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17/03/2016 | FRANCE | N°15LY01335

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 17 mars 2016, 15LY01335


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Pont-en-Royans a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler le refus implicite du préfet de l'Isère de procéder aux travaux de curage du cours d'eau de la Bourne à la suite de sa demande du 20 avril 2012 et d'enjoindre à l'Etat d'effectuer lesdits travaux ou, à défaut, de prendre une décision après une nouvelle instruction, ou, à titre subsidiaire, d'annuler la décision de refus du syndicat intercommunal du canal de la Bourne, avec les mêmes conclusions d'injonction.

Par un jugement n° 1202875 du 3 mars 2015, le tribunal administratif de Grenoble ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Pont-en-Royans a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler le refus implicite du préfet de l'Isère de procéder aux travaux de curage du cours d'eau de la Bourne à la suite de sa demande du 20 avril 2012 et d'enjoindre à l'Etat d'effectuer lesdits travaux ou, à défaut, de prendre une décision après une nouvelle instruction, ou, à titre subsidiaire, d'annuler la décision de refus du syndicat intercommunal du canal de la Bourne, avec les mêmes conclusions d'injonction.

Par un jugement n° 1202875 du 3 mars 2015, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision implicite du préfet de l'Isère refusant de procéder aux travaux de curage du cours d'eau de la Bourne, a enjoint audit préfet d'effectuer les opérations d'entretien du cours d'eau visées à l'article L. 2124-11 du code général de la propriété des personnes publiques dans un délai de six mois à compter de la notification du jugement, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à la commune de Pont-en-Royans au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 avril 2015, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 3 mars 2015.

Il soutient que le tribunal a commis une erreur de droit en posant pour principe que le cours d'eau devait être entretenu en application de l'article L. 2124-11 du code général de la propriété des personnes publiques sans rechercher si en l'espèce la rivière la Bourne nécessitait un entretien au sens de l'article L. 215-14 du code de l'environnement, qui était le seul entretien incombant à l'Etat et il renvoie, pour le surplus, aux écritures produites par le préfet en première instance.

Par un mémoire enregistré le 5 juin 2015, le syndicat d'irrigation drômois, venant aux droits du syndicat intercommunal du canal de la Bourne, représenté par MeA... :

1°) s'en rapporte à justice sur la requête ;

2°) en cas d'annulation du jugement, demande à la cour de rejeter les conclusions présentées par la commune de Pont-en-Royans devant le tribunal administratif ;

3°) en toute hypothèse, demande à la cour de mettre à la charge de qui mieux le devra une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la rivière la Bourne, dans sa partie traversant la commune de Pont-en-Royans, ne fait pas partie de la concession qui lui a été attribuée par l'Etat, c'est à titre purement volontaire qu'il a décidé d'assurer la maîtrise d'ouvrage des travaux de curage, l'Etat est seul responsable de l'entretien du cours d'eau ;

- la demande de la commune de Pont-en-Royans est irrecevable ; elle est dépourvue d'objet comme dirigée contre une décision inexistante, le syndicat ayant édicté une décision expresse le 25 avril 2012, qui n'opposait pas de refus de procéder aux travaux, les conclusions d'injonction devant être rejetées par voie de conséquence ; la commune ne justifie pas d'un intérêt à agir ;

- à titre subsidiaire, la demande de la commune n'est pas fondée ; aucune obligation ne lui incombe pour cette partie de la rivière ; il n'est pas nécessaire d'enjoindre de réaliser les travaux.

