La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/04/2016 | FRANCE | N°13LY01889

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 28 avril 2016, 13LY01889


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Capoue a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009.

Par un jugement n° 1104943 du 18 juin 2013, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2013, et des mémoires, enregistrés les 29 novembre 2013 et 25 février 2014, la SCI Capoue, représentée par

Me Le Blanc, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 juin 2013 ;

2°) de p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Capoue a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009.

Par un jugement n° 1104943 du 18 juin 2013, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2013, et des mémoires, enregistrés les 29 novembre 2013 et 25 février 2014, la SCI Capoue, représentée par Me Le Blanc, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 juin 2013 ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée contestés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a poursuivi une activité économique avant, pendant et après la période litigieuse et n'a pas eu d'intention libérale envers son locataire ;

- l'administration et les premiers juges ne pouvaient affirmer le contraire sans procéder à une analyse des faits et sans rechercher des éléments de comparaison ;

- l'existence d'une libéralité ne résulte ni des liens entre les deux sociétés, ni du ratio mathématique calculé par le service, ni de l'adaptation du bail aux difficultés économiques rencontrées ;

- l'absence de recherche d'autres locataires s'explique par la spécificité des lieux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 octobre 2013, et un mémoire complémentaire, enregistré le 28 janvier 2014, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- l'activité de la SCI Capoue a évolué et ne constituait plus une activité économique ;

- en l'absence de termes de comparaison pertinents, la preuve de l'existence d'une libéralité est apportée par les circonstances propres à la situation de la société, dès lors qu'il existait une communauté d'intérêts entre les deux sociétés bailleresse et locataire ;

- le nouveau bail conclu en 2008 comporte des clauses excessivement favorables à la société locataire, notamment l'absence de possibilité de réévaluation du loyer, peu élevé au regard de la consistance des biens loués et des travaux réalisés par la SCI ;

- les clauses de révision prévues au bail n'ont pas été appliquées ;

- le taux de rentabilité est de seulement 2,94 % ;

- la SCI n'a effectué aucune diligence afin de rechercher un autre locataire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne 50/87 du 21 septembre 1988, C-246/08 du 29 octobre 2009 et C-285/10 du 9 juin 2011 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Meillier,

- les conclusions de Mme Chevalier-Aubert, rapporteur public,

- et les observations de Me Pila, avocat, représentant la SCI Capoue.

1. Considérant que la SCI Capoue, qui a pour objet l'acquisition, l'administration et la gestion par location de tous immeubles et biens immobiliers, a acquis le 7 avril 2000, pour un prix de 838 469,59 euros, une propriété, le hameau des Maillets, située dans la commune d'Eygluy Escoulin (Drôme) et comprenant plusieurs bâtiments et des terrains d'une surface de 276 hectares ; qu'elle a opté le 17 avril 2001 pour la taxe sur la valeur ajoutée en application du 2° de l'article 260 du code général des impôts ; qu'elle a réalisé des travaux de viabilisation des terrains et de rénovation des bâtiments d'un montant total, au 31 décembre 2009, de 994 398,43 euros ; que, par un bail commercial du 2 janvier 2004, elle a donné en location à la SAS Lelahel l'ensemble du domaine, à l'exception de trois pièces à usage personnel, moyennant un loyer annuel de 48 000 euros hors taxe, afin de permettre à cette société d'exploiter un centre de loisirs, de détente et de remise en forme et d'exercer une activité d'hôtellerie, de restauration, d'organisation de séminaires et d'évènements et de commercialisation de produits ; que les parties ont conclu le 7 janvier 2008 un nouveau bail commercial, se substituant au précédent, sans modification du loyer ; que ce nouveau contrat, portant sur trois gîtes et un logement de gardien, a eu pour objet de permettre à la société preneuse d'exercer dans ces locaux une activité de sous-location meublée, tout en bénéficiant de la jouissance des parties communes et des équipements collectifs de l'ensemble immobilier ; que ce contrat stipule également que, la SAS Lelahel exploitant le domaine conformément aux dispositions du b du 4° de l'article 261 D du code général des impôts, la location est soumise de plein droit à la taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions du c du 4° du même article ; que, se trouvant en situation créditrice en raison de l'importance des travaux réalisés, la SCI Capoue a bénéficié en 2008 et 2009 de remboursements de crédits de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant total de 94 000 euros ; qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009, à l'issue de laquelle le service a estimé qu'en raison de la disproportion entre le coût de revient des constructions et le loyer de la location consentie à la SAS Lelahel, la SCI Capoue ne s'était pas livrée à l'exercice d'une activité économique au sens de l'article 256 A du code général des impôts et que, par suite, elle n'était pas assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en conséquence, l'administration a estimé que la SCI devait restituer les crédits de taxe sur la valeur ajoutée remboursés en 2008 et 2009 et a mis à sa charge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 94 000 euros au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 ; que, par jugement du 18 juin 2013, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de la société tendant à la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée ; que la SCI Capoue relève appel de ce jugement ;

Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

2. Considérant qu'aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...) " ; qu'aux termes de l'article 256 A du même code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. / (...) / Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services (...) " ;

3. Considérant que ces dispositions doivent être interprétées à la lumière des dispositions de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 susvisée dont elles assurent la transposition ; qu'aux termes de l'article 2, paragraphe 1, de cette directive : " Sont soumises à la TVA les opérations suivantes : / (...) c) les prestations de services, effectuées à titre onéreux sur le territoire d'un État membre par un assujetti agissant en tant que tel (...) " ; qu'aux termes de l'article 9, paragraphe 1, de la même directive : " Est considéré comme "assujetti" quiconque exerce, d'une façon indépendante et quel qu'en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité. / Est considérée comme "activité économique" toute activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services (...). / Est en particulier considérée comme activité économique, l'exploitation d'un bien corporel ou incorporel en vue d'en tirer des recettes ayant un caractère de permanence (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'est considéré comme assujetti quiconque exerce, de façon indépendante, une activité économique, quels que soient les buts et les résultats de cette activité ; qu'une activité est, en règle générale, qualifiée d'économique lorsqu'elle présente un caractère permanent et est effectuée contre une rémunération perçue par l'auteur de l'opération ; que la possibilité de qualifier une opération d'" opération à titre onéreux " suppose uniquement l'existence d'un lien direct entre la livraison de biens ou la prestation de services et une contrepartie réellement reçue par l'assujetti ; qu'ainsi, le fait qu'une opération économique soit effectuée à un prix supérieur ou inférieur au prix normal du marché est sans pertinence s'agissant de cette qualification ; qu'il en va de même du lien pouvant éventuellement exister entre les parties à l'opération ;

5. Considérant, en particulier, que la location d'un immeuble moyennant un loyer constitue en principe une activité économique ; que la seule circonstance que, compte tenu notamment du coût de revient de l'immeuble, le loyer consenti soit anormalement bas au regard d'une gestion commerciale normale ne permet pas de remettre en cause cette qualification d'activité économique ; qu'en revanche, une location ne constitue pas une activité économique lorsque, en raison du caractère insignifiant du loyer, elle doit être regardée comme une libéralité consentie par le bailleur au bénéfice du preneur ;

6. Considérant que, pour refuser à la SCI Capoue la qualité d'assujettie et, par suite, le droit de déduire la taxe afférente aux dépenses d'aménagement des terrains et de rénovation des bâtiments, le vérificateur s'est fondé sur la circonstance qu'il existait une disproportion entre le loyer annuel et le coût de revient total de l'immeuble, révélée par la faiblesse du taux de rentabilité de l'immeuble, évalué par le service à 2,94 % ; que le ministre fait valoir qu'outre le faible montant du loyer stipulé, le contrat de bail comporte diverses clauses particulièrement favorables à la société locataire, et notamment l'absence de possibilité de réévaluation du loyer malgré la poursuite des travaux, ne pouvant s'expliquer que par la communauté d'intérêts existant entre la SCI Capoue et la SAS Lelahel, Mme A...étant à la fois gérante et associée à hauteur de 90 % de la première société et présidente de la seconde, dont elle détient 99,98 % des parts ; qu'il en conclut à l'existence d'une libéralité ;

7. Considérant, toutefois, qu'il est constant que la location litigieuse a été consentie moyennant un loyer annuel de 48 000 euros hors taxe ; que le ministre ne conteste pas l'existence d'un lien direct entre la mise à disposition du domaine par la SCI Capoue et le versement par la SAS Lelahel du loyer stipulé au contrat ; qu'ainsi, cette opération de location constitue une prestation de services effectuée à titre onéreux ; que l'activité de la SCI Capoue consistant à donner en location son immeuble lui a assuré la perception de recettes qui n'étaient pas insignifiantes et qui présentaient un caractère de permanence ; que, dès lors, cette activité présentait un caractère économique, quels que soient ses buts et ses résultats ; que ni la faiblesse du loyer par rapport au coût de revient des biens loués, ni la présence au bail commercial de clauses favorables au preneur, et notamment l'impossibilité de réévaluer le loyer, ni les liens existants entre les deux sociétés ne permettent de remettre en cause cette qualification d'activité économique ; que, par suite, c'est à tort que l'administration a estimé que la SCI Capoue n'avait pas la qualité d'assujettie et a remis en cause, pour ce motif, les déductions effectuées par cette société pour lui réclamer la restitution des crédits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui avaient été remboursés au cours de la période litigieuse ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCI Capoue est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à la SCI Capoue d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1104943 du 18 juin 2013 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La SCI Capoue est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009.

Article 3 : L'Etat versera à la SCI Capoue une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Capoue et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 24 mars 2016 à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président,

Mme Bourion, premier conseiller,

M. Meillier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 avril 2016.

2

N° 13LY01889


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY01889
Date de la décision : 28/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02-01 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Personnes et opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Charles MEILLIER
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : SELARL ADAMAS AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-04-28;13ly01889 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award