Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Bligny-sur-Ouche a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner, conjointement et solidairement, la société " Tant qu'il y aura des rues en herbe... ", MmeI..., la société Oth-Est, la société Giboulot Bernard et la société Fleurot père et fils à lui verser une somme de 49 681,54 euros correspondant à la remise en état du parvis de l'hôtel de ville.
Par un jugement n° 1300814 du 16 octobre 2014, le tribunal administratif de Dijon a condamné les groupements solidaires constitués d'une part de la Sarl " Tant qu'il y aura des rues en herbe... ", de MmeI..., de la société Egis Bâtiments Grand Est, d'autre part de la Sarl Giboulot Bernard et de la Sarl Fleurot père et fils, à verser in solidum une somme de 49 681,54 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2013, à la commune de Bligny-sur-Ouche, a jugé que le groupement constitué de la Sarl " Tant qu'il y aura des rues en herbe... ", Mme I...et la société Egis Bâtiments Grand Est garantira solidairement la Sarl Fleurot père et fils à hauteur de la somme de 37 261,16 euros et sera garanti par la Sarl Fleurot père et fils à hauteur de la somme de 12 420,39 euros, que Mme J...et la Sarl " Tant qu'il y aura des rues en herbe... " garantiront en solidarité la société Egis Bâtiments Grand Est à hauteur de la somme de 37 261,16 euros. Mme J...garantira la Sarl " Tant qu'il y aura des rues en herbe... " à hauteur de la somme de 22 356,69 euros et sera garantie par cette société à hauteur de 14 904,46 euros, a mis à la charge de la Sarl " Tant qu'il y aura des rues en herbe... ", de MmeI..., et de la Sarl Fleurot père et fils une somme de 1 563,72 euros chacune au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative et une somme de 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à la commune de Bligny-sur-Ouche, et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 30 décembre 2014, 30 septembre et 15 octobre 2015, la société " " Tant qu'il y aura des rues en herbe... ", représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité ;
2°) de la mettre hors de cause ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner in solidum Mme H...I...et la société Fleurot père et fils à la garantir de toutes condamnations en principal, intérêts et accessoires prononcée au profit de la commune de Bligny-sur-Ouche ;
4°) de mettre à la charge de toute partie succombante le coût de l'expertise, ainsi qu'une somme de 2 500 euros, ultérieurement portée à 4 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
5°) de rejeter les conclusions de la commune de Bligny-sur-Ouche.
Elle soutient que :
- le désordre ne lui est pas imputable, au regard des missions qui lui ont été confiées dans le cadre du groupement de maîtrise d'oeuvre en tant qu'architecte paysagiste ; la commune n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait refusé de procéder à une modification du cahier des clauses techniques particulières (ci-après CCTP), cette demande ayant porté sur la partie d'ouvrage réalisée en sable stabilisé, qui n'est pas endommagée ; l'aspect technique de la solution retenue, qui paraissait fiable, n'a jamais été discuté en cours de chantier, que ce soit par l'entrepreneur ou par le maître d'ouvrage ; elle a mis en oeuvre son obligation de moyens ; elle n'a commis aucune faute ; les désordres, au demeurant seulement esthétiques, ne sauraient justifier l'engagement de sa responsabilité ;
- les défauts de conception et de réalisation sont imputables respectivement à Mme H... I..., qui a établi les prescriptions techniques du CCTP et qui n'a pas assumé son rôle de direction des travaux, et à la société Fleurot père et fils, entreprise sur laquelle pesait une obligation de résultat, qui a manqué à son obligation de conseil envers la maîtrise d'oeuvre et qui a omis d'émettre des réserves sur les ordres de service qui lui ont été adressés ;
- en cas de condamnation, elle a droit à être garantie par MmeI..., architecte en charge de la conception architecturale du parvis, et par la société Fleurot père et fils, qui a manqué à l'exécution de ses obligations ;
- la commune a commis une faute en laissant circuler sur le parvis exclusivement réservé à un usage piétonnier des engins publics de fort tonnage, sur la partie du dallage qui était déjà fragilisée, alors que la maîtrise d'oeuvre lui avait signalé qu'aucun véhicule ne devait circuler sur la partie du parvis située en façade de l'hôtel de ville.
