Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 7 juin 2013 par lequel le ministre de l'intérieur lui a infligé la sanction disciplinaire de l'exclusion temporaire pour une durée de vingt-quatre mois.
Par un jugement n° 1304579 du 17 juillet 2015, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté.
Procédure devant la Cour :
Par un recours, enregistré le 17 septembre 2015, le ministre de l'intérieur demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 juillet 2015 ;
2°) de rejeter la demande de M.B....
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la sanction infligée à M. B...n'est pas disproportionnée ; l'ensemble des faits qui lui sont reprochés démontre qu'il est l'auteur d'une variété de manquements graves et réitérés au regard de ses obligations statutaires et déontologiques, justifiant une sanction significative ; le conseil de discipline, réuni le 21 mai 2013, a proposé à l'unanimité la sanction d'exclusion temporaire de vingt-quatre mois ; la circonstance, relevée par le juge de première instance, que les fautes imputables à l'intéressé aient été commises sur une brève période et que ses états de service sont de qualité depuis sa prise de fonction comme gardien de la paix, ne suffisent pas à permettre de considérer qu'il mériterait une sanction inférieure à celle qui lui a été infligée ;
- il s'en rapporte pour le surplus aux écritures de première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2015, M. A...B..., représenté par la SCP Milliand-Dumolard, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge du ministre de l'intérieur au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- il n'a pas été informé de ses droits et n'a pas pu obtenir la communication intégrale de son dossier individuel, en méconnaissance de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 ;
- il n'a pas eu connaissance de la consultation préalable de l'organisme siégeant en conseil de discipline ni de l'avis rendu par ce conseil ;
- les faits qui lui sont reprochés, qui ont trait à une période très courte, ne sauraient justifier une sanction de deux ans d'exclusion temporaire, étant donné ses excellents états de services, son parcours professionnel irréprochable, l'absence de tout antécédent disciplinaire, son implication dans la vie publique et associative et la nature des manquements qui lui sont reprochés, alors que les témoignages des deux plaignants envers lesquels il aurait eu une attitude méprisante sont dépourvus de toute crédibilité, qu'il n'a pas tenu de propos politiques ou racistes et que, s'il a rédigé un procès-verbal d'audition en l'absence de l'intéressé, ce document est conforme aux propos tenus par ce dernier au téléphone ; cet acte de plainte n'a pas rejoint le dossier pénal et a été déposé dans la boîte aux lettres de la victime pour faciliter son dépôt de plainte ; il n'a rédigé et signé aucun faux procès verbal, au sens de l'article 429 du code de procédure pénale ; enfin, il ne conteste ni avoir eu une altercation avec deux collègues membres de l'Amicale de la police, qui étaient débiteurs de sommes importantes auprès de l'association, ni avoir été absent de son domicile pendant un congé de maladie au cours duquel le médecin l'avait laissé libre de sortir.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;
- le décret n° 86-592 du 18 mars 1986 portant code de déontologie de la police nationale ;
- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale ;
- l'arrêté ministériel du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police nationale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Peuvrel, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Clément, rapporteur public.
1. Considérant que M.B..., après avoir servi dans l'armée active de 1997 à fin 2003, a été titularisé en qualité de gardien de la paix le 1er janvier 2006 et affecté à la circonscription de sécurité publique d'Albertville depuis le 1er septembre 2011 ; qu'il a fait l'objet, le 7 juin 2013, d'un arrêté du ministre de l'intérieur prononçant son exclusion temporaire de fonction pour une durée de vingt-quatre mois ; que cet arrêté a été annulé par jugement du tribunal administratif de Grenoble rendu le 17 juin 2015 ; que le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement ;
Sur la légalité de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 7 juin 2013 :
2. Considérant que la sanction d'exclusion temporaire de deux ans est motivée par des manquements graves de M. B...à ses obligations statutaires et déontologiques, notamment à son devoir de réserve et d'impartialité ; qu'il est reproché à M.B..., premièrement, d'avoir, à plusieurs reprises, en juin, juillet et août 2012, adopté un comportement méprisant et insultant envers deux plaignants, refusant d'enregistrer une plainte, leur reprochant leur orientation politique supposée, suggérant à l'un des intéressés, pour résoudre un conflit de voisinage, "d'aller bâillonner la voisine et de la buter" et proférant, envers l'autre, des propos à teneur raciste, deuxièmement, d'avoir signé un procès-verbal d'audition mentionnant la présence physique d'une victime qu'il n'avait pourtant auditionnée que par téléphone et d'avoir déposé ce document dans la boîte aux lettres de l'intéressée pour qu'elle le modifie ou le signe, et, troisièmement, de s'être, le 24 octobre 2012, violemment emporté à la lecture d'un document affiché au tableau de l'Amicale de la police, qu'il préside localement, tapant du poing, insultant deux collègues membres de l'association auxquels il reprochait de n'avoir pas payé leur cotisation et adoptant à leur égard une attitude agressive voire menaçante, les inquiétant suffisamment pour qu'ils renoncent à se rendre sur une intervention ; qu'à cette même occasion, il a utilisé le registre professionnel de rappel pour téléphoner à un autre collègue, auquel il a alors tenu des propos déplacés ; que ces faits sont établis par les témoignages versés au dossier, dont il ne ressort pas, contrairement à ce qu'allègue M.B..., qu'ils seraient dépourvus de crédibilité ;
