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19/05/2016 | FRANCE | N°14LY02005

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 19 mai 2016, 14LY02005


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...D...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision, en date du 12 juillet 2012 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, annulé la décision de l'inspectrice du travail de l'unité départementale de l'Ardèche en date du 16 janvier 2012 refusant d'autoriser son licenciement pour motif économique et, d'autre part, autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1206126 du 15 avril 2014, le tribunal adm

inistratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...D...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision, en date du 12 juillet 2012 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, annulé la décision de l'inspectrice du travail de l'unité départementale de l'Ardèche en date du 16 janvier 2012 refusant d'autoriser son licenciement pour motif économique et, d'autre part, autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1206126 du 15 avril 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 juin 2014, présentée pour Mme F...D..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 avril 2014 ;

2°) d'annuler la décision du 12 juillet 2012 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la décision litigieuse a été prise tardivement dès lors qu'une décision implicite était née du silence gardé par le ministre sur le recours hiérarchique ;

- la demande d'autorisation de licenciement et le recours hiérarchique ont été présentés par une personne incompétente ;

- l'employeur n'a pas respecté ses obligations de reclassement ;

- il existe un lien entre le licenciement et ses mandats compte tenu notamment des conditions irrégulières dans lesquelles les critères de licenciement ont été définis.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2014, présenté pour la SAS GPV Navarre Diffusion représentée par ses mandataires judiciaires et pour la SAS GPV France, il est conclu au rejet de la requête et à la mise à charge de Mme D...d'une somme de 3 000 euros à verser à chacun d'eux.

Il est soutenu que :

- la requête est irrecevable en raison d'un défaut de motivation au regard de la décision CE 11 juin 1999 OPHLM de Caen ;

- le ministre a rendu la décision litigieuse dans le délai de quatre mois qui lui était imparti ;

- la demande d'autorisation de licenciement et le recours hiérarchique ont été présentées par une personne ayant compétence pour le faire ;

- il ne relève pas de la compétence de l'autorité administrative de vérifier l'application des critères de licenciements et, en toute hypothèse, ils ont été fixés régulièrement et sont parfaitement conformes et il n'y a avait pas lieu à l'application desdits critères pour la requérante en l'absence de mobilité et du fait de la suppression de tous les postes de sa catégorie professionnelle ;

- l'obligation de reclassement interne a été respectée ;

- le respect par l'employeur de l'obligation de reclassement externe ne relève pas de l'autorité administrative, cette dernière doit seulement vérifier l'absence de discrimination dans l'accès à ces mesures ; elle a présenté des propositions de reclassement externe ; le poste d'assistante commerciale dont le recrutement a été réalisé en février 2012 ne pouvait lui être proposé car ne correspondant pas à son profil professionnel ;

Par une lettre du 7 août 2015 le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a été mis en demeure, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, de produire ses conclusions en réponse à la requête.

Par un mémoire, enregistré le 28 septembre 2015, présenté pour Mme D..., il est conclu aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens.

Elle soutient en outre que la requête est recevable.

Par ordonnance en date du 30 septembre 2015 la clôture d'instruction a été fixée au 19 octobre 2015, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Segado,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., représentant MmeD..., et de MeC..., représentant la SAS GPV Navarre Diffusion représentée par ses mandataires judiciaires et la SAS GPV France .

1. Considérant que Mme D...occupait au sein de la société GPV Navarre Diffusion un emploi d'ouvrière collage-main ; que, par ailleurs, elle détenait au sein de cette entreprise les mandats de déléguée du personnel, de membre du comité d'entreprise et de déléguée syndicale ; que, par un jugement du 27 septembre 2011, le tribunal de commerce d'Aubenas a, dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de cette société, arrêté la cession de l'entreprise au profit de la société Mayer Kuvert Network et autorisé l'administrateur judiciaire à procéder au licenciement des 258 salariés dont l'activité et la catégorie n'étaient pas reprises dans le cadre de cette cession ; que l'autorisation de licencier MmeD... pour motif économique a été sollicitée par un courrier du 1er décembre 2011 ; que, par une décision en date du 16 janvier 2012, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement ; qu'à la suite d'un recours hiérarchique formé par l'employeur contre cette décision de refus, le ministre chargé du travail a, par une décision du 12 juillet 2012, d'une part, annulé la décision de l'inspecteur du travail de l'unité départementale de l'Ardèche en date du 16 janvier 2012 refusant l'autorisation de licenciement et, d'autre part, autorisé le licenciement de cette salariée ; que Mme D...relève appel du jugement du 15 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ministérielle ;