Par un mémoire enregistré le 26 octobre 2015, la commune de Pont-en-Royans, représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler la décision implicite de refus du syndicat intercommunal du canal de la Bourne, d'enjoindre au syndicat d'irrigation drômois de procéder aux travaux de curage du cours d'eau de la Bourne ou de prendre une nouvelle décision après une nouvelle instruction et de mettre à la charge du syndicat d'irrigation drômois une somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen invoqué par le ministre n'est pas fondé, dès lors que le jugement a vérifié que l'entretien de la Bourne était nécessaire pour permettre l'écoulement naturel des eaux, conformément à l'article L. 2124-11 du code général de la propriété des personnes publiques, en mentionnant qu'une étude préconisait un certain nombre de travaux en vue de permettre un meilleur écoulement des eaux ;

- la commune souhaite uniquement que l'ouvrage soit maintenu dans son profil d'équilibre pour s'écouler de manière naturelle, dans le cadre d'un entretien régulier, conformément aux articles L. 2124-11 du code général de la propriété des personnes publiques et L. 215-14 du code de l'environnement, afin de ne plus provoquer de crues sur son territoire, le ministre ne démontre pas en quoi l'entretien demandé excèderait ce cadre ;

- les fins de non-recevoir soulevées en première instance doivent être écartées ; le ministre ne peut utilement se prévaloir de l'existence d'une décision expresse prise par le syndicat alors que l'Etat n'a jamais répondu à la demande de la commune, ce qui a fait naître une décision implicite de rejet ; en outre, le courrier du syndicat du 25 avril 2012 ne présente aucun caractère décisoire ;

- cette décision implicite est illégale au regard de l'obligation de l'Etat d'entretenir les cours d'eau, l'Etat n'ayant jamais procédé aux travaux nécessaires de nature à remédier à l'engravement de la Bourne et à permettre le bon écoulement des eaux ; la réalisation de travaux ou l'imminence d'un processus opérationnel de l'Etat et du syndicat ne sont pas établies, en absence de tout document confirmant l'attribution des marchés de travaux ou le lancement de la consultation ainsi que la réalité des crédits affectés ; l'Etat a reconnu sa responsabilité dans cette affaire comme en atteste le courriel du 21 mars 2011, alors même qu'il n'a pas été adressé directement au maire de la commune mais au procureur de la République ;

- à titre subsidiaire, elle est recevable à présenter des conclusions au titre de l'appel provoqué contre le syndicat d'irrigation drômois, chargé du fonctionnement du barrage, qui contribue directement à la situation d'engravement de la Bourne ; son obligation d'entretien repose sur l'article L. 2124-11 du code général de la propriété des personnes publiques, qui prévoit que les personnes qui ont rendu les travaux nécessaires ou qui y trouvent intérêt peuvent être appelées au financement de leur entretien ; le syndicat a reconnu dans un courrier du 25 avril2012 que le problème d'engravement était lié en partie au barrage d'Auberives-en-Royans, ainsi que le Conseil d'Etat l'avait déjà retenu dans sa décision du 24 juillet 1981 et que le constate l'étude SOGREAH.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement,

- le code général de la propriété des personnes publiques,

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Samson-Dye,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,

- les observations de MeC..., représentant la commune de Pont-en-Royans et de Me B..., représentant le syndicat d'irrigation drômois.

Des notes en délibéré ont été enregistrées, pour la commune de Pont-en-Royans le 18 février 2016 et pour le syndicat d'irrigation drômois le 24 février 2016.

1. Considérant que le ministre chargé de l'écologie relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision implicite du préfet de l'Isère refusant de procéder aux travaux de curage du cours d'eau de la Bourne et a enjoint audit préfet d'effectuer les opérations d'entretien du cours d'eau visées à l'article L. 2124-11 du code général de la propriété des personnes publiques dans un délai de six mois à compter de la notification du jugement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance :

2. Considérant que le ministre renvoie aux écritures de première instance du préfet de l'Isère, qui avait invoqué la fin de non-recevoir tirée de l'absence de décision attaquée, au motif que le recours préalable de la commune de Pont-en-Royans n'avait pas donné lieu à un refus mais à une décision d'acceptation ;

