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28/01/2016 | FRANCE | N°14LY02443

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 28 janvier 2016, 14LY02443


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler la délibération n° 10.087 en date du 8 juillet 2010 par laquelle le syndicat mixte des transports pour le Rhône et l'agglomération lyonnaise (SYTRAL) a attribué à la société Keolis, à compter du 1er janvier 2011, le contrat de délégation de service public relatif à la gestion du réseau " transports en commun lyonnais " (TCL) pour la période 2011-2016 ;

- d'annuler les actes de signature de la convention par le prési

dent du SYTRAL ;

- d'annuler l'ensemble des actes pris en conséquence de la délibération d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler la délibération n° 10.087 en date du 8 juillet 2010 par laquelle le syndicat mixte des transports pour le Rhône et l'agglomération lyonnaise (SYTRAL) a attribué à la société Keolis, à compter du 1er janvier 2011, le contrat de délégation de service public relatif à la gestion du réseau " transports en commun lyonnais " (TCL) pour la période 2011-2016 ;

- d'annuler les actes de signature de la convention par le président du SYTRAL ;

- d'annuler l'ensemble des actes pris en conséquence de la délibération du 8 juillet 2010 ;

- d'enjoindre au SYTRAL de résilier la convention.

Par jugement n° 1005718 en date du 12 juin 2014, le tribunal administratif de Lyon a admis l'intervention en défense de la société Keolis, rejeté la requête et rejeté les conclusions du SYTRAL et de la société Keolis tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 juillet 2014, et par des mémoires enregistrés les 9 février 2015, 21 avril 2015, et un mémoire enregistré le 2 juin 2015, non communiqué, M. D... A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 12 juin 2014 ;

2°) d'annuler les actes précités ;

3°) d'enjoindre au SYTRAL de résilier la convention.

Il soutient que :

- il justifie d'un intérêt pour agir dès lors qu'il est contribuable du département et de la commune et usager du service public ; son recours est introduit dans le délai de deux mois suivant le jugement attaqué ;

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal s'est fondé sur les motifs déduits d'une note en délibéré qui n'a pas été communiquée, en méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et des principes généraux du droit imposant le respect du contradictoire ; la note en délibéré devait être communiquée dès lors qu'elle critiquait la position du rapporteur public et que le tribunal n'a pas suivi le sens des conclusions de ce dernier, au détriment de la partie à qui la note n'a pas été communiquée, la longueur du délibéré en l'espèce démontrant la complexité de l'affaire, les hésitations du tribunal et l'influence de la note en délibéré ; il ne peut lui être demandé d'établir que les notes en délibéré ne comportaient pas d'éléments de nature à modifier la conviction de la juridiction dès lors que ces documents ne lui ont pas été communiqués ; il appartenait aux auteurs des notes en délibéré de les transmettre spontanément, compte tenu du principe du contradictoire ;

- le contrat litigieux est un marché public, et non une délégation de service public, eu égard à la faiblesse du risque économique extrinsèque supporté par le délégataire ; l'erreur commise sur ce point constitue un vice de procédure ainsi qu'une illégalité de fond, une collectivité ne pouvant signer une délégation de service public à la place d'un marché public ; le jugement est insuffisamment motivé, les risques n'étant pas exprimés en pourcentage, alors que ses écritures étaient suffisamment précises sur ce point ; le tribunal a qualifié le contrat de régie intéressée, alors qu'une telle régie doit être soumise aux règles applicables aux marchés publics au regard du droit européen ; la rémunération du délégataire n'est pas le bénéfice après impôt sur les sociétés car Keolis facture diverses prestations ; le contrat repose sur une contrepartie forfaitaire représentant la totalité de la rémunération du délégataire, la clause d'intéressement étant insignifiante, l'incertitude sur les charges ne faisant pas partie de la définition des risques et périls dans le cadre d'une délégation de service public, l'énergie faisant l'objet d'une formule d'indexation qui est favorable au délégataire ; le SYTRAL a programmé des augmentations de tarifs ; l'augmentation des usagers est définie par le SYTRAL et Keolis ; en cas de baisse de fréquentation, le risque est plafonné ; la variation des recettes du délégataire ne peut dépasser 1,2 % du total des recettes ; le SYTRAL ne conteste pas l'existence d'une facturation entre Keolis Lyon et sa maison mère ; les jours de grève diminuent les contraintes imposées à Keolis sur la qualité du service, les compensations tarifaires ne sont mises en oeuvre qu'à une double condition, les dispositions sur la grève correspondent à la stricte application de la loi et des règlements, les contraintes sont inférieures à celles du droit commun, résultant d'un marché public ou applicables aux entreprises de service public ; le risque représente 0,61 % de la contrepartie forfaitaire ; l'engagement de recettes fait l'objet d'un nouveau calcul annuel qui limite les risques du concessionnaire, la perte évoquée dans les écritures de Keolis ne serait pas de 12 millions d'euros mais de 4 millions d'euros sur l'ensemble du contrat ; le taux de fraude, qui a un impact marginal sur les recettes de la société Keolis, dépend du comportement du délégataire ; l'avis de la chambre régionale des comptes invoqué par le SYTRAL n'a pas été communiqué ; l'évolution des recettes sur le réseau SYTRAL révèle qu'il ne peut y avoir de malus ; les augmentations tarifaires sont favorables au délégataire, seule la société Keolis pouvait avoir une information sur ce point ; les formules de révision protègent le délégataire ; le coefficient de mobilité n'est pas produit ;