Par des mémoires enregistrés les 16 avril et 7 octobre 2015, la commune de Bligny-sur-Ouche, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge in solidum de la Sarl " Tant qu'il y aura des rues en herbe... ", de Mme I..., de la SARL Egis Bâtiments Grand Est, de la SARL Giboulot Bernard et de la Sarl Fleurot père et fils une somme de 7 735,16 euros au titre des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'une somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens, portée à 5 000 euros dans ses dernières écritures.
Elle soutient que :
- la responsabilité contractuelle des constructeurs reste engagée s'agissant des désordres ayant fait l'objet de réserves ;
- le groupement de maîtrise d'oeuvre, en particulier l'architecte paysagiste et l'architecte DPLG, a manqué à ses obligations de conception et de conseil lors de l'exécution du chantier ; chaque membre du groupement de maîtrise d'oeuvre peut voir sa responsabilité engagée en tant que membre d'un groupement conjoint et solidaire ; dès juin 2008, la collectivité et les entreprises Fleurot et Giboulot ont attiré l'attention de la maîtrise d'oeuvre sur l'aspect du parvis sans que la maîtrise d'oeuvre n'apporte de solution, une variante avait été proposée par l'entreprise Fleurot père et fils ; la modification refusée par la société requérante concernait le béton fin grenaillé et non le sable stabilisé ;
- les entreprises ont manqué à leur devoir de conseil car elles n'ont pas attiré l'attention du maître d'oeuvre et du maître d'ouvrage avant le début des travaux pour les avertir que la solution prévue par le CCTP n'était pas adaptée, alors qu'en leur qualité de professionnels de la construction, elles ne pouvaient ignorer ce vice de conception ;
- il n'est pas établi que le maître d'ouvrage aurait commis une faute ;
- elle a droit à la réparation intégrale de son préjudice, qui nécessite la réfection complète du parvis, pour un montant de 49 681,54 euros TTC ;
- doivent être mis à la charge des défendeurs les frais d'expertise, taxés à hauteur de 5 741,16 euros, mais aussi une somme de 1 794 euros correspondant aux frais du sapiteur, qui ont été omis des dépens liquidés en première instance ; cette demande ne constitue pas une demande nouvelle car ces frais se rattachent à la même cause juridique que les frais d'expertise liquidés en première instance.
Par un mémoire enregistré le 18 mai 2015, la SARL Fleurot père et fils, représentée par MeE..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ainsi que les demandes de la commune de Bligny-sur-Ouche dirigées à son encontre ;
2°) le cas échéant, de condamner la SARL " Tant qu'il y aura des rues en herbe... " à la garantir intégralement de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de la SARL " Tant qu'il y aura des rues en herbe... " une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens de l'instance et notamment les frais d'expertise.
Elle soutient que :
- les désordres proviennent d'erreurs de conception imputables à la société requérante ;
- elle a réalisé l'ouvrage conformément aux spécifications de son marché et notamment aux prescriptions du CCTP, qu'elle ne pouvait modifier unilatéralement ;
- elle a satisfait à son devoir de conseil ; elle avait proposé une variante qui avait été refusée par la société requérante alors qu'elle était de nature à éviter les fissurations, qui sont au demeurant peu importantes ;
- Les désordres n'affectent pas la solidité de l'ouvrage et ne le rendent pas impropre à sa destination ;
- il appartenait au maître d'oeuvre de prévoir des joints de fractionnements adaptés à la conception prévue ;
- la responsabilité du concepteur étant pleine et entière, la société requérante doit être condamnée à la garantir des condamnations dont elle pourrait faire l'objet.
Par un mémoire enregistré le 27 août 2015, Mme H...I..., représentée par MeF..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement attaqué ;
2°) de la mettre hors de cause ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner in solidum la SARL " Tant qu'il y aura des rues en herbe... ", la SARL Fleurot père et fils et la SARL Giboulot Bernard à la garantir de toutes condamnation en principal, intérêts et frais prononcées contre elle.
