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28/01/2016 | FRANCE | N°13LY02620

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 28 janvier 2016, 13LY02620


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Office public départemental HLM de la Nièvre - Nièvre Habitat a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner solidairement le cabinet ABW PatriceB..., la société 12C, l'EURL ECET, la SARL Maurice Tramier et la société Socotec au paiement de la somme de 1 031 978,61 euros toutes taxes comprises en réparation de l'ensemble des préjudices résultant des travaux réalisés par le titulaire du lot n° 01 " gros oeuvre " dans le cadre de la réalisation d'un ensemble de logements individuels.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Office public départemental HLM de la Nièvre - Nièvre Habitat a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner solidairement le cabinet ABW PatriceB..., la société 12C, l'EURL ECET, la SARL Maurice Tramier et la société Socotec au paiement de la somme de 1 031 978,61 euros toutes taxes comprises en réparation de l'ensemble des préjudices résultant des travaux réalisés par le titulaire du lot n° 01 " gros oeuvre " dans le cadre de la réalisation d'un ensemble de logements individuels.

Par le jugement n° 1202993 du 4 juillet 2013, le tribunal administratif de Dijon a condamné le cabinet ABW PatriceB..., la société 12C, l'EURL ECET et la SARL Maurice Tramier à verser à l'Office public d'habitat Nièvre Habitat, qui a succédé à l'Office public départemental HLM de la Nièvre - Nièvre Habitat, la somme de 611 006,37 euros TTC et a mis à leur charge les frais d'expertise.

Procédure devant la cour :

- I - Par une requête enregistrée le 1er octobre 2013 sous le n° 13LY02620, M. A... B..., la SARL Maurice Tramier, la SARL 12C et l'EURL ECET, représentés par Me C... demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 4 juillet 2013 en tant qu'il les a condamnés à verser les sommes de 313 676,76 euros au titre de la reprise des malfaçons, 16 098,62 euros au titre des pénalités de retard et 56 231,08 euros au titre du trop-perçu par l'entreprise de gros oeuvre ;

2°) de rejeter toutes les demandes de l'Office public départemental HLM de la Nièvre - Nièvre Habitat ;

3°) subsidiairement de juger que le préjudice subi par le maître de l'ouvrage sera strictement limité aux conséquences des fautes éventuellement commises par la maîtrise d'oeuvre, de confirmer le jugement sur la part de responsabilité laissée à l'Office public départemental HLM de la Nièvre - Nièvre Habitat et de condamner la société Socotec à les garantir des condamnations en principal, intérêts et frais susceptibles d'être prononcées contre eux ;

4°) de mettre à la charge de l'Office public départemental HLM de la Nièvre - Nièvre Habitat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

À titre principal, ils soutiennent que la requête de l'Office public départemental HLM de la Nièvre - Nièvre Habitat était prescrite.

À titre subsidiaire, ils soutiennent que :

- sur le manquement à l'obligation de conseil, le tribunal administratif a fait une mauvaise appréciation de la situation de fait en considérant que la maîtrise d'oeuvre n'avait pas formulé de réserve quant à la capacité technique et financière de la société Construction 2020 et en ne proposant pas au maître de l'ouvrage d'écarter sa candidature et son offre, alors que l'entreprise est choisie par le maître de l'ouvrage, non par le maître d'oeuvre, et que Nièvre Habitat connaissait parfaitement cette entreprise pour avoir déjà travaillé avec elle ;

- sur le manquement à l'obligation de surveillance, la maîtrise d'oeuvre n'est pas tenue à une telle obligation et ne saurait être tenue pour responsable des malfaçons commises en cours de chantier ni des retards accumulés par l'entreprise Construction 2020 pas plus qu'elle ne saurait être déclarée responsable de la cessation d'activité de l'entreprise ;

- sur le préjudice, c'est à tort que le jugement attaqué n'a pas fait de distinction entre les travaux de reprise des malfaçons qui existaient à la date de résiliation du marché de l'entreprise Construction 2020 et le coût d'achèvement des ouvrages de gros oeuvre, conséquence de la liquidation judiciaire de l'entreprise titulaire du marché ; il n'y a aucun lien entre le surcoût des travaux de reprise et d'achèvement du gros oeuvre et les fautes que la maîtrise d'ouvrage leur reproche ; si Nièvre Habitat soutient que le montant des travaux réglés à l'entreprise dépasse le montant des travaux réellement exécutés et reproche à la maîtrise d'oeuvre de n'avoir pas vérifié que l'entreprise avait été trop payée, la maîtrise d'ouvrage n'ignorait pas la situation réelle du chantier et son état d'avancement et n'a pas davantage contrôlé les situations de travaux de l'entreprise, en outre cette situation est la conséquence du choix par Nièvre Habitat d'une entreprise à structure artisanale ; il y a une contradiction à considérer que la maîtrise d'oeuvre est responsable de ne pas avoir suffisamment comptabilisé les pénalités de retard et à admettre que la maîtrise d'ouvrage est responsable de cette situation qu'elle n'ignorait pas ; Nièvre Habitat n'est pas fondé à demander la somme de 135 801,64 euros TTC qui n'est que l'addition des postes précédents, ni le surcoût des reprises, ni le coût correspondant à la réalisation d'une nouvelle installation de chantier, aux aléas et surcoûts prévisibles sur les travaux restant à exécuter pas davantage que les frais supplémentaires de maîtrise d'oeuvre et de contrôle technique qui sont la conséquence de l'abandon de chantier par l'entreprise Construction 2020 ;

- la société Socotec ayant participé à la réalisation du préjudice allégué par le maître de l'ouvrage, la maîtrise d'oeuvre est bien fondée à l'appeler en garantie.

