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28/04/2016 | FRANCE | N°14LY03154

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 28 avril 2016, 14LY03154


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

La SARL Thibaut a demandé au tribunal administratif de Dijon, sous le n° 1400030, de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010 et des intérêts de retard correspondants et, sous le n° 1400031, de lui accorder la décharge de la retenue à la source mise à sa charge au titre de l'année 2009 et des intérêts de retard et majorations correspondants.

Par un jugement n°1400030-1400031 du 1

9 juin 2014, le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses demandes.

Procédure devant...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

La SARL Thibaut a demandé au tribunal administratif de Dijon, sous le n° 1400030, de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010 et des intérêts de retard correspondants et, sous le n° 1400031, de lui accorder la décharge de la retenue à la source mise à sa charge au titre de l'année 2009 et des intérêts de retard et majorations correspondants.

Par un jugement n°1400030-1400031 du 19 juin 2014, le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 octobre 2014 et un mémoire complémentaire enregistré le 3 mars 2015, la SARL Thibaut, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon, en date du 19 juin 2014 ;

2°) de lui accorder la décharge des impositions contestées et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration n'établit pas l'existence d'un acte anormal de gestion dès lors que l'intention libérale n'est pas démontrée, les six ventes réalisées ayant permis de remplir la condition d'octroi d'un prêt ;

- les valeurs de comparaison retenues par l'administration ne sont pas pertinentes ;

- la retenue à la source ne peut être fondée sur l'article 1672 du code général des impôts ;

- s'agissant de la retenue à la source, l'administration a méconnu l'article L. 54 du livre des procédures fiscales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 février 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la SARL Thibaut, en vendant les six lots immobiliers en litige, à la SASC..., sa société mère, ainsi qu'à trois de ses propres associés et à une personne tierce, à un prix inférieur à la valeur réelle du marché avait une intention libérale à leur égard, cette pratique étant constitutive d'un acte anormal de gestion ;

- les termes de comparaison que l'administration a retenus sont pertinents ;

- l'administration était fondée à faire application des dispositions de l'article 1672 du code général des impôts ;

- aucune disposition ne contraignait l'administration à informer les bénéficiaires des revenus distribués de la mise en oeuvre de la retenue à la source.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention franco-italienne du 5 octobre 1989 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bourion,

- et les conclusions de Mme Chevalier-Aubert, rapporteur public.

1. Considérant que la SARL Thibaut, qui exerce une activité dans les domaines de la construction, de la vente et de la commercialisation de biens immobiliers, a réalisé la construction d'un ensemble immobilier de quatre-vingt-dix-sept logements dénommé " les Terrasses du Soleil " ; qu'elle a cédé en 2009 quatre de ces logements en état futur d'achèvement à MM.B..., E...et D...C..., détenant chacun 10 % de ses parts, et à Mme F...C..., puis, en 2010, deux autres de ces logements en état futur d'achèvement à sa maison mère, la SASC..., détenant 65 % de ses parts ; que la SARL Thibaut a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010 ; que le vérificateur, estimant que les ventes de ces six logements ont été effectuées à des prix inférieurs à leur valeur vénale réelle, a retenu l'existence d'un acte anormal de gestion pour chacune de ces ventes et, après avoir déterminé le montant des renonciations à recettes ainsi indument consenties par la société requérante, a réintégré ce montant au bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés ; qu'il a en outre assujetti la SARL Thibaut à la retenue à la source au titre de l'année 2009 à raison des revenus ainsi distribués à MM. B...et E...C..., résidant en Italie ; que les rehaussements correspondants ont été notifiés à la SARL Thibaut selon la procédure contradictoire par des propositions de rectification des 23 avril 2012, 6 juin et 14 décembre 2012 ; que la SARL Thibaut relève appel du jugement du 19 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été ainsi assujettie au titre de ses exercices clos en 2009 et 2010 et des pénalités correspondantes et, d'autre part, à la décharge de la retenue à la source mise à sa charge au titre de l'année 2009 et des pénalités correspondantes ;

Sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions des articles 38 et 209 du code général des impôts le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toutes natures faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; que la renonciation à des recettes, accordée par une entreprise au profit d'un tiers, ne relève pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant un tel avantage l'entreprise a agi dans son propre intérêt ; que, s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'un abandon de recettes consenti par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties ;

3. Considérant, d'une part, que la société Thibaut a réalisé un ensemble immobilier " Les terrasses du soleil " situé rue Armand Thibaut à Dijon comprenant trente-trois lots destinés au logement social, qui ont été cédés en état futur d'achèvement le 22 novembre 2006, et soixante-quatre lots regroupés en cinq bâtiments destinés à la vente au secteur privé ; que par actes authentiques des 17 décembre 2009 et 16 avril 2010, la SARL Thibaut a cédé à sa société mère, à trois de ses propres associés et à une personne tierce, six appartements T5 duplex en état futur d'achèvement pour un prix moyen au mètre carré de 1 902 euros ; que l'administration fiscale a estimé que ces appartements avaient été cédés à un prix inférieur à leur valeur ; qu'elle a, dans un premier temps, retenu un prix au mètre carré s'élevant à 3 300 euros correspondant au prix de vente au mètre carré de biens vendus en état futur d'achèvement dans ce même programme immobilier, puis, dans un second temps et suite aux observations de la SARL Thibaut, fixé ce prix à 2 397 euros au mètre carré, correspondant au prix moyen de vente de cinq biens immobiliers similaires cédés en état futur d'achèvement dans le même secteur géographique, à savoir celui du Sud Dijon/Chenôve, au cours des années 2008-2010 ; que si la SARL Thibaut soutient que les biens immobiliers en cause sont situés dans des secteurs différents de la ville de Dijon, qu'il n'y a eu aucune recherche concernant la qualité et la situation des constructions, qu'il doit être tenu compte du fait que les six logements en question sont enclavés au sein d'une copropriété comportant des logements sociaux et que le seul bien qui puisse servir de terme de comparaison est celui de la rue de Salengro à Chenôve dont le prix au mètre carré est de 2 130 euros, l'administration fiscale doit, eu égard au nombre des termes de comparaison proposés au sein et à l'extérieur de l'ensemble immobilier et au prix moyen de 2 397 euros au mètre carré finalement retenu, être regardée comme apportant la preuve dont elle a la charge de la minoration de prix consentie par la requérante aux acquéreurs des six logements en question, la circonstance que le tableau d'analyse des prix établi par le cabinet comptable Audit gestion Conseil indique que le prix de revient des pavillons duplex et des appartements de ce même ensemble immobilier présente des divergences importantes étant sans incidence sur la valeur vénale réelle des logements concernés ; qu'il en va de même de la circonstance que les ventes en question n'ont pas été effectuées à perte ;

4. Considérant, d'autre part, que, si la SARL Thibaut fait valoir que c'est en raison de contraintes économiques et juridiques, à savoir le respect des obligations d'un contrat de prêt auprès du Crédit agricole, qui prévoyait une pré-commercialisation du programme immobilier à hauteur de 50 %, qu'elle a vendu ces six lots et qu'elle en a retiré une contrepartie, à savoir le fait de bénéficier de ce prêt, ainsi qu'une plus-value, puisqu'elle n'a pas vendu à perte, que l'écart de 20 % entre le prix du marché et le prix de vente n'est pas significatif et qu'enfin aucune manifestation positive de sa volonté de donation n'est avérée, elle n'établit pas avoir bénéficié en retour d'une contrepartie réelle, dès lors qu'elle ne justifie pas qu'elle aurait accompli des diligences pour vendre ces biens au prix du marché, et ainsi ne pas consentir de libéralités ; que, dans ces conditions, l'administration apporte la preuve que la requérante a facturé à ses acquéreurs des acquisitions de biens immobiliers à un prix minoré de manière indue ; que, par suite, la SARL Thibaut n'est pas fondée à contester l'existence d'un acte anormal de gestion ;

