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17/03/2016 | FRANCE | N°14LY00356

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 17 mars 2016, 14LY00356


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du préfet de l'Ardèche du 1er octobre 2013, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par une ordonnance n° 1307642 du 8 janvier 2014, le président de la 6e chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédu

re devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 février 2014 et un mémoire complém...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du préfet de l'Ardèche du 1er octobre 2013, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par une ordonnance n° 1307642 du 8 janvier 2014, le président de la 6e chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 février 2014 et un mémoire complémentaire enregistré le 5 janvier 2016, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 6e chambre du tribunal administratif de Lyon du 8 janvier 2014 ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ardèche, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros, à son profit, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'ordonnance du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon est entachée d'irrégularité dès lors que sa demande devant le tribunal, qui respectait les dispositions spéciales de l'article R. 776-12 du code de justice administrative, ne pouvait être rejetée pour tardiveté en application des dispositions générales de l'article R. 222-1 du même code ;

- la décision portant refus de délivrance de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11, du 7° de l'article L. 313-11, de l'article L. 313-14 et de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de délivrance de titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de délivrance de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2016, le préfet de l'Ardèche conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mesmin d'Estienne, rapporteur,

- et les observations de MeC..., représentant M. B....

1. M. B..., ressortissant pakistanais, est arrivé en France en août 2011, selon ses déclarations. Il a saisi, le 26 avril 2013, le préfet de l'Ardèche d'une demande de régularisation de sa situation administrative. Par arrêté du 1er octobre 2013, le préfet de l'Ardèche lui a néanmoins refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sous trente jours et a désigné le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé d'office à l'expiration de ce délai. M. B... fait appel de l'ordonnance du 8 janvier 2014 par laquelle le président de la 6e chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. L'article R. 411-1 du code de justice administrative dispose que : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. " et aux termes de l'article R. 776-2 du même code : " I. Conformément aux dispositions du I de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire fait courir un délai de trente jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour notifiées simultanément (...) ".

3. L'article R. 776-1 du code de justice administrative dispose que : " Sont présentées, instruites et jugées selon les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles du présent code, sous réserve des dispositions du présent chapitre, les requêtes dirigées contre : / 1° Les décisions portant obligation de quitter le territoire français, prévues au I de l'article L. 511-1 et à l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les décisions relatives au séjour notifiées avec les décisions portant obligation de quitter le territoire français ; (...) / 4° Les décisions fixant le pays de renvoi prévues à l'article L. 513-3 du même code ; (...) ". Aux termes de l'article R. 776-12 du même code relatif au contentieux des obligations de quitter le territoire français : " Lorsqu'une requête sommaire mentionne l'intention du requérant de présenter un mémoire complémentaire, la production annoncée doit parvenir au greffe du tribunal administratif dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle la requête a été enregistrée. Si ce délai n'est pas respecté, le requérant est réputé s'être désisté à la date d'expiration de ce délai, même si le mémoire complémentaire a été ultérieurement produit. Il est donné acte de ce désistement. ". Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui, dans le délai de trente jours qui lui est imparti à compter de la notification, a introduit à l'encontre de l'une des décisions visées à l'article R. 776-1 du code de justice administrative une requête sommaire mentionnant son intention de présenter un mémoire complémentaire peut toujours régulariser sa requête dans le délai de quinze jours suivant son enregistrement, alors même que le délai de recours à l'encontre de cette décision serait venu à expiration.

4. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 1er octobre 2013 par lequel le préfet de l'Ardèche a notamment fait obligation à M. B...de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, qui portait mention des voies et délais de recours, lui a été notifié le 3 octobre 2013. La demande de M. B...tendant à l'annulation de cet arrêté a, quant à elle, été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Lyon le 2 novembre 2013, en la forme d'une requête sommaire mentionnant son intention de présenter un mémoire complémentaire dans de brefs délais. Le mémoire complémentaire dont la production avait été ainsi annoncée a été produit par M. B... le 16 novembre 2013, soit avant l'expiration du délai de quinze jours prévu par les dispositions précitées de l'article R. 776-12 du code de justice administrative. Ce mémoire contenait notamment l'exposé des moyens exigé par les dispositions de l'article R. 411-1 précité du même code. En rejetant la demande de M. B... comme manifestement irrecevable en application de l'article R. 222-1 du code de justice administrative au motif que l'exposé des moyens avait été produit après l'expiration du délai de recours contentieux de trente jours, le juge de première instance a dès lors entaché son ordonnance d'irrégularité. L'ordonnance attaquée du 8 janvier 2014 doit en conséquence être annulée.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Lyon.

