxe de M. D... du chef de fraude fiscale en sa qualité de gérant de la SARL est sans incidence sur son imposition personnelle sur des revenus distribués de par l'indépendance des procédures d'imposition de l'EURL et du requérant et de par l'indépendance des procédures entre la procédure pénale et procédure fiscale alors que le prononcé de la relaxe n'est assorti d'aucune motivation ; en second lieu, l'importance et le caractère répété de la dissimulation de recettes de la discothèque hacienda traduisent la volonté de M.D..., en tant que maître de l'affaire, de s'approprier les sommes correspondant aux recettes éludées.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 13 juillet 2015, M.D..., représenté par MeA..., persiste dans ses précédentes conclusions et demande, en outre, qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il persiste dans ses précédents moyens et soutient, en outre, que :

- la proposition de rectification du 19 décembre 2007 est insuffisamment motivée, d'une part, en ce qu'elle ne mentionne pas le détail et les modalités détermination de la reconstitution du montant des recettes de l'EURL Domaine de Masson et que, si la proposition de rectification adressée le 10 décembre 2007 à cette société a été envoyée à son liquidateur et à M. D...cela n'était qu'en qualité de gérant de cette entreprise ; qu'ainsi il ne peut y avoir de motivation par référence ; d'autre part, parce qu'elle vise à la fois les dispositions de l'article 109-1 1° et de l'article 111c du code général des impôts ;

- les recettes vestiaires sont surévaluées car estimées à partir des carnets à souche relatifs au nombre d'entrée, déduction faite des entrées gratuites correspondant à 5 % des entrées, et en fonction d'un taux d'utilisation de 24 %, elles ne s'élèvent qu'à 18 761 euros et 19 240 euros au titre respectivement de 2004 et de 2005, au lieu du montant de 31 200 euros retenu par l'administration ;

- l'application du principe " non bis in idem " prévu par l'article 4 du protocole n° 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'oppose à ce que les majorations de 40 % appliquées aux rappels d'impôts découlant des distributions correspondant à des recettes dissimulées, soient laissées à sa charge alors qu'il a été mis hors de cause de faits de fraude fiscale par jugement du tribunal correctionnel du 31 mars 2011 ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2016, le ministre des finances et des comptes publics persiste dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et soutient, en outre, que :

- le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de la proposition de rectification n° 2120 qui a été adressée à M. D...le 19 décembre 2007 doit être écarté dès lors qu'il a reçu la proposition de rectification n° 3924 du 10 décembre 2007 (AR du 13/12) relative à l'EURL Domaine du Manson, qui lui a été envoyée en sa qualité de gérant et associé unique de la société à son domicile personnel ;

- le fondement de l'imposition est l'article 109-1 1° du code général des impôts ainsi que l'administration l'a précisé dans son mémoire en défense ; dès lors que la proposition de rectification vise de manière surabondante les articles 109-1 1° et 111 c de ce code, il a été procédé en tant que de besoin à une substitution de base légale ;

- le principe " non bis in idem " ne s'applique pas dès lors que les deux procédures sont indépendantes et qu'il n'interdit pas le prononcé de sanctions fiscales parallèlement aux sanctions infligées par le juge répressif.

Par un mémoire, en réplique, enregistré le 19 mai 2016, M. D...persiste dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et notamment l'article 4 du protocole n° 7 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mear, président-assesseur,

- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant M.D....

1. Considérant que l'EURL Domaine du Manson, dont M.D..., est le gérant et le détenteur de 100 % des parts sociales, est une société qui a comporté quatre établissements, soit " l'Hacienda ", une discothèque-pizzéria, " la salle After ", une salle où a été assuré un service de vente de petits déjeuners et boissons non alcoolisées, ces deux premiers établissements étant comptabilisés ensemble, et, par ailleurs, " le Manson ", un établissement de location de salle et " la Bodega ", un restaurant ; que l'EURL Domaine de Manson a fait l'objet d'une vérification de comptabilité dont il est notamment résulté des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et, des impositions supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de ses exercices clos en 2004 et en 2005 ; que le vérificateur a rejeté la comptabilité de cette société et a procédé à la reconstitution des recettes de l'activité de discothèque ; qu'il a, par ailleurs, rejeté la déduction de charges par la société ; que M.D..., en tant que maître de l'affaire, a été imposé, selon la procédure de rectification contradictoire, au titre de revenus distribués par l'EURL Domaine de Manson et par suite assujetti à des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2004 et 2005, lesquels ont été assortis d'intérêts de retard et de la pénalité de 40 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts ; que par un jugement du 18 septembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a, en son article 2, déchargé M. D...du montant des revenus distribués correspondant à l'application d'un taux de pertes, d'offerts et de consommation du personnel de la discothèque l'Hacienda porté de 15 % à 20 % et, en son article 3, rejeté le surplus de la demande de M. D...; que M. D...relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge intégrale de ces impositions et des pénalités y afférentes et demande, à titre subsidiaire, la réduction de ces impositions et, en tout état de cause, l'entière décharge de la pénalité prévue par l'article 1729 du code général des impôts ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant, en premier lieu, que la régularité de la procédure d'imposition de l'EURL Domaine du Manson est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition de M. D...; que, par suite, son moyen tiré de ce que ladite société n'aurait pas bénéficié dans le cadre de sa vérification de comptabilité d'un débat oral et contradictoire doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...)" ; qu'aux termes de l'article R.* 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) " ;

