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16/02/2016 | FRANCE | N°14LY01054

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 16 février 2016, 14LY01054


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 30 juillet 2012 par laquelle le préfet de l'Allier l'a déchu de ses droits aux aides à l'installation des jeunes agriculteurs, ainsi que la décision du 19 avril 2013 portant rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1300938 du 5 février 2014, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 avril 2014, e

t un mémoire complémentaire, enregistré le 6 novembre 2014, M.A..., représenté par la SCP Vo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 30 juillet 2012 par laquelle le préfet de l'Allier l'a déchu de ses droits aux aides à l'installation des jeunes agriculteurs, ainsi que la décision du 19 avril 2013 portant rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1300938 du 5 février 2014, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 avril 2014, et un mémoire complémentaire, enregistré le 6 novembre 2014, M.A..., représenté par la SCP Volat Gard Recoules, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 5 février 2014 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet de l'Allier des 30 juillet 2012 et 19 avril 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision du préfet est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article R. 343-5 du code rural, en ce qu'il n'a jamais cessé d'être agriculteur, qu'il a consacré plus de 50 % de son temps de travail à l'exploitation agricole et qu'il a retiré plus de 50 % de son revenu global de cette activité au cours de la période prise en compte ; il n'a effectué que soixante jours de travail à l'extérieur de son exploitation au cours des quatre années prises en compte ; c'est à tort que les premiers juges ont borné leur examen à ses avis d'imposition ; ils ont confondu revenu des activités et bénéfice imposable, alors que le bénéfice ou le déficit agricole d'une société d'exploitation agricole détermine le revenu fiscal de l'associé pour sa part dans le résultat comptable et que les prélèvements privés, dont ce résultat se distingue, déterminent la rémunération de l'exploitant tirée de son exploitation agricole ; l'examen des montants des bénéfices agricoles déclarés au titre des revenus fiscaux imposables ne permet pas de déterminer la rémunération reçue par un associé pour son travail dans l'exploitation ; le fait que la société agricole dont il est associé majoritaire ait été déficitaire ne signifie pas qu'il n'a pas tiré son revenu principal de son activité agricole ; l'octroi des aides n'est nullement conditionné par l'engagement que l'exploitation agricole dégage des résultats bénéficiaires ; son statut d'associé majoritaire de cette société lui confère la qualité de chef d'exploitation ;

- l'aide à la création d'entreprise qu'il a perçue en 2006 aurait dû être incluse dans les bénéfices imposables, auquel cas la part qui lui a été attribuée aurait été bénéficiaire en 2007 ;

- il ne s'est pas engagé, lorsqu'il s'est installé, à ce que son exploitation dégage des bénéfices ;

- les comptes de résultats et bilans d'exercices n'ont pas été examinés par les premiers juges ;

- le déficit de son exploitation est dû à une épizootie ayant engendré une surmortalité de son cheptel ; si la transmission du parasite s'opère par des sujets intermédiaires, il peut être considéré comme une maladie contagieuse ; la moitié du cheptel infecté avait péri en juillet 2007 ; les animaux qu'il a achetés en décembre 2006 étaient parasités ; les traitements habituels contre la maladie dont était atteinte son troupeau sont contre-indiqués durant une partie de la gestation ; or, il a acquis un cheptel de brebis gestantes ; il a mis en place des mesures de prophylaxie qui ont amélioré la situation sanitaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2014, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la décision contestée est suffisamment motivée ;

- elle ne méconnaît pas les dispositions de l'article R. 343-5 du code rural, dans sa rédaction en vigueur à la date d'installation de M.A..., dès lors que les revenus disponibles de M.A..., au sens de l'arrêté du 2 février 2005 et pour la période de 2007 à 2010, représentent moins de 50 % de ses revenus globaux ; le revenu disponible de l'exploitant à prendre en compte est distinct de la rémunération du travail de l'exploitant, dont se prévaut le requérant ; c'est donc à bon droit que l'intéressé a été déchu de ses droits aux aides à l'installation ;

- la petite douve de l'ovin ne constitue pas une maladie contagieuse mais un parasite, affectant fréquemment les ovins en pâturage ; il appartient aux éleveurs de faire procéder à des contrôles réguliers et, le cas échéant, de procéder au traitement du cheptel avec un produit adapté ; la direction départementale des services vétérinaires a constaté, le 28 juin 2007, un taux de mortalité anormalement élevé du cheptel de M.A..., un état d'affaiblissement avéré d'une majorité d'animaux et une insuffisance des surfaces en herbe mise à leur disposition ; le préfet de l'Allier a ordonné la mise sous surveillance sanitaire du cheptel par arrêté du 6 juillet 2007 ; la circonstance que le troupeau de M. A...a été atteint par la petite douve ne saurait être regardée comme un cas de force majeure ; M. A...n'établit pas avoir mis en oeuvre les dispositions du 2 de l'article 39 du règlement (CE) n° 817-2004 permettant de bénéficier de l'exonération prévue en cas de force majeure.

