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31/03/2016 | FRANCE | N°14LY03851

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 31 mars 2016, 14LY03851


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 24 janvier 2014 du préfet du Rhône refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant, comme pays de reconduite d'office à l'expiration de ce délai, le pays dont elle a la nationalité, ou tout pays pour lequel elle établit être légalement admissible.

Par un jugement n° 1403540 du 30 septembre 2014, le tribunal administratif de Ly

on a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 24 janvier 2014 du préfet du Rhône refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant, comme pays de reconduite d'office à l'expiration de ce délai, le pays dont elle a la nationalité, ou tout pays pour lequel elle établit être légalement admissible.

Par un jugement n° 1403540 du 30 septembre 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2014, MmeB..., représentée par Me Rodrigues, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 septembre 2014 ;

2°) d'annuler les décisions du 24 janvier 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et, dans tous les cas, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de cette notification ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, en l'absence de consultation préalable de la commission du titre de séjour ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien ;

- elle méconnaît également les stipulations de l'article 6-5 du même accord ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- cette mesure d'éloignement méconnaît les dispositions des articles L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 6-1 de l'accord franco-algérien ;

- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français.

Par ordonnance du 2 décembre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 8 janvier 2016.

Un mémoire présenté par le préfet du Rhône a été enregistré le 22 février 2016, postérieurement à la clôture d'instruction, et n'a pas été communiqué.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 novembre 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leur famille ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Meillier.

1. Considérant que Mme A...B..., ressortissante algérienne née en 1969, est entrée en France le 15 février 2001, munie d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour selon ses déclarations ; que ses demandes d'asile territorial et conventionnel ont été respectivement rejetées le 4 mars 2003 par le ministre de l'intérieur et le 26 juillet 2004 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu'elle a fait l'objet le 14 mars 2003 d'une décision de refus de titre de séjour, le 14 avril 2005, d'une décision de refus de titre de séjour assortie d'une invitation à quitter le territoire français, et le 18 août 2011 d'une décision de refus de titre de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français ; que la légalité de cette dernière décision a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 4 juillet 2012 et par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 24 octobre 2013 ; qu'elle a sollicité, le 13 mai 2013, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles 6-1 et 6-5 de l'accord franco-algérien ; que, par décisions du 24 janvier 2014, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination ; que, par jugement du 30 septembre 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de l'intéressée tendant à l'annulation de ces décisions ; que Mme B...relève appel de ce jugement ;

Sur la légalité des décisions contestées :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / 1. Au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) " ; qu'il résulte de ces stipulations qu'un ressortissant algérien peut justifier par tout moyen qu'il réside habituellement en France depuis plus de dix ans ; que la condition de résidence habituelle qu'elles prévoient doit faire l'objet d'une appréciation globale et ne va pas jusqu'à exiger un séjour continu et ininterrompu ;

3. Considérant que, parmi les pièces produites par Mme B...pour établir sa résidence en France en 2008 et en 2009, seule l'ordonnance médicale du 26 février 2009 lui prescrivant une paire de lunettes établit, de façon certaine, sa présence en France à cette date ; qu'en admettant même qu'elle ait également assisté au mariage de sa soeur, célébré le 28 juillet 2008 à Annonay (Ardèche) et pour lequel elle produit des photographies, les autres pièces produites, qui consistent essentiellement en des factures et des attestations, ne permettent pas de démontrer qu'elle a séjourné de façon habituelle en France au cours des années 2008 et 2009 ; que, dans ces conditions, elle ne justifie pas avoir, à la date de la décision attaquée, résidé habituellement en France pendant une durée de plus de dix ans ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien ne peut qu'être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ;

5. Considérant que Mme B... n'est, selon ses déclarations, entrée en France pour la première fois qu'en février 2001, à l'âge de trente et un ans ; que, compte tenu de ce qui a été dit au point 3 du présent arrêt, elle ne justifie pas résider en France depuis cette date ; qu'en tout état de cause, elle est célibataire et sans enfant à charge ; que si elle fait valoir que treize membres de sa famille résident en France et que dix d'entre eux sont français, qu'elle est hébergée depuis son arrivée en France par sa soeur, que sa mère et son père sont décédés, que sa belle-mère est devenue propriétaire de la maison de famille et refuse de la recevoir et que son unique frère resté en Algérie n'a ni les moyens ni l'envie de l'accueillir, elle ne justifie toutefois pas être dépourvue de toute attache privée et familiale dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à son arrivée en France ; que la circonstance qu'elle a été hospitalisée quelques jours en novembre et décembre 2014, soit plusieurs mois après l'arrêté attaqué, ne permet pas d'établir qu'elle se trouvait, à la date de cette décision, dans un état de " grande vulnérabilité sur le plan psychique " ; que, dans ces conditions, et quand bien même elle soutient s'être intégrée dans la société française et produit des promesses d'embauche en date des 9 novembre 2010 et 10 novembre 2014, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté, eu égard aux buts qu'elle poursuit, une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien doit être écarté ; que, pour les mêmes raisons, la décision contestée n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;

6. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) ", qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. " ; que, pour l'application de ces dispositions, le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 313-11 ou par les stipulations équivalentes d'un accord bilatéral auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; que, par ailleurs, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 313-14 du code précité, aux termes desquelles " L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. " ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 5 du présent arrêt que Mme B...n'est pas au nombre des étrangers pouvant obtenir, de plein droit, un titre de séjour en application des articles 6-1 ou 6-5 de l'accord franco-algérien ; qu'ainsi, le préfet n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour en application de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'à supposer même que l'intéressée ait également entendu solliciter son " admission exceptionnelle au séjour ", elle n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que le préfet aurait dû saisir ladite commission en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 313-14 du code précité dans la mesure où elle ne justifie pas avoir, à la date de l'arrêté attaqué, résidé habituellement en France pendant une durée de plus de dix ans ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

8. Considérant, en premier lieu, que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, Mme B... n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas assorti des précisions permettant d'apprécier son bien-fondé ; que, compte tenu de ce qui a été dit au point 3 du présent arrêt, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'étant au nombre des étrangers pouvant prétendre de plein droit à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien, elle ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;

10. Considérant, en dernier lieu, qu'au vu de ce qui a été dit précédemment en ce qui concerne l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et en l'absence de circonstance particulière, la décision faisant obligation à Mme B...de quitter le territoire français n'a pas porté, eu égard aux buts qu'elle poursuit, une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ; que, pour les mêmes motifs, il en va de même de celui tiré de ce que cette mesure d'éloignement est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, compte tenu de la gravité de ses conséquences pour l'intéressée ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

11. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, Mme B...n'est pas fondée à demander l'annulation, par voie de conséquence, de cette décision ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Considérant que le présent arrêt de rejet n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme B...doivent être rejetées ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme B...demande pour son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2016 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

M. Pourny, président-assesseur,

M. Meillier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 mars 2016.

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N° 14LY03851


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY03851
Date de la décision : 31/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Charles MEILLIER
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : RODRIGUES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-03-31;14ly03851 ?
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