Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...A...et autres ont demandé au tribunal administratif de Lyon :
1°) de condamner la commune de Poncin à réparer les préjudices subis par l'immeuble sis 9 rue Bichat à Poncin dont ils sont propriétaires indivis, du fait des travaux d'enfouissement des réseaux d'eau potable, eaux usées et pluviales réalisés dans le centre-bourg pour le compte de cette commune du 3 janvier 2006 au 21 avril 2006 à hauteur de 28 833,86 euros au titre des travaux de réparation des désordres affectant la propriété, 11 201 euros au titre de frais de maîtrise d'oeuvre en vue de travaux de réparation, 500 euros par mois depuis l'apparition des désordres au titre des pertes locatives, 11 855,50 euros au titre de frais d'intervention de l'association "Construire pour la vie" et 5 000 euros au titre du préjudice moral, outre intérêts au taux légal et capitalisation desdits intérêts ;
2°) de mettre les dépens de l'instance à la charge de la commune de Poncin ;
3°) de mettre à la charge de cette commune la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1007137 du 16 octobre 2012 le tribunal administratif de Lyon a condamné la commune de Poncin à verser aux consorts A...une somme de 20 474,20 euros en réparation des préjudices subis à raison des dégradations de l'immeuble dont ils sont propriétaires indivis à l'occasion de la réhabilitation du centre-bourg du 3 janvier 2006 au 24 avril 2006, outre intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, et mis à la charge de la commune une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les frais d'expertise liquidés à 5 432 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 janvier 2013, présentée pour la commune de Poncin, il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1007137 du tribunal administratif de Lyon du 16 octobre 2012 ;
2°) à titre principal, de rejeter les conclusions indemnitaires des consortsA... ;
3°) à titre subsidiaire, de limiter la condamnation de la commune au montant de 3 794 euros TTC ;
4°) de condamner solidairement les sociétés Atelier d'architecture et d'urbanisme Chatillon et associés, SJA ingénierie et Socatra à la relever et la garantir de la totalité des sommes qui pourraient être prononcées à son encontre au profit des consorts A...en principal, intérêts, dommages et frais ;
5°) de condamner les consorts A...ou solidairement les sociétés Atelier d'architecture et d'urbanisme Chatillon et associés, SJA ingénierie et Socatra à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- il n'existe pas de lien de causalité entre le dommage et les travaux et les consorts A...n'ont pas été en mesure, lors des opérations d'expertise, de démontrer que les fissures affectant leur maison d'habitation ont un lien direct et certain avec les travaux réalisés par la commune ;
- l'expert a fondé ses conclusions sur des photos des consorts A...qui n'ont pu être datées avec certitude ;
- le montant du préjudice des consorts A...doit être fixé au maximum à 24 474,70 euros TTC et elle n'a pas d'observations sur le montant de 18 974,70 euros TTC retenue par l'expert judiciaire ;
- aucun élément justificatif n'est versé par les consorts A...s'agissant des préjudices allégués relatifs à l'immobilisation de leur propriété, à l'expertise et à leur préjudice moral alors qu'en outre Mme C...A...est décédée;
- les frais d'expertise judiciaire ont été pris en charge par la compagnie d'assurance des consortsA..., les honoraires de M. G...et de l'association Construire pour la vie ne sont pas justifiés et sont manifestement excessifs ;
- à titre subsidiaire, en cas de condamnation, elle appelle en garantie les sociétés Atelier d'architecture et d'urbanisme Chatillon et associés, SJA ingénierie et Socatra ;
- la réception définitive sans réserve des travaux ne saurait faire obstacle à son appel en garantie car il existe une clause contractuelle lui permettant d'agir à l'encontre des intervenants à la construction après la réception des travaux sans réserve (article du CCAP, page 14, paragraphe 9-7 et article du cahier des clauses particulières page 8 paragraphe B " assurance de responsabilité civile professionnelle) ;
- du fait de telles clauses contractuelles, l'appel en garantie contre les entreprises intervenantes à la construction et responsables des dommages causés à l'immeuble des consorts A...doit être admis ;
- elle conteste l'analyse de l'expert judiciaire sur une mise à sa charge de 20 % de la responsabilité en tant que maître d'ouvrage du fait de l'absence d'étude comprenant une analyse et une évaluation des risques, une étude de faisabilité pour la réalisation d'une tranchée en toute sécurité et de l'absence d'un coordinateur SPS, alors que, d'une part, la désignation d'un coordonnateur SPS était prévue par les documents contractuels de la maitrise d'oeuvre et, d'autre part, l'intervention d'un tel coordonnateur SPS n'aurait pas été utile car plusieurs entreprises ne sont pas intervenues en même temps sur le chantier et il ne serait intervenu que pour assurer la sécurité des personnes sur le chantier et non pour prévoir des mesures techniques de protection des immeubles voisins ;