Par un mémoire enregistré le 15 mai 2014, la société Socotec France, représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté toute demande dirigée contre elle ;

2°) de rejeter les demandes de l'Office public départemental HLM de la Nièvre - Nièvre Habitat et de M. A...B..., la SARL Maurice Tramier, la SARL 12C et l'EURL ECET dirigées contre elle ;

3°) à titre subsidiaire, de constater que l'Office public départemental HLM de la Nièvre - Nièvre Habitat ne justifie pas du quantum de ses demandes, de limiter son éventuelle participation à l'indemnisation des dommages à un montant de 16 464,49 euros, de rejeter toute demande de condamnation solidaire à son encontre, et de condamner in solidum l'Office public départemental HLM de la Nièvre - Nièvre Habitat, le cabinet ABW PatriceB..., la SARL Maurice Tramier, la SARL 12C et l'EURL ECET à la relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées contre elle ;

4°) de condamner in solidum l'Office public départemental HLM de la Nièvre - Nièvre Habitat, le cabinet ABW PatriceB..., la SARL Maurice Tramier, la SARL 12C et l'EURL ECET à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Socotec France fait valoir que :

- comme l'a jugé le tribunal administratif, elle n'a manqué à aucune de ses obligations contractuelles, les désordres constatés par l'expert judiciaire trouvent leur origine dans une cause extérieure à son intervention et elle a effectué suffisamment de contrôles pendant la période litigieuse ;

- à titre subsidiaire, les demandes de l'Office public départemental HLM de la Nièvre - Nièvre Habitat tant au titre des dommages matériels qu'au titre des préjudices immatériels ne sont pas fondées, le quantum n'étant étayé par aucune production ;

- en application des stipulations de l'article 5 des conditions générales de contrôle technique annexées à la convention de contrôle technique, la Cour ne saurait condamner Socotec à supporter une somme supérieure à 16 464, 49 euros ;

- si sa responsabilité devait être retenue, ce ne pourrait être que de façon très subsidiaire, compte tenu des limites de sa mission ;

- toute demande de condamnation solidaire à son encontre ne pourra qu'être rejetée eu égard à la particularité et à la subsidiarité de l'intervention du contrôleur technique ;

- si, par extraordinaire, sa responsabilité devait être retenue, elle devrait être garantie de toute condamnation tant en principal, intérêts et frais, solidairement par le maître d'ouvrage et la maîtrise d'oeuvre.

Par un mémoire enregistré le 1er août 2014, l'Office public départemental HLM de la Nièvre - Nièvre Habitat, représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) de déclarer son action non prescrite et sa requête recevable ;

2°) d'annuler partiellement le jugement du 4 juillet 2013 en ce que ce jugement n'a pas fait droit à l'ensemble de sa demande ;

3°) de condamner solidairement, en réparation des préjudices liés à leurs fautes et manquements contractuels, les entreprises membres du groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre (Cabinet ABW, la SARL Maurice Tramier, la SARL 12C et l'EURL ECET) ainsi que la société Socotec à lui verser 549 515 euros TTC correspondant aux préjudices subis par Nièvre Habitat hors vandalisme et préjudices financiers et 482 463,61 euros TTC correspondant aux préjudices financiers ;

4°) de mettre à leur charge la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'Office public départemental HLM de la Nièvre - Nièvre Habitat fait valoir que :

- la prescription n'avait pu être acquise du fait d'une requête qu'il avait présentée et qui avait été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Dijon le 24 avril 2010, dans le délai de dix ans à compter de la résiliation du marché de maîtrise d'oeuvre le 6 décembre 2002 ;

- la maîtrise d'oeuvre a commis plusieurs manquements engageant sa responsabilité contractuelle à son égard : elle a manqué à l'obligation de conseil en surestimant la capacité de l'entreprise Construction 2020 lors de l'analyse des candidatures et des offres et c'est à tort que le tribunal administratif n'a pas recherché si des informations avaient ou n'avaient pas été transmises au maître d'ouvrage par le maître d'oeuvre ; elle a manqué à son obligation de surveillance et c'est à tort que le tribunal administratif ne la condamne à payer que la somme de 313 676,67 euros alors qu'un tiers supplémentaire aurait dû être mis à sa charge ; le jugement devra être réformé au titre du trop-perçu par la société Construction 2020, au titre des pénalités, ainsi qu'au titre des préjudices financiers.

