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28/04/2016 | FRANCE | N°15LY00069

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 28 avril 2016, 15LY00069


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...D...épouse C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2014 du préfet de l'Isère refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant son pays de reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1404960 du 26 novembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de l'Isère de délivrer un titre de séjour

à Mme D... dans un délai de deux mois.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...D...épouse C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2014 du préfet de l'Isère refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant son pays de reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1404960 du 26 novembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de l'Isère de délivrer un titre de séjour à Mme D... dans un délai de deux mois.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 janvier 2015, le préfet de l'Isère demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 26 novembre 2014 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Grenoble.

Il soutient que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'arrêté attaqué n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 avril 2015, Mme D..., représentée par Me Ollivier, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat du versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle fait valoir que :

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur de fait, dans la mesure où elle justifie être entrée régulièrement en France ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- cette mesure d'éloignement méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle viole les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 avril 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi, signé le 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique : le rapport de M. Meillier.

1. Considérant que Mme B...D..., ressortissante marocaine née en 1986, déclare être entrée en France le 27 décembre 2010 ; qu'elle a épousé le 10 décembre 2011 à Grenoble M. A...C..., ressortissant algérien né en 1979 et titulaire d'un certificat de résidence valable du 14 octobre 2010 au 13 octobre 2020 ; qu'elle a sollicité le 4 janvier 2013 la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par arrêté du 29 juillet 2014, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination ; que, par jugement du 26 novembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de l'Isère de délivrer un titre de séjour à Mme D... dans un délai de deux mois ; que le préfet de l'Isère relève appel de ce jugement ;

Sur la légalité de l'arrêté du 29 juillet 2014 :

2. Considérant que, pour annuler cet arrêté, les premiers juges ont estimé que les décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français avaient porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale et, par suite, avaient méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

4. Considérant qu'il appartient à l'autorité administrative qui envisage de refuser de délivrer un titre de séjour à un étranger ou de procéder à son éloignement d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie privée et familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise ; que la circonstance que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de l'intéressé ; que cette dernière peut en revanche tenir compte le cas échéant, au titre des buts poursuivis par les mesures de refus de séjour et d'éloignement, de ce que le ressortissant étranger en cause ne pouvait légalement entrer en France pour y séjourner qu'au seul bénéfice du regroupement familial et qu'il n'a pas respecté cette procédure ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de la réservation d'un billet d'avion pour un vol Casablanca-Lyon Saint-Exupéry le 27 décembre 2010, du tampon de sortie du territoire marocain apposé le même jour sur le passeport de l'intéressée, de l'attestation d'accueil autorisant sa famille à l'héberger à compter du 20 décembre 2010 pour une durée de quarante jours et des attestations de membres de sa famille que Mme D...est entrée en France le 27 décembre 2010, sous couvert d'un visa de court de séjour en cours de validité, afin de rendre visite à sa famille ; que le préfet n'apporte aucun élément de nature à établir que l'intéressée aurait quitté le territoire français, au moyen de son billet de retour, au moment de l'expiration de son visa ; que Mme D...a épousé le 10 décembre 2011 sur le territoire français un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence valable dix ans ; qu'un premier enfant est né le 30 novembre 2012 de cette union ; qu'à la date de l'arrêté attaqué, Mme D... était enceinte de trois mois ; que le préfet ne conteste pas sérieusement l'existence d'une communauté de vie entre les époux, notamment au titre de l'année 2012, au cours de laquelle a été conçu et est né le premier enfant du couple ; que l'intéressée produit de nombreuses pièces attestant de cette communauté de vie, telles que des avis d'imposition, un contrat de bail signé en juin 2013 et des quittances de loyer ; que, contrairement à ce que prétend le préfet, la perception au cours du mois de septembre 2012, soit en fin de grossesse, d'une prime à la naissance ne révèle aucune irrégularité de nature à révéler le caractère non probant des justificatifs produits ; qu'il est constant que l'enfant né en novembre 2012, âgé d'un an et huit mois à la date de l'arrêté attaqué, souffre de pyélectasie et nécessite un suivi médical régulier ; que Mme D..., qui occupait un emploi d'aide comptable au Maroc, maîtrise la langue française et est ainsi à même de s'insérer dans la société française ; que le préfet ne peut utilement invoquer la possibilité ouverte à M. C...de demander, au profit de son épouse, le bénéfice du regroupement familial ; qu'il n'est pas fondé à reprocher aux intéressés de ne pas avoir respecté la procédure de regroupement familial dans la mesure où, s'étant mariée en France en décembre 2011, Mme D... ne pouvait, en décembre 2010, entrer en France par le biais de cette procédure ; que, dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de la durée et de la stabilité du mariage entre M. et MmeC..., de la présence dans leur foyer d'un enfant en bas âge et de l'état de santé de cet enfant, de l'état de grossesse de MmeD..., de la durée de séjour en France de l'intéressée, de la durée et de la régularité du séjour de son époux en France, ainsi que des nationalités distinctes des deux époux, les décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ont, eu égard aux buts qu'elles poursuivent et alors même que Mme D...n'est pas dépourvue d'attaches privées et familiales au Maroc, porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale ; que, par suite, ces décisions ont méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 29 juillet 2014 et lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à l'intéressée ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à Me Ollivier, avocat de MmeD..., d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Ollivier renonce à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de l'Isère est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à Me Ollivier, avocat de MmeD..., au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Ollivier renonce à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B...D...épouseC.... Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 24 mars 2016 à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président,

Mme Bourion, premier conseiller,

M. Meillier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 avril 2016.

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N° 15LY00069


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY00069
Date de la décision : 28/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Charles MEILLIER
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : OLLIVIER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-04-28;15ly00069 ?
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