- le droit à l'information des élus a été méconnu, dès lors qu'en méconnaissance de l'article L. 1411-7 du code général des collectivités territoriales, le contrat de délégation de service public n'a pas été transmis aux membres de l'assemblée délibérante ; les annexes évoquées n'ayant pas été produites, il n'est pas possible de dire qu'elles sont suffisantes en donnant les indications essentielles du contrat ; la durée de la délégation de service public n'est pas précisée dans le rapport de présentation, le rapport de présentation est disproportionné au regard de l'enjeu du contrat pour la collectivité ; une simple consultation sur place par les élus ne peut donner à ces derniers des garanties suffisantes sur la stabilité du texte ; les élus ont eu connaissance du projet de contrat sur place, et dans une version incomplète ; c'est à tort que le tribunal a relevé qu'il ne pouvait exciper de l'illégalité de la délibération du 7 mai 2009, faute de la produire, alors que le SYTRAL en avait produit le procès-verbal ; la réunion du 7 mai constitue un acte préparatoire ;

- les critères de choix des offres n'ont pas été pondérés ni hiérarchisés, en méconnaissance de la directive 2004/18/CE ; le tribunal a procédé à une mauvaise interprétation du droit européen et à une confusion entre la mise en oeuvre des critères, parfois appelée sous-critères, et leur pondération et leur hiérarchisation ; l'indication des critères de choix, sans indication de pondération ou de hiérarchisation, est insuffisante, au regard des exigences découlant des principes généraux du droit de la commande publique ; le règlement de la consultation est ambigu, affirmant une absence de hiérarchisation puis distinguant critères principaux et critères complémentaires ; cette obligation préexistait à la directive de 2014 ;

- le délégataire a participé à l'élaboration, notamment dans l'opération Atoubus, du cahier des charges et de l'organisation des nouvelles fonctionnalités de transport pour la période 2011-2017, en méconnaissance des règles de transparence ; il existe une présomption d'interdiction d'être candidat à une délégation de service public pour une personne qui a participé à l'évolution et à la préparation du dossier, qui ne peut être combattue que par la preuve contraire ; la charge de la preuve a été inversée en l'espèce ; il n'est pas établi que tous les candidats ont eu accès aux mêmes informations sur les études d'Atoubus, qui constituait un changement fondamental sur l'organisation des bus sur l'ensemble du secteur, au même moment ; ces modifications majeures n'ont pas été mentionnées dans le cahier des charges qui a été constitué à partir de données fournies par la société Keolis et non contrôlées par le SYTRAL, qui a méconnu sa compétence dans l'élaboration du cahier des charges ; le dossier a été remis aux candidats le 2 juin 2009 et ne pouvait comprendre ces modifications fondamentales qui ont été présentées aux élus en septembre 2009 ; les éléments nouveaux transmis, à supposer qu'ils soient complets, et qui avaient été préparés par la société Keolis, n'étaient transmis que plusieurs semaines après les modifications, en rupture du principe d'égalité ; la société Keolis pouvait éviter de prévoir des contraintes qu'elle n'aurait pas supportées et ajouter des nouvelles contraintes plus difficilement supportables par les autres concurrents ;

- le choix du délégataire est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, au regard de l'aspect social, la différence économique n'étant pas significative et s'expliquant par l'engagement du SYTRAL de mettre en oeuvre un dispositif anti-fraude qui n'était pas connu des autres candidats ; ce choix ressort de préoccupations extérieures à la délégation de service public ; il appartenait au juge de demander à l'administration de justifier de son choix ; l'offre de la société Transdev était la plus pertinente ; le SYTRAL ne produit pas les documents relatifs à la fin de la négociation, qui peut être arrêtée au moment opportun.