- la responsabilité des désordres éventuels incombe à la maîtrise d'oeuvre et aux sociétés ayant exécuté les travaux car, au regard des clauses contractuelles, l'étude de faisabilité était à la charge du groupement de maîtrise d'oeuvre et non de la commune, maitre d'ouvrage profane en la matière ;
- elle n'a pas eu vis-à-vis des constructeurs d'attitude correspondant à de l'immixtion fautive ou démontrant une acceptation délibérée des risques ;
- la tranchée d'origine ayant été déplacée contre le pilier de la maisonA..., ceci relève d'une mission de surveillance incombant à la maitrise d'oeuvre et à l'entreprise réalisant les travaux.
Par un mémoire, enregistré le 12 avril 2013, présenté pour les consortsA..., ils concluent :
1°) au rejet de la requête
2°) à titre incident, à la condamnation de la commune de Poncin ou de tout autre succombant à la réparation des préjudices suivants : 28 833,86 euros pour les travaux de réparation des désordres affectant leur propriété, 11 201 euros pour les frais de maîtrise d'oeuvre dans le cadre des travaux de réparation, 500 euros par mois depuis l'apparition des désordres résultant de la perte des loyers, 11 855 euros TTC pour les frais d'intervention de l'association " construire pour la vie ", 5 000 euros au titre du préjudice moral.
3°) à la mise à la charge de la commune de Poncin ou de tout autre succombant d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ainsi que l'a démontré l'expert, le lien de causalité entre les fissures et les travaux en cause est établi, l'apparition de telles fissures étant concomitante à l'exécution de ces travaux ;
- la circonstance que ces travaux aient pu ébranler d'autres bâtisses du quartier n'est pas démontrée et ne peut pas remettre en cause le caractère spécial des préjudices subis ;
- les dommages subis présentent un caractère anormal et spécial car l'existence de fissures traversantes rend l'immeuble impropre à sa destination du fait de son absence d'étanchéité et empêche son utilisation ;
- la commune de Poncin, en admettant le montant du préjudice à hauteur de 20 474 euros TTC, admet par suite sa responsabilité ;
- pour les travaux extérieurs, la société nouvelle Barberot a évalué les travaux à hauteur de 6 788,80 euros HT pour la stabilisation en sous-sol du pilier, de 14 350,44 euros HT pour la réparation de la façade, de 1 247 euros HT pour le chainage ; qu'à ces sommes doit être ajoutée une provision de 459,64 euros HT sur les demandes de l'architecte des bâtiments de France ;
- les travaux intérieurs peuvent être évalués à 2 965,60 euros HT ;
- de tels travaux extérieurs et intérieurs avec un taux de TVA de 5,5% ont été chiffrés par la société nouvelle Barberot au 19 février 2007 à 27 210,01 euros TTC ;
- il faut ajouter pour les travaux de menuiserie en rez-de-jardin 1 578,54 euros TTC (1 496,25 euros HT) et pour les travaux de réparation d'un volet en bois en rez-de-jardin 43,51 euros TTC (42,95 euros HT)
- le montant total s'élève à 28 833,86 euros TTC pour les travaux ;
- une maitrise d'oeuvre est nécessaire compte tenu de la complexité des travaux à mener, contrairement à ce qu'a pu juger le tribunal administratif ;
- le prix des travaux devra être actualisé à la date de l'arrêt sur la base des indices BT01 (travaux intérieurs), BT 106 (travaux extérieurs), ingénierie (maîtrise d'oeuvre) ;
- en raison de l'impropriété à sa destination de la maison, ils n'ont pas pu louer leur bien malgré le déménagement de Mme A...dans une résidence pour personnes âgées ; une perte de loyer de 500 euros par mois doit être retenue ; entre le 1er mai 2006 (date d'apparition des désordres) et le mémoire du 12 avril 2013 une période de 82 mois s'est écoulée ; que la somme de 41 000 (500 X 82) euros est ainsi justifiée pour ce chef de préjudice ;
- ils ont dû se faire assister par l'association " construire pour la vie " dans le cadre de l'expertise ; la facture émise par cette association porte sur 11 855,50 euros (acompte de 1 500 euros et 10 335,50 euros restant à payer après leur dédommagement) ;
- ils ont subi un préjudice moral, leur mère âgée ayant vécu les dommages causés à la maison familiale comme un traumatisme et un tel préjudice doit être estimé à 5 000 euros ;
- ils ne s'opposent pas à l'appel en garantie de la commune mais en cas de responsabilité partagée, une condamnation in solidum des intervenants en cause devra être prononcée.