4. Considérant que la proposition de rectification adressée le 19 décembre 2007 à M. D... mentionne la nature et le montant des rectifications dont a fait l'objet l'EURL Domaine du Manson au titre de la taxe sur la valeur ajoutée et de l'impôt sur les sociétés, lesquelles résultent des dissimulations de recettes révélées par la reconstitution des recettes de l'activité discothèque et de la remise en cause de la déduction de charges dont la date, la nature, le montant et le motif du rejet sont précisémment indiqués ; qu'elle mentionne, en outre, les motifs pour lesquels M. D...est, en tant que maître de l'affaire de l'EURL, imposé dans la catégorie des revenus mobiliers sur les dissimulations de recettes de cette société constitutives pour lui de revenus distribués ; qu'elle précise pour chaque rehaussement le fondement qu'elle a choisi de retenir pour chacune de ces rectifications, soit les articles 109-1 1° et 111 c du code général des impôts ; qu'elle indique les motifs de l'application de la pénalité de l'article 1729 du code général des impôts et les conséquences financières du contrôle en droits et pénalités au titre des années 2004 et 2005 ; que si cette proposition ne mentionne pas le détail et les modalités de détermination de la reconstitution du montant des recettes de l'EURL Domaine de Masson, ainsi que le fait valoir le requérant, elle précise, en son introduction, qu'une notification de rectification relative à l'EURL Domaine du Manson a été adressée le 10 décembre 2007 à son liquidateur et qu'une copie de ce document lui a été adressée le même jour ; que le requérant a ainsi reçu (AR du 13/12/2007), à son nom et à son domicile, la proposition de rectification adressée à la société, régulièrement motivée, qui détaille les modalités de reconstitution des recettes de cette dernière ; que, dans ces conditions, alors même que la proposition de rectification relative à l'EURL Domaine du Manson lui aurait été adressée en qualité de dirigeant de cette société, M. D...n'est pas fondé à soutenir que la proposition de rectification en cause ne répond pas aux exigences de motivation de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

5. Considérant, en troisième lieu, que les irrégularités qui entachent les avis relatifs aux impositions établies par voie de rôle sont sans influence sur la régularité et le bien-fondé de ces impositions ; que, dès lors, M. D...ne peut utilement faire valoir que les avis d'imposition relatifs aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu établies au titre des années 2004 et 2005, mis en recouvrement le 31 octobre 2008, seraient entachés d'une irrégularité en ce qu'ils mentionnent le montant des revenus de capitaux mobiliers imposables sur la ligne correspondant aux revenus fonciers et qu'une telle erreur serait de nature à entraîner la décharge totale des cotisations d'impôt sur le revenu litigieuses ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital " ; qu'aux termes de l'article 110 du même code : " pour l'application de l'article 109-1-1°, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés " ; que M. D...ne conteste que les revenus distribués résultant de la reconstitution de recettes de la discothèque " l'Hacienda " dont l'imposition est fondée sur l'article 109-1 1° du code général des impôts ;