Par des mémoires enregistrés les 28 octobre 2014, 31 mars 2015 et 13 mai 2015, le syndicat mixte des transports pour le Rhône et l'agglomération lyonnaise (ci-après SYTRAL), représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. A...une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la note en délibéré n'avait pas à être communiquée, ne contenant pas l'exposé d'une circonstance de fait nouvelle et déterminante dans le sens de la décision rendue ou d'une circonstance de droit nouvelle, aucune pièce nouvelle n'était produite ; la jurisprudence ne distingue pas entre auteurs et victimes d'une note en délibéré, une juridiction n'est jamais tenue de suivre les conclusions du rapporteur public, la longueur du délibéré pouvant s'expliquer par des circonstances extérieures ; à titre subsidiaire, la consultation du site Sagace permettait au requérant d'être informé de l'existence des notes en délibéré et d'en demander la communication ;

- le contrat présente les caractéristiques d'une délégation de service public et non d'un marché public, dès lors que la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service, le délégataire supportant une part significative du risque, compte tenu de l'intéressement prévu ; la comparaison des données relatives au résultat et au chiffre d'affaire doit s'effectuer sur un périmètre homogène, à savoir Keolis Lyon ; la formule d'indexation de la contrepartie forfaitaire n'a aucun rapport avec les recettes de l'exploitation du service ; le requérant ne peut utilement se référer à des données rétrospectives des années 2005 à 2007, les conventions portant sur les périodes 2005-2010 et 2011-2016 étant indépendantes, le mécanisme d'intéressement ayant été modifié, renforçant le risque assumé par le délégataire ; l'augmentation des recettes d'exploitation de service n'est pas assurée par le SYTRAL ; aucune stipulation contractuelle ne plafonne le risque financier en cas de baisse de fréquentation ; seule une faible portion d'usagers peuvent être regardés comme captifs ; les résultats de la société Keolis pour la période 2005-2010 montrent qu'elle a subi une perte totale de plus de 34 millions d'euros et qu'elle assume pleinement les risques liés à la gestion, alors que la nouvelle convention prévoit que les objectifs contractuels sont plus nombreux et plus ambitieux, que les pénalisations financières associées sont plus sévères et que le mécanisme d'intéressement aux recettes a été renforcé ; l'appréciation des risques doit s'effectuer sur la globalité des paramètres économiques du contrat ; sur les années 2011 à 2013, le délégataire a subi une perte de près de 10 millions d'euros hors taxe de son résultat net avant impôt, due pour partie au malus sur les recettes ; la chambre régionale des comptes, par un avis qui ne lie pas la juridiction administrative, avait estimé que la précédente convention caractérisait la notion d'exploitation au risque du délégataire ; la part des énergies dans la formule d'indexation n'est pas majorée ; l'appelant opère une confusion ente les recettes du service et les sommes perçues par le délégataire ; le grief relatif aux relations entre le délégataire et sa société mère n'est pas précisé ni établi ; l'augmentation des tarifs n'est pas répercutée intégralement sous la forme d'une augmentation des recettes ;

- le droit à l'information des élus n'a pas été méconnu, les élus du SYTRAL ayant reçu plus de 15 jours avant la réunion du 8 juillet 2010 un rapport comportant une annexe présentant une synthèse de l'économie générale du contrat et le courrier de convocation précisant que le contrat pouvait être consulté aux bureaux du SYTRAL ; les dispositions de l'article L. 1411-7 du code général des collectivités territoriales doivent être combinées avec celles de l'article L. 2121-12 du même code ; le contrat sur lequel les élus ont eu à se prononcer est quasiment conforme au projet de contrat fourni dans le dossier de consultation des entreprises qui avait été remis aux membres du conseil syndical dans sa séance du 4 juin 2009 ; la chambre régionale des comptes a rendu un avis confirmant la régularité de la procédure de passation ; la délibération a été adoptée à la quasi-unanimité ;