Par un mémoire, enregistré le 22 avril 2013, présenté pour la société Socatra, elle conclut :
1°) à titre principal à la réformation du jugement attaqué ;
2°) au rejet de la requête des consortsA... et de l'appel en garantie de la commune de Poncin,
3°) à titre subsidiaire, au rejet de l'appel en garantie de la commune de Poncin au-delà de 40 % de l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées à l'encontre de la commune au profit des consortsA..., la commune de Poncin devant conserver 20% des responsabilités eu égard aux conclusions de l'expert,
4°) à la condamnation in solidum des sociétés Atelier d'architecture et d'urbanisme Chatillon et associés et la SJA Ingénierie à la relever et à la garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre au-delà de 40 %,
5°) à la limitation des sommes susceptibles d'être allouées aux consorts A...à hauteur d'un montant de 9 622,24 euros TTC au titre des travaux de réfection au regard de l'état de vétusté du bien ;
6°) en cas de rejet des conclusions principales, à la mise à la charge des consorts A...d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, en cas de condamnation de la commune de Poncin, à la mise à la charge de ladite commune de cette somme.
Elle soutient que :
- le lien de causalité entre les dommages allégués et les travaux publics réalisés n'est pas établi ;
- les travaux concernant les réseaux et la VRD ont été réceptionnés sans réserve le 4 août 2006 ce qui a eu pour effet de mettre fin à sa responsabilité contractuelle vis-à-vis de la commune et fait obstacle à l'appel en garantie de la commune ;
- l'expert judiciaire a estimé sa responsabilité à hauteur de 40% pour non-respect des règles de l'art et absence de précautions nécessaires lors de l'ouverture de la tranchée au droit de l'habitation de Mme A...et sa responsabilité ne peut pas être retenue au-delà de 40% car la modification du tracé a été décidée par la maitrise d'oeuvre et plus spécialement par la société SJA, chaque décision étant prise en concertation avec la maitrise d'oeuvre lors des réunions hebdomadaires de chantier ;
- elle a pris toutes les dispositions utiles pour étayer les fouilles quand cela a été techniquement possible ;
- l'expert a reproché à la commune de ne pas avoir fait diligenter d'études de risques et de faisabilité pour la réalisation des tranchées indépendamment de l'absence de coordonnateur sécurité et d'avoir insuffisamment préparé son opération de réhabilitation et sa faisabilité et a ainsi fixé la part de la responsabilité de la commune à 20% ;
- l'expert judiciaire a retenu la responsabilité de l'équipe de maitrise d'oeuvre dans une proportion de 40 % avec 10% pour la société Chatillon et associés et 30% pour la société SJA ingénierie ;
- au-delà de 40%, le surplus devra être garanti in solidum par les sociétés Chatillon et SJA ingénierie ;
- l'expert a estimé à 17 895,5 euros HT plus TVA les travaux de remise en état et qu'il fallait appliquer un coefficient de vétusté de 50%, la maison étant vétuste et inoccupée, seule une somme de 9 622,4 euros TTC pouvant être allouée aux consortsA... ;
- les autres chefs de préjudice ne sont pas établis, notamment la mise en location et l'impossibilité de louer alors que les consorts A...avaient fait état de leur intention de vendre cette maison, le préjudice moral, et la prise en charge des honoraires de M. G...n'est pas justifiée et, au surplus, est dépourvue de tout justificatif probant.