7. Considérant qu'il appartient à l'administration de justifier de l'existence et du montant des bénéfices réintégrés dans la base de l'impôt sur les sociétés à l'origine de la distribution lorsque, comme en l'espèce, le bénéficiaire désigné a refusé les rectifications qui lui ont été proposées ; que l'administration a écarté la comptabilité de l'EURL Domaine du Manson comme non probante et procédé à la reconstitution des chiffres d'affaires de l'activité bar de cette société ; que le requérant ne conteste pas le rejet de cette comptabilité ; qu'il conteste la méthode de reconstitution des chiffres d'affaires de la discothèque " l'Hacienda " et le montant des revenus en résultant ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, compte tenu de la comptabilité globalisée de l'Hacienda et de la Salle After, le vérificateur a reconstitué les recettes relatives à au vestiaire de la discothèque, aux cinq bars et à la pizzéria ; que pour reconstituer, d'une part, le chiffre d'affaires provenant de la pizzeria, il a retenu un prix moyen par pizza de huit euros et un kilogramme de farine pour dix pizzas ; qu'il a constaté l'achat de 200 kilogrammes de farine en 2004 et 109 kilogrammes en 2005 et a appliqué au nombre de pizzas déterminé le prix de vente unitaire de huit euros pour déterminer le chiffre d'affaires afférent à cette activité ; que, d'autre part, pour reconstituer les recettes provenant du vestiaire de la discothèque en l'absence de billetterie, l'administration a retenu, après avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, une fréquentation de 2 000 entrées par semaine et a appliqué, à ce nombre d'entrées, un taux de 30 % de personnes utilisant le vestiaire, en se fondant sur les résultats d'un précédent contrôle ; que les recettes afférentes à cette activité ont été reconstituées en retenant un prix de vestiaire d'un euro ; qu'enfin s'agissant de la vente de boissons, l'administration a déterminé le nombre de bouteilles achetées pondéré de la variation des stocks figurant en comptabilité, en individualisant chaque catégorie de liquide ; qu'elle a pratiqué un dosage des liquides afin de déterminer les unités vendues au verre ; qu'après jugement du tribunal administratif de Grenoble le pourcentage des pertes, des offerts et de la consommation du personnel a été porté à 20 % ;

Sur le montant des recettes de l'activité vestiaire :

9. Considérant que le requérant soutient dans sa requête que les recettes vestiaires ne s'élèvent qu'à 16 720 euros et à 18 261 euros au titre respectivement des années 2004 et 2005 ; qu'il évalue le montant de ces recettes en fonction des recettes constatées pour cette activité au cours de la période du 14 septembre 2007 au 9 mai 2008 durant laquelle un carnet de vestiaire a été tenu et en fonction d'un pourcentage de vestiaire moyen égal à 24 % du nombre d'entrées, pourcentage établi à partir d'une évaluation de l'utilisation du vestiaire en fonction des saisons ; que, dans son mémoire en réplique, il évalue les recettes vestiaires à 18 761 euros et à 19 240 euros à partir du nombre d'entrées, dont il défalque les entrées gratuites estimées à 5 % , et en fonction d'un taux d'utilisation de 24 % ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que les recettes de vestiaire imposées ont été déterminées à partir d'un nombre de clients évalués à 2 000 alors que les capacités d'accueil de l'établissement sont de 3 000 personnes ; que le requérant n'apporte aucun élément au soutien du taux moyen d'utilisation du vestiaire de 24 %, fixé par lui en fonction des saisons, qu'il propose de retenir au lieu du taux de 30 % pris en compte par l'administration ; que la prise en compte des recettes résultant d'un carnet de vestiaire établi au cours de la période du 14 septembre 2007 au 9 mai 2008, soit postérieurement à la période vérifiée, ne peut être retenue en l'absence de contrôle de ces recettes par l'administration qui les conteste et en l'absence de tout élément de nature à établir que les conditions de fonctionnement de l'établissement n'ont pas été modifiées par la société qui en a repris l'exploitation ; que, compte tenu, d'une part, du fait que les carnets d'entrée comportent différents tarifs et qu'un même ticket peut être acheté par plusieurs personnes et, d'autre part, du fait que le vérificateur a établi que le montant des recettes de l'établissement ne correspond pas à la somme des billets d'entrée et de la vente des jetons, la reconstitution des recettes vestiaires à partir des carnets d'entrée que propose le requérant n'apparaît pas plus exacte que celle de l'administration ; que, dans ces conditions, cette dernière établit que les montants des recettes de vestiaire imposées ne sont pas erronés ;

Sur la pratique de demi-tarifs pratiqués sur les boissons avant minuit :

10. Considérant que si M. D...soutient que la discothèque l'Hacienda accordait, selon une pratique qui lui était propre, une réduction de moitié du prix des boissons vendues avant minuit ce qui aurait représenté 20 % de son chiffre d'affaires, soit une surestimation de ses recettes de 265 974 euros en 2005, il ne joint à l'appui de ses dires que des photographies de panneaux et d'un imprimé publicitaire ; qu'en l'absence de tout élément comptable de nature à établir l'existence d'une telle pratique, l'administration est fondée à soutenir que c'est à bon droit qu'elle n'a pas procédé à un telle réduction des recettes de la société ;

