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17/05/2016 | FRANCE | N°14LY01673

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 17 mai 2016, 14LY01673


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2013 par lequel le ministre de l'éducation nationale lui a infligé la sanction de mise à la retraite d'office et de le rétablir dans ses droits à compter de la date de l'arrêté contesté.

Par un jugement n° 1302363 du 21 mars 2014, le tribunal administratif de Dijon a annulé cet arrêté du 17 juillet 2013 et a enjoint à la ministre chargée de l'éducation nationale de procéder à la réintégration de M.

A...et de statuer à nouveau sur sa situation dans un délai de quatre mois.

Procédure deva...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2013 par lequel le ministre de l'éducation nationale lui a infligé la sanction de mise à la retraite d'office et de le rétablir dans ses droits à compter de la date de l'arrêté contesté.

Par un jugement n° 1302363 du 21 mars 2014, le tribunal administratif de Dijon a annulé cet arrêté du 17 juillet 2013 et a enjoint à la ministre chargée de l'éducation nationale de procéder à la réintégration de M. A...et de statuer à nouveau sur sa situation dans un délai de quatre mois.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le 26 mai 2014, et un mémoire complémentaire, enregistré le 16 octobre 2015, la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 21 mars 2014 ;

2°) de rejeter la demande de M.A....

Elle soutient que :

- la circonstance que le juge pénal ait considéré qu'il n'y avait pas lieu de prononcer à l'égard de M. A...la peine complémentaire d'interdiction d'exercer ses fonctions d'enseignant est, par elle-même, sans influence sur le bien-fondé de la sanction disciplinaire ; l'absence de peine complémentaire ne aurait être assimilée à une autorisation de reprise de fonction ;

- la circonstance que les faits se sont produits en dehors du service est sans incidence sur le bien fondé de la sanction ; l'intéressé ayant été pénalement condamné pour des "faits d'agression sexuelle sur un mineur de quinze ans par personne abusant de l'autorité de sa fonction", ceux-ci ne peuvent être regardés comme ayant été commis dans la sphère privée ; M. A... se trouvait en position d'autorité au cours du stage comme lorsqu'il dispense ses enseignements ; les victimes n'ignoraient pas sa qualité d'enseignant ; les faits reprochés ne relèvent pas d'un acte d'égarement isolé ; l'administration ne peut courir le risque que les agissements en cause puissent se reproduire, quand bien même le rapport d'expertise estime ce risque faible ; le lien de confiance entre M. A...et son employeur est rompu ; les agissements de M. A...portent atteinte à l'image du service public de l'enseignement, au regard, notamment, de la mission permanente et fondamentale de protection de la jeunesse qui incombe aux personnels enseignants ;

- elle s'en rapporte, pour le surplus, à ses écritures de première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2014, M.A..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que, comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges, la sanction qui lui a été infligée est disproportionnée ; il appartenait au ministre de s'attacher aux circonstances dans lesquelles les faits sont intervenus ; le ministère public, à l'audience correctionnelle, n'a pas jugé utile de requérir la peine complémentaire d'interdiction définitive ou temporaire de l'exercice professionnel ; le risque de récidive a été jugé comme faible ; il a immédiatement reconnu les faits ; le rectorat ne l'a pas suspendu immédiatement de ses fonctions puisqu'il a repris son activité d'enseignement normalement à la rentrée 2011 et l'a exercée sans problème pendant plus d'un an avant d'être suspendu ; aucun incident ne s'est jamais produit au cours de sa carrière professionnelle ; il a exprimé ses regrets aux victimes et à leur famille et engagé un suivi psychologique immédiatement après les faits ; pour des faits similaires, le Conseil d'Etat a estimé qu'une exclusion temporaire d'un an était manifestement disproportionnée.

Par ordonnance du 27 octobre 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 novembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- le décret n° 72-580 du 4 juillet 1972 relatif au statut particulier des professeurs agrégés de l'enseignement du second degré ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Peuvrel, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Clément, rapporteur public ;

- et les observations de MeB..., pour M.A....