Par un mémoire, enregistré le 14 octobre 2013, les consorts A...maintiennent leurs conclusions en appel incident en modifiant la somme relative à la non location de la propriété en la portant à 44 500 euros et ajoutent des conclusions tendant à l'actualisation des sommes réclamées au titre des travaux de reprise sur la base des indices BT01, BT06 et index ingénierie à la date de l'arrêt, à ce que les sommes dues portent intérêts moratoires et à ce qu'il y ait capitalisation des intérêts moratoires.
Ils précisent que l'argumentation de la société Socatra sur une réduction de la somme due en raison de la vétusté de la propriété ne peut pas être retenue car Mme A...était présente dans sa maison jusqu'au 20 mai 2006, date postérieure aux travaux ayant provoqué les fissures et car les photographies prises en août 2012 montrent que l'immeuble était parfaitement entretenu et habitable.
Par un mémoire, enregistré le 18 novembre 2013, présenté pour la société SJA ingénierie SARL, elle conclut :
1°) à titre principal, à la confirmation du jugement du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a rejeté l'appel en garantie de la commune de Poncin et à l'irrecevabilité des demandes nouvelles des consortsA... ;
2°) à titre subsidiaire, en l'absence de toute faute de sa part en lien direct avec les désordres, àt sa mise hors de cause ;
3°) au rejet de toute demande complémentaire présentée par les consorts A...et à la confirmation du jugement du tribunal administratif de Lyon en ce qu'il a limité leur préjudice à 20 474,20 euros ;
4°) à la condamnation in solidum de la société Socatra, de la SARL Atelier d'architecture et d'urbanisme Chatillon et associés à la relever et la garantir de toute condamnation en principal, intérêts, frais et dépens ;
5°) à la limitation de toute condamnation prononcée à son encontre à 30% et à la condamnation de la commune de Poncin à la relever et la garantir à hauteur de 20%, la SARL Atelier d'architecture et d'urbanisme Chatillon et associés à la relever et la garantir à hauteur de 10%, la société Socatra à hauteur de 40% ;
6°) à la condamnation de la commune de Poncin et des consorts A...en tant que besoin in solidum à lui verser 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'appel en garantie de la commune de Poncin est irrecevable en raison de la réception sans réserve des travaux, la responsabilité contractuelle ne pouvant plus être recherchée ;
- les clauses mentionnées par la commune portent sur les assurances devant être souscrites par les intervenants à l'acte de construire et ne mentionnent nullement le maintien de la responsabilité contractuelle nonobstant une réception sans réserve des travaux ;
- en appel les consorts A...présentent des demandes de condamnation in solidum à l'encontre de la commune et des intervenants à construire alors qu'en première instance ils n'ont sollicité que la condamnation de la commune de Poncin et qu'ils n'indiquent pas en appel le fondement juridique contre la société SJA ingénierie ;
- le vice de conception relatif à l'absence de désignation d'un coordinateur sécurité engage la responsabilité de la commune, maître d'ouvrage ;
- elle n'avait pas à désigner un coordonnateur sécurité ;
- pour le défaut de surveillance, il n'est pas contesté que les travaux réalisés par la société Socatra sont différents de ceux initialement envisagés et que les tracés initiaux relevaient de la conception initiale du projet opérée par l'architecte ; lors de l'expertise, la société Socatra a indiqué s'être heurtée sur le chantier à l'impossibilité matérielle de faire passer les canalisations à l'endroit où l'architecte les a prévues en raison de l'encombrement du sous-sol et que cette société aurait dû évoquer ce problème avec le concepteur du tracé, le cabinet Chatillon, afin que l'architecte s'interroge sur la faisabilité des travaux ; c'est seulement en fonction du diagnostic de l'architecte qu'elle aurait pu en tant que bureau d'étude chargé de la VRD alors intégrer d'éventuelles recommandations spécifiques pour préserver les bâtiments ;
- la société Socatra ne fournit aucun document démontrant qu'elle a prévenu l'architecte de difficultés d'exécution sur le chantier ; en tant que bureau d'étude chargé de la VRD, après avoir constaté la fouille réalisée par la Socatra, elle a rappelé à la Socatra ses obligations en matière de stabilisation des fondations des bâtiments et n'a ainsi commis aucun défaut de surveillance ;
- elle n'avait pas de mission de surveillance mais seulement une mission de contrôle de l'exécution sous forme d'une visite hebdomadaire du chantier ;
- pour le manquement des règles de l'art, de telles règles s'imposent aux entreprises sans que la maîtrise d'oeuvre n'ait à effectuer des recommandations complémentaires ;
- le quantum du préjudice des consorts A...a été correctement évalué par les premiers juges à 20 474,2 euros, l'expert ayant évalué les travaux à 17 985,50 euros HT outre TVA ;
- les honoraires de M.G..., expert privé ayant assisté les consortsA..., sont exorbitants alors que les consorts A...disposent d'une protection juridique ;
- le préjudice locatif n'est pas démontré ; en outre la maison était vétuste et ne pouvait pas être louée en l'état ; lors de l'expertise, les consorts A...ont indiqué vouloir vendre leur bien ;
- le préjudice moral de 5 000 euros n'est pas justifié.
