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31/05/2016 | FRANCE | N°15LY02710

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 31 mai 2016, 15LY02710


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A..., épouseD..., a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du préfet de l'Allier du 13 mars 2015 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par un jugement n° 1500769 du 6 juillet 2015, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 juillet 2015, MmeD..., représentée p

ar Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A..., épouseD..., a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du préfet de l'Allier du 13 mars 2015 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par un jugement n° 1500769 du 6 juillet 2015, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 juillet 2015, MmeD..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 6 juillet 2015 ;

2°) d'annuler les décisions préfectorales pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Allier, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'intervalle, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 013 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant à tort qu'elle n'avait pas fait valoir de considérations humanitaires à l'appui de sa demande de délivrance de titre de séjour ;

- la décision de refus de délivrance de titre de séjour est entachée d'un défaut de motivation au regard de l'admission exceptionnelle au séjour qu'elle devait être regardée comme ayant sollicitée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code précité ;

- elle est entachée d'une erreur de fait quant à l'existence d'une obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de son époux ;

- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code précité ;

- elle est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour, sur le fondement de laquelle elle a été prise.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2015, le préfet de l'Allier conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- Mme D...ne saurait utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont elle ne s'est pas prévalue à l'appui de sa demande de délivrance de titre de séjour ;

- il n'était pas tenu d'examiner d'office la possibilité d'une régularisation administrative à titre exceptionnel sur le fondement de l'article L. 313-14 du code précité ;

- le refus de titre de séjour n'est pas entaché d'erreur de fait quant à l'existence d'une obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de l'époux de MmeD... ;

- il ne méconnaît ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code précité, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision de refus n'étant pas illégale, Mme D...n'est pas fondée à exciper de son illégalité à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français.

Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 septembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Mesmin d'Estienne, président.

1. Considérant que Mme B...A..., épouseD..., ressortissante de la République du Kosovo, née le 25 juin 1983, est arrivée en France accompagnée de son époux et de leur fille le 2 janvier 2013, selon ses déclarations ; qu'elle a vu sa demande d'asile rejetée, en dernier lieu, par la Cour nationale du droit d'asile, le 7 juillet 2014 ; qu'elle a ensuite sollicité la délivrance d'un titre de séjour en faisant valoir sa vie privée et familiale ; que, par arrêté du 13 mars 2015, le préfet de l'Allier lui a opposé un refus, qu'il a assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; que Mme D...fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que si Mme D...soutient que les premiers juges ont méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une telle violation n'est, en tout état de cause, pas de nature à entacher d'irrégularité le jugement attaqué ;

Sur la décision de refus de délivrance de titre de séjour :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;

4. Considérant, d'une part, que l'arrêté du 13 mars 2015, par lequel le préfet de l'Allier a notamment refusé la délivrance d'un titre de séjour à Mme D...sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est régulièrement motivé en droit par le visa de ces dispositions ; qu'il est suffisamment motivé en fait par l'indication en particulier que MmeD..., entrée irrégulièrement en France le 2 janvier 2013, a vécu jusqu'à l'âge de trente ans au Kosovo, où réside toujours un frère et où sa cellule familiale constituée de son époux, également de nationalité kosovare et sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français, et leurs deux enfants nés en 2011 et 2014, pourra se reconstruire ;

5. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du courrier rédigé par l'intéressée le 4 novembre 2014 et de l'imprimé renseigné le même jour, que Mme D...a présenté une demande tendant à la délivrance " d'une carte de séjour pour vie privée et familiale " sans préciser le fondement légal de sa demande ni expressément évoquer l'existence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels ; qu'eu égard aux motifs exposés à l'appui de sa demande, faisant en particulier référence aux raisons ayant justifié son départ du Kosovo, à sa volonté de demeurer en France aux côtés de son époux malade et à ses efforts d'intégration dans ce pays, le préfet de l'Allier ne s'est pas mépris sur la demande dont il était saisi en regardant celle-ci comme présentée sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code précité ; que, dès lors, il n'était pas tenu de l'examiner sur un autre fondement et notamment celui de l'article L. 313-14 du code précité, non évoqué expressément par Mme D... à l'appui de sa demande ; qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...ne peut pas utilement invoquer un défaut de motivation du refus de titre de séjour en litige au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code précité qui n'en constituent pas le fondement légal ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il est constant que l'époux de Mme D...a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en date du 13 mars 2015 ; que, par suite, le préfet de l'Allier n'a pas commis d'erreur de fait en faisant état de l'existence de cette mesure d'éloignement dans l'arrêté du même jour, pris à l'encontre de Mme D... ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code précité : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) " et qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

8. Considérant que Mme D...fait valoir que ses attaches familiales sont désormais en France où elle réside avec son époux et leurs deux filles dont l'aînée est scolarisée en maternelle et où la plus jeune est née le 11 février 2014 ; qu'elle démontre sa volonté d'intégration dans la société française par l'apprentissage de la langue et ses actions de bénévolat au profit d'une association, qui lui ont permis de tisser des liens personnels et sociaux et fait valoir qu'elle doit demeurer aux côtés de son époux souffrant de troubles psychiques pour lesquels il n'existerait pas de traitement approprié au Kosovo ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme D..., qui a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans, ne résidait en France que depuis deux ans à la date de la décision contestée ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de son époux, également sous le coup d'une mesure d'éloignement, exigeait qu'il demeurât en France à la date de l'arrêté en litige ; que Mme D... conserve de fortes attaches familiales au Kosovo où vivent, au moins, trois de ses frères et soeurs, les quatre autres demeurant... ; que rien ne fait obstacle à ce que sa fille aînée puisse poursuivre sa scolarité hors de France et notamment au Kosovo, pays dont tous les membres du foyer ont la nationalité et où la cellule familiale s'est formée et pourra se reconstituer ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et nonobstant les efforts d'insertion sociale en France de D...à travers l'apprentissage de la langue française et son implication dans la vie associative, en refusant de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire, le préfet de l'Allier n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus ; qu'il n'a, par suite, méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code précité, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

9. Considérant qu'il résulte de l'examen de la légalité de la décision de refus de délivrance de titre de séjour, que Mme D...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'État des frais exposés par elle devant la cour et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., épouse D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Allier.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2016 à laquelle siégeaient :

M. Mesmin d'Estienne, président,

Mme Gondouin, premier conseiller,

Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 mai 2016.

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N° 15LY02710


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY02710
Date de la décision : 31/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. MESMIN d'ESTIENNE
Rapporteur ?: M. Olivier MESMIN d'ESTIENNE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : LYONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 06/09/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-05-31;15ly02710 ?
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