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09/02/2016 | FRANCE | N°14LY01177

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 09 février 2016, 14LY01177


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler d'une part, les décisions du préfet de l'Isère du 10 février 2014, lui refusant le renouvellement d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire, désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite d'office et lui interdisant le retour sur le territoire français durant trois ans et d'autre part, la décision du préfet de l'Isère, l'assignant à résidence po

ur une durée maximale de quarante-cinq jours à compter du 25 mars 2014.

Par un ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler d'une part, les décisions du préfet de l'Isère du 10 février 2014, lui refusant le renouvellement d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire, désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite d'office et lui interdisant le retour sur le territoire français durant trois ans et d'autre part, la décision du préfet de l'Isère, l'assignant à résidence pour une durée maximale de quarante-cinq jours à compter du 25 mars 2014.

Par un jugement n° 1401695 - 1401698 du 29 mars 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble, appelé à se prononcer sur les décisions susmentionnées hormis celle portant refus de délivrance de titre de séjour, a annulé les décisions attaquées.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 avril 2014 et un mémoire ampliatif enregistré le 17 juin 2014, le préfet de l'Isère demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le tribunal administratif de Grenoble du 29 mars 2014 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif.

Il soutient que c'est à tort que le premier juge a annulé, pour erreur manifeste d'appréciation, sa décision faisant obligation à Mme B...de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2014, Mme A...B..., représentée par MeF..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du préfet de l'Isère ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté est entaché d'incompétence ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- le refus de renouvellement de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant refus de délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;

- elle est injustifiée ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 avril 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bourrachot, président,

- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public.

1. Considérant que MmeB..., ressortissante sénégalaise née le 12 mai 1984, est entrée sur le territoire français le 20 septembre 2003, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour ; qu'elle a résidé régulièrement en France sous couvert de plusieurs titres de séjour portant la mention " étudiant " entre le 20 novembre 2003 et le 31 octobre 2008 ; qu'elle a ensuite obtenu deux titres de séjour en qualité de mère d'un d'enfant français, valables du 9 février 2010 au 8 février 2012 ; que, le 20 décembre 2011, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que toutefois, par deux arrêtés en date du 10 février 2014 et du 25 mars 2014, le préfet de l'Isère lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays de renvoi, lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français durant trois ans et l'a assignée à résidence pour une durée maximale de quarante-cinq jours ; que Mme B...a contesté ces décisions devant le tribunal administratif de Grenoble, qui, par jugement du 29 mars 2014 du magistrat désigné par le président de ce tribunal, s'est prononcé sur les décisions susmentionnées hormis sur le refus de renouvellement de titre de séjour et les a annulées ; que le préfet de l'Isère relève appel de ce jugement ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si Mme B...réside en France depuis plus de dix ans, le droit au séjour en qualité d'étudiante dont elle a disposé de 2003 à 2008 ne lui donnait pas vocation à demeurer en France à l'issue de ses études et les deux titres de séjour successifs d'un an qu'elle a obtenu en qualité de mère d'un enfant français, entre 2010 et 2012, l'ont été par fraude ; que son compagnon ivoirien, qui a reconnu avoir usurpé l'identité d'un ressortissant français et reconnu l'enfant de Mme B...sous cette fausse identité, ne dispose pas d'un droit au séjour en France ; que la circonstance que Mme B...et son compagnon soient de nationalités différentes ne fait pas obstacle à ce qu'ils poursuivent ailleurs qu'en France leur vie privée et familiale avec leur enfant ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment du comportement de l'intéressée, et nonobstant le fait qu'elle ait étudié et exercé une activité professionnelle en France, l'obligation de quitter le territoire français faite à Mme B...n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ; qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé, pour erreur manifeste d'appréciation, l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de Mme B...;

3. Considérant qu'il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par MmeB..., tant devant le tribunal administratif que devant la cour ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

En ce qui concerne l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour :

4. Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée a été signée par Mme Gisèle Rossat-Mignod, secrétaire générale de la préfecture de l'Isère, qui, en vertu d'un arrêté du préfet de l'Isère du 24 janvier 2014, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du mois de janvier 2014, disposait d'une délégation à l'effet de signer notamment tous actes, arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Isère, à l'exception d'actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions relatives à la police des étrangers ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué ne peut qu'être écarté comme non fondé ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées des motifs des décisions défavorables qui les concernent. (...) " et qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ; que la décision rejetant une demande de titre de séjour est une mesure de police ; qu'en application des dispositions précitées, elle doit, dès lors, être motivée ;