- II - Par une requête enregistrée le 7 octobre 2013 sous le n° 13LY02654, et un mémoire enregistré le 11 novembre 2013, l'Office public départemental HLM de la Nièvre - Nièvre Habitat, représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 4 juillet 2013 ;

2°) de condamner solidairement, en réparation des préjudices liés à leurs fautes et manquements contractuels, les entreprises membres du groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre (Cabinet ABW, la SARL Maurice Tramier, la SARL 12C et l'EURL ECET) ainsi que la société Socotec à lui verser 549 515 euros TTC correspondant aux préjudices subis par Nièvre Habitat hors vandalisme et préjudices financiers et 482 463,61 euros TTC correspondant aux préjudices financiers ;

3°) de mettre à leur charge la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Nièvre Habitat soutient que :

- sur la responsabilité au titre des malfaçons causées à l'ouvrage par les travaux réalisés par la société Construction 2020, c'est à tort que le tribunal administratif n'a pas fait droit à l'ensemble de ses demandes et a laissé à sa charge un tiers des dommages en retenant une faute de sa part à ne pas avoir mis en demeure l'entreprise de reprendre l'intégralité des travaux mal exécutés, sans rechercher si la maîtrise d'oeuvre lui avait transmis suffisamment d'informations ;

- sur la surestimation de la situation de Construction 2020, c'est à tort que le jugement attaqué ôte 10 429,22 euros à la somme avancée par l'expert, 66 630,30 euros TTC ;

- sur la responsabilité au titre de l'inapplication des pénalités de retard, c'est à tort que le tribunal administratif retient une faute de la maîtrise d'ouvrage de nature à atténuer de moitié la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre ;

- sur la responsabilité au titre de la suspension des travaux à la suite de la liquidation judiciaire de la société Construction 2020, c'est à tort que le jugement attaqué a retenu une faute de sa part.

Par un mémoire enregistré le 15 mai 2014, la société Socotec France, représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté toute demande dirigée contre elle ;

2°) de rejeter les demandes de l'Office public départemental HLM de la Nièvre - Nièvre Habitat et de M. A...B..., la SARL Maurice Tramier, la SARL 12C et l'EURL ECET dirigées contre elle ;

3°) à titre subsidiaire, de constater que l'Office public départemental HLM de la Nièvre - Nièvre Habitat ne justifie pas du quantum de ses demandes, de limiter son éventuelle participation à l'indemnisation des dommages à un montant de 16 464,49 euros, de rejeter toute demande de condamnation solidaire à son encontre, et de condamner in solidum l'Office public départemental HLM de la Nièvre - Nièvre Habitat, le cabinet ABW PatriceB..., la SARL Maurice Tramier, la SARL 12C et l'EURL ECET à la relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées contre elle ;

4°) de condamner in solidum l'Office public départemental HLM de la Nièvre - Nièvre Habitat, le cabinet ABW PatriceB..., la SARL Maurice Tramier, la SARL 12C et l'EURL ECET à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Socotec France fait valoir que :

- comme l'a jugé le tribunal administratif, elle n'a manqué à aucune de ses obligations contractuelles, les désordres constatés par l'expert judiciaire trouvent leur origine dans une cause extérieure à son intervention et elle a effectué suffisamment de contrôles pendant la période litigieuse ;

- à titre subsidiaire, les demandes de l'Office public départemental HLM de la Nièvre - Nièvre Habitat tant au titre des dommages matériels qu'au titre des préjudices immatériels ne sont pas fondées, le quantum n'étant étayé par aucune production ;

- en application des stipulations de l'article 5 des conditions générales de contrôle technique annexées à la convention de contrôle technique, la Cour ne saurait condamner Socotec à supporter une somme supérieure à 16 464, 49 euros ;

- si sa responsabilité devait être retenue, ce ne pourrait être que de façon très subsidiaire, compte tenu des limites de sa mission ;

- toute demande de condamnation solidaire à son encontre ne pourra qu'être rejetée eu égard à la particularité et à la subsidiarité de l'intervention du contrôleur technique ;

- si, par extraordinaire, sa responsabilité devait être retenue, elle devrait être garantie de toute condamnation tant en principal, intérêts et frais, solidairement par le maître d'ouvrage et la maîtrise d'oeuvre.

Par un mémoire enregistré le 11 juillet 2014, M. A...B..., la SARL Maurice Tramier, la SARL 12C et l'EURL ECET demandent à la cour :

1°) de rejeter purement et simplement la requête de l'Office public départemental HLM de la Nièvre - Nièvre Habitat ;

2°) subsidiairement de juger que le préjudice subi par le maître de l'ouvrage sera strictement limité aux conséquences des fautes éventuellement commises par la maîtrise d'oeuvre, de confirmer le jugement sur la part de responsabilité laissée à l'Office public départemental HLM de la Nièvre - Nièvre Habitat, de condamner la société Socotec à les garantir des condamnations en principal, intérêts et frais susceptibles d'être prononcées contre eux ;

3°) de mettre à la charge de l'Office public départemental HLM de la Nièvre - Nièvre Habitat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- sur le manquement à l'obligation de conseil, le tribunal administratif a fait une mauvaise appréciation de la situation de fait en considérant que la maîtrise d'oeuvre n'avait pas formulé de réserve quant à la capacité technique et financière de la société Construction 2020 et en ne proposant pas au maître de l'ouvrage d'écarter sa candidature et son offre, alors que l'entreprise est choisie par le maître de l'ouvrage, non par le maître d'oeuvre, et que Nièvre Habitat connaissait parfaitement cette entreprise pour avoir déjà travaillé avec elle ;