Elle soutient que :
- eu égard au tableau de répartition des prix annexé à l'acte d'engagement, qui était opposable au maître d'ouvrage, la mission OPC et la direction des travaux étaient entièrement dévolues à la société requérante ;
- le rapport d'expertise est imprécis et peu concluant ; le jugement n'a apporté aucune réponse à cette argumentation, notamment s'agissant des joints de fractionnement ;
- c'est à tort que le jugement retient que les désordres proviennent d'erreurs de conception ; la commune n'établit pas l'existence d'une faute ou d'un manquement à son obligation contractuelle ; en tout état de cause, une insuffisance des joints de fractionnement incomberait à la société requérante et aux entreprises Fleurot et Giboulot, qui ne pouvaient ignorer le DTU 13.3, et alors que l'entreprise Fleurot n'a pas respecté l'article 3.5.4 du CCTP, ce que la société requérante devait contrôler dans le cadre de la mission DET ; c'est à tort que les premiers juges ont retenu que sa responsabilité était engagée et, subsidiairement, qu'ils n'ont pas intégralement fait droit à ses conclusions d'appel en garantie.
Par un mémoire enregistré le 2 octobre 2015, la société Egis Bâtiments Grand Est, venant aux droits de la société Oth Est, représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) de statuer ce que de droit sur l'appel principal de la société " Tant qu'il y aura des rues en herbe... " et les appels incidents de Mme I...et de l'entreprise Fleurot père et fils ;
2°) de rejeter l'appel incident de la commune de Bligny-sur-Ouche ;
3°) le cas échéant, de condamner in solidum la société " Tant qu'il y aura des rues en herbe... ", MmeI..., la société Giboulot et la société Fleurot père et fils à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;
4°) de mettre à leur charge la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- ni la commune, ni ses co-traitants de la maîtrise d'oeuvre, ni l'entreprise Fleurot père et fils, ni l'expert n'ont formulé de griefs à son encontre ; seules les entreprises sont redevables de la garantie de parfait achèvement ; si la responsabilité solidaire des membres du groupement de maîtrise d'oeuvre peut être recherchée à l'égard du maître d'ouvrage pour des faits de conception ou des défaillances au devoir de conseil, il appartient à la cour, s'agissant des relations entre les membres du groupement, de tenir compte de la répartition des missions entre les membres du groupement de maîtrise d'oeuvre résultant du contrat ; c'est à juste titre que les premiers juges ont condamné ses co-traitants à la garantir intégralement ; dans l'hypothèse où la cour modifierait les parts de responsabilité, il conviendrait de faire droit à ses conclusions d'appel en garantie, sur le fondement contractuel s'agissant des autres membres du groupement de maîtrise d'oeuvre, dès lors qu'elle n'est pas intervenue dans la réalisation du revêtement du parvis, et à titre quasi-délictuel s'agissant des entreprises ;
- l'appel incident de la commune concernant les frais de sapiteur est irrecevable comme nouveau en appel ; il est également non-fondé ; les ordonnances de taxation du 14 mai 2013 et du 21 octobre 2011 n'ont pas fait l'objet de recours.