- ni les règles du droit interne, ni les principes généraux du droit communautaire, ni les normes communautaires opposables à la date de la délibération attaquée ne rendaient obligatoires la hiérarchisation ou la pondération des critères de sélection des offres ; c'est la directive 2014/23/UE du 26 février 2014, inapplicable dans le présent litige, qui a institué une règle nouvelle de hiérarchisation des critères d'attribution ;

- il démontre que la société Keolis n'a nullement participé à l'élaboration du dossier de la consultation, l'attributaire n'a donc pas à rapporter la preuve d'une absence de profit tiré d'une telle participation ; tous les candidats ont eu accès aux mêmes informations d'ordre technique ou économique nécessaires à la remise d'une offre s'agissant du projet Atoubus ; si le dossier descriptif du réseau a été en grande partie constitué à partir des éléments transmis par le délégataire du réseau TCL, il ne constitue pas un élément du cahier des charges et répond à une obligation contractuelle du délégataire sortant au titre de la précédente convention ; il ne peut être reproché au SYTRAL d'avoir demandé au délégataire une synthèse du rapport annuel que la loi imposait de produire ;

- l'appelant ne met pas la cour en situation d'apprécier la portée ou le bien-fondé du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qui affecterait le choix du délégataire ; la preuve d'un détournement de pouvoir n'est pas établie par le rapprochement de faits concernant des collectivités différentes, des sociétés différentes, des projets différents et des dates différentes ; le requérant ne peut utilement se prévaloir de l'analyse des offres initiales des candidats, avant discussions ;

- les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au SYTRAL de procéder à la résiliation de la convention ne sont ni justifiées ni motivées ; à titre subsidiaire, aucun motif sérieux ne serait de nature à conduire à une remise en cause de la convention, même pour l'avenir ; la résiliation de la convention aurait des conséquences certaines en termes financiers pour le SYTRAL, impliquant que soit relancée à court terme une procédure lourde dont le délai de préparation est de deux ans, ce qui perturberait la bonne exploitation du réseau.

Par des mémoires enregistrés les 5 novembre 2014, 31 mars 2015 et 12 mai 2015, la société Keolis, représentée par le cabinet ADAMAS, en la personne de MeE..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. A...une somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'appelant n'indique pas quelles circonstances de fait ou de droit nouvelles auraient été portées à la connaissance du tribunal par les notes en délibéré ; à titre subsidiaire, c'est par la seule analyse des documents contractuels produits en cours d'instance que le tribunal a forgé sa conviction, les notes en délibéré n'ajoutaient rien aux éléments déjà produits, elles n'avaient pas à être communiquées ;

- le tribunal s'est longuement attaché à l'analyse de la qualification du contrat ; c'est à juste titre qu'il a estimé que le contrat devait être qualifié de délégation de service public et non de marché public, dès lors que le délégataire supporte une part substantielle du risque d'exploitation, conformément à ce qu'exigent tant le juge national que le juge communautaire ; par rapport à l'engagement de recettes de la société Keolis de 1,2 milliard d'euros environ, une diminution de 1 % se traduit par une dette de 12 millions d'euros envers le SYTRAL ; l'engagement sur les recettes correspond à une prévision de progression sur la durée du contrat de plus de 30 %, ce qui est ambitieux, les situations telles que la grève du personnel ou la non-réalisation de l'offre ne modifiant pas cet engagement alors que dans le même temps la contribution forfaitaire est diminuée ; le contrat transfère au délégataire l'intégralité des risques liés à une mauvaise appréciation des impacts des événements concernant l'extension ou la modification de l'offre, tant sur les recettes que sur les charges ; les clauses contractuelles affectant la rémunération forfaitaire du délégataire liées à l'exploitation du service prévoient, d'une part, un bonus/malus, pouvant atteindre respectivement 3 millions d'euros de bonus et 6 millions de malus en cumul annuel, et un malus lié aux situations inacceptables ou à l'information des voyageurs est plafonné à hauteur de 4 millions par an, ce qui établit qu'elle est exposée à un risque financier annuel de l'ordre de 10 millions par an ; le risque de fraude est entièrement transféré sur le délégataire ; au-delà du risque d'exploitation, elle supporte également, dans des conditions inusuelles, des risques sur l'évolution des charges de services ; la formule d'indexation ne supprime pas le risque ; ce n'est pas le délégataire qui fixe les tarifs ;

