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19/05/2016 | FRANCE | N°15LY03267

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 19 mai 2016, 15LY03267


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2014 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit.

Par un jugement n° 1501018 du 9 juin 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregi

strés les 8 octobre et 22 décembre 2015, M. B..., représenté par Me Duplantier, demande à la cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2014 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit.

Par un jugement n° 1501018 du 9 juin 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 octobre et 22 décembre 2015, M. B..., représenté par Me Duplantier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 9 juin 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Rhône du 30 octobre 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de reprendre l'instruction de son dossier en l'admettant au séjour dans l'attente, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 74 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- son appel n'est pas tardif ;

- l'arrêté est entaché d'une omission concernant le nombre de ses enfants qui révèle que l'administration ne s'est pas livrée à un examen approfondi de sa situation personnelle et familiale ; l'administration l'avait convoqué afin qu'il remette des pièces complémentaires, parmi lesquelles figurait l'acte de naissance de son troisième enfant ;

- c'est à tort que le tribunal a écarté les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation entachant le refus de titre de séjour ; il justifie d'attaches familiales en France, où résident sa compagne et leurs trois enfants, ainsi que ses parents et d'autres membres de sa famille ; la réalité et l'intensité du lien conjugal est établie, le couple ayant eu trois enfants nés en 2011, 2012 et 2014 ; sa cellule familiale ne peut s'implanter dans son pays d'origine, où il serait privé de ses parents résidant en France, sa mère ayant le statut d'adulte handicapé et nécessitant des soins, et sa compagne résidant en France depuis plus de 10 ans ; le tribunal n'a pas pris en considération la réalité de sa vie privée et familiale découlant de la présence en France de ses trois enfants et des liens qu'il entretient avec eux ; la vie commune est plus ancienne et avérée que le tribunal ne l'a retenu, au regard notamment des éléments mentionnés dans sa demande de titre de séjour du 5 mars 2014, produits par le préfet ;

- le refus de titre de séjour est entaché de vice de procédure en absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- l'obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour.

Par un mémoire enregistré le 9 décembre 2015, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. B...une somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'il n'est pas porté d'atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé car il se maintenait sur le territoire national en situation irrégulière, qu'il ne peut utilement se prévaloir de la cellule familiale construite alors qu'il ne disposait d'aucun droit au séjour, que l'ancienneté de la vie commune n'est en toute hypothèse pas établie et ne peut être présumée établie qu'à compter du 28 juillet 2014, qu'il a la possibilité d'épouser sa compagne en vue de prétendre au regroupement familial, qu'il n'établit pas être dans l'impossibilité de vivre dans son pays d'origine avec son épouse, ni être dépourvu d'attaches familiales en Géorgie.

Par deux décisions du 7 septembre 2015 et du 3 novembre 2015, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité des demandes d'aide juridictionnelle de M.B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Samson-Dye.

1. Considérant que M.B..., ressortissant géorgien né le 16 juin 1985, est entré en France pour la dernière fois au début de l'année 2011 ; qu'après plusieurs demandes d'asile et demandes de titre de séjour, il a sollicité, en dernier lieu, une carte de séjour temporaire en se prévalant de sa situation familiale ; que, par arrêté du 30 octobre 2014, le préfet du Rhône lui a opposé un refus, qu'il a assorti d'une obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant le pays de renvoi ; que M. B...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur la légalité des décisions préfectorales litigieuses :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a eu trois enfants, nés en janvier 2011, en avril 2012 et en juillet 2014, avec MmeC... ; que, si l'arrêté litigieux relève que l'acte d'état civil du deuxième enfant du couple mentionnait des adresses différentes pour chacun des parents, pour en déduire que la communauté de vie était récente, l'intéressé avait indiqué au tribunal que deux adresses différentes figuraient sur l'acte de naissance de son deuxième enfant car il n'avait alors pu présenter qu'une attestation de sécurité sociale établie alors qu'il vivait chez ses parents, ce qui est crédible ; que, surtout, il ressort d'autres pièces du dossier que M. B... avait déclaré vivre chez Mme C..., au plus tard, dès janvier 2012, puisqu'il avait communiqué cette adresse à l'office français de protection des réfugiés et apatrides, ainsi qu'en atteste la décision de cette autorité du 23 janvier 2012, et ainsi que le révèle la décision portant refus de titre du séjour du 11 juin 2012 ; qu'ainsi, au regard de l'ensemble des pièces du dossier, la vie commune doit être regardée comme établie à compter du début de l'année 2012 ; que, par ailleurs, MmeC..., si elle est également de nationalité géorgienne, réside en France depuis septembre 2001, ainsi que le mentionne une attestation de scolarité, soit depuis l'âge de 12 ans ; qu'il n'est pas contesté qu'elle y réside constamment depuis lors, soit depuis 13 ans à la date de l'arrêté en litige, et qu'elle justifie bénéficier d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; que tant les parents du requérant que ceux de sa compagne résident en France, en situation régulière ; que, dans ces conditions, le refus de titre de séjour opposé à M.B..., alors même qu'il conserve des attaches dans son pays d'origine, porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette mesure a été prise et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cette illégalité, qui justifie l'annulation du refus de titre de séjour, entraîne, par voie de conséquence, l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et désignation du pays de renvoi ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;

5. Considérant que le présent arrêt, qui annule les décisions du préfet du Rhône du 30 octobre 2014 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde et en absence de changement de circonstances, que l'autorité compétente délivre un titre de séjour à M. B...; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de sa notification ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le préfet du Rhône demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

7. Considérant, en second lieu, que Me Duplantier, avocat de M.B..., ne peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, pour demander qu'une somme lui soit versée, dès lors que le bénéfice de l'aide juridictionnelle n'a pas été accordé à M.B..., dont la caducité de la demande a été constatée ; que, dès lors, les conclusions tendant au versement d'une somme au profit du conseil du requérant ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon n° 1501018 du 9 juin 2015 et les décisions du préfet du Rhône du 30 octobre 2014 portant refus de titre à M. A...B..., obligation de quitter le territoire français et désignation du pays de retour sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à M. A...B...dans le délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 28 avril 2016, où siégeaient :

- M. Mesmin d'Estienne, président,

- Mme Gondouin, premier conseiller,

- Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 mai 2016.

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N° 15LY03267


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY03267
Date de la décision : 19/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MESMIN d'ESTIENNE
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : DUPLANTIER - MALLET GIRY - ROUICHI

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-05-19;15ly03267 ?
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