- sur le manquement à l'obligation de surveillance, la maîtrise d'oeuvre n'est pas tenue à une telle obligation et ne saurait être tenue pour responsable des malfaçons commises en cours de chantier ni des retards accumulés par l'entreprise Construction 2020 pas plus qu'elle ne saurait être déclarée responsable de la cessation d'activité de l'entreprise ;

- c'est à juste titre que le jugement attaqué a retenu la responsabilité du maître d'ouvrage dès lors qu'il connaissait la capacité technique et professionnelle de l'entreprise Construction 2020 ;

- sur le préjudice, c'est à tort que le jugement attaqué n'a pas fait de distinction entre les travaux de reprise des malfaçons qui existaient à la date de résiliation du marché de l'entreprise Construction 2020 et le coût d'achèvement des ouvrages de gros oeuvre, conséquence de la liquidation judiciaire de l'entreprise titulaire du marché ; il n'y a aucun lien entre le surcoût des travaux de reprise et d'achèvement du gros oeuvre et les fautes que la maîtrise d'ouvrage leur reproche ; si Nièvre Habitat soutient que le montant des travaux réglés à l'entreprise dépasse le montant des travaux réellement exécutés et reproche à la maîtrise d'oeuvre de n'avoir pas vérifié que l'entreprise avait été trop payée, la maîtrise d'ouvrage n'ignorait pas la situation réelle du chantier et son état d'avancement et n'a pas davantage contrôlé les situations de travaux de l'entreprise, en outre cette situation est la conséquence du choix par Nièvre Habitat d'une entreprise à structure artisanale ; il y a une contradiction à considérer que la maîtrise d'oeuvre est responsable de ne pas avoir suffisamment comptabilisé les pénalités de retard et à admettre que la maîtrise d'ouvrage est responsable de cette situation qu'elle n'ignorait pas ; Nièvre Habitat n'est pas fondé à demander la somme de 135 801,64 euros TTC qui n'est que l'addition des postes précédents, ni le surcoût des reprises, ni le coût correspondant à la réalisation d'une nouvelle installation de chantier, aux aléas et surcoûts prévisibles sur les travaux restant à exécuter pas davantage que les frais supplémentaires de maîtrise d'oeuvre et de contrôle technique qui sont la conséquence de l'abandon de chantier par l'entreprise Construction 2020 ;

- la société Socotec ayant participé à la réalisation du préjudice allégué par le maître de l'ouvrage, la maîtrise d'oeuvre est bien fondée à l'appeler en garantie.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 modifié, portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gondouin, rapporteur,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,

- les observations de MeD..., représentant l'Office public d'habitat - Nièvre Habitat.

1. Considérant que, dans le cadre de la réalisation d'une trentaine de pavillons à Coulanges-les-Nevers en 1999, l'Office public départemental HLM de la Nièvre - Nièvre Habitat, devenu ensuite l'Office public d'habitat - Nièvre Habitat, a confié la maîtrise d'oeuvre de l'opération à un groupement solidaire dont le mandataire était le cabinet ABW Patrice B...et comprenait en outre la SARL Maurice Tramier, l'EURL ECET, la SARL 12C et la SA Pierre Bodin ; que la société Socotec, devenue Socotec France, est intervenue comme contrôleur technique en vertu d'une convention conclue le 29 juin 1999 ; que la société Construction 2020 à laquelle avait été attribué le lot n° 1 " gros oeuvre maçonnerie " a été placée en liquidation judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Nevers du 21 novembre 2001 ; que l'Office public départemental HLM de la Nièvre a résilié le marché de maîtrise d'oeuvre le 6 décembre 2002 puis demandé au tribunal administratif de Dijon, par requête enregistrée le 28 décembre 2012, la condamnation solidaire du cabinet ABW PatriceB..., de la SARL Maurice Tramier, de l'EURL ECET de la SARL 12C et de la société Socotec résultant tant des conditions de réalisation des travaux que de la liquidation de la société Construction 2020 ; que, par le jugement du 4 juillet 2013, le tribunal administratif de Dijon a condamné le cabinet ABW PatriceB..., la SARL Maurice Tramier, l'EURL ECET et la SARL 12C à verser solidairement à l'Office public d'habitat Nièvre Habitat la somme de 611 006,37 euros TTC et mis à leur charge les frais d'expertise ; que M. A... B... et autres, par la requête n° 13LY02620, et l'Office public d'habitat - Nièvre Habitat -, par la requête n° 13LY02654, relèvent appel de ce jugement ;

2. Considérant qu'il y a lieu de joindre ces deux requêtes qui sont dirigées contre le même jugement ;

Sur la prescription de l'action en responsabilité contractuelle :