Sur la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

En ce qui concerne la forme de la décision :

6. L'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée dispose que : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) " et aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

7. L'arrêté du 1er octobre 2013, par lequel le préfet de l'Ardèche a notamment refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. B... sur le fondement du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est régulièrement motivé en droit par le visa de ces dispositions. Il est suffisamment motivé en fait par l'indication selon laquelle l'intéressé a été placé auprès de l'aide sociale à l'enfance à l'âge de 16 ans et 2 mois. En tant qu'il a refusé à M. B...la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cet arrêté est régulièrement motivé en droit par le visa de ces dispositions et est suffisamment motivé en fait par l'indication selon laquelle il ne justifie pas suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et n'établit pas ne plus avoir de relation avec sa famille restée au Pakistan et notamment avec son père. En tant qu'il a refusé à M. B... la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cet arrêté est régulièrement motivé en droit par le visa de ces dispositions et en fait par la mention de son statut de célibataire sans enfant, de son absence d'attaches familiales en France, des attaches qu'il possède au Pakistan et du caractère non avéré des faits qu'il allègue avoir vécus dans son pays d'origine. Enfin, en tant qu'il a refusé à M. B...la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cet arrêté est régulièrement motivé en droit par le visa de ces dispositions et en fait par la mention selon laquelle les motifs invoqués par l'intéressé ne sont pas de nature à lui permettre de bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour. M. B... n'est dès lors pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour contesté est insuffisamment motivé au regard des exigences de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée.

En ce qui concerne le fond de la décision :

8. En premier lieu, l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. (...) ".

9. Il n'est pas contesté que M.B..., né le 2 septembre 1995 et entré en France en août 2011, a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance à compter du 25 novembre 2011, soit à l'âge de seize ans et deux mois. Au regard de la condition d'âge de prise en charge par l'aide sociale à l'enfance, sa situation ne relève pas en conséquence du champ d'application du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de l'Ardèche n'a donc pas commis d'erreur de droit en refusant, pour ce motif, de délivrer à M. B... le titre de séjour prévu par ces dispositions.

10. En deuxième lieu, l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé. ".

11. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance de Paris entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans. Toutefois, si, à la date de l'arrêté contesté, il avait suivi des enseignements de français langue étrangère, des ateliers de découverte des institutions françaises, des activités d'arts plastiques et de musique, a été scolarisé en lycée durant l'année scolaire 2012-2013 et a effectué de courts stages en entreprises, ces activités ne sauraient être regardées comme une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle au sens de l'article L. 313-15 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Son inscription, à la rentrée scolaire de septembre 2013, en première année d'études en vue de l'obtention du certificat d'aptitude professionnelle comme " Peintre - Applicateur de revêtement " est, de même, trop récente pour lui permettre de se prévaloir, à la date de l'arrêté en litige, d'un suivi d'une formation professionnelle qualifiante depuis une durée d'au moins six mois comme exigé audit article. Ainsi, le préfet de l'Ardèche n'a pas méconnu ces dispositions en refusant de délivrer à M. B... un titre de séjour sur ce fondement.

12. En troisième lieu, l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

13. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré irrégulièrement sur le territoire français deux ans seulement avant l'intervention de l'arrêté contesté. Célibataire et sans enfant, il ne dispose pas d'attaches familiales en France, alors qu'il conserve de fortes attaches au Pakistan, où résident notamment ses parents et son frère et où lui-même a vécu jusqu'à l'âge de quinze ans. S'il fait valoir qu'il serait exposé à une menace d'enlèvement en cas de retour dans son pays d'origine, il ne produit aucun élément susceptible de venir corroborer ses allégations. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée de son séjour et des conditions de son entrée et de son séjour en France malgré les efforts d'insertion qui ont été les siens, la décision contestée à la date à laquelle elle a été prise, n'a pas porté au droit de M.B..., au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus. Cette décision n'a, dès lors, méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. Pour les motifs énoncés au point 13 ci-avant, le préfet de l'Ardèche n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé en refusant de régulariser la situation administrative de M.B....

