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12/05/2016 | FRANCE | N°15LY03306

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 12 mai 2016, 15LY03306


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler les décisions en date du 14 novembre 2014 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé un délai de départ volontaire de trente jours et a désigné le pays à destination duquel il serait reconduit d'office ;

- d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie priv

ée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement sous astre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler les décisions en date du 14 novembre 2014 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé un délai de départ volontaire de trente jours et a désigné le pays à destination duquel il serait reconduit d'office ;

- d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1500916 du 18 juin 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 octobre 2015, présentée pour M.B..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 juin 2015 ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour lui de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

Il soutient que :

- le refus de séjour est insuffisamment motivé, méconnaît les stipulations des articles 6-1 et 6-5 de l'accord franco-algérien, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et est entaché d'un vice de procédure, la commission du titre de séjour n'ayant pas été saisie ;

- l'obligation de quitter le territoire est entachée d'une erreur de droit, le préfet ayant assorti le refus de titre d'une décision d'éloignement, elle méconnaît les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée, elle porte atteinte à son droit à une vie privée et familiale et à l'intérêt supérieur de ses enfants ;

Par un mémoire enregistré le 07 avril 2016, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête en indiquant s'en rapporter à ses écritures de première instance.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 septembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridique, et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique du 14 avril 2016 le rapport de Mme Cottier, premier conseiller.

1. Considérant que M.B..., ressortissant algérien, né le 5 octobre 1970, déclare être entré en France le 10 décembre 2002 sous couvert d'un visa de court séjour ; que le 15 novembre 2005 lui a été refusé un titre de séjour ; que par décision du 18 octobre 2007, il a fait l'objet d'une décision de refus de certificat de résidence assortie d'une obligation de quitter le territoire, dont la légalité a été confirmée le 7 mai 2008 par jugement du tribunal administratif de Lyon, lui même confirmé le 8 avril 2009 par la cour ; qu'un nouveau refus de certificat de résidence assorti d'une obligation de quitter le territoire lui a été opposé le 19 juin 2009 ; qu'il a sollicité par courrier de son conseil du 17 septembre 2013 un certificat de résidence au regard de ses liens avec la France et des dispositions de l'article 6 de l'accord franco-algérien et s'est également prévalu des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par décisions en date du 14 novembre 2014, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé un délai de départ volontaire de trente jours et a désigné un pays de destination ; que M. B...relève appel du jugement du 18 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur la légalité du refus de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté litigieux décrit de manière précise et détaillée la situation personnelle et familiale de M. B...et mentionne notamment les refus de titre de séjour lui ayant été opposés ; que contrairement à ce que soutient M. B..., il ressort des termes de cet arrêté que le préfet a examiné sa situation familiale au regard des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant " ;

4. Considérant, que si M. B...soutient résider habituellement en France depuis 2002 et entrer ainsi dans le champ d'application de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien, les témoignages produits sont toutefois insuffisamment précis, et au demeurant erronés sur certains éléments, s'agissant de la prise en charge éducative au quotidien par le requérant des deux enfants qu'il a reconnus alors que ceux-ci étaient placés en foyer par les services de l'aide sociale à l'enfance entre 2008 et 2011, et ne sauraient dès lors avoir valeur probante pour les années 2008 à 2011 ; qu'en ce qui concerne l'année 2006, et alors que les premiers juges ont mentionné l'absence de tout élément quant à une résidence habituelle en France au cours de cette année, il ne verse en appel aucune pièce justifiant d'une telle résidence ; que dès lors, la condition de durée de dix ans fixée à cet article 6-1 de l'accord franco-algérien ne peut être regardée comme remplie ; que par suite, et M. B...n'entrant pas dans le champ des dispositions de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien, il ne peut pas se prévaloir d'un vice de procédure fondé sur la méconnaissance dudit article 6-1 et tiré du défaut de la consultation de la commission du titre de séjour et des bénéficiaires de plein droit d'un titre de séjour ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précitées ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ;