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 2241 du code civil : " La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion " ; que l'article 2243 du même code précise : " L'interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée " ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du paragraphe II de l'article 26 de la loi susvisée du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile : " les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'entrée en vigueur de la loi portant réforme de la prescription en matière civile n'a pas eu pour effet de raccourcir la durée de la prescription en l'espèce applicable ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'Office public départemental HLM de la Nièvre - Nièvre Habitat avait saisi le juge des référés du tribunal administratif de Dijon le 19 septembre 2003 afin que soit ordonnée une nouvelle mission d'expertise ; que le juge des référés a fait droit à sa demande par une ordonnance du 28 novembre 2003 ; que cette requête a eu pour effet d'interrompre le délai de prescription de dix ans ; que, par suite, la circonstance que la première requête au fond de l'Office public départemental HLM de la Nièvre - Nièvre Habitat, enregistrée le 24 avril 2010, ait été rejetée par le jugement n° 1000965 du 28 juin 2012 du tribunal administratif de Dijon reste en l'espèce sans incidence sur les règles de prescription applicables ; que, dès lors, M. B...et autres ne sont pas fondés à soutenir, dans le dossier n° 13LY02620, que l'action en responsabilité contractuelle présentée par l'Office public départemental HLM de la Nièvre était prescrite du fait du rejet par le jugement du 28 juin 2012 de la première requête de l'Office enregistrée le 24 avril 2010 ;

Sur la responsabilité contractuelle :

6. Considérant qu'il résulte de l'acte d'engagement du contrat de maîtrise d'oeuvre passé entre le maître de l'ouvrage et le groupement de maîtrise d'oeuvre, le 24 août 1999, qu'une mission complète incombait à ce dernier incluant l'assistance au maître d'ouvrage pour la passation des contrats de travaux et la direction de l'exécution de ceux-ci ; qu'en vertu de l'article 6 du décret du 29 novembre 1993 susvisé, l'assistance apportée au maître de l'ouvrage pour la passation des contrats de travaux a pour objet de " préparer la consultation des entreprises, en fonction du mode de passation et de dévolution des marchés ", " préparer, s'il y a lieu, la sélection des candidats et d'examiner les candidatures obtenues ", " analyser les offres des entreprises et, s'il y a lieu, les variantes à ces offres ", " préparer les mises au point permettant la passation du ou des contrats de travaux par le maître de l'ouvrage " ; qu'en vertu du b) de l'article 9 du même décret, l'élément de mission " direction de l'exécution du ou des contrats de travaux " a notamment pour objet de s'assurer que l'exécution des travaux est conforme au contrat de travaux ;

7. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 4 du cahier des clauses techniques du contrat de maîtrise d'oeuvre, l'élément de mission " assistance au maître d'ouvrage pour la passation du ou des contrats de travaux " a pour notamment pour objet : " de préparer selon le mode de dévolution choisi (et selon l'étape de la conception choisie par le maître d'ouvrage pour la consultation), dans les meilleures conditions techniques et administratives la consultation des entreprises, en précisant le rôle des différents intervenants, pour que ces dernières soient parfaitement informées de la répartition des responsabilités et puissent présenter leurs offres en toute connaissance de cause ", " d'examiner en toute objectivité les offres des entreprises en vérifiant la conformité des réponses notamment aux performances demandées et de proposer au maître d'ouvrage un rapport d'analyse comparative présentant les meilleures offres " ; que les mêmes stipulations prévoient que " les entreprises seront consultées par voie d'appel d'offres ouvert en corps d'état séparés. La maîtrise d'oeuvre assiste à titre consultatif aux séances de la commission d'appel d'offres du maître d'ouvrage. Elle pourra donner son avis sur les candidatures d'entreprises... " et que la maîtrise d'oeuvre fait connaître au maître d'ouvrage " les meilleures offres en rapport qualité/prix, conforme en tous points au dossier de consultation d'entreprises " dans un rapport détaillé, complété par un tableau comparatif des offres ;

8. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 5 du même document : " La direction de l'exécution des contrats de travaux doit permettre de s'assurer : que les travaux sont effectués conformément au projet architectural ainsi qu'aux dispositions des documents contractuels des marchés conclus entre le maître d'ouvrage et les entreprises, que les travaux sont effectués conformément à la règlementation à laquelle le marché fait référence ; à cet effet, la maîtrise d'oeuvre doit en liaison avec le maître d'ouvrage prendre, dans les conditions fixées dans le contrat, les décisions que nécessite la réalisation du chantier " ; qu'en vertu des mêmes stipulations, la maîtrise d'oeuvre doit s'assurer du respect du calendrier, " s'assurer en cours d'exécution, par toutes inspections périodiques et inopinées nécessaires, de la conformité des travaux aux prescriptions contractuelles, tout particulièrement en matière de qualité, quantités, stockage des matériaux, délais et coût ainsi que de la conformité de la réalisation des ouvrages avec la réglementation applicable aux travaux objets du marché, à leur date d'exécution et de consigner le cas échéant ses remarques et observations dans le cahier de chantier " ; qu'elle doit aussi, en particulier, " signaler au maître d'ouvrage toutes évolutions anormales sur l'état d'avancement et de prévision des travaux et des dépenses " et " prendre les initiatives nécessaires dans le cas où l'exécution n'est pas conforme au projet, aux dispositions contractuelles des marchés et en rendre compte aussitôt au maître d'ouvrage " ;

En ce qui concerne la responsabilité au titre des malfaçons, du trop-perçu par la société Construction 2020, et de l'inapplication à cette société de pénalités de retard :