2. Considérant, en premier lieu, que, par un courrier en date du 27 février 2012 la société a formé un recours hiérarchique contre la décision du 16 janvier 2012 par laquelle l'inspecteur du travail avait refusé d'autoriser le licenciement économique de Mme D...; qu'il est constant que le ministre a reçu ce recours le 12 mars 2012 ; qu'ainsi, à la date du 12 juillet suivant, à laquelle le ministre a statué pour annuler sur motif de légalité la décision de l'inspecteur du travail et autoriser le licenciement de MmeD..., le délai de quatre mois au terme duquel une décision implicite de rejet aurait été acquise n'était pas écoulé ; que la décision explicite doit être regardée comme ayant été arrêtée à la date qu'elle mentionne comme étant celle de sa signature, soit le 12 juillet, et que par conséquent la circonstance que la lettre de notification de cette décision est datée du 17 juillet 2012 ou que l'intéressée n'en a reçu notification que le 19 du même mois, est sans incidence sur le cours et l'expiration du délai sus évoqué de quatre mois ; que, par suite, et contrairement à ce que soutient la requérante, en statuant le 12 juillet 2012 sur le recours administratif qui lui avait été soumis, le ministre n'a pas tardivement retiré une décision implicite de rejet ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions combinées de l'article L. 1224-1 du code du travail et des dispositions des articles L. 631-22 et L. 642-5 et suivants du code de commerce, que si la cession de l'entreprise en redressement judiciaire arrêtée par un jugement du tribunal de commerce entraîne en principe, de plein droit, le transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et, par voie de conséquence, la poursuite par le cessionnaire des contrats de travail attachés à l'entreprise cédée, conformément aux dispositions de l'article L. 1244-1 du code du travail citées, il peut être dérogé à ces dispositions lorsque le plan de redressement prévoit des licenciements pour motif économique, à la condition, prévue par les dispositions de l'article L. 642-5 du code de commerce et de l'article R. 631-36 dudit code du commerce dans sa version alors applicable, d'une part, que le plan de cession ait prévu les licenciements devant intervenir dans le délai d'un mois après le jugement arrêtant le plan, d'autre part, que ce jugement indique le nombre de salariés dont le licenciement est autorisé, ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le plan de cession de la société GPV Navarre Diffusion dont Me B... était administrateur judiciaire, à la société Mayer Kuvert Network, avec faculté de substitution à deux nouvelles filiales, a été arrêté par un jugement du 27 septembre 2011 du tribunal de commerce d'Aubenas ; que ce jugement indiquait notamment que l'administrateur devrait procéder, dans le mois, au licenciement des salariés dont l'activité et la catégorie n'étaient pas reprises et fixait le nombre de ces salariés licenciés selon une liste annexée au jugement ; que la demande d'autorisation de licenciement de Mme D... datée du 30 novembre 2011 et adressée à l'inspection du travail a été signée par Me A... B...et comportait son cachet ; que, par suite, et contrairement à ce que soutient la requérante, quand bien même ce courrier portait l'entête de " GPV groupe " et comportait aussi la signature du président de " GPV Groupe ", elle devait être regardée, dans le cadre de la procédure en cours, comme ayant été également présentée par l'administrateur judiciaire, lequel avait qualité, eu égard au jugement du tribunal de commerce du 27 septembre 2011 et notamment aux dispositions des articles L. 631-22 et L. 642-5 et R. 631-36 du code de commerce, pour demander l'autorisation de licencier MmeD... ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cette demande d'autorisation de licenciement a été présentée par une personne n'ayant pas qualité et intérêt pour le faire doit être écarté ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le recours hiérarchique daté du 27 février 2012 a été signé, d'une part, par le directeur général de la société GPV France, société filiale de la société Mayer Kuvert Network et qui s'est substituée à cette dernière concernant cette cession et, d'autre part, par Me A...B...en sa qualité d'administrateur judiciaire, et comportait en outre le cachet de ce dernier ; que contrairement à ce que soutient MmeD..., la circonstance que l'inspecteur du travail avait refusé d'autoriser son licenciement ne privait pas MeB..., administrateur judicaire compétent à ce titre pour procéder aux licenciements, au besoin sur autorisation spéciale, s'agissant des salariés protégés, de la qualité nécessaire pour former un recours hiérarchique devant le ministre et contester ce refus, lequel n'était pas devenu définitif, et solliciter l'autorisation de licencier MmeD... ; qu'en outre, la société GPV France, entreprise cessionnaire, qui s'était associée au même recours hiérarchique, avait intérêt à contester la décision de l'inspecteur du travail dès lors qu'en raison de ce refus et au regard des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, elle était exposée au risque d'une demande de la salarié en vue de sa réintégration au sein de l'entreprise cessionnaire ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que lorsque le plan de cession arrêté par le tribunal de commerce prévoit des licenciements devant intervenir dans le mois suivant le jugement, les contrats de travail des salariés licenciés en exécution de ce jugement ne sont pas transférés à l'entreprise cessionnaire ; que, par suite, l'entreprise cédante, qui demeure l'employeur de ces salariés, y compris lorsque ceux-ci bénéficient d'un statut protecteur, ne peut les licencier, en application de l'article L. 1233-4 du code de travail, que lorsque " le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient " ; que si l'entreprise cédante doit chercher à reclasser un salarié dont le licenciement est envisagé dans l'ensemble des entités dont elle assure encore la direction effective ou du groupe d'entreprises auquel elle appartient, cette recherche ne s'étend pas à l'entreprise cessionnaire, notamment pas aux entités cédées qui sont déjà passées sous la direction effective de cette dernière ;