Par courrier du 3 décembre 2015, la cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, qu'elle était susceptible de relever d'office l'irrecevabilité du moyen invoqué pour MmeI..., contestant le caractère suffisant de la motivation du jugement, car il relève de la régularité du jugement, cause juridique qui n'a pas été invoquée dans le délai d'appel.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Samson-Dye, premier conseiller,
- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,
- les observations de MeB..., représentant la société " Tant qu'il y aura des rues en herbe... ", de MeA..., représentant la société Egis Bâtiments Grand Est, et de MeE..., représentant la société Fleurot père et fils ;
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que par acte d'engagement du 19 janvier 2007, la commune de Bligny-sur-Ouche a confié à un groupement solidaire, constitué de la société " Tant qu'il y aura des rues en herbe... ", mandataire, de MmeI..., architecte et de la société Oth-Est, bureau d'études techniques, un marché de maîtrise d'oeuvre relatif à l'aménagement de la place de l'hôtel de ville et des rues adjacentes ; que par acte d'engagement du 18 janvier 2008, les travaux ont été confiés à un groupement solidaire d'entreprises, constitué de la société Giboulot Bernard, mandataire, et de la société Fleurot père et fils ; que selon les documents contractuels, le parvis devait être réalisé en béton fin grenaillé avec traitement antidérapant ; que les travaux ont fait l'objet de réserves lors de la réception, prononcée le 28 juillet 2008, en raison de défauts dans la réalisation du parvis, affecté de fissurations ; que la commune a saisi le tribunal administratif de Dijon et demandé la désignation d'un expert, ce qui lui a été accordé par ordonnance du 14 septembre 2010 ; que l'expert a remis son rapport le 13 mars 2013 ; que la commune de Bligny-sur-Ouche a demandé au tribunal la condamnation conjointe et solidaire du groupement de maîtrise d'oeuvre et du groupement d'entreprises ; que, par jugement du 16 octobre 2014, le tribunal administratif de Dijon a condamné, au titre de la responsabilité contractuelle, les groupements solidaires constitués d'une part de la Sarl " Tant qu'il y aura des rues en herbe... ", de MmeI..., de la société Egis Bâtiments Grand Est venant aux droits de la société Oth-Est, d'autre part de la Sarl Giboulot Bernard et de la Sarl Fleurot père et fils, à verser in solidum une somme de 49 681,54 euros à la commune de Bligny-sur-Ouche, a statué sur les appels en garantie et condamné la société " Tant qu'il y aura des rues en herbe... ", MmeI..., et la société Fleurot père et fils à verser une somme de 1 563,72 euros chacune à la commune de Bligny-sur-Ouche au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur la motivation du jugement :
2. Considérant que, contrairement à ce que soutient MmeI..., le jugement est suffisamment motivé ;
Sur la responsabilité contractuelle :
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le parvis de l'hôtel de ville, réalisé en béton, est affecté de fissurations et de traces d'oxydation, ayant fait l'objet de réserves lors des opération de réception, et qu'il n'est pas sérieusement contesté que cet aspect n'est pas conforme à ce que prévoyait le contrat ; que, dans ces conditions, la société " Tant qu'il y aura des rues en herbe... " ne peut utilement invoquer le caractère purement esthétique du désordre ;
4. Considérant par ailleurs qu'il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport de l'expert, que la cause des fissurations constatées sur le parvis en béton est liée à des contraintes de dilatation, découlant de sa situation à l'extérieur et favorisées par le procédé de grenaillage qui permet les infiltrations d'eau, et que ces fissurations auraient pu être évitées par la pose de joints de fractionnement supplémentaires, ceux prévus au CCTP et réalisés conformément à ses prescriptions étant insuffisants ; que, si Mme I...soutient que cette conclusion de l'expert est peu compréhensible, qu'il s'agit d'une simple hypothèse et qu'il appartenait à l'expert de procéder à un relevé des joints de fractionnement existants et de préciser les endroits où, selon lui, des joints de fractionnement supplémentaires auraient dû être réalisés, cette seule argumentation est insuffisante pour remettre en cause, par elle-même, le bien-fondé de la conclusion de l'expert ; que l'architecte conteste par ailleurs la qualité de la réalisation des travaux, en faisant valoir que l'épaisseur de béton est insuffisante, que les armatures étaient mal positionnées et que, si l'expert a écarté ses objections à cet égard, les résultats des carottages n'ont pas été joints à son