3. Considérant que, si M. B...a reçu plusieurs lettres de félicitation après avoir mené à bien différentes missions de maintien de l'ordre ou de répression, notamment lorsqu'il était gardien de la paix, et a fait l'objet de bonnes appréciations, lesquelles ont, au demeurant, été à plusieurs reprises assorties d'observations relatives à la nature des propos qu'il lui arrivait de tenir, à sa manière "abrupte" de communiquer ou aux améliorations qu'il devrait chercher à apporter à son contact avec les usagers, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard, d'une part, à la nature des faits imputés à M.B..., qui sont de nature à porter atteinte à l'image du service et, d'autre part, à la nature des fonctions exercées, lesquelles impliquent un comportement loyal et exemplaire ainsi que le respect absolu des personnes, quelles que soient leurs origines ou leurs convictions, que la sanction d'exclusion temporaire de deux ans, d'ailleurs votée à l'unanimité par les membres du conseil de discipline, présenterait, dans les circonstances de l'espèce, un caractère disproportionné ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 17 juin 2013 au motif que la sanction prononcée contre M. B...était disproportionnée ;
5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " (...) Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. (...) " ;
7. Considérant qu'il ressort des termes de la lettre de convocation devant la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline, dont l'accusé de réception atteste qu'elle a dûment été distribuée à M.B..., que ce dernier a, par ce courrier, été informé qu'il pouvait obtenir la communication intégrale de son dossier, se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix, présenter des observations écrites, citer des témoins et récuser un des membres élus représentant du personnel ; qu'ainsi, M.B..., qui a d'ailleurs, le 13 mai 2013, signé un document par lequel il a déclaré avoir été avisé de cette convocation, avoir l'intention de prendre connaissance de son dossier, de citer un témoin et de récuser une représentante du personnel, dont il a précisé le nom, et, enfin, ne pas avoir l'intention d'être assisté d'un défendeur, n'est pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas été dûment informé de ses droits ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que M. B...a signé, le 13 mai 2013, une déclaration de consultation de son dossier individuel ; qu'il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas obtenu la communication intégrale de son dossier individuel ;
9. Considérant, en troisième lieu, que, si M. B...soutient qu'il "n'a pas eu connaissance de la consultation préalable de l'organisme siégeant en conseil de discipline", il n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant à la Cour d'en apprécier la portée et le bien-fondé ;
10. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 du décret susvisé du 25 octobre 1984 : " Le conseil de discipline, au vu des observations écrites produites devant lui et compte tenu, le cas échéant, des déclarations orales de l'intéressé et des témoins ainsi que des résultats de l'enquête à laquelle il a pu être procédé, émet un avis motivé sur les suites qui lui paraissent devoir être réservées à la procédure disciplinaire engagée. / A cette fin, le président du conseil de discipline met aux voix la proposition de sanction la plus sévère parmi celles qui ont été exprimées lors du délibéré. Si cette proposition ne recueille pas l'accord de la majorité des membres présents, le président met aux voix les autres sanctions figurant dans l'échelle des sanctions disciplinaires en commençant par la plus sévère après la sanction proposée, jusqu'à ce que l'une d'elles recueille un tel accord. / La proposition ayant recueilli l'accord de la majorité des membres présents doit être motivée et être transmise par le président du conseil de discipline à l'autorité ayant pouvoir disciplinaire. (...) " ;
11. Considérant qu'il ne résulte ni de ces dispositions, ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire, que l'avis du conseil de discipline doive être communiqué à un fonctionnaire de l'Etat faisant l'objet d'une procédure disciplinaire avant l'intervention de la décision de l'autorité disciplinaire prise au vu de cet avis ;
12. Considérant, en cinquième et dernier lieu, que, pour les motifs exposés aux considérants 2 et 3 ci-dessus, M. B...n'est pas fondé à soutenir que la sanction qui lui a été infligée serait disproportionnée au regard de la gravité des faits qui l'ont motivée, ceci en dépit de ses bons états de service passés et de la circonstance que ces faits se seraient déroulés sur une courte période ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
13. Considérant que l'Etat n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante, les conclusions de M. B...tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 juillet 2015 est annulé.
Article 2 : La demande de M. B...devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. B...tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...B....
Délibéré après l'audience du 1er mars 2016, à laquelle siégeaient :
M. Boucher, président de chambre ;
M. Drouet, président-assesseur ;
Mme Peuvrel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 mars 2016.
''
''
''
''
2
N°15LY03112