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12/05/2016 | FRANCE | N°15LY02790

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 12 mai 2016, 15LY02790


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...veuve A...a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler les décisions en date du 20 janvier 2015 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé un délai de départ volontaire de trente jours et a désigné un pays de destination ;

- d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence d'une durée de dix ans, à titre subsidiaire, d

e lui délivrer un certificat de résidence temporaire mention " vie privée et familiale ", ou à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...veuve A...a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler les décisions en date du 20 janvier 2015 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé un délai de départ volontaire de trente jours et a désigné un pays de destination ;

- d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence d'une durée de dix ans, à titre subsidiaire, de lui délivrer un certificat de résidence temporaire mention " vie privée et familiale ", ou à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la lecture du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1501584 du 23 juillet 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 août 2015, présentée pour Mme B...C...veuveA..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 23 juillet 2015 ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux semaines suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le refus de certificat de résidence méconnaît les stipulations du b. de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien dès lors qu'elle justifie ne pas disposer de ressources suffisantes et être à la charge de son fils de nationalité française et de ses autres enfants français, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 5. de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- concernant l'obligation de quitter le territoire le préfet s'est cru à tort en compétence liée pour assortir le refus de titre d'une obligation de quitter le territoire, les mêmes moyens exposés contre le refus de titre sont évoqués contre cette mesure d'éloignement ;

- concernant la décision fixant le pays de destination, le préfet a commis une erreur de droit en assortissant automatiquement les décisions portant refus de titre et obligation de quitter le territoire de cette décision désignant le pays de destination, et cette décision n'a pas fait l'objet d'une motivation spécifique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er février 2016, le préfet du Rhône s'en rapporte à ses écritures de première instance.

Par un mémoire, enregistré le 1er février 2016, présenté pour Mme A..., il est conclu aux mêmes fins que ses précédentes écritures.

Par un mémoire, enregistré le 10 février 2016, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête, par les mêmes moyens.

Il soutient en outre que l'intéressée n'établit pas que sa présence serait indispensable pour son fils Ahmed, qu'elle ne justifie toujours pas qu'elle ne bénéficierait pas de ressources propres suffisantes dans son pays ni qu'elle serait à la charge de son fils Ahmed, que les pièces médicales produites ont été établies postérieurement aux décisions.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Segado, premier conseiller.

1. Considérant que Mme A..., ressortissante algérienne née le 21 septembre 1962, est entrée régulièrement en France le 19 mai 2014 sous couvert de son passeport, revêtu d'un visa C en qualité d'ascendant non à charge ; que, le 10 juin 2014, elle a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence algérien ; que, par décisions du 20 janvier 2015, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que Mme A... relève appel du jugement du 23 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur la légalité du refus de certificat de résidence :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a, au b, au c, et au g : (...) b) A l'enfant algérien d'un ressortissant français si cet enfant a moins de vingt et un ans ou s'il est à la charge de ses parents, ainsi qu'aux ascendants d'un ressortissant français et de son conjoint qui sont à sa charge ; (...) " ; qu'il résulte de ces stipulations que l'autorité administrative, lorsqu'elle est saisie d'une demande tendant à la délivrance d'un certificat de résidence au bénéfice d'un ressortissant algérien qui fait état de sa qualité d'ascendant à charge d'un ressortissant français, peut légalement fonder sa décision de refus sur la circonstance que l'intéressé ne saurait être regardé comme étant à la charge de son descendant, dès lors qu'il dispose de ressources propres, que son descendant de nationalité française ne pourvoit pas régulièrement à ses besoins, ou qu'il ne justifie pas des ressources nécessaires pour le faire ;