Par ordonnance du 20 avril 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 mai 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Cottier, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;
- et les observations de Me Galy, avocat des consortsA....
1. Considérant qu'à l'occasion de travaux publics, entrepris pour la commune de Poncin aux fins de restructuration du centre-bourg de cette ville et consistant en la réalisation d'un nouveau " réseau humide " " eaux usées, eaux pluviales et eau potable " dans la rue Bichat, sous la forme de travaux de réfection des réseaux enterrés d'eaux potable, usées et pluviales, menés du 3 janvier 2006 au 21 avril 2006, des désordres, sous la forme de fissures, ont été constatés par Mme A...sur son immeuble situé au 9 de cette rue au début du mois de mai 2006 ; qu'après avoir alerté la commune de Poncin sur l'apparition de tels désordres, Mme A...a saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande en référé expertise pour en déterminer les causes ; que par une ordonnance du 23 octobre 2006 du juge des référés, une expertise a été ordonnée, dont le rapport a été rendu le 18 janvier 2008 ; que Mme A...et ses enfants ont alors demandé, le 24 novembre 2010, au tribunal administratif de Lyon, la condamnation de la commune de Poncin à leur verser différentes sommes en réparation des préjudices subis du fait des dégradations causées à cet immeuble, des préjudices financiers nés de tels désordres et de leur préjudice moral ; que Mme A...étant décédée en cours d'instance, ses enfants et héritiers ont indiqué poursuivre l'instance ; que par un jugement du 16 octobre 2012, le tribunal administratif de Lyon a, au titre d'une responsabilité sans faute pour dommages de travaux publics, condamné la commune de Poncin à verser aux consorts A...la somme de 20 474,20 euros en réparation des préjudices subis à raison des dommages causés à l'immeuble dont ils sont propriétaires indivis ; que le tribunal administratif a également condamné la commune de Poncin à payer les frais d'expertise et a rejeté les conclusions à fin d'appel en garantie de la commune et celles des sociétés SJA ingénierie, Atelier d'architecture et d'urbanisme Chatillon et associés et Socatra ; qu'en premier lieu la commune de Poncin interjette appel de ce jugement en tant qu'il a fait droit aux conclusions indemnitaires des consorts A...et, à titre subsidiaire, demande une réduction de la somme due aux consortsA..., et, en cas de condamnation, demande la garantie solidaire des sociétés Atelier d'architecture et d'urbanisme Chatillon et associés, SJA ingénierie et Socatra ; qu'en deuxième lieu, les consorts A...présentent, à titre incident, des conclusions tendant à une augmentation des indemnités mises à la charge de la commune de Poncin ; qu'en dernier lieu, les sociétés mises en cause par ladite commune concluent au rejet de son appel en garantie et présentent, à titre subsidiaire, des conclusions à fin de limitation des sommes à allouer aux consorts A...et des conclusions d'appel en garantie à l'encontre de la commune et réciproquement entre elles ;
Sur la responsabilité :
2. Considérant que la mise en jeu de la responsabilité sans faute d'une collectivité publique pour dommages de travaux publics à l'égard d'un justiciable qui est tiers par rapport à un ouvrage public ou une opération de travaux publics est subordonnée à la démonstration par cet administré de l'existence d'un dommage anormal et spécial et d'un lien de causalité entre cet ouvrage ou cette opération et les dommages subis ; que les personnes mises en cause doivent alors, pour dégager leur responsabilité, établir que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise en date du 18 janvier 2008, que l'immeuble dont les consorts A...sont propriétaires indivis, présente de grandes fissures traversantes depuis les travaux de rénovation des réseaux d'eau de la rue Bichat de janvier 2006 à avril 2006 et notamment à la suite de l'ouverture d'une tranchée à proximité de l'immeuble des consorts A...au lieu de celle prévue en milieu de rue ; que de telles fissures ont continué à s'agrandir entre 2006 et 2007 avant de se stabiliser ; qu'il ressort des photographies figurant au rapport de l'expert qu'en 2002, ces fissures n'étaient ni présentes ni apparentes ; que le constat photographique du 17 