rapport définitif ; que, cependant, il résulte du rapport de l'expert que seuls les carottages réalisés par le laboratoire Ginger ont donné lieu à des rapports formels, les autres carottages ayant été effectués et interprétés sur place, en présence des parties ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'existence ou le résultat de ces carottages auraient été contestés dans le cadre de l'expertise ; qu'ainsi, Mme I...ne remet pas efficacement en cause, par les éléments qu'elle invoque, le bien-fondé de l'explication donnée par l'expert, qui a retenu que les entreprises de travaux ont correctement posé le matériau, que l'existence d'une épaisseur de béton inférieure à celle requise par le contrat se rencontre seulement en bas du parvis, où la pente diminue progressivement l'épaisseur du revêtement et ne pouvait avoir contribué au phénomène de fissuration, et que le treillis est correctement positionné à 5 centimètres de l'arase ;
5. Considérant qu'il suit de là que c'est à juste titre que les premiers juges ont relevé que les désordres étaient imputables, notamment, à un défaut de conception ;
6. Considérant qu'en l'absence de stipulations contraires, les entreprises qui s'engagent conjointement et solidairement envers le maître de l'ouvrage à réaliser une opération de construction, s'engagent conjointement et solidairement non seulement à exécuter les travaux, mais encore à réparer le préjudice subi par le maître de l'ouvrage du fait de manquements dans l'exécution de leurs obligations contractuelles ; qu'un constructeur ne peut échapper à sa responsabilité conjointe et solidaire avec les autres entreprises co-contractantes, au motif qu'il n'a pas réellement participé aux travaux révélant un tel manquement, que si une convention, à laquelle le maître de l'ouvrage est partie, fixe la part qui lui revient dans l'exécution des travaux ;
7. Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, il ne résulte pas de l'instruction que les membres du groupement auraient conclu une convention fixant la part revenant à chacun dans l'exécution des travaux, à laquelle serait partie le maître d'ouvrage ; qu'au surplus, l'annexe à l'acte d'engagement fixant la répartition des paiements entre les membres du groupement de maîtrise d'oeuvre ne pouvait être assimilée à une telle convention, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, dès lors que ce document se borne à organiser une répartition des honoraires en fonction du degré d'achèvement des diverses missions, sans qu'il soit, en toute hypothèse, possible d'en déduire une répartition des missions et tâches revenant à chacun des membres du groupement ; qu'ainsi, c'est à juste titre que les premiers juges ont procédé à une condamnation solidaire de l'ensemble des membres du groupement de maîtrise d'oeuvre ;
8. Considérant par ailleurs qu'ainsi que l'ont retenu les premiers juges, il appartenait à l'entreprise chargée de la réalisation des travaux, au titre de son devoir de conseil, d'attirer l'attention de la maîtrise d'oeuvre et de la maîtrise d'ouvrage sur les risques inhérents au procédé utilisé ; que s'il résulte de l'instruction que la Sarl Fleurot père et fils a proposé une autre solution en termes de granulométrie, qui a été refusée par la maîtrise d'oeuvre, cette circonstance est sans incidence sur l'existence d'une faute contractuelle imputable au groupement dont elle fait partie car il ne résulte de l'instruction, ni que l'entreprise, ou son co-traitant, aurait également attiré l'attention sur les faiblesses du dispositif en ce qui concerne le nombre de joints de fractionnement, ni que la granulométrie proposée était de nature, à elle seule, à faire obstacle à la survenue des fissurations en absence de joints de fractionnement supplémentaires ;
9. Considérant en outre que la société " Tant qu'il y aura des rues en herbe... " invoque une faute commise par la commune, tenant à ce qu'elle aurait toléré la présence d'engins lourds sur un parvis destiné à un usage piétonnier ; que, cependant, la photographie prise en juin 2009 sur le parvis de l'hôtel de ville, dont elle se prévaut et qui révèle la présence d'un engin lourd sur le parvis, a été réalisée postérieurement aux dégradations constatées ; que, dans ces conditions, la présence de cet engin ne peut avoir causé le désordre ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction qu'elle l'aurait aggravé ou que d'autres véhicules de fort tonnage auraient, antérieurement à la survenue des désordres, stationné sur le parvis, l'autre photographie produite sur ce point, qui n'est pas datée ni clairement localisée, n'étant à cet égard pas probante ; qu'il suit de là qu'aucune faute de la victime susceptible d'avoir contribué à la survenue du dommage n'est établie ;