- les dispositions des articles L. 1411-7 et L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales n'imposent pas à la personne publique de communiquer aux élus le projet de délégation ; les élus ont reçu une information suffisante, disposant des données contractuelles, notamment financières ; le tribunal a relevé à juste titre, par une analyse qui n'est pas contestée, qu'il n'était pas démontré que la délibération du 7 mai 2009 présentait un lien avec la délibération initialement contestée ;

- la collectivité n'avait pas à pondérer les critères s'agissant d'une délégation de service public ; les critères de sélection des offres ont été publiés, cette publicité n'ayant pas été contestée par les candidats eux-mêmes ;

- le requérant ne précise pas en quoi le tribunal aurait commis une erreur de fait et de droit en écartant le moyen tiré de la participation du délégataire sortant à la procédure de consultation ; à titre subsidiaire, c'est en application de sa mission de conseil à laquelle elle était tenue en vertu de ses obligations contractuelles qu'elle a été associée à la définition du projet Atoubus, mais il ne peut en être déduit qu'elle a participé à l'élaboration et à la rédaction du cahier des charges de la consultation ; la charge de la preuve d'une violation du principe d'égalité entre candidats incombe au requérant ; le SYTRAL démontre dans ses écritures que tous les candidats ont eu accès aux mêmes informations, aucun candidat n'ayant manifesté d'interrogation ; aucun élément ne permet de retenir que la mise en oeuvre d'un système anti-fraude aurait eu une influence sur la procédure de consultation ; il est normal que le cahier des charges contienne des informations fournies par la société Keolis, qui sont de nature à assurer l'égalité entre les candidats ,

- le choix du délégataire n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation, les pièces produites par le SYTRAL confirmant que le choix a été réalisé sur la base des critères pré-définis ;

- le rejet du recours rend sans objet la demande d'injonction ; à titre subsidiaire, le temps qu'il reste jusqu'au terme du contrat est le temps nécessaire à la relance de la consultation, la procédure de consultation ayant déjà été initiée pour la prochaine délégation ; une résiliation ne présenterait pas de nécessité ou d'utilité.

Par ordonnance du 19 mai 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 juin 2015.

Un mémoire présenté pour M. A...a été enregistré le 15 décembre 2015, postérieurement à la clôture d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2004/18/CE ;

- la directive 2004/17/CE ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Samson-Dye,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,

- les observations de MeC..., représentant le SYTRAL et de MeE..., représentant la société Keolis ;

Une note en délibéré présentée pour M. A...a été enregistrée le 8 janvier 2016.

1. Considérant que M. A...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant, en particulier, à l'annulation de la délibération du 8 juillet 2010 par laquelle le syndicat mixte des transports pour le Rhône et l'agglomération lyonnaise (ci-après SYTRAL) a attribué à la société Keolis le contrat de délégation de service public relatif à la gestion du réseau " transports en commun lyonnais " (TCL) pour la période 2011-2016 ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant, d'une part, que M. A...soutient que l'absence de communication des notes en délibéré qui avaient été produites pour le SYTRAL et la société Keolis entache le jugement d'irrégularité, en méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3. Considérant, toutefois, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les premiers juges auraient tenu compte d'éléments contenus spécifiquement dans ces documents, qui ne comportaient par ailleurs pas l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui était susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire ; que, par suite et sans que le requérant puisse utilement se prévaloir de la longueur du délibéré ou du fait que les premiers juges n'ont pas suivi les conclusions du rapporteur public, le moyen doit être écarté ;

4. Considérant, d'autre part, que le jugement est suffisamment motivé s'agissant de la qualification du contrat, alors même qu'il ne fait pas état de pourcentages pour caractériser le caractère significatif du risque transféré sur l'exploitant ;

Sur la légalité de la délibération en litige :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance par le SYTRAL et la société Keolis ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales : " Une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service. (...) " ;

