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01/03/2016 | FRANCE | N°14LY02924

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 01 mars 2016, 14LY02924


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL La Crémaillère a demandé au tribunal administratif de Grenoble la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2004, 2005 et 2006 du fait des exercices clos au cours des mêmes années, ainsi que des droits de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er mai 2003 au 30 avril 2006 et de l'amende fiscale qui lui a été infli

gée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts du fait de la non divul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL La Crémaillère a demandé au tribunal administratif de Grenoble la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2004, 2005 et 2006 du fait des exercices clos au cours des mêmes années, ainsi que des droits de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er mai 2003 au 30 avril 2006 et de l'amende fiscale qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts du fait de la non divulgation des bénéficiaires des distributions intervenues au cours des années 2004, 2005 et 2006.

Par un jugement n° 1104143-1104144 du 16 mai 2014, le tribunal administratif de Grenoble a déchargé la SARL La Crémaillère de l'amende fiscale infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par un recours enregistré le 19 septembre 2014, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement du tribunal administratif de Grenoble, en date du 16 mai 2014 ;

2°) de remettre à la charge de la SARL La crémaillère l'amende fiscale prévue à l'article 1759 du code général des impôts à concurrence d'un montant total de 467 141 euros.

Il soutient que :

- la proposition de rectification du 13 décembre 2007 dont la SARL a accusé réception le 15, l'invitait, conformément à l'article 117 du code général des impôts, à indiquer l'identité du ou des bénéficiaires des distributions résultant de la vérification, et l'avisait de l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 du code général des impôts en cas d'absence de réponse dans un délai de 30 jours ; à défaut de réponse de la société à l'expiration du délai imparti, le service vérificateur a régulièrement adressé à la contribuable un courrier en date du 8 février 2008 dont elle a accusé réception le 19, motivant l'assujettissement de la société à la pénalité susmentionnée ;

- l'erreur de droit résultant du défaut de production de cette lettre de motivation au cours de la première instance a conduit le tribunal administratif de Grenoble a déchargé la SARL La Crémaillère de l'amende fiscale à laquelle elle a été assujettie au titre de la période du 1er mai 2003 au 30 avril 2006 ;

- après avoir annulé les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Grenoble, la cour, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, ne pourra que juger que la pénalité fiscale en litige a été régulièrement notifiée à la SARL La Crémaillère.

Par une lettre en date du 14 octobre 2014, le ministre des finances et des comptes publics a été invité par la cour, en application des dispositions de l'article R. 612-1 du code de justice administrative, à régulariser sa requête dans le délai d'un mois, par sa signature ou celle de son délégué compétent ou à défaut de produire une délégation de signature du signataire de la requête l'autorisant à faire appel au nom du ministre dans les litiges de plein contentieux relatifs à des amendes fiscales qui ne relèvent ni du plein contentieux d'assiette, ni du plein contentieux du recouvrement.

Par un mémoire, enregistré le 17 octobre 2014, le ministre des finances et des comptes publics persiste dans ses écritures.

Il soutient, en outre, que :

- en 2007, ont été déconcentrés les appels formés par le ministre portant sur les litiges suivis par les directions départementales et les directions de contrôle de province ; parallèlement, le contentieux de recouvrement d'appel a été totalement déconcentré en 2000 ; depuis l'origine, la déconcentration a toujours porté sur l'intégralité du contentieux fiscal d'assiette en appel, qu'il s'agisse du contentieux portant sur l'impôt lui-même ou du contentieux portant sur les pénalités, que celles-ci soient attachées à des droits ou non ; aux termes du décret du 6 mars 1961 modifié, le directeur général des finances publiques a compétence permanente du ministre pour la présentation des recours formés par l'administration devant notamment les cours administratives d'appel ; ce même décret autorise le directeur général des finances publiques à déléguer sa signature à des fonctionnaires de ses services ; cette délégation se matérialise par un arrêté actualisé régulièrement pour tenir compte des changements de délégataires ou du délégant ; le contentieux des pénalités fiscales autonomes telle que la pénalité prévue à l'article 1759 du code général des impôts est régi comme le plein contentieux d'assiette en application du II de l'article 1754 du même code ; il n'y a pas lieu de le distinguer du contentieux portant sur l'impôt lui-même ou sur des pénalités accessoires à des droits ; la cour constatera la compétence de Mme B... A...pour signer la requête présentée le 19 septembre 2014, laquelle a reçu délégation de signature du directeur général des finances publiques pour représenter l'Etat dans le cadre des litiges présentés devant elle portant sur les pénalités, qu'il s'agisse des pénalités calculées sur un impôt ou des autres pénalités.