Par ordonnance du 19 novembre 2014, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 décembre 2014.

M. A...a été admis à l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 24 avril 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 1974/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 portant modalités d'application du règlement (CE) n °1698/2005 du Conseil concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) ;

- le code rural ;

- l'arrêté du 2 février 2005 relatif au contenu de l'étude technico-économique et financière prévisionnelle à réaliser pour bénéficier des aides à l'installation et de l'étude technico-économique et financière à réaliser pour bénéficier d'un plan d'investissements ;

- l'arrêté du 13 janvier 2009 relatif au contenu du plan de développement de l'exploitation à réaliser pour bénéficier des aides à l'installation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Peuvrel, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Clément, rapporteur public.

1. Considérant que M. A...a, lors de son installation dans la commune de Neuilly-le-Real en qualité d'agriculteur, obtenu du préfet de l'Allier, par décision du 28 décembre 2006, la dotation à l'installation des jeunes agriculteurs, pour un montant de 22 400 euros ; que, par décision du 30 juillet 2012, le préfet de l'Allier l'a déchu de la totalité de ses droits aux aides à l'installation à compter du 29 décembre 2006 et a rejeté, par décision du 19 avril 2013, le recours gracieux de M. A...du 1er août 2012 ; que M. A...relève appel du jugement du 5 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

2. Considérant que selon l'article R. 343-5 du code rural en vigueur à la date d'installation de M.A..., le jeune agriculteur, candidat à la dotation d'installation, doit notamment : " (...) 4° Présenter un projet d'installation viable au terme de la troisième année suivant l'installation sur la base d'une étude prévisionnelle d'installation établie dans les conditions fixées par arrêté conjoint des ministres chargés de l'économie et de l'agriculture ; / 5° S'engager à exercer dans un délai d'un an et pendant dix ans la profession d'agriculteur en qualité de chef d'exploitation sur un fonds répondant aux conditions fixées par la présente section en retirant au moins 50 % de son revenu professionnel global d'activités agricoles au sens de l'article L. 311-1. Le bénéficiaire des aides s'engage à mettre en valeur personnellement son exploitation et à participer effectivement aux travaux pendant dix ans ; (...). " ; qu'aux termes de l'article R. 343-10 du même code alors en vigueur : " Les dispositions relatives à l'attribution de la dotation d'installation sont applicables au jeune agriculteur qui s'établit, dans les conditions prévues à l'article R. 343-5, dans le cadre d'une société au sens de l'article L. 341-2 du présent code. (...) " ; que l'article R. 343-18-1 du même code, alors en vigueur, dispose : " Sauf dans le cas où la situation du bénéficiaire des aides résulte d'un cas de force majeure au sens de l'article 39 du règlement (CE) n° 817-2004 du 29 avril 2004, le préfet peut prononcer la déchéance totale des aides lorsque le bénéficiaire : / (...) - cesse d'exercer la profession d'agriculteur dans les cinq premières années qui suivent son installation en violation de l'engagement prévu au 5° de l'article R. 343-5 ; / (...). Dans ce cas, le bénéficiaire est tenu de rembourser la somme correspondant à la dotation et aux bonifications d'intérêts au titre des prêts à moyen terme spéciaux, assortie des intérêts au taux légal en vigueur. (...) " ; que selon l'article 2 de l'arrêté du 2 février 2005 susvisé : " L'étude technico-économique et financière prévisionnelle d'un projet d'installation doit comporter les éléments suivants : / (...) 5. L'évolution annuelle du revenu disponible prévisionnel de l'exploitant calculé de la façon suivante : / Résultat courant avant impôt auquel s'ajoutent : / - la dotation aux amortissements ; / - la rémunération du travail des associés pour une exploitation sociétaire, et auquel sont retranchés : / - le remboursement en capital des emprunts de la société ou pris en charge par la société ; / - les annuités des emprunts contractés à titre personnel par l'exploitant et dans le cadre d'une forme sociétaire par les associés si ces emprunts ne sont pas déjà pris en charge par la société ; / - la rémunération des associés non exploitants pour une exploitation sociétaire. " ;