Sur la retenue à la source :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 54 du livre des procédures fiscales : " Les procédures de fixation des bases d'imposition ou de rectification des déclarations relatives aux revenus provenant d'une activité dont les produits relèvent de la catégorie des bénéfices agricoles, des bénéfices industriels et commerciaux et des bénéfices non commerciaux, ou des revenus visés à l'article 62 du code général des impôts, sont suivies entre l'administration des impôts et celui des époux titulaire des revenus. Ces procédures produisent directement effet pour la détermination du revenu global. " ; que les impositions en litige ne concernant pas des revenus au nombre de ceux cités par cet article, ces dispositions sont sans incidence sur le présent litige ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 119 bis du même code : " (...) 2. Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France. Un décret fixe les modalités et conditions d'application de cette disposition. (...) " ; qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c) Les rémunérations et avantages occultes (...) " ; qu'aux termes de l'article 10 de la convention franco-italienne en matière d'impôts sur les revenus du 5 octobre 1989, alors applicable : " 1. Les dividendes payés par une société qui est un résident d'un Etat à un résident de l'autre Etat sont imposables dans cet autre Etat. 2. Toutefois, ces dividendes sont aussi imposables dans l'Etat dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de cet Etat, mais si la personne qui reçoit les dividendes en est le bénéficiaire effectif, l'impôt ainsi établi ne peut excéder (...) b) 15 p. cent du montant brut des dividendes dans tous les autres cas. Les dispositions du présent paragraphe n'affectent pas l'imposition de la société au titre des bénéfices qui servent au paiement des dividendes. " ;

7. Considérant, qu'en cas de vente de biens à un prix que la société a délibérément minoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions précitées de l'article 111 c du code général des impôts ; que la preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer, et, pour le co-contractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession ; que compte-tenu de ce qui vient d'être dit en matière d'impôt sur les sociétés, la SARL Thibaut a procédé à la cession de logements à un prix inférieur de 20 % à celui du marché, avec l'intention d'octroyer à MM B...et E...C...une libéralité ainsi que cela résulte de l'absence de contrepartie réelle pour elle ; que, dès lors, l'administration établit que la cession litigieuse dissimulait un avantage ayant le caractère d'avantage occulte, constitutif de revenus distribués, accordé par la SARL Thibaut à MM B...et E...C...;

8. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1672 du même code : " 1. La retenue à la source prévue au 1 de l'article 119 bis est payée par la personne qui effectue la distribution, à charge pour elle d'en retenir le montant sur les sommes versées aux bénéficiaires desdits revenus. (...) " ; qu'aux termes de l'article 1672 bis du code précité : " 1. Il est interdit aux sociétés et personnes morales de prendre à leur charge le montant de la retenue afférente : / 1° Aux dividendes et autres produits répartis aux associés, actionnaires et porteurs de parts ou aux membres des conseils d'administration des sociétés anonymes ; / 2° Aux revenus visés au 1° de l'article 118 et afférents à des valeurs émises à compter du 1er janvier 1965. (...) " ;

9. Considérant que, par les mêmes motifs que ceux retenus par le juge de première instance, qu'il y a lieu pour la Cour d'adopter, les moyens tirés de ce que l'administration devait informer les bénéficiaires des revenus distribués de l'application de la retenue à la source et de ce que l'administration ne pouvait fonder son redressement sur les dispositions de l'article 1672 bis du code général des impôts, doivent être écartés ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL Thibaut n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses demandes ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à la SARL Thibaut une somme au titre des frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Thibaut est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Thibaut et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 24 mars 2016 à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président,

Mme Bourion, premier conseiller,

M. Meillier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 avril 2016.

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N° 14LY03154


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY03154
Date de la décision : 28/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-01-04-082 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net. Acte anormal de gestion.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Isabelle BOURION
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-04-28;14ly03154 ?
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