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12/04/2016 | FRANCE | N°14LY03318

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 12 avril 2016, 14LY03318


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler, d'une part, la décision implicite du préfet de l'Isère du 20 août 2012 portant refus de titre de séjour et d'autre part, l'arrêté du 30 avril 2014 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de son renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler, d'une part, la décision implicite du préfet de l'Isère du 20 août 2012 portant refus de titre de séjour et d'autre part, l'arrêté du 30 avril 2014 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de son renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n°s 1206514 - 1403006 du 30 septembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 octobre 2014, M. E... D..., représenté par Maître B...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 septembre 2014 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Isère en date du 30 avril 2014 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de l'Isère en date du 30 avril 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans les quinze jours à compter du prononcé de l'arrêt, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer à nouveau sa situation dans un délai d'un mois à compter du prononcé de l'arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler, sous les mêmes conditions d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. D...soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour a été prise en méconnaissance de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien car il réside en France de façon continue depuis le 16 mars 2002, soit depuis plus de douze ans ; le jugement attaqué est entaché d'erreurs de fait en ce qu'il considère qu'il n'établit pas sa présence en France au cours de la période d'août 2005 à janvier 2006, de janvier à septembre 2007, de février 2008 à avril 2009 et de juillet 2009 à avril 2010 alors qu'il en justifie par les pièces jointes au dossier et que ces dernières doivent être appréciées dans leur globalité ; la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car il réside en France depuis presque treize ans et y a tissé des liens personnels et professionnels ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixation du pays de renvoi doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour ; la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas légale car il peut prétendre à l'octroi d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour ; le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en lui interdisant un retour sur le territoire français d'une durée de deux ans ; cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; l'annulation de cette décision doit entraîner celle de son signalement dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour ;

Par ordonnance du 23 septembre 2015 la clôture d'instruction a été fixée au 9 octobre 2015.

Le préfet, auquel la requête a été communiquée, n'a pas produit de mémoire en défense.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 novembre 2014.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mear, président-assesseur,

- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant M. D....

1. Considérant que M.D..., ressortissant algérien, né le 15 mai 1970, est entré en France le 16 mars 2002 sous couvert d'un visa de court séjour et fait valoir y résider depuis lors ; qu'il a fait l'objet d'un arrêté portant refus de titre de séjour en date du 1er juillet 2003 et d'un arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français en date du 29 mai 2007 ; que M. D...relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 30 septembre 2014 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Isère du 30 avril 2014 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de son renvoi et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) " ;

3. Considérant que M. D...soutient qu'il réside habituellement en France depuis le 16 mars 2002 et ainsi, qu'à la date de la décision litigieuse, le 30 avril 2014, il y résidait depuis plus de dix ans ; que, toutefois, la seule production de courriers de la caisse primaire d'assurance maladie et d'un relevé bancaire du 24 janvier 2009 mentionnant un montant d'intérêts acquis ne suffisent pas à établir la présence effective de M. D...en France au cours de la période du 11 juin 2008 au 16 avril 2009 ; qu'il en est de même pour la période du 17 décembre 2009 à avril 2010 pour laquelle n'est produit qu'un relevé bancaire mentionnant un montant d'intérêts acquis, une ordonnance médicale de février 2010 prescrivant des rayons X au seul nom d'D..., sans précision de prénom, et non corroborée par d'autres éléments au dossier ; que, dès lors, M. D...n'établit pas résider habituellement en France depuis mars 2002, notamment au titre des périodes du 11 juin 2008 au 16 avril 2009 et du 17 décembre 2009 à avril 2010 ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 6 - 1) de l'accord franco-algérien susvisé ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

5. Considérant que M. D...fait valoir qu'il réside en France depuis près de treize ans, qu'il y est parfaitement intégré, qu'il dispose d'une promesse d'embauche pour un emploi à durée indéterminée et fait valoir ses liens avec son frère, la femme de ce dernier et leurs cinq enfants, qui sont de nationalité française ; qu'il produit des attestations dont il résulte qu'il parle parfaitement le français et effectue du bénévolat au sein de plusieurs associations ; que, toutefois, M.D..., n'établit pas par les pièces jointes au dossier, ainsi que cela est susmentionné, la durée alléguée de sa résidence en France ; qu'il a précédemment fait l'objet d'une décision portant refus de titre de séjour puis d'une décision portant refus de titre de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'à la date de la décision attaquée, il était célibataire et n'était pas dépourvu d'attaches personnelles et familiales en Algérie où résident ses parents, ses cinq frères et sa soeur et où il a vécu jusqu'à l'âge de près de trente deux ans avant son entrée en France ; que, dans ces conditions, compte tenu notamment de la durée et des conditions du séjour en France de M. D..., la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des objectifs de cette mesure ; qu'il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que cette décision a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, il n'est pas davantage fondé à soutenir que cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;

En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) " ; que M. D...s'étant vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, il entrait dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

7. Considérant qu'ainsi que cela est précédemment mentionné, M. D...ne remplit pas les conditions requises pour pouvoir bénéficier d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien ; que, dès lors, il n'est pas fondé à soutenir qu'étant en droit de bénéficier d'un tel titre de séjour, le préfet de l'Isère ne pouvait légalement prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans :

8. Considérant qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 96 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990. Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire. / (...) Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour, prenant effet à l'expiration du délai, pour une durée maximale de trois ans à compter de sa notification. / (...) L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) " ;

9. Considérant que pour prendre à l'encontre du requérant une décision d'interdiction de retour sur le territoire français le préfet de l'Isère s'est notamment fondé sur le fait que M.D... s'est maintenu en France alors qu'il avait fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en 2007, qu'il est célibataire et sans enfant, ne justifie pas de la durée alléguée et des conditions de son séjour en France où il est hébergé par un tiers, que s'il se prévaut d'une promesse d'embauche, il n'est pas établi qu'il aurait les compétences requises pour exercer l'emploi proposé, qu'il conserve d'importantes attaches en Algérie où résident ses parents, ses cinq frères et sa soeur et où il a vécu au moins trente deux ans et s'est nécessairement forgé des attaches personnelles et sociales ; que dès lors, le préfet de l'Isère a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, prononcer à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français et fixer la durée de cette interdiction à deux ans alors même que sa présence ne constituait pas de menace à l'ordre public ;

10. Considérant que, pour ces mêmes motifs que ceux susmentionnés relatifs à la légalité de la décision portant refus de titre de séjour, la décision en cause n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

12. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M.D..., n'appelle pas de mesures d'exécution ; que ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent, dès lors, être rejetées ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

13. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante ou son conseil du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M.D..., qui au demeurant bénéficie d'une aide juridictionnelle totale, doivent, dès lors, être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2016 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 avril 2016.

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N° 14LY03318


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY03318
Date de la décision : 12/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Josiane MEAR
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : JOELLE VERNAY et STEPHANIE SEGARD

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-04-12;14ly03318 ?
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