3. Considérant toutefois qu'il ressort des pièces du dossier que, par courrier daté du 20 avril 2012 et reçu en préfecture le 24 avril 2012, la commune de Pont-en-Royans a demandé à l'Etat d'effectuer les travaux d'entretien du cours d'eau de la Bourne ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'Etat aurait statué expressément sur cette demande ; que le ministre ne peut utilement se référer à l'existence d'une décision expresse du syndicat intercommunal du canal de la Bourne, étant précisé qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ledit syndicat aurait agi comme mandataire de l'Etat ou pour son compte ; que, dans ces conditions, en application de l'article 21 de la loi susvisée du 12 avril 2000, le courrier de la commune, demeuré sans réponse pendant le délai de deux mois, a donné naissance à une décision implicite de rejet ; que la naissance de cette décision, qui n'a pas été rapportée en cours d'instance, a ainsi régularisé la demande présentée au tribunal administratif de Grenoble le 30 mai 2012 ; qu'ainsi, c'est à juste titre que le tribunal a écarté la fin de non-recevoir opposée par le préfet de l'Isère ;

Sur l'entretien du cours d'eau :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2124-11 du code général de la propriété des personnes publiques: " L'entretien, tel que défini aux articles L. 215-14 et L. 215-15 du code de l'environnement, des cours d'eau domaniaux et de leurs dépendances est à la charge de la personne publique propriétaire du domaine public fluvial (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 215-14 du code de l'environnement : " (...) L'entretien régulier a pour objet de maintenir le cours d'eau dans son profil d'équilibre, de permettre l'écoulement naturel des eaux et de contribuer à son bon état écologique ou, le cas échéant, à son bon potentiel écologique, notamment par enlèvement des embâcles, débris et atterrissements, flottants ou non, par élagage ou recépage de la végétation des rives. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article. " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et qu'il n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté, que le cours d'eau de la Bourne, qui traverse la commune de Pont-en-Royans, et qui relève du domaine public de l'Etat, n'a fait l'objet d'aucun entretien depuis 1982 et requiert, à la date de la décision implicite en litige, des travaux nécessaires à son désengravement, pour permettre un meilleur écoulement des eaux ; que, contrairement à ce que soutient le ministre, les premiers juges, qui ont expressément mentionné que l'étude hydraulique réalisée par la société SOGREAH au mois de janvier 1987 préconisait de tels travaux, ont ainsi caractérisé la nécessité de travaux destinés à permettre l'écoulement naturel des eaux, au sens de l'article L. 215-14 du code de l'environnement ; que, par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision litigieuse ; que si, par ailleurs, le préfet de l'Isère, aux écritures duquel se rapporte le ministre, faisait état des démarches accomplies, en lien avec le syndicat intercommunal du canal de la Bourne devenu syndicat d'irrigation drômois, en vue de procéder à des travaux de curage, pour tenter de démontrer que l'Etat et le syndicat étaient en train de prendre toutes les mesures nécessaires pour maintenir la capacité naturelle d'écoulement de la Bourne, cette circonstance était sans incidence sur l'existence ou sur la légalité de la décision implicite litigieuse, ainsi que sur la nécessité de prescrire une mesure d'exécution, aucune décision de procéder aux travaux n'ayant véritablement été prise à la date du jugement du tribunal ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, les sommes de 1 500 euros au titre des frais exposés, d'une part, par la commune de Pont-en-Royans et, d'autre part, par le syndicat d'irrigation drômois ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera, respectivement, à la commune de Pont-en-Royans et au syndicat d'irrigation drômois, la somme de 1 500 euros chacun en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune de Pont-en-Royans et du syndicat d'irrigation drômois est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, à la commune de Pont-en-Royans et au syndicat d'irrigation drômois.

Délibéré après l'audience du 18 février 2016, où siégeaient :

- Mme Verley-Cheynel, président de chambre,

- M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,

- Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 mars 2016.

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N° 14LY00768

N° 15LY01335 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY01335
Date de la décision : 17/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

24-01-02 Domaine. Domaine public. Régime.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : ADP AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-03-17;15ly01335 ?
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