juin 2006 réalisé par l'association "Construire pour la vie" et annexé au rapport d'expertise établit également la présence de fissures après les travaux réalisés directement au dessous d'un des piliers soutenant l'immeuble des consorts A...et ayant compromis la stabilité de cet immeuble ; que l'expert désigné a conclu qu'en raison de telles fissures traversantes, qui ne permettaient plus de regarder l'immeuble comme étanche, celui-ci était devenu impropre à sa destination ; que dans ces conditions, le lien de causalité entre les travaux publics en cause et ces fissures doit être regardé comme établi ; que dans les circonstances de l'espèce, et au regard de l'importance spécifique de telles fissures et de leurs conséquences, le dommage causé à l'immeuble des consorts A...revêt un caractère anormal et spécial ; qu'il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de toute faute alléguée des consorts A...et d'un cas de force majeure, la responsabilité de la commune de Poncin, maître d'ouvrage de l'opération de réhabilitation des réseaux du centre-bourg, doit être retenue ;
Sur les préjudices :
En ce qui concerne les préjudices matériels :
4. Considérant que les conséquences dommageables des désordres doivent être évaluées à la date où, leur cause ayant pris fin et leur étendue étant connue, il peut être procédé aux travaux destinés à les réparer ; qu'il n'en va autrement que si ces travaux sont retardés pour une cause indépendante de la volonté de la victime ; que les consorts A...se bornent à demander l'actualisation du montant des réparations sur la base des indices BT 01 et BT06 et du montant des frais de maitrise d'oeuvre sur l'index ingénierie sans autre précision et notamment sans indiquer aucune circonstance susceptible de démontrer une impossibilité financière, matérielle ou juridique à la mise en oeuvre des travaux de réparation indiqués comme nécessaires et connus dans leur étendue à la date de dépôt du rapport d'expertise ; que, par suite, ils ne justifient pas avoir été dans l'impossibilité financière ou technique de faire procéder aux travaux nécessaires à la date du dépôt du rapport d'expertise, le 18 janvier 2008 ; qu'ainsi c'est à cette date que devaient être évaluées les indemnités auxquelles ils peuvent prétendre en réparation des dommages qu'ils ont subis ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert du 18 janvier 2008, que des travaux de réparation des fissures doivent être réalisés sur les parties extérieures de l'immeuble, en l'occurrence sur les façades et sur une partie du pilier de soutènement, sans reprise en sous-oeuvre du pilier compte tenu des risques de dégradation, mais aussi des travaux à l'intérieur des chambres pour combler les fissures et restaurer la planéité des murs ; que si les consorts A...mentionnent des changements de fenêtres à effectuer au rez-de-chaussée et des travaux de menuiserie afférents, l'imputabilité de tels travaux aux fissures relevées par l'expert n'est pas établie par l'instruction ; que, toutefois, des travaux de pose de bandes placo et de peinture dans les chambres apparaissent nécessaires dans le cadre des travaux de reprise des fissures sans que ceci ne puisse être considéré comme une amélioration de la maison et ne soit à l'origine d'une plus-value ; que compte tenu des photographies présentes au dossier démontrant un entretien correct de cet immeuble avant la survenue de telles fissures et son habitabilité jusqu'en mai 2006, date de détection des fissures et de fin d'occupation par Mme A..., il n'y a pas lieu d'appliquer de coefficient de vétusté ; qu'il y a lieu par suite d'évaluer les sommes dues pour les réparations extérieures et intérieures à 16 208 euros ; qu'à cette somme doivent être ajoutés, comme le préconise l'expert, des frais de maitrise d'oeuvre et d'études techniques qui peuvent être évalués à 2 750 euros dès lors que les consorts A...n'apportent pas d'éléments suffisamment circonstanciés pour justifier une somme supérieure portant sur des travaux d'une complexité plus grande que celle décrite par l'expert ;