3. Considérant que Mme A... soutient que ses six enfants, de nationalité française, et particulièrement son fils Ahmed, disposent de revenus suffisants pour la prendre en charge, qu'ils la prennent effectivement en charge et qu'elle ne bénéficie pas de ressources suffisantes pour subvenir à ses besoins en Algérie ; que toutefois, il résulte notamment du brevet de pension produit par la requérante en appel qu'elle perçoit en Algérie une pension d'un montant annuel de 528 000 dinars à compter du 1er novembre 2011, qui représente près de deux fois le salaire minimum algérien ; qu'il ressort de plus d'une notification de retraite de la caisse nationale d'assurance vieillesse d'Ile de France du 11 mars 2014 produite en appel par l'intéressée, qu'elle perçoit une pension de réversion versée par cet organisme depuis le 1er octobre 2013, d'un montant de 196,86 euros mensuels ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de ces éléments, que ses revenus ne lui permettraient pas de subvenir à ses besoins en Algérie ; qu'en outre, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des documents produits par la requérante que son fils Ahmed, qui perçoit une allocation adulte handicapé, un complément à cette allocation et l'aide personnalisée au logement, et ses cinq autres enfants de nationalité française pourvoyaient régulièrement à ses besoins ; qu'ainsi, Mme A... ne peut être regardée comme étant à la charge effective de ses enfants de nationalité française ; que, par suite, le préfet du Rhône n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) Le certificat d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

5. Considérant que Mme A... soutient que l'essentiel de ses attaches familiales se trouve en France ou résident, avec leurs familles, six de ses huit enfants, tous de nationalité française, dont son fils Ahmed qui est atteint d'une invalidité à 80 % du fait d'une pathologie neuromusculaire très sévère compliquée par une cardiopathie ; que toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme A...n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Algérie où résident notamment deux de ses enfants, où elle a vécu avant son arrivée récente en France à l'âge de 51 ans et où il n'est pas établi qu'elle ne pourrait subvenir à ses besoins et y mener sa vie privée et familiale ; que si elle fait valoir que l'état de santé de son fils Ahmed nécessite l'assistance d'une tierce personne, en produisant notamment en première instance et en appel des documents médicaux et d'intervenants participant à la prise en charge de celui-ci, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier et de ces documents que la présence de Mme A... en France aux côtés de son fils est indispensable, et notamment qu'elle serait le seul membre de la famille à pouvoir l'aider ou que les autres enfants résidant en France, ni une tierce personne, ne pourraient apporter le soutien et l'aide dont son fils pourrait avoir besoin ; que, dans ces conditions, et eu égard aux conditions de son séjour en France et à la durée de sa présence sur le territoire français, le préfet n'a pas, par la décision contestée, porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée de mener une vie privée et familiale normale au regard des buts poursuivis ; que cette décision n'a ainsi méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du 5. de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire :

6. Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, la décision refusant de délivrer un titre de séjour à Mme A... n'est pas entachée d'illégalité ; que, par suite, si la requérante a entendu invoquer le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision de refus de titre, ce moyen doit être écarté ;

7. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des termes mêmes de la décision litigieuse, que le préfet se soit cru tenu d'assortir le refus de certificat de résidence d'une obligation de quitter le territoire ;

8. Considérant que, compte tenu des éléments précédemment exposés, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et Mme A... ne se trouvait pas, à la date de la décision litigieuse, dans les cas prévus par les stipulations du b. de l'article 7 bis et celles du 5. de l'article 6 de l'accord franco-algérien qui sont de nature à faire obstacle à une mesure d'éloignement ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

9. Considérant, en premier lieu, que la décision distincte fixant le pays de destination vise les textes dont elle fait application, notamment les articles L. 511-1-I et L. 513-2, et mentionne les faits qui en constituent le fondement, particulièrement que Mme A... est de nationalité algérienne, qu'elle n'établit pas que sa vie ou sa liberté est menacée ou qu'elle est exposée à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans le cadre de l'exécution de la décision et qu'elle pourra être reconduite d'office à destination du pays dont elle a la nationalité ou de tout pays pour lequel elle établit être légalement admissible ; qu'elle est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences de l'article 3 précité de la loi du 11 juillet 1979 ;

10. Considérant, en second lieu, que le dernier alinéa du I. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que " L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office " et il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des termes mêmes de la décision litigieuse, que le préfet se soit cru tenu d'assortir le refus de certificat de résidence d'une obligation de quitter le territoire fixant le pays de destination ; que, par suite le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...veuve A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 14 avril 2016, à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Segado, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 mai 2016.

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N° 15LY02790


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY02790
Date de la décision : 12/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: M. Juan SEGADO
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SELARL BERNARDI ESQUERRE MONTEIRO PROUST

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-05-12;15ly02790 ?
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