6. Considérant que la décision du 10 février 2014 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé le renouvellement d'un titre de séjour à Mme B...sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est régulièrement motivée en droit par le visa de ces dispositions ; qu'elle doit être regardée comme suffisamment motivée en fait par l'indication que le compagnon de MmeB..., père biologique de son enfant, a usurpé l'identité d'un ressortissant français dont le nom figure sur l'acte de naissance de l'enfant, que c'est son compagnon qui a signé les formulaires de demande de carte nationale d'identité de l'enfant et a déclaré l'enfant à sa naissance, que si elle soutient que c'est le ressortissant français qui a établi la reconnaissance préalable de paternité, elle n'en apporte pas la preuve et, qu'ainsi, elle ne peut pas se prévaloir de la filiation de son fils avec un ressortissant français et obtenir le renouvellement de son titre de séjour ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ; (...) " ;

8. Considérant que si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; que ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers ; que tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés ; que, par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...a donné naissance en France, le 17 septembre 2009, à D...Grigbale, qui a été reconnu par un ressortissant français, M. G...; que le jeune D...a obtenu une carte nationale d'identité française ; qu'il ressort toutefois des pièces de l'enquête menée par les services de la gendarmerie nationale à l'encontre de M. C...E..., compagnon de MmeB..., pour des faits d'obtention frauduleuse de document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité, et en particulier des procès-verbaux d'audition de Mme B...en date des 26 avril 2011 et 12 décembre 2013, qu'il s'agit d'une reconnaissance de paternité frauduleuse, fraude à laquelle Mme B...a activement participé ; qu'ainsi, le préfet de l'Isère établit le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité souscrite à l'égard de l'enfant de Mme B...; que, dès lors, le préfet, à qui il appartenait de faire échec à cette fraude dès lors que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'était pas acquise, a pu légalement refuser, pour ce motif, la délivrance d'une carte de séjour temporaire à Mme B...sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors même qu'à la date de ce refus, cet enfant n'avait pas été déchu de la nationalité française ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées ne peut qu'être écarté comme non fondé ;

10. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si Mme B...réside en France depuis plus de dix ans, le droit au séjour en qualité d'étudiante dont elle a disposé de 2003 à 2008 ne lui donnait pas vocation à demeurer en France à l'issue de ses études et les deux titres de séjour successifs d'un an qu'elle a obtenu en qualité de mère d'un enfant français, entre 2010 et 2012, l'ont été par fraude ; que son compagnon ivoirien, qui a reconnu avoir usurpé l'identité d'un ressortissant français et reconnu l'enfant de Mme B...sous cette fausse identité, ne dispose pas d'un droit au séjour en France ; que la circonstance que Mme B...et son compagnon soient de nationalités différentes ne fait pas obstacle à ce qu'ils poursuivent ailleurs qu'en France leur vie privée et familiale avec leur enfant ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment du comportement de l'intéressée, et nonobstant le fait qu'elle ait étudié et exercé une activité professionnelle en France, la décision contestée n'a pas porté au droit de Mme B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui protègent le droit au respect de sa vie privée et familiale ;

En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français :

12. Considérant, en premier lieu, que pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4 ci-dessus, Mme Gisèle Rossat-Mignod, secrétaire générale de la préfecture de l'Isère, avait compétence pour signer la décision portant obligation de quitter le territoire prise à l'encontre de Mme B...;

13. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. (...) " ;

14. Considérant que le préfet de l'Isère a, par un arrêté pris à l'encontre de MmeB..., refusé de lui délivrer un titre de séjour et fait obligation à cette dernière de quitter le territoire français ; que la décision d'obligation de quitter le territoire français, prise sur le fondement des dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable à MmeB..., n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour qui, en l'espèce, est suffisamment motivée comme il a été dit au point 6 ci-dessus ; qu'il y a lieu, dès lors, d'écarter le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la mesure d'éloignement ;

15. Considérant, en troisième lieu, que comme il a été dit ci-avant, Mme B...n'était pas en droit de prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, Mme B...a pu légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;

16. Considérant, en quatrième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 11 ci-dessus, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par la mesure d'éloignement ne peut qu'être écarté comme non fondé ;

Sur la décision refusant un délai de départ volontaire :

17. Considérant, en premier lieu, que pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4 ci-dessus, Mme Gisèle Rossat-Mignod, secrétaire générale de la préfecture de l'Isère, avait compétence pour signer la décision refusant d'octroyer un délai de départ volontaire à Mme B... pour quitter volontairement le territoire français ;

18. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / 2° Si l'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était ou manifestement infondée ou frauduleuse ; / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage (...). " ;

19. Considérant que le refus d'accorder à Mme B...un délai de départ volontaire est régulièrement motivé en droit par le visa du 2° et du e) du 3° de II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il est suffisamment motivé en fait par l'indication notamment que l'intéressée, qui a fait établir une carte nationale d'identité française à son fils en se prévalant du passeport obtenu frauduleusement par son compagnon usurpant l'identité d'un ressortissant français, présente un risque de soustraction à la mesure d'éloignement prise à son encontre ;

20. Considérant que le fait pour Mme B...d'avoir produit à l'appui d'une demande de titre de séjour une reconnaissance de paternité frauduleuse établie par son compagnon ne peut être qualifié de falsification ou de modification d'un titre de séjour ; que, dès lors, le préfet de l'Isère ne pouvait légalement fonder sa décision sur les dispositions du e) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