6. Considérant que, dès lors que les consorts A...ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée, les travaux de réparation mais aussi les frais de maîtrise d'oeuvre doivent être évalués toutes taxes comprises ; que, par suite, et dès lors que, comme il a été indiqué, les consorts A...ne justifient pas avoir été dans l'impossibilité financière et technique de faire procéder aux réparations à la date du dépôt du rapport d'expertise, alors que l'expert a fait état, à la date de son rapport, d'un taux de TVA, applicable pour ces différentes opérations, de 5,5% , il y a lieu, en tenant compte de ce taux, de leur allouer au titre des réparations, une somme de 17 099,44 euros TTC et, au titre des frais de maitrise d'oeuvre, une somme de 2 901,25 euros TTC soit une somme globale de 20 000,69 euros TTC ;
7. Considérant que si les consorts A...invoquent la perte de revenus locatifs, après le départ de leur mère en maison de retraite durant l'année 2006, liée à l'impossibilité de louer la maison du fait de telles fissures, il ne résulte pas de l'instruction que les consorts A...auraient proposé cette maison à la location et se seraient vu opposer des refus de location en raison des fissures ; qu'ils ne contestent pas avoir privilégié l'hypothèse d'une vente à celle d'une location à la suite de l'admission de leur mère en maison de retraite ; que par suite, le préjudice allégué sur la perte de revenus locatifs n'est pas établi ;
8. Considérant qu'en appel, les consorts A...produisent une attestation de paiement à l'association " Construire pour la vie " de la somme de 11 855,50 euros pour des frais d'assistance à expertise et de défense de leurs intérêts lors des multiples démarches menées à compter de la découverte des fissures sur leur maison ; que l'utilité de cette assistance est attestée par la prise en compte des éléments techniques, des croquis et des photographies dans le rapport de l'expert ; que, contrairement à ce que soutiennent la commune de Poncin et la société SJA ingénierie les modalités de calcul de cette somme figurent dans les pièces au dossier ; que la seule allégation de la commune de Poncin et de la société SJA ingénierie sur le caractère excessif de la somme demandée par cette association ne remet pas en cause le caractère utile de cette assistance ; que par suite, les consorts A...sont fondés à demander la somme de 11 855,50 euros ;
En ce qui concerne le préjudice moral :
9. Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral et des troubles qu'ont éprouvés Mme A...avant son décès et ses enfants dans la jouissance de leur propriété depuis la survenance des dommages en fixant à la somme de 1 000 euros ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts A...sont fondés à demander que l'indemnité qui leur est due par la commune de Poncin, fixée à 20 474,20 euros par l'article 1er du jugement attaqué, soit portée à 32 856,19 euros assortie des intérêts à compter du 3 juillet 2009 et de la capitalisation des intérêts comme mentionnés dans ledit jugement ;
Sur les frais d'expertise :
11. Considérant que les frais d'expertise doivent être laissés à la charge de la commune de Poncin ;
Sur les appels en garantie formés par la commune de Poncin :
12. Considérant que la réception sans réserve des travaux a pour effet de mettre fin, en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage, à l'ensemble des rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs ; que la fin des rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et les constructeurs fait, dès lors, obstacle à ce que, sauf clause contractuelle contraire, les constructeurs soient ultérieurement appelés en garantie par le maître d'ouvrage pour des dommages dont un tiers demande réparation à ce dernier, alors même que ces dommages n'étaient ni apparents ni connus à la date de la réception ; qu'il n'en irait autrement que dans le cas où la réception n'aurait été acquise à l'entrepreneur qu'à la suite de manoeuvres frauduleuses ou dolosives de sa part ; que toutefois, si le dommage subi par le tiers trouve directement son origine dans des désordres affectant l'ouvrage objet du marché, la responsabilité de l'entrepreneur envers le maître d'ouvrage peut être recherchée sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs ;
13. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la réception définitive, sans réserve, par la commune de Poncin, des travaux à l'origine des préjudices subis par les consorts A...a eu lieu le 4 août 2006 avec une prise d'effet rétroactive au 21 avril 2006 ;