10. Considérant que la circonstance que le désordre ait été en partie causé par des fautes émanant du groupement d'entreprises ne fait pas obstacle à ce que la maîtrise d'oeuvre soit condamnée à réparer l'entier dommage, solidairement avec ces entreprises, puisqu'un même dommage causé par plusieurs personnes ouvre droit à leur condamnation in solidum à réparer l'entier dommage, étant précisé que la commune avait sollicité, notamment, une condamnation solidaire ;
11. Considérant que le préjudice de la commune n'est pas spécifiquement contesté ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à juste titre que les premiers juges ont condamné les groupements solidaires constitués d'une part de la Sarl " Tant qu'il y aura des rues en herbe... ", de MmeI..., de la société Egis Bâtiments Grand Est, d'autre part de la société Giboulot Bernard et de la société Fleurot père et fils, à verser in solidum une somme de 49 681,54 euros à la commune de Bligny-sur-Ouche ;
Sur les appels en garantie :
13. Considérant que les premiers juges ont estimé que les désordres étaient imputables à proportion de 75 % au groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre, responsable de la conception du projet, et à proportion de 25 % au groupement chargé de la réalisation des travaux ; que, s'agissant du groupement de maîtrise d'oeuvre, le jugement attaqué a retenu une responsabilité de la société " Tant qu'il y aura des rues en herbe... " à hauteur de 30 % et de Mme I...à hauteur de 45 %, la société Egis Bâtiments Grand Est n'ayant en charge que les travaux de voirie et réseaux divers qui n'étaient pas en cause ;
14. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la part de responsabilité de la société Fleurot père et fils a été correctement appréciée, eu égard à son manquement à son obligation de conseil, mentionné au point 8, et alors même qu'elle avait proposé des essais en granulométrie qui n'ont pas été acceptés par la maîtrise d'ouvrage, puisqu'il ne résulte pas de l'instruction que, si elle avait été suivie, le désordre ne serait pas apparu malgré l'absence de joints de fractionnement ;
15. Considérant, par ailleurs, qu'il en va de même s'agissant de la part de responsabilité des membres du groupement de maîtrise d'oeuvre ; que MmeI..., architecte, ne conteste pas avoir pris part à la conception du parvis ; que la société " Tant qu'il y aura des rues en herbe... " n'établit pas qu'elle avait en charge les seuls espaces verts, aucune pièce contractuelle ou aucun autre élément du dossier ne suggérant une telle spécialisation, et ne démontre pas davantage qu'elle a été étrangère à la conception de ce volet du projet, et notamment qu'elle n'a aucunement pris part à la rédaction du cahier des charges des clauses techniques particulières ;
16. Considérant qu'il suit de là que le jugement doit être confirmé en ce qu'il statue sur les appels en garantie ;
Sur les frais d'expertise de première instance :
17. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. L'Etat peut être condamné aux dépens. " ; que l'article R. 621-11 du même code dispose : " Les experts et sapiteurs mentionnés à l'article R. 621-2 ont droit à des honoraires, sans préjudice du remboursement des frais et débours. Chacun d'eux joint au rapport un état de ses vacations, frais et débours. (...) Le président de la juridiction, après consultation du président de la formation de jugement, ou, au Conseil d'Etat, le président de la section du contentieux fixe par ordonnance, conformément aux dispositions de l'article R. 761-4, les honoraires en tenant compte des difficultés des opérations, de l'importance, de l'utilité et de la nature du travail fourni par l'expert ou le sapiteur et des diligences mises en oeuvre pour respecter le délai mentionné à l'article R. 621-2. Il arrête sur justificatifs le montant des frais et débours qui seront remboursés à l'expert. S'il y a plusieurs experts, ou si un sapiteur a été désigné, l'ordonnance mentionnée à l'alinéa précédent fait apparaître distinctement le montant des frais et honoraires fixés pour chacun. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 621-13 de ce code : " Lorsque l'expertise a été ordonnée sur le fondement du titre III du livre V, le président du tribunal ou de la cour, après consultation, le cas échéant, du magistrat délégué, ou, au Conseil d'Etat, le président de la section du contentieux en fixe les frais et honoraires par une ordonnance prise conformément aux dispositions des articles R. 621-11 et R. 761-4. Cette ordonnance désigne la ou les parties qui assumeront la charge de ces frais et honoraires. Elle est exécutoire dès son prononcé, et peut être recouvrée contre les personnes privées ou publiques par les voies de droit commun. Elle peut faire l'objet, dans le délai d'un mois à compter de sa notification, du recours prévu à l'article R. 761-5. Dans le cas où les frais d'expertise mentionnés à l'alinéa précédent sont compris dans les dépens d'une instance principale, la formation de jugement statuant sur cette instance peut décider que la charge définitive de ces frais incombe à une partie autre que celle qui a été désignée par l'ordonnance mentionnée à l'alinéa précédent ou par le jugement rendu sur un recours dirigé contre cette ordonnance. " ;