21. Considérant toutefois qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, le comportement de Mme B... était constitutif d'une fraude de nature à justifier le refus de renouvellement de son titre de séjour ; que le préfet de l'Isère pouvait dès lors légalement fonder sa décision sur les dispositions du 2° du II de l'article L. 511-1 et sur ce motif ; qu'il résulte de l'instruction que le préfet de l'Isère aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif ;

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

22. Considérant, en premier lieu, que pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4 ci-dessus, Mme Gisèle Rossat-Mignod, secrétaire générale de la préfecture de l'Isère, avait compétence pour signer la décision portant interdiction de retour sur le territoire français prise à l'encontre de Mme B...;

23. Considérant, en deuxième lieu, que l'interdiction de retour sur le territoire français prise à l'encontre de Mme B...est régulièrement motivée en droit par le visa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle est suffisamment motivée en fait par l'indication, notamment, qu'elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales au Sénégal, où elle a vécu 19 ans, que son compagnon fait également l'objet de mesures de police administrative similaires et que le couple peut reconstituer sa cellule familiale hors de France, que si l'intéressée n'a jamais fait l'objet d'une mesure d'éloignement, elle est demeurée en France en séjour irrégulier pendant une période d'un an et trois mois et que si elle ne représente pas une menace à l'ordre public, elle s'est prévalue d'un document administratif obtenu frauduleusement afin de solliciter une carte nationale d'identité française pour son fils et d'obtenir pour son propre compte deux titres de séjour ;

24. Considérant, en dernier lieu, que d'une part, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 11 ci-dessus, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français ne peut qu'être écarté comme non fondé alors même que l'intéressée et son compagnon sont de deux nationalités distinctes ;

Sur l'assignation à résidence :

25. Considérant, en premier lieu, que pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4 ci-dessus, Mme Gisèle Rossat-Mignod, secrétaire générale de la préfecture de l'Isère, avait compétence pour signer la décision assignant Mme B...à résidence ;

26. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté par lequel le préfet de l'Isère a assigné Mme B...à résidence sur le fondement de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est régulièrement motivé en droit par le visa de ces dispositions ; qu'il est suffisamment motivé en fait par l'indication en particulier que le préfet de l'Isère a pris à l'encontre de Mme B...une obligation de quitter le territoire français sans délai qui lui a été notifiée le 25 mars 2014, que l'intéressée justifie d'une adresse en France et dispose de garanties de représentation effectives permettant d'envisager son éloignement et, qu'enfin, Mme B...a remis à l'autorité administrative son passeport contre récépissé ; qu'il suit de là que la décision contestée énonce clairement les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et est, dès lors, suffisamment motivée au regard des exigences de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ;

27. Considérant, en dernier lieu, que Mme B...ne peut pas utilement faire valoir qu'elle ne présente aucun risque de fuite à l'encontre de la décision par laquelle le préfet de l'Isère l'a assignée à résidence au motif qu'elle justifiait d'une adresse en France et disposait de garanties de représentation effectives permettant d'envisager son éloignement sans avoir recours à un placement en rétention administrative ; que, dès lors, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

28. Considérant que Mme B...soutient que les décisions attaquées ont été prises en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce que ces décisions font courir à sa famille, compte tenu de leur différence de nationalité, des risques sérieux d'être séparés l'un de l'autre et d'être séparés de son enfant ; que si, comme il a été dit ci-dessus la circonstance que les intéressés sont de deux nationalités distinctes est sans incidence sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, la décision fixant le pays de destination peut être contestée au motif qu'il existerait, du fait de la différence de nationalité, un risque de séparation du couple dans deux pays distincts ;

29. Considérant toutefois que si MmeB..., ses enfants et le père de son enfant sont de nationalités différentes, cette dernière n'allègue ni que ses enfants et son compagnon ne seraient pas légalement admissibles au Sénégal, ni qu'elle-même et ses enfants ne seraient pas légalement admissibles en Côte-d'Ivoire ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les arrêtés pris à l'encontre de Mme B...et de son compagnon auraient nécessairement pour effet de séparer, même provisoirement, les membres de leur famille ; que Mme B...n'est ainsi pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de sa destination en cas de reconduite forcée violerait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des doits de l'homme et des libertés fondamentales ;

30. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions des 10 février 2014 et 25 mars 2014 ; que, par voie de conséquence, doivent être rejetées les conclusions aux fins d'injonction de Mme B...et les conclusions tendant au remboursement des frais d'instance non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1401695 - 1401698 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble en date du 29 mars 2014 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, au préfet de l'Isère et à Mme A...B....

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2016 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président,

Mme Mear, président-assesseur,

Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 février 2016.

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N° 14LY01177


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01177
Date de la décision : 09/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : LEVY- SOUSSAN

Origine de la décision
Date de l'import : 24/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-02-09;14ly01177 ?
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