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31/03/2016 | FRANCE | N°14LY04043

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 31 mars 2016, 14LY04043


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 14 avril 2014 du préfet du Rhône refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt dix jours et fixant son pays de destination en cas de reconduite d'office.

Par un jugement n° 1403627 du 25 septembre 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 déce

mbre 2014, MmeB..., représentée par Me Béchaux, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 14 avril 2014 du préfet du Rhône refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt dix jours et fixant son pays de destination en cas de reconduite d'office.

Par un jugement n° 1403627 du 25 septembre 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2014, MmeB..., représentée par Me Béchaux, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 25 septembre 2014 ;

2°) d'annuler les décisions du 14 avril 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur de droit et d'un défaut d'examen particulier de sa situation, le préfet n'ayant pas recherché si sa situation constituait un " cas particulier " au sens de l'article R. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît les dispositions des articles L. 313-7 et R. 313-10 du même code ;

- elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- cette mesure d'éloignement est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2015, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme B...d'une somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 novembre 2014.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord passé entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail le 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Meillier,

- et les observations de Me Béchaux, représentant MmeB....

1. Considérant que Mme A...B..., ressortissante tunisienne née le 14 septembre 1995, est entrée en France le 18 décembre 2010, à l'âge de quinze ans, munie d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour ; qu'elle a sollicité le 23 juillet 2013 la délivrance d'un titre de séjour en faisant état de sa vie privée et familiale et de ses études ; que, par décisions du 14 avril 2014, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-7, R. 313-10 et L. 313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé son pays de destination ; que, par jugement du 25 septembre 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de l'intéressée tendant à l'annulation de ces décisions ; que Mme B...relève appel de ce jugement ;

Sur la légalité des décisions contestées :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour compétences et talents sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois " ; que l'article L. 313-7 du même code dispose : " I. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention "étudiant". En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée et sous réserve d'une entrée régulière en France. / (...) Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application des dispositions du présent article, en particulier en ce qui concerne (...) les conditions (...) dans lesquelles l'étranger entrant dans les prévisions du 2° peut être dispensé de l'obligation prévue à l'article L. 311-7. " ; que selon l'article R. 313-1 dudit code : " L'étranger qui, n'étant pas déjà admis à résider en France, sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire présente à l'appui de sa demande : / (...) 3° Sauf stipulation contraire d'une convention internationale applicable en France, un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois (... ) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-10 du même code : " Peut être exempté, sur décision du préfet, de l'obligation de présentation du visa de long séjour prescrite au 3° de l'article R. 313-1 : / 1° L'étranger qui suit en France un enseignement ou y fait des études, en cas de nécessité liée au déroulement des études. Sauf cas particulier, l'étranger doit justifier avoir accompli quatre années d'études supérieures et être titulaire d'un diplôme, titre ou certificat au moins équivalent à celui d'un deuxième cycle universitaire ou d'un titre d'ingénieur. Il est tenu compte des motifs pour lesquels le visa de long séjour ne peut être présenté à l'appui de la demande de titre de séjour, du niveau de formation de l'intéressé, ainsi que des conséquences que présenterait un refus de séjour pour la suite de ses études ; / 2° L'étranger qui a suivi une scolarité en France depuis au moins l'âge de seize ans et qui y poursuit des études supérieures. A l'appui de sa demande, l'étranger doit justifier du caractère réel et sérieux des études poursuivies " ;

3. Considérant qu'après avoir relevé que l'intéressée ne justifiait ni être titulaire d'un visa de long séjour, ni avoir accompli quatre années d'études supérieures et être titulaire d'un diplôme au moins équivalent à celui d'un deuxième cycle universitaire ou d'un titre d'ingénieur, ni poursuivre des études supérieures, le préfet a estimé que, compte tenu de ces éléments, il n'y avait pas lieu de faire bénéficier Mme B...des dispositions des articles L. 313-7 et R. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, le préfet ne s'est pas borné à opposer à l'intéressée l'absence d'un visa de long séjour mais a examiné sa situation au regard des possibilités de dispense de ce visa prévues par l'article R. 313-10, pris pour l'application de l'article L. 313-7 ; qu'il ne ressort pas davantage des termes de la décision contestée, qui précise également qu'aucune mesure dérogatoire n'a paru justifiée, que le préfet ait écarté toute possibilité de dispense dudit visa, sans réserver l'hypothèse d'un " cas particulier " au sens du 1° de l'article R. 313-10 ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur de droit et d'un défaut d'examen particulier de la situation particulière de l'intéressée doit être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que MmeB..., entrée régulièrement en France en décembre 2010, à l'âge de quinze ans, alors qu'elle rendait visite à sa soeur, explique y être demeurée en raison du déclenchement de la révolution tunisienne ; qu'ayant été scolarisée en classe de troisième, puis en seconde professionnelle " relation clients-usagers ", elle suivait, à la date de la décision contestée, les enseignements de la deuxième année du certificat d'aptitude professionnelle " employé(e)-vente " ; que si les appréciations de ses professeurs ainsi que l'obtention, en juin 2014, de son CAP, témoignent de son sérieux et de son implication dans ses études, elle ne peut utilement se prévaloir de son inscription, au titre de l'année scolaire 2014/2015, postérieurement à la décision contestée, dans une nouvelle formation en classe de première professionnelle " accueil relation-client " ; qu'en se bornant à faire valoir qu'elle a été radiée du lycée de Ghardimaou en raison de l'interruption de ses études, elle ne justifie pas de l'impossibilité pour elle de poursuivre ses études en Tunisie ; que, dans ces conditions, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de la dispenser, en raison d'une nécessité liée au déroulement de ses études, de l'obligation de présentation du visa de long séjour et, en refusant, par suite, de lui délivrer la carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " prévue par les articles L. 313-7 et R. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

6. Considérant que si Mme B...séjourne en France depuis décembre 2010 et est hébergée chez sa soeur, elle n'est pas dépourvue d'attaches personnelles et familiales en Tunisie, son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de quinze ans et où vivent ses parents, ses deux frères et son autre soeur ; qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, elle ne justifie pas ne pas pouvoir y poursuivre ses études ; que, dans ces conditions, et nonobstant son jeune âge à son arrivée en France, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté, eu égard aux buts qu'elle poursuit, une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ; que, pour les mêmes raisons, cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de Mme B... ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

7. Considérant, en premier lieu, que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, Mme B... n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

8. Considérant, en second lieu, que, compte tenu de ce qui a été dit plus haut et en l'absence de circonstance particulière, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de l'intéressée ;

En ce qui concerne le choix du pays de destination :

9. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, Mme B... n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Considérant que le présent arrêt de rejet n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme B... doivent être rejetées ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

12. Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme B... demande pour son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

13. Considérant, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées à ce titre par le préfet du Rhône doivent, dès lors, être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du préfet du Rhône présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2016 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

M. Pourny, président-assesseur,

M. Meillier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 mars 2016.

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N° 14LY04043


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY04043
Date de la décision : 31/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Charles MEILLIER
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : BECHAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-03-31;14ly04043 ?
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