Par lettre du 13 janvier 2016, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de la tardiveté du recours du ministre des finances et des comptes publics et de l'inapplicabilité des dispositions de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales au plein contentieux ATOM dont relève l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts.

Par un mémoire, enregistré le 15 janvier 2016, le ministre des finances et des comptes publics fait valoir que l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales trouve à s'appliquer au contentieux de l'amende fondée sur l'article 1759 du code général des impôts.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Terrade, premier conseiller,

- les conclusions de M. Besse, rapporteur public.

1. Considérant que la SARL La Crémaillère, dont le siège est situé au lieu-dit Les Lindarets à Montriond (74110) et qui fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire depuis le 25 juillet 2014, exploite un bar-restaurant ; qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er mai 2003 au 30 avril 2006, à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui a notamment appliqué une pénalité fiscale égale à 100 % des sommes distribuées au titre des années 2004, 2005 et 2006 en application de l'article 1759 du code général des impôts ; que cette pénalité a été mise en recouvrement le 12 janvier 2009 à hauteur de 467 141 euros ; que la SARL La Crémaillère l'a contestée par une réclamation du 30 décembre 2010 qui a fait l'objet d'un rejet par l'administration fiscale le 1er juin 2011, notifié le 10 juin suivant ; que la société a alors porté le litige devant le tribunal administratif de Grenoble, lequel, par un jugement du 16 mai 2014, a déchargé cette société de ladite amende au motif que celle-ci ne lui aurait pas été notifiée ; que, par le présent recours, le ministre des finances et des comptes publics relève appel de ce jugement en tant qu'il a prononcé la décharge de l'amende fiscale et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas ou la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte de déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 " ; qu'aux termes de l'article 1759 du code général des impôts : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de l'amende est ramené à 75 %. " ; que les dispositions de l'article 1759 du code général des impôts instaurent une pénalité fiscale sanctionnant le refus par une personne morale de révéler l'identité des bénéficiaires d'une distribution de revenus contrairement aux dispositions des articles 117 et 240 du code général des impôts ; que cette amende est au nombre des sanctions qui doivent être motivées en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 et faire l'objet d'une procédure contradictoire en application de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, l'administration étant tenue à ces deux obligations à l'égard de la société qu'elle envisage de soumettre à la pénalité ; que cette amende fiscale doit faire l'objet d'une motivation spécifique après la réalisation de son fait générateur c'est-à-dire à l'expiration du délai de trente jours imparti à la société pour répondre, et avant sa mise en recouvrement ;

3. Considérant que dans la proposition de rectification du 13 décembre 2007, dont la SARL La Crémaillère a accusé réception le 15 décembre 2007, l'administration fiscale invitait cette société à fournir dans le délai de trente jours suivant la réception de ce document, conformément aux dispositions de l'article 117 du code général des impôts, l'identité du ou des bénéficiaires des distributions révélées dans le cadre de la vérification de comptabilité dont elle avait fait l'objet ; qu'en l'absence de réponse dans le délai imparti, l'administration l'avisait de l'application de la pénalité de 100 % des sommes distribuées prévue à l'article 1759 du même code ; qu'à l'expiration dudit délai, compte tenu du défaut de réponse de la SARL La Crémaillère, l'administration fit application des dispositions de l'article 117 précité du code général des impôts ;

4. Considérant qu'il résulte des pièces produites pour la première fois en appel que par un courrier du 8 février 2008 dont il a été accusé réception le 19 février 2008, l'administration fiscale a notifié à la SARL La Crémaillère, en le motivant, son assujettissement à la pénalité prévue à l'article 1759 du code général des impôts pour non divulgation de l'identité des bénéficiaires des distributions au titre de la période du 1er mai 2003 au 30 avril 2006 ; que, par suite, le ministre des finances et des comptes publics est fondé à soutenir que l'amende litigieuse a été régulièrement notifiée et motivée ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, en l'absence de tout autre moyen à examiner par l'effet dévolutif de l'appel, le ministre des finances et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, prononcé la décharge de l'amende fiscale prévue à l'article 1759 du code général des impôts infligée à la SARL La Crémaillère au titre de la période du 1er mai 2003 au 30 avril 2006 et a, d'autre part, mis à la charge de l'Etat le versement au bénéfice de cette société d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Grenoble, en date du 16 mai 2014, sont annulés.