9. Considérant que l'Office public départemental HLM de la Nièvre - Nièvre Habitat, au titre des malfaçons causées à l'ouvrage par les travaux réalisés par la société Construction 2020, du trop-perçu par cette société et de l'inapplication à celle-ci de pénalités de retard, a demandé aux premiers juges de condamner solidairement la maîtrise d'oeuvre et la société Socotec à lui verser la somme de 549 515 euros TTC ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a condamné le cabinet ABW PatriceB..., la SARL Maurice Tramier, l'EURL ECET et la SARL 12C à verser au maître de l'ouvrage la somme de 386 006,37 euros TTC et écarté la responsabilité de la société Socotec ;

S'agissant des malfaçons :

10. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 4 mars 2004, que, d'une part, la société Construction 2020, qui s'est vu attribuer le lot n° 1 à l'issue d'un appel d'offres ouvert, ne présentait pas la capacité technique et financière nécessaire à la réalisation du lot qui lui avait été attribué ; que ce rapport d'expertise a ainsi mis en évidence, en particulier, qu'elle ne disposait ni des moyens matériels, ni des effectifs qualifiés suffisants pour réaliser les travaux de l'importance de ceux qui lui étaient confiés ; que, d'autre part, pour les malfaçons affectant l'implantation des bâtiments, et qui ont fait l'objet de remarques émises lors des réunions de chantier, il résulte également de l'instruction, comme l'ont relevé les premiers juges, que les membres du groupement de maîtrise d'oeuvre ne se sont assurés ni de l'implantation correcte des dalles de rez-de-chaussée au fur et à mesure de leur coulage ni de la qualité des contrôles réalisés et produits par la société Construction 2020 ; qu'ils n'ont déterminé les côtes d'arase que tardivement et, alors que des imperfections avaient été constatées en ce qui concerne certains travaux, le maître d'oeuvre a demandé à la société Construction 2020 de réaliser les autres travaux lui incombant, sans ordonner préalablement la reprise des ouvrages non-conformes ; que les membres du groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre, comme l'a jugé le tribunal administratif, ont commis des fautes de nature à engager leur responsabilité contractuelle à l'égard du maître d'ouvrage ;

11. Considérant, en deuxième lieu, que compte tenu de ce qui précède, M. B... et autres ne sont pas fondés à se prévaloir de la faute de la société Construction 2020 pour demander à être exonérés de leur responsabilité contractuelle ; qu'il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que la société Socotec a réalisé sept visites de contrôle entre janvier et novembre 2001 alors qu'elle devait en réaliser entre douze et quinze pendant toute la durée du marché fixée à seize mois par l'article IV du cahier des clauses administratives particulières ; qu'il en résulte également que cette société a formulé à plusieurs reprises des avis défavorables et émis des réserves sur des éléments concernant la solidité de l'ouvrage ; que ni la maîtrise d'oeuvre ni le maître de l'ouvrage ne sont en l'espèce fondés à soutenir que la société Socotec a commis une faute de nature à engager sa responsabilité extracontractuelle à l'égard de la première et contractuelle à l'égard du second ;

12. Considérant, en troisième lieu, que pour laisser à la charge de Nièvre Habitat le tiers des conséquences dommageables des travaux de reprise, les premiers juges ont retenu qu'il lui appartenait de mettre en demeure l'entreprise de reprendre l'intégralité des travaux mal exécutés sous la sanction de résiliation aux frais et risques ou de mise en régie, en vertu des articles 49.1 à 49.3 du cahier des clauses administratives générales applicables au marché de travaux du lot n° 1 et, qu'en s'abstenant de faire usage des prérogatives qu'il tenait du marché de travaux, il s'est privé de la possibilité d'obtenir de l'entreprise, sans surcoût, la livraison d'un ouvrage exempt de vices ; que, contrairement à ce que soutient Nièvre Habitat, le tribunal administratif a recherché si les membres du groupement de maîtrise d'oeuvre lui avaient proposé de mettre en oeuvre les sanctions coercitives prévues par les documents contractuels ; que, dès lors, et compte tenu également de la circonstance que Nièvre Habitat n'ignorait pas les insuffisances professionnelles de l'entreprise titulaire du lot n° 1 pour lui avoir déjà confié un autre chantier, il n'y a pas lieu de revenir sur le partage de responsabilités retenu par les premiers juges ;

13. Considérant, en dernier lieu, qu'en première instance le dommage résultant des malfaçons imputables à la société Construction 2020 a été évalué en tenant compte des travaux confiés à d'autres entreprises à la suite de la mise en liquidation judiciaire de cette société tant pour remédier aux désordres affectant directement le gros oeuvre que pour pallier ceux ayant une incidence sur le second oeuvre ; que le dommage, comme l'a relevé le tribunal administratif, inclut donc outre les frais de maîtrise d'oeuvre et de contrôle technique supplémentaire, les frais de reprise des façades, escaliers, poutres, portes de garages et portillons, des coffrets de gaz et d'électricité, des joints de dilatation, des dalles, chapes et enduits extérieurs sur les maçonneries de sous-bassement ainsi que les frais d'installation de chantier ; que le montant des frais exposés par Nièvre Habitat à la suite de l'appel d'offres de septembre 2003 a également été pris en compte ; que M. B...et autres ne contestent utilement ni le lien de causalité retenu par le tribunal administratif entre les fautes qui leur sont reprochées et les préjudices subis par le maître de l'ouvrage ni le montant du préjudice évalué à 470 515 euros TTC ; que Nièvre Habitat ne conteste pas davantage utilement la part de responsabilité laissée à sa charge par le tribunal administratif ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué les a condamnés à verser à l'Office public d'habitat Nièvre Habitat la somme de 313 676,67 euros ; que celui-ci n'est pas davantage fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il a laissé à sa charge la somme de 156 838, 33 euros ;