14. Considérant, en premier lieu, que l'article 9-7 Assurances page 14 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) pour les travaux à réaliser rue Xavier Bichat, se borne à mentionner que, dans le délai de 15 jours à dater de la notification du marché, l'entrepreneur et ses sous-traitants doivent justifier qu'ils sont titulaires d'une police d'assurance garantissant les tiers en cas d'accidents ou de dommages causés par l'exécution des travaux ; que contrairement à ce que soutient la commune pour appeler en garantie la société Socatra, cet article ne saurait être regardé comme valant clause contractuelle contraire relative à la réception sans réserve d'un marché de travaux publics ;
15. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du paragraphe B " assurance de responsabilité civile professionnelle " de l'article 1-9-3 assurance page 8 du cahier des clauses particulière (CCP) de la maitrise d'oeuvre, dont la commune de Poncin se prévaut également comme clause contractuelle contraire permettant d'appeler en garantie les sociétés Atelier d'architecture et d'urbanisme Chatillon et associés et SJA ingénierie, membres du groupement de maîtrise d'oeuvre dans le cadre d'un défaut dans la conception des plans et du suivi de la réalisation des travaux, y compris après la date de la réception définitive sans réserve des travaux : " les titulaires doivent être garantis par une police destinée à garantir leur responsabilité civile autre que décennale en cas de préjudices causés à des tiers y compris le maître de l'ouvrage, à la suite de tout dommage corporel, matériel et immatériel consécutif ou non, du fait de l'opération en cours de réalisation ou après sa réception " ; qu'il n'en résulte pas le maintien de la relation contractuelle sur les aspects liés à la conception des plans et au suivi des travaux entre les membres de la maîtrise d'oeuvre et le maître d'ouvrage en cas de réception sans réserve des opérations de travaux publics ;
16. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que la commune de Poncin n'est pas fondée à appeler en garantie la société Socatra ni les sociétés Atelier d'architecture et d'urbanisme Chatillon et associés et SJA ingénierie, membres du groupement de maîtrise d'oeuvre ;
Sur les appels en garantie formés par la société Socatra et par la société SJA ingénierie :
17. Considérant qu'en l'absence de condamnation des sociétés Socatra et SJA ingénierie tant à garantir la commune de Poncin qu'à indemniser à titre solidaire les consortsA..., qui au demeurant ne sont pas recevables en appel à présenter pour la première fois des conclusions à ce titre, il n'y a pas lieu d'examiner les conclusions d'appel en garantie qu'elles ont formulées à titre subsidiaire ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des consorts A...qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, les sommes demandées par la commune de Poncin, la société Socatra et la société SJA ingénierie, au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune de Poncin à verser une somme de 1 500 euros aux consorts A...au titre de ce même article L. 761-1 du code de justice administrative ; que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les autres conclusions formulées par la société Socatra et la société SJA ingénierie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Poncin est rejetée.
Article 2 : L'indemnité mise à la charge de la commune de Poncin par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lyon du 16 octobre 2012, en réparation des préjudices des consortsA..., est portée à la somme de 32 856,19 euros.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 16 octobre 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 du présent arrêt.
Article 4 : La commune de Poncin versera la somme de 1 500 euros aux consorts A...au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme J...A..., à Mme I...D..., à M. B...A..., à Mme H...A..., à Mme E... D'agostino, à la commune de Poncin, à la société Atelier d'architecture et d'urbanisme Chatillon et associés, à la société SJA Ingénierie et à la société Socatra.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2016 à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président,
M. F...et Mme Cottier, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 18 février 2016.
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N° 13LY00115