Article 2 : L'amende prévue à l'article 1759 infligée à la SARL La Crémaillère au titre de la période du 1er mai 2003 au 30 avril 2006 est remise à sa charge.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL La Crémaillère et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 2 février 2016, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

Mme Terrade, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er mars 2016.

2

N° 14LY02924

jb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY02924
Date de la décision : 01/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - AMENDES - PÉNALITÉS - MAJORATIONS - CONTRIBUTIONS ET TAXES - RÈGLES CONTENTIEUSE SPÉCIALES - NATURE DU RECOURS DU CONTRIBUABLE CONTRE L'AMENDE PRÉVUE PAR L'ARTICLE 1759 DU CODE GÉNÉRAL DES IMPÔTS (NON DIVULGATION DE L'IDENTITÉ DE BÉNÉFICIAIRES DE DISTRIBUTIONS) - PLEIN CONTENTIEUX DE LA SANCTION ADMINISTRATIVE - ABSENCE - PLEIN CONTENTIEUX FISCAL - EXISTENCE - CONSÉQUENCE - APPLICATION DE L'ARTICLE R - 200-18 DU LIVRE DES PROCÉDURES FISCALES - SOLUTION IMPLICITE.

19-01-04 Compte tenu de son lien avec la procédure d'imposition, le recours du contribuable contre l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts (non divulgation de l'identité de bénéficiaires de distributions) est un recours de plein contentieux de nature fiscale (1). Il suit de là que s'appliquent les règles spéciales prévues par le livre des procédures fiscales régissant la procédure contentieuse, notamment l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales fixant un délai d'appel spécial (2).

CONTRIBUTIONS ET TAXES - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - REQUÊTES D'APPEL - DÉLAI - CONTRIBUTIONS ET TAXES - RÈGLES CONTENTIEUSE SPÉCIALES - NATURE DU RECOURS DU CONTRIBUABLE CONTRE L'AMENDE PRÉVUE PAR L'ARTICLE 1759 DU CODE GÉNÉRAL DES IMPÔTS (NON DIVULGATION DE L'IDENTITÉ DE BÉNÉFICIAIRES DE DISTRIBUTIONS) - PLEIN CONTENTIEUX DE LA SANCTION ADMINISTRATIVE - ABSENCE - PLEIN CONTENTIEUX FISCAL - EXISTENCE - CONSÉQUENCE - APPLICATION DE L'ARTICLE R - 200-18 DU LIVRE DES PROCÉDURES FISCALES - SOLUTION IMPLICITE.

19-02-04-02 Compte tenu de son lien avec la procédure d'imposition, le recours du contribuable contre l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts (non divulgation de l'identité de bénéficiaires de distributions) est un recours de plein contentieux de nature fiscale (1). Il suit de là que s'appliquent les règles spéciales prévues par le livre des procédures fiscales régissant la procédure contentieuse, notamment l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales fixant un délai d'appel spécial (2).


Références :

[RJ1]

(1) Comp. CE Ass. 16 février 2009, n° 274000, Société Atom au Recueil pour l'amende prévue par l'article 1840 J du code général des impôts (règlement en liquide prohibé au-delà d'un certain montant)., ,Cf. CE, Section, 1er décembre 1999, Association pour l'unification du christianisme mondial, 170598, au recueil sur un autre point ;

CE, 3 décembre 1999, Makarian, 162925, aux Tables sur ce point, décision par laquelle le CE a jugé que le litige concernant cette pénalité était un litige de plein contentieux fiscal, pour lequel s'appliquait le principe de rétroactivité de la loi la plus douce. CE, 24 mars 2006, SA Martell et Co, 257330. CE, 17 mars 2010, SARL Café de la paix, 309197 décision postérieure à la jurisprudence ATOM.,,,

[RJ2]

(2) Pas de précédent sur ce point. Comp. CAA Nantes 13 octobre 1988, n° 95-NT01401, Ministre c/ Mme Ricaud appliquant le délai d'appel de droit commun à l'appel d'un jugement ayant annulé pour excès de pouvoir un refus de décharge gracieuse de responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TERRADE
Rapporteur public ?: M. BESSE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-03-01;14ly02924 ?
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