3. Considérant, en premier lieu, que la décision du 30 juillet 2012 indique que M. A... n'a pas respecté ses engagements, qu'il n'est pas resté exploitant à titre principal pendant au moins dix ans et qu'il n'a pas retiré 50 % de revenu agricole de ses revenus professionnels ; qu'elle est, ainsi, suffisamment motivée ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que la dotation à l'installation des jeunes agriculteurs a été attribuée à M. A...en contrepartie, notamment, de l'engagement pris par ce dernier d'exercer la profession d'agriculteur à titre principal pour une durée minimale de dix ans, dans les conditions figurant dans son projet d'installation ; que cette contrepartie, qui se traduit par une condition de revenu dont l'objet est de subordonner l'octroi de la dotation à la justification par l'exploitant de la viabilité économique de son projet, est remplie lorsque le revenu professionnel résultant de l'activité agricole, lequel s'entend du revenu disponible de l'exploitant tel que défini au 5 de l'article 2 de l'arrêté du 2 février 2005, et non, comme le soutient M. A..., de la seule rémunération du travail de l'exploitant, représente plus de 50 % de son revenu professionnel global ; qu'il ressort des pièces produites par M. A...qu'alors que son revenu disponible était négatif pour chacune des années 2007, 2008 et 2009, il a dégagé, au cours de chacune de ces trois années, des revenus non agricoles, pour des montants respectifs de 1 939 euros, 1 802 euros et 2 213 euros ; qu'à supposer même que la somme de 1 939 euros correspondrait au montant de l'aide à la création d'entreprise dont il aurait bénéficié en 2007, il est constant qu'en 2008 et 2009, les revenus qu'il a tirés de son activité agricole représentaient moins de la moitié de ses revenus globaux ; que, par suite, c'est à bon droit que le préfet de l'Allier a estimé qu'il n'avait pas respecté son engagement de retirer l'essentiel de ses revenus professionnels de son activité agricole, l'a déchu de ses droits aux aides à l'installation des jeunes agriculteurs et lui a demandé de procéder au remboursement des sommes perçues à ce titre ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 47 du règlement susvisé (CE) n° 1974/2006 de la Commission du 15 décembre 2006, qui a abrogé le règlement (CE) n° 817-2004 du 29 avril 2004 : " 1. Les Etats membres peuvent reconnaître, en particulier, les catégories suivantes de cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles, pour lesquels ils n'exigeront pas le remboursement d'une partie ou de la totalité de l'aide reçue par le bénéficiaire : / (...) f) épizootie touchant tout ou partie du cheptel de l'exploitant. / 2. Le bénéficiaire ou son ayant droit notifient par écrit à l'autorité compétente les cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles, dans un délai de dix jours ouvrables à compter du jour où ils sont en mesure de le faire, et y joignent, à la satisfaction de l'autorité compétente, les justificatifs correspondants. " ; que la Cour de justice des Communautés européennes a jugé, notamment dans ses arrêts du 13 octobre 1993, An Bord Bainne Co-operative Ltd, aff. C-124/92, et du 7 décembre 1993, Edmond Huygen, aff. C-12/92, que, dans le domaine des aides à l'agriculture, la notion de force majeure n'est pas limitée à celle d'impossibilité absolue, mais doit être entendue dans le sens de circonstances étrangères à l'opérateur concerné, anormales et imprévisibles, dont les conséquences n'auraient pu être évitées qu'au prix de sacrifices excessifs, malgré toutes les diligences déployées ;

6. Considérant que M. A...soutient que le déficit de son exploitation est dû à une épizootie ayant engendré une surmortalité de son cheptel, présentant le caractère d'un cas de force majeure ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier que, si le troupeau du requérant a été atteint d'une pathologie parasitaire, cette affection est fréquente chez les ovins, sans qu'il soit démontré que les traitements habituels contre cette maladie étaient, comme il le soutient en se prévalant du fait que son troupeau se composait d'un nombre significative de brebis gestantes, contre-indiqués durant une partie de la gestation ; que, par ailleurs, M. A...ne saurait être regardé comme étranger à la surmortalité de son troupeau, son cheptel ayant été placé sous surveillance sanitaire par arrêté préfectoral du 6 juillet2007 en raison des mauvaises conditions de détention et d'élevage des ovins ; qu'enfin, M. A... n'allègue ni ne démontre avoir mis en oeuvre la procédure prévue au paragraphe 2 du règlement précité permettant d'obtenir une exonération du remboursement des aides perçues ; que, dans ces conditions, les circonstances invoquées au titre de la force majeure ne pouvant être regardées comme étrangères à l'exploitant, ni comme imprévisibles, et dès lors qu'il n'est pas établi que seuls des sacrifices excessifs auraient pu permettre de les endiguer, M. A... n'apparaît pas fondé à se prévaloir de l'existence d'une situation de force majeure, au sens de la jurisprudence précitée, qui, le cas échéant, lui aurait permis de conserver le bénéfice des aides à l'installation ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

Copie en sera adressée au préfet de l'Allier.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2016, à laquelle siégeaient :

M. Boucher, président de chambre ;

Mme Dèche, premier conseiller ;

Mme Peuvrel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 février 2016.

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N° 14LY01054

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01054
Date de la décision : 16/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03 Agriculture et forêts. Exploitations agricoles.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: Mme Nathalie PEUVREL
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : SCP VOLAT - GARD - RECOULES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-02-16;14ly01054 ?
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