Sur la prise en compte de bouteilles offertes par les disc-jockeys :

11. Considérant que M. D...fait valoir que, selon une pratique propre à la discothèque l'Hacienda, des bouteilles étaient offertes par les disc-jockeys et que, le ticket d'entrée à la discothèque donnant droit à un pouvoir d'achat équivalent convertissable en jetons de consommation, les quantités offertes étaient plus importantes dans cet établissement ; que, toutefois, l'administration faisant droit au jugement de première instance du tribunal administratif de Grenoble, a pris un compte un taux de pertes, offerts et consommation du personnel de 20 % et procédé aux dégrèvements correspondants ; qu'aucune pièce ni aucune critique utile ne vient en appel infirmer le taux ainsi retenu ;

Sur la comptabilisation d'une partie des recettes de la discothèque l'Hacienda sur le restaurant La Bodega :

12. Considérant que M. D...soutient que la méthode de reconstitution serait " critiquable " en ce que le vérificateur n'a procédé qu'à la reconstitution des chiffres d'affaires de la discothèque l'Hacienda sans contrôler les autres établissements de l'EURL Domaine du Manson ; qu'à l'appui de ses dires il fait valoir que la discothèque l'Hacienda a utilisé deux terminaux de paiement, l'un à compter de 2003 et l'autre à compter de juillet 2005, rattachés au compte bancaire de la Bodega de sorte que des recettes de l'Hacienda payées par cartes bancaires auraient été encaissées sur le compte bancaire de la Bodega et comptabilisées par ce dernier établissement et qu'il y aurait lieu ainsi de rajouter aux recettes comptabilisées par l'Hacienda les sommes correspondantes ; que, pour les mêmes motifs que ceux retenus par le juge de première instance à l'encontre desquels le requérant ne formule aucune critique utile, le moyen de M. D...tiré de ce qu'une partie des recettes de la discothèque l'Hacienda aurait été comptabilisée dans les recettes de la Bodega et de ce que, par suite, la méthode de reconstitution du vérificateur serait " critiquable " en ce qu'elle ne porte que sur les recettes de l'Hacienda, doit être écarté ;

13. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. D...n'est fondé à demander ni la décharge des impositions d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2003 et 2004 ni la réduction de ces impositions ;

Sur les pénalités :

14. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration. " ; qu'au termes de l'article 4, relatif au droit à ne pas être jugé ou puni deux fois, du protocole n° 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat. ".

15. Considérant, en premier lieu, que, par jugement du 31 mars 2011, le tribunal correctionnel de Valence a, d'une part, relaxé M. D...pour les faits de " soustraction frauduleuse à l'établissement ou au paiement de l'impôt : dissimulation de sommes-fraude fiscale commis courant janvier 2005 et jusqu'au 31 décembre 2006 " et, d'autre part, condamné ce dernier pour " omission d'écritures dans un document comptable : fraude fiscale commis courant janvier 2005 et jusqu'au 31 décembre 2006 " à un emprisonnement de huit mois avec sursis et au paiement d'une amende de 5 000 euros ; que ce jugement ne comporte aucun fait revêtu de l'autorité de chose jugée dont M. D...pourrait se prévaloir à l'encontre de son imposition sur des revenus distribués par la société Domaine du Manson ; que, par ailleurs, le requérant n'ayant pas fait l'objet d'une condamnation pénale, son moyen tiré de ce qu'ayant été relaxé par le tribunal correctionnel pour des faits de dissimulation de recettes, son assujettissement à la pénalité prévue par l'article 1729 du code général des impôts méconnaîtrait les stipulations de l'article 4, relatif au droit à ne pas être jugé ou puni deux fois, du protocole n° 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté ;

16. Considérant qu'en faisant valoir le " caractère manifestement intentionnel de l'appréhension à son profit des recettes dissimulées par la société et de la dimension récidiviste de ce type de comportement frauduleux ", et, eu égard aux fonctions exercées par M. D...au sein de l'EURL Domaine du Manson, l'administration établit le bien-fondé de l'application des pénalités prévues par l'article 1729 du code général des impôts ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus de sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. D...la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. C...D...et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2016 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

Mme Terrade, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 juin 2016.

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N° 14LY03518


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY03518
Date de la décision : 14/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales - Détermination du bénéfice imposable.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables - Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Josiane MEAR
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : BROSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-06-14;14ly03518 ?
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