6. Considérant qu'il résulte de la convention en cause, ainsi que l'ont rappelé les premiers juges, que la rémunération de la société Keolis par le SYTRAL est assurée par une " contrepartie forfaitaire ", qui couvre toutes les charges de gestion du service pesant sur le délégataire et dont le montant est fixé, pour la durée de la convention, à 1 960 814 000 euros hors taxe (HT) ; que le délégataire s'engage à réaliser chaque année un montant prévisionnel de recettes dont le montant total, déterminé au regard d'une perspective d'augmentation des recettes de 35 % pendant la durée du contrat, est fixé à 1 193 362 000 euros HT sur cinq ans ; que deux mécanismes, liés à l'exploitation du service, sont susceptibles d'affecter la rémunération du délégataire ; qu'ainsi, et d'une part, si les recettes annuelles effectivement réalisées sont inférieures au montant annuel prévisionnel de cet engagement, la différence vient en déduction de la contrepartie forfaitaire ; que, dans le cas contraire, cette différence est partagée à parts égales entre le SYTRAL et la société Keolis ; que, d'autre part, la contrepartie forfaitaire peut faire l'objet de réfactions en cas de non-réalisation des objectifs kilométriques, qu'elle soit due, notamment, à des grèves du personnel ou aux choix effectués par le délégataire ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que ce dispositif, nonobstant sa complexité et la difficulté d'identifier des pourcentages précis de transfert de risque, fait peser sur la société Keolis une part significative du risque d'exploitation ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et contrairement à ce que soutient M.A..., que le caractère captif des usagers concernés, la rédaction de la clause relative à l'engagement sur recettes et en particulier à son indexation, ou l'indexation de la contrepartie forfaitaire aboutiraient en réalité à faire perdre à la part de risque transféré son caractère significatif ; qu'il suit de là que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont qualifié le contrat de délégation de service public, sans qu'il puisse utilement se référer au fait que les juges ont, à l'instar du contrat, utilisé la dénomination de " régie intéressée ", cette dénomination étant par elle-même sans incidence sur la nature de la convention ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que M. A...soutient que les critères de choix des offres n'ont pas été pondérés ni hiérarchisés, en méconnaissance de la directive 2004/18/CE ; que, cependant, le SYTRAL ayant la qualité d'entité adjudicatrice exclusivement soumise à la directive 2004/17/CE, M. A...ne peut utilement se prévaloir de la directive qu'il invoque ; qu'en tout état de cause, aucun principe général du droit national ou communautaire n'impose de telles mesures en matière de délégation de service public, alors au contraire que, si la personne publique doit apporter aux candidats à l'attribution d'une délégation de service public, avant le dépôt de leurs offres, une information sur les critères de sélection des offres, elle n'est pas tenue d'informer les candidats des modalités de mise en oeuvre de ces critères ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le règlement de la consultation présenterait, ainsi que l'allègue le requérant, une ambiguïté quant à l'existence ou non d'une hiérarchisation, dès lors qu'il expose, en les distinguant, des critères principaux et des critères secondaires, tout en indiquant une absence de hiérarchie à l'intérieur de chaque catégorie de critères, ce qui constitue une information suffisante des candidats ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de L. 1411-7 du code général des collectivités territoriales : " Deux mois au moins après la saisine de la commission (...), l'assemblée délibérante se prononce sur le choix du délégataire et le contrat de délégation. / Les documents sur lesquels se prononce l'assemblée délibérante doivent lui être transmis quinze jours au moins avant sa délibération " ; que, selon l'article L. 1411-5 du même code, l'autorité habilitée à signer la convention " saisit l'assemblée délibérante du choix de l'entreprise auquel elle a procédé. Elle lui transmet le rapport de la commission présentant notamment la liste des entreprises admises à présenter une offre et l'analyse des propositions de celles-ci, ainsi que les motifs du choix de la candidate et l'économie générale du contrat ".

10. Considérant que M. A...soutient que l'article L. 1411-7 du code général des collectivités territoriales a été méconnu dès lors que le contrat n'a pas été transmis aux membres de l'assemblée délibérante du SYTRAL ; que, cependant, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet d'imposer une transmission individuelle du contrat à chacun des élus ;

11. Considérant par ailleurs que les élus ont, en l'espèce, reçu une information appropriée, dès lors qu'ils ont été informés, par convocation du 22 juin 2010, de la possibilité de consulter sur place le contrat, aux heures habituelles d'ouverture, et de la possibilité de contacter un responsable s'ils souhaitaient consulter ce document en dehors des heures d'ouverture ; que si M. A...soutient qu'une consultation sur place ne permet pas de s'assurer de la stabilité du texte, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en l'espèce, le contrat aurait évolué entre la version mise à disposition des élus et la version effectivement signée ; que, s'il allègue par ailleurs que les élus n'ont pu prendre connaissance du contrat que dans une version incomplète, ce moyen n'est assorti d'aucune argumentation ou élément de preuve de nature à le corroborer ; qu'à la convocation étaient jointes diverses annexes et notamment, un document, produit par le SYTRAL, expliquant l'économie générale du contrat, dont il ressort que les élus ont reçu une information suffisante ;