18. Considérant que les premiers juges ont réparti, en trois parts égales, les dépens, pour lesquels ils ont retenu un montant total de 4 691,16 euros, entre Mme I...et les société Tant qu'il y aura des rues en herbe et Fleurot père et fils ; que la commune de Bligny-sur-Ouche relève appel du jugement sur ce point, et conteste en particulier le montant total des dépens retenu par les premiers juges ;
19. Considérant que la commune soutient, d'une part, qu'elle a droit à une somme de 5 741,16 euros au titre des frais dus à l'expert ; qu'il résulte de l'instruction que, par jugement n° 1300749 du 18 décembre 2015, le tribunal administratif de Besançon a remis en cause l'ordonnance de taxe du 14 mai 2013, et taxé et liquidé le montant total des frais et honoraires dus à l'expert, M.G..., à 5 741,16 euros ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, de prendre en compte ce dernier montant ;
20. Considérant que la commune soutient, d'autre part, que les premiers juges ont omis de prendre en compte les frais du sapiteur qu'elle a supportés ;
21. Considérant que le juge du fond peut, au besoin d'office, se prononcer sur la charge définitive des dépens à l'occasion du jugement rendu sur le fond du dossier, indépendamment de l'existence de conclusions des parties sur ce point ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient la société Egis Bâtiments Grand Est, la commune est recevable, en appel, à solliciter une réformation du jugement sur ce point, alors même qu'elle n'avait pas demandé devant le tribunal à ce que les frais du sapiteur soient inclus dans les dépens de l'instance ;
22. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le laboratoire Ginger CEBTP a été désigné en qualité de sapiteur par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Dijon en date du 28 mars 2011, que ses frais et honoraires ont été taxés et liquidés à hauteur de 1 794 euros, mis à la charge de la commune et que le montant retenu par les premiers juges ne tient compte que des frais versés à l'expert et non de ceux versés au sapiteur ;
23. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les frais de l'expertise, incluant les frais de l'expert et du sapiteur, sont au total de 7 535,16 euros ; que, par suite, c'est à tort que les premiers juges ont retenu un montant inférieur ; qu'il y a lieu d'annuler l'article 4 du jugement et compte tenu de la part de responsabilité respective des intervenants, de mettre ces frais d'expertise à la charge des parties perdantes, à hauteur de 3 390,82 euros pour MmeI..., de 2 260,55 euros pour la société " Tant qu'il y aura des rues en herbe... " et de 1 883,79 euros pour la société Fleurot père et fils ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
24. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions des sociétés " Tant qu'il y aura des rues en herbe... " et Fleurot père et fils et de Mme I...doivent être rejetées ;
25. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la commune de Bligny-sur-Ouche et la société Egis Bâtiments Grand Est ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 4 du jugement n° 1300814 du tribunal administratif de Dijon en date du 16 octobre 2014 est annulé.
Article 2 : Les frais de l'expertise sont mis à la charge de Mme I...à hauteur de 3 390,82 euros, de la société " Tant qu'il y aura des rues en herbe... " à hauteur de 2 260,55 euros et de la société Fleurot père et fils à hauteur de 1 883,79 euros.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société " Tant qu'il y aura des rues en herbe... ", à la commune de Bligny-sur-Ouche, à MmeI..., à la société Fleurot père et fils et à la société Giboulot Bernard.
Délibéré après l'audience du 4 février 2016, où siégeaient :
- Mme Verley-Cheynel, président de chambre,
- M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,
- M. Drouet, président-assesseur,
- Mme Gondouin, premier conseiller
- Mme Samson-Dye, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 février 2016.
Le rapporteur,
A. Samson-DyeLe président,
G. Verley-Cheynel
La greffière,
M-T. Pillet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 14LY00768
N° 14LY04087 2