1. Considérant M. C...A..., professeur agrégé né en 1958, qui enseignait les sciences de la vie et de la terre au lycée Parriat à Montceau-les-Mines depuis le 1er septembre 1986, a, à la suite de faits qui se sont déroulés les 17 et 18 juin 2011, été condamné, par jugement du tribunal correctionnel de Chalon-sur-Saône du 15 octobre 2012, à une peine de deux ans d'emprisonnement assortie d'un sursis simple pour agression sexuelle sur deux mineurs de quinze ans par personne abusant de l'autorité de sa fonction ; qu'une procédure disciplinaire a alors été engagée à son encontre ; que la commission administrative paritaire des professeurs agrégés, siégeant en formation disciplinaire, s'est prononcée, en sa séance du 11 avril 2013, pour la sanction de la mise à la retraite d'office, par sept votes favorables et une abstention ; que la ministre de l'éducation nationale a, par arrêté du 17 juillet 2013, prononcé la sanction de mise à la retraite d'office à compter de la notification de la décision ; que M. A...a saisi le tribunal administratif de Dijon d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté ; que la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche relève appel du jugement du 21 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé son arrêté du 17 juillet 2013 prononçant la mise à la retraite d'office de M. A...et lui a enjoint de réexaminer sa situation ;

Sur la légalité de l'arrêté ministériel du 17 juillet 2013 :

2. Considérant que, lorsque les faits commis par un agent public donnent lieu à la fois à une action pénale et à des poursuites disciplinaires, l'administration peut se prononcer sur l'action disciplinaire sans attendre l'issue de la procédure pénale ; que si elle décide néanmoins de différer sa décision en matière disciplinaire jusqu'à ce que le juge pénal ait statué, il lui incombe, dans le choix de la sanction qu'elle retient, de tenir compte non seulement de la nature et de la gravité des faits répréhensibles mais aussi de la situation d'ensemble de l'agent en cause, à la date à laquelle la sanction est prononcée, compte tenu, le cas échéant, des éléments recueillis, des expertises ordonnées et des constatations faites par le juge pénal ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'au cours d'un stage de plongée sous-marine de trois jours organisé au Lavandou par le club Thalassa de Montceau-les-Mines, dont il était membre depuis une dizaine d'années et où il était moniteur de plongée, M. A...s'est livré à des attouchements sexuels sur deux mineurs âgés de quatorze ans ; que, si ces faits sont de nature à justifier une sanction disciplinaire, ils ont été commis en dehors de tout cadre professionnel, durant un stage de plongée organisé par une structure privée ; que ces faits isolés ont été reconnus par l'intéressé, qui s'en est excusé et a, dès la rentrée 2011 et avant le dépôt de plainte, engagé un suivi psychiatrique, puis psychologique ; que l'expertise psychiatrique effectuée par le docteur Alloy a conclu à l'absence de pulsion pédophile, de personnalité perverse et d'élément classiquement retenu comme facteur de dangerosité et indiqué que le risque de réitération apparaissait faible, notamment en raison du haut degré de culpabilité ressentie ; qu'au vu, notamment, de cette expertise, le juge pénal n'a pas prononcé de peine complémentaire à l'encontre de M.A..., celui-ci ayant d'ailleurs poursuivi son activité professionnelle normalement pendant un an avant d'être suspendu de ses fonctions, puis sanctionné ; que, dans ces conditions, et eu égard à la manière de servir de l'intéressé et à sa situation, telle qu'elle se présentait dans son ensemble à la date de l'arrêté contesté, la sanction retenue par la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche est disproportionnée ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé son arrêté du 17 juillet 2013 et lui a enjoint de procéder à la réintégration de M. A...et de statuer à nouveau sur sa situation ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

5. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. A...demande au titre de ses frais non compris dans les dépens sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche est rejeté.

Article 2 : Les conclusions de M. A...tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Délibéré après l'audience du 6 avril 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Boucher, président de chambre ;

- M. Drouet, président-assesseur ;

- Mme Peuvrel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 mai 2016.

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N° 14LY01673


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01673
Date de la décision : 17/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04-01 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions. Erreur manifeste d'appréciation.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: Mme Nathalie PEUVREL
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : ADIDA et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-05-17;14ly01673 ?
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