12. Considérant, en outre, que si M. A...soutient que la procédure est irrégulière et qu'il excipe de l'illégalité d'une décision du 7 mai 2009, il n'apporte aucun élément de nature à démontrer qu'il existerait un lien entre les décisions adoptées lors de cette réunion et la procédure d'attribution du contrat litigieux ; qu'à supposer qu'il entende en réalité invoquer l'irrégularité d'une décision adoptée au cours de la réunion du 4 juin 2009, à l'occasion de laquelle un projet de contrat avait été remis sur place aux élus, il ressort des pièces du dossier que cette réunion avait seulement pour objet d'informer les élus, quelques jours après le lancement de la procédure de publicité et de mise en concurrence et il n'apparait pas qu'une décision relative à ce contrat aurait alors été prise à cette occasion ;

13. Considérant, en quatrième lieu, que M. A...soutient que le délégataire sortant a participé à l'organisation de la nouvelle délégation, en travaillant dans le cadre de l'opération Atoubus à la définition des nouvelles fonctionnalités de transport pour la période 2011-2017, ce qui lui aurait conféré un avantage sur les autres candidats ;

14. Considérant toutefois que, si l'exploitant sortant a nécessairement eu connaissance, avant les autres candidats, des évolutions envisagées pour le réseau dans le cadre du projet Coralie, devenu Atoubus, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il en aurait retiré un avantage pour la préparation de son offre ou que les autres candidats, qui avaient été informés de l'existence du projet, mentionné à la section A du dossier de consultation des entreprises et dans des annexes et qui ont été tenus informés périodiquement de ses avancées, n'auraient pas reçu l'information appropriée en temps utile ; qu'il n'est pas davantage démontré que les modifications du réseau envisagées dans le cadre du projet Atoubus auraient été retenues afin de favoriser la société Keolis ; que, par suite, et alors que le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il existe une présomption pesant défavorablement sur le candidat sortant, la procédure n'a pas méconnu à cet égard le principe d'égalité de traitement des candidats ;

15. Considérant, en cinquième lieu, que, si M. A...fait grief au SYTRAL d'avoir arrêté la négociation au moment opportun, ce moyen n'est pas assorti de précisions permettant de démontrer l'existence d'une rupture illégale d'égalité entre les candidats dans le cadre de la négociation ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le candidat sortant aurait seul eu connaissance d'une décision du SYTRAL qui aurait contribué à favoriser son offre ; que M. A...conteste le choix du délégataire en invoquant des difficultés sur l'aspect social, des préoccupations de l'entité adjudicatrice extérieures à la délégation et fait valoir, en se prévalant d'éléments antérieurs à la négociation, que l'offre de la société Transdev était supérieure à celle du candidat retenu, notamment au regard de l'objectif de déficit d'exploitation ; que, cependant, il ne ressort pas des pièces du dossier, qui étaient suffisantes pour permettre au premier juge de statuer, que le choix de retenir l'offre de la société Keolis, dont la délibération litigieuse précise qu'elle était, après négociation, devenue la meilleure s'agissant du déficit d'exploitation, serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

17. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le SYTRAL et la société Keolis tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D...A...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du syndicat mixte des transports pour le Rhône et l'agglomération lyonnaise et de la société Keolis tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A..., au syndicat mixte des transports pour le Rhône et l'agglomération lyonnaise et à la société Keolis.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2016, où siégeaient :

- Mme Verley-Cheynel, président de chambre,

- Mme Gondouin, premier conseiller,

- Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 janvier 2016.

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N° 14LY00768

N° 14LY02443 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY02443
Date de la décision : 28/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

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Marchés et contrats administratifs - Formation des contrats et marchés - Mode de passation des contrats - Délégations de service public.

Marchés et contrats administratifs - Formation des contrats et marchés - Approbation.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : SCP DEVERS DUVAL PARIS

Origine de la décision
Date de l'import : 24/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-01-28;14ly02443 ?
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