7. Considérant que, concernant le respect par l'employeur de son obligation de reclassement interne, il ressort des pièces du dossier que la société GPV Navarre diffusion ne disposait pas de possibilité de reclassement en son sein ; que, par ailleurs, les autres sociétés du groupe auquel elle appartenait ont été sollicitées en son nom, notamment par plusieurs courriels ; que ces sociétés ont fait connaître qu'elles ne disposaient d'aucun poste de reclassement vacant ; que, par ailleurs, il est constant que la société GPV Navarre diffusion a adressé à Mme D...une lettre relative à l'application des critères d'ordre de licenciement, en sollicitant notamment qu'elle fasse connaitre ses souhaits en matière de mobilité ; que l'intéressée n'a pas répondu à ce courrier et pouvait alors être regardée comme n'ayant pas entendu donner suite à cette offre sous condition de mobilité ; qu'il ressort de même du dossier que GPV Navarre diffusion lui a encore demandé si elle souhaitait bénéficier d'offres de reclassement interne, mais à l'étranger, et que, là non plus, Mme D...n'a pas souhaité se prononcer ; que la requérante ne produit aucun élément de nature à contester effectivement l'absence de poste de reclassement interne tant au sein de la société, qu'au sein des autres sociétés du groupe, et le caractère sérieux des recherches ainsi menées par son employeur ;

8. Considérant par ailleurs qu'il n'appartient pas à l'autorité administrative d'apprécier le respect par l'employeur de ses obligations de reclassement externe ; qu'en revanche, il lui revient de s'assurer que les salariés protégés ont accès dans des conditions non discriminatoires aux mesures de reclassement externe prévues par le plan social accompagnant la mesure de licenciement pour motif économique ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des offres de reclassement externe au sein de la société GPV France et du groupe Mayer Kuvert Network qui lui ont été transmises, que l'accès de Mme D...aux offres externes a revêtu un caractère discriminatoire par rapport aux autres salariés de la société ;

9. Considérant en outre que la circonstance qu'une assistante commerciale a été recrutée en février 2012 au sein de GPV France, entreprise cessionnaire, et que ce poste n'a pas été proposé à Mme D... ne saurait à lui seul révéler un manquement de son employeur à ses obligations de reclassement et une attitude discriminatoire, alors que l'intéressée, même avec une formation d'adaptation, ne pouvait pas offrir la qualification requise pour occuper ce poste et que son employeur n'était dès lors pas tenu de le lui proposer ;

10. Considérant, en cinquième lieu, qu'il n'appartient pas à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique, de vérifier sa conformité aux critères fixés par un accord collectif déterminant l'ordre des licenciements ;

11. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existe un lien entre les mandats détenus par Mme D...et son licenciement, l'intéressée ne produisant notamment aucun élément permettant de constater que les conditions dans lesquelles l'accord collectif conclu entre l'employeur et deux organisations syndicales concurrentes de celle à laquelle elle même appartient, ou encore la définition des catégories professionnelles et des critères d'ordre de licenciement contenue dans ledit accord, révèleraient une attitude discriminatoire à son égard à raison des mandats qu'elle détient ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la SAS GPV France et les mandataires judiciaires de la SAS GPV Navarre Diffusion, que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, enfin, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées pour la SAS GPV France et les mandataires judiciaires de la SAS GPV Navarre Diffusion au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées pour la SAS GPV France et les mandataires judiciaires de la SAS GPV Navarre Diffusion au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...D..., au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, à la société GPV France et au Groupe GPV Navarre diffusion représenté par ses mandataires judiciaires.

Délibéré après l'audience du 29 avril 2016 à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Segado, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 mai 2016.

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N° 14LY02005


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY02005
Date de la décision : 19/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: M. Juan SEGADO
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SCP BOUTHIER-PERRIER DELOCHE NINOTTA

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-05-19;14ly02005 ?
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