S'agissant du trop-perçu par la société Construction 2020 :

15. Considérant qu'aux termes de l'article 9 du décret du 29 novembre 1993 susvisé : " La direction de l'exécution du ou des contrats de travaux [DET] a pour objet (...) d) de vérifier les projets de décomptes mensuels ou les demandes d'avances présentés par l'entrepreneur, d'établir les états d'acomptes, de vérifier le projet de décompte final établi par l'entrepreneur, d'établir le décompte général " ; qu'il appartient au maître d'oeuvre, en vertu de ces dispositions, de vérifier la cohérence des décomptes mensuels établis par l'entrepreneur au regard des travaux réellement exécutés afin de présenter au maître de l'ouvrage les propositions de versement d'acompte ;

16. Considérant qu'il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que les membres du groupement de maîtrise d'oeuvre ont émis à tort, compte tenu de l'avancement des travaux exécutés par l'entreprise titulaire du lot n° 1 à la date de la résiliation de son marché, un avis favorable au règlement à titre de décompte mensuel, des situations de travaux nos 10 du 30 août, 11 du 28 septembre et 12 du 26 octobre 2001 ; que, d'une part, M. B...et autres, comme l'a relevé le jugement attaqué, ont ainsi commis une faute de nature à engager leur responsabilité contractuelle à l'égard du maître de l'ouvrage ; que, d'autre part, dès lors qu'il n'appartenait pas au contrôleur technique de vérifier les projets de décompte émis par l'entreprise, la société Socotec n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ;

17. Considérant que le jugement attaqué a condamné M. B...et autres à verser au maître de l'ouvrage la somme de 56 231,08 euros, en déduisant de la somme de 66 660,30 euros TTC correspondant au montant des situations de travaux à tort réglés par Nièvre Habitat, la somme de 10 492,22 euros TTC qui était due au titre de la réalisation des installations de chantier qui incombait à l'entreprise ; que ni le maître de l'ouvrage, ni les membres du groupement de maîtrise d'oeuvre qui n'apportent aucun élément pertinent de nature à contester les montants ainsi retenus, ne sont fondés à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué a mis à la charge de la maîtrise d'oeuvre la somme de 56 231,08 euros TTC ;

S'agissant de l'inapplication de pénalités de retard à la société Construction 2020 :

18. Considérant qu'aux termes de l'article 20.1 du cahier des clauses administratives générales alors applicable aux marchés publics de travaux : " En cas de retard dans l'exécution des travaux, qu'il s'agisse de l'ensemble du marché ou d'une tranche pour laquelle un délai d'exécution partiel ou une date limite a été fixé, il est appliqué, sauf stipulation différente du C.C.A.P., une pénalité journalière de 1/3.000 du montant de l'ensemble du marché ou de la tranche considérée. Ce montant est celui qui résulte des prévisions du marché, c'est-à-dire du marché initial éventuellement modifié ou complété par les avenants intervenus ; il est évalué à partir des prix de base définis au 11 de l'article 13. / Les pénalités sont encourues du simple fait de la constatation du retard par le maître d'oeuvre. / Dans le cas de résiliation, les pénalités sont appliquées jusqu'au jour inclus de la notification de la décision de résiliation ou jusqu'au jour d'arrêt de l'exploitation de l'entreprise si la résiliation résulte d'un des cas prévus à l'article 47 " ; qu'aux termes de l'article 47.3 : " En cas de règlement judiciaire ou de liquidation judiciaire, le marché peut être résilié dans les conditions prévues par la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 modifiée " ; qu'il en résulte que lorsque, comme c'est en l'espèce le cas, le marché a été résilié du fait de la liquidation judiciaire de la société, les pénalités de retard doivent être évaluées jusqu'au jour d'arrêt de l'exploitation de l'entreprise ;

19. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la date prévisionnelle d'achèvement des travaux du lot n° 1 avait été fixée au 30 juillet 2001 et qu'une seule journée d'intempéries avait été constatée postérieurement au 19 mars 2001, date à laquelle a été accepté un nouveau calendrier d'exécution contractuel ; que la société Construction 2020 a été placée en liquidation judiciaire, comme il a été précédemment dit, par un jugement du tribunal de commerce de Nevers du 21 novembre 2001 ; que M. B... et autres, en proposant de n'infliger à l'entreprise des pénalités de retard que pour vingt-quatre jours de retard, ont, comme l'a relevé le jugement attaqué, commis une faute de nature à engager leur responsabilité contractuelle à l'égard du maître de l'ouvrage ; que ce dernier, qui ne pouvait toutefois ignorer l'état d'avancement des travaux et le retard pris par la société Construction 2020 lorsqu'elle a été mise en liquidation judiciaire, a également commis une faute, de nature à atténuer de moitié la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre ;