6. Considérant que le requérant fait valoir qu'il est établi en France depuis douze ans, qu'il a en France deux enfants placés auprès des services sociaux mais dispose d'un droit de visite qu'il exerce et peut aussi avoir des contacts téléphoniques avec eux, qu'il a des liens avec sa mère qui vit en France et est de nationalité française, laquelle a besoin de sa présence ; qu'il indique aussi avoir noué une relation avec une ressortissante française avec laquelle il vit ; que toutefois, comme il a été exposé précédemment, M. B...ne démontre pas avoir vécu plus de dix ans en France de manière habituelle ; qu'il vit séparé de la personne dont il a reconnu deux enfants, à chaque fois plus d'une année après leur naissance ; que ces enfants sont placés auprès des services sociaux de l'aide à l'enfance depuis 2008 ; que la pièce produite en appel sur des visites des enfants à son domicile un week-end par mois à des dates indéterminées en 2015 et début 2016, ceci postérieurement à la décision de refus de séjour, la production de calendriers de visite et la circonstance que le placement a tenu compte du principe d'un temps de rencontre et de communications téléphoniques avec les enfants, ne sauraient suffire à établir à la date de la décision en litige l'existence de liens stables et durables avec ces deux enfants ; que la présence en France de sa mère, au demeurant de nationalité algérienne et non française et la production de certificats médicaux concernant sa mère relatifs à des consultations auprès d'un psychiatre et à une opération d'hallus-valgus ne sauraient établir la nécessité d'une assistance médicale auprès de cette dernière que lui seul serait en mesure d'apporter ; qu'en appel, le requérant qui fournit une attestation de concubinage établie le 16 octobre 2015 postérieurement à la décision en litige et évoquant une relation maritale depuis le 5 octobre 2014 ne démontre pas le caractère stable et durable d'une telle relation antérieurement à la décision du préfet alors qu'en première instance et dans ses premières écritures d'appel, il se prévalait d'une relation affective avec une ressortissante française portant un nom différent ; que l'attestation d'un frère et d'une belle-soeur résidant en France sur l'existence de liens avec le requérant et une promesse d'embauche, datant de 2012 et donc très largement antérieure à la décision du préfet, ne sauraient suffire à justifier l'existence de liens intenses, stables et durables en France ; que le requérant n'allègue pas avoir perdu tout lien personnel et familial en Algérie ; que, dans ces conditions, et eu égard aux conditions de son entrée et de son séjour en France, le préfet n'a pas, par la décision de refus litigieuse, porté une atteinte disproportionnée au droit du requérant de mener une vie privée et familiale au regard des buts poursuivis et n'a ainsi méconnu ni les stipulations l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dans les circonstances de l'espèce, cette décision n'a pas méconnu l'intérêt supérieur des deux enfants garanti par les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation personnelle de M.B... ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) " ; que le 14 novembre 2014, M.B..., à qui un titre de séjour avait été refusé, se trouvait dans le cas que prévoient ces dispositions, dans lequel le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ; qu'ainsi le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur de droit en prenant à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire ;

8. Considérant, qu'eu égard à ce qui a été exposé précédemment, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ; qu'il convient d'écarter, pour les mêmes motifs que ceux précédemment indiqués dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de titre de séjour, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; que, par ailleurs, M. B...ne peut, en tout état de cause, se prévaloir des stipulations de l'accord franco-algérien, qui régit les conditions de séjour des algériens en France, à l'encontre d'une mesure d'éloignement ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

9. Considérant que cette décision qui, comme indiqué précédemment, mentionne de manière détaillée la situation personnelle et familiale du requérant, précise sa nationalité et indique qu'il n'établit pas être exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est suffisamment motivée ;

10. Considérant que le moyen tiré de l'atteinte portée à sa vie privée et familiale et à l'intérêt supérieur de ses enfants se borne à reprendre les éléments exposés précédemment sans mention de circonstances spécifiques ; que par suite, eu égard à ce qui été précédemment dit, il y a lieu de l'écarter ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 14 avril 2016, à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 mai 2016.

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N° 15LY03306


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY03306
Date de la décision : 12/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SELARL BERNARDI ESQUERRE MONTEIRO PROUST

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-05-12;15ly03306 ?
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