15. En quatrième lieu, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) ".

16. En se bornant à indiquer, d'une part, qu'il encourt des risques pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine, sans apporter la preuve de ses allégations, et, d'autre part, qu'il vit en France depuis 2011 et a fait des efforts d'insertion dans la société française en s'intégrant scolairement et en apprenant la langue française, M. B... ne justifie ni de considérations humanitaires, ni de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permettraient de regarder le préfet de l'Ardèche, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant, à la date à laquelle il s'est prononcé, commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de cet article.

17. M. B... ne peut pas, enfin, utilement se prévaloir d'une violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard aux risques prétendument encourus par lui au Pakistan, pour contester le refus de délivrance de titre de séjour qui lui est opposé qui ne lui fait pas obligation, par lui-même, de retourner dans son pays d'origine.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

18. L'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. (...)".

19. Le préfet de l'Ardèche a, par un même arrêté, refusé de délivrer un titre de séjour à M. B... et fait obligation à ce dernier de quitter le territoire français. La décision portant obligation de quitter le territoire français, prise sur le fondement des dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à M. B..., n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour qui, en l'espèce, est suffisamment motivée, ainsi qu'il a été dit au point 7 ci-avant.

20. Il résulte des points 8 à 17 qui précèdent, que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre.

21. Comme il a été dit auparavant, M. B... n'était pas en droit de prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. B... a ainsi pu légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement.

22. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 13 et 14 ci-dessus, les moyens tirés de la violation, par la décision portant obligation de quitter le territoire français, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée cette mesure d'éloignement, doivent être écartés comme non fondés.

23. M. B... ne peut pas, enfin, utilement se prévaloir d'une prétendue violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, qui ne désigne pas, par elle-même, le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office.

Sur la décision fixant le pays de destination :

24. En premier lieu, la décision par laquelle le préfet de l'Ardèche a désigné le pays à destination duquel M. B... pourrait être éloigné d'office est régulièrement motivée en droit par le visa des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient que " l'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ". Cette décision doit être regardée comme régulièrement motivée en fait par l'indication que M. B... est de nationalité pakistanaise et qu'il pourra être reconduit d'office à la frontière du pays dont il a la nationalité ;

25. En deuxième lieu, il résulte, d'une part, de l'examen précédent de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français, que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi. La décision désignant le pays de renvoi n'ayant pas été prise sur le fondement de la décision de refus de délivrance de titre de séjour, M. B... ne saurait, d'autre part, utilement exciper de l'illégalité de ce refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.

26. En troisième lieu, l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " et ce dernier texte énonce que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

27. Ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.

28. Si M. B... soutient qu'il serait exposé à une menace d'enlèvement en cas de retour dans son pays d'origine et fait valoir une situation de violence généralisée dans ce pays, il n'établit pas, par son récit et les pièces produites au dossier, la réalité des faits allégués et l'existence de risques personnels et actuels en cas de retour au Pakistan, ni même l'existence d'une situation de violence généralisée dans ce pays. Par suite, en désignant le Pakistan comme pays de renvoi, le préfet de l'Ardèche n'a méconnu ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

29. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 1er octobre 2013 par lequel le préfet de l'Ardèche lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français en désignant le Pakistan comme pays de renvoi. Ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens, présentées tant devant le tribunal administratif que devant la cour, doivent être rejetées par voie de conséquence.

30. Le présent arrêt ne fait pas obstacle à ce que M. B...se prévale devant l'administration, à l'appui d'une nouvelle demande de titre de séjour, des circonstances de fait, postérieures à la décision attaquée, justifiant un nouvel examen de sa de sa situation actuelle.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1307642, du 8 janvier 2014, du président de la 6e chambre du tribunal administratif de Lyon est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. B...devant la cour est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Ardèche.

Délibéré après l'audience du 18 février à laquelle siégeaient :

Mme Verley-Cheynel, président,

M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,

Mme Gondouin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 mars 2016.

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N° 14LY00356


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY00356
Date de la décision : 17/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur ?: M. Olivier MESMIN d'ESTIENNE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : DA COSTA*

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-03-17;14ly00356 ?
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