20. Considérant que, pour fixer à la somme de 32 197,23 euros TTC, le dommage résultant de l'erreur d'évaluation des pénalités de retard dues par la société Construction 2020, le tribunal administratif a retenu que le préjudice correspondait à la différence entre le montant des pénalités proposées par le groupement de maîtrise d'oeuvre (pour vingt-quatre jours) et le montant des pénalités exigibles pour la seule période s'étendant de la date prévisionnelle d'achèvement des travaux jusqu'au jour de la résiliation du marché, soit cent douze jours ; que le montant journalier des pénalités de retard était fixé, conformément à l'article IV du cahier des clauses administratives particulières, à 2 400 francs ; que, ni M. B...et autres, qui se bornent à évoquer le caractère provisoire des pénalités proposées, ni Nièvre Habitat ne contestent utilement le jugement attaqué qui les a condamnés à supporter, chacun, la somme de 16 098, 62 euros ;

Sur la responsabilité au titre de la suspension des travaux consécutive à la liquidation judiciaire de la société Construction 2020 :

21. Considérant que l'Office public départemental HLM de la Nièvre - Nièvre Habitat, au titre de la suspension des travaux consécutive au jugement prononçant la liquidation judiciaire de la société Construction 2020, a demandé aux premiers juges de condamner solidairement la maîtrise d'oeuvre et la société Socotec à lui verser la somme de 482 463,61 euros TTC ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a condamné le cabinet ABW PatriceB..., la SARL Maurice Tramier, l'EURL ECET et la SARL 12C à verser au maître de l'ouvrage la somme de 225 000 euros TTC et écarté la responsabilité de la société Socotec ;

22. Considérant, ainsi qu'il a été dit au considérant n° 14, que la société Construction 2020 ne disposait ni de la compétence, ni des moyens matériels ni des effectifs qualifiés suffisants pour mener à bien les travaux qui lui avaient été confiés ; que, d'une part, la maîtrise d'oeuvre en ne formulant pas de réserves sur ces points lors de l'attribution des lots à l'issue de l'appel d'offres et en proposant même de retenir son offre a commis une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle à l'égard du maître de l'ouvrage ; que, d'autre part, et comme l'a relevé le jugement attaqué, l'Office public d'habitat Nièvre Habitat qui avait déjà confié d'autres travaux à l'entreprise en question devait, en sa qualité de pouvoir adjudicateur, s'assurer de la capacité technique et professionnelle des candidats ; que contrairement à ce qu'il soutient, il n'était pas tenu d'attribuer le marché à l'entreprise Construction 2020, moins disante, à l'issue de l'appel d'offres ; qu'il n'y a pas lieu de revenir sur le jugement attaqué, qui n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté sur ce point, en ce qu'il a laissé à la charge de Nièvre Habitat la moitié des conséquences onéreuses de la suspension du chantier à la suite de la résiliation du marché de la société Construction 2020 ;

23. Considérant qu'il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise du 20 octobre 2006, que, par ordre de service n° 2 du 30 novembre 2001, Nièvre Habitat a suspendu l'exécution des travaux de l'ensemble des lots à compter du 3 décembre 2001 ; qu'il en résulte également que le préjudice résultant de la résiliation du marché de la société Construction 2020 comprend les frais de mise en sécurité et de nettoyage du chantier pendant la période d'inoccupation, le surcoût lié à la révision des prix des autres marchés pendant la période de suspension des travaux, le coût du stockage des matériaux par les entreprises pendant cette même période et la perte des loyers correspondant aux pavillons non livrés à temps ; qu'il n'y a pas lieu de revenir sur le jugement attaqué qui, compte tenu de la période de vingt-sept mois de retard, a évalué le préjudice à la somme de 450 000 euros TTC et laissé à la charge de l'Office public d'habitat Nièvre Habitat la moitié de cette somme ;

24. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...et autres ainsi que l'Office public d'habitat Nièvre Habitat ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a condamné les premiers à verser au second une somme globale de 611 006,37 euros TTC ;

Sur les appels en garantie :

25. Considérant que M. B...et autres, d'une part, et la société Socotec, d'autre part, s'appellent mutuellement en garantie des condamnations prononcées à leur encontre ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, comme il a été précédemment relevé, que la société Socotec a commis, dans l'exercice de sa mission, une faute de nature à engager sa responsabilité extracontractuelle à l'égard de la maîtrise d'oeuvre ; qu'en outre le présent arrêt n'entraînant pas de condamnation à l'égard de la société Socotec, il n'y a pas lieu de faire droit à ses conclusions d'appel en garantie ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

26. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre tant par M. B...et autres que par Nièvre Habitat ; qu'en application des mêmes dispositions, il y a lieu de mettre à la charge solidaire de M. A...B..., la société 12 C, l'EURL ECET et la SARL Maurice Tramier la somme de 1 000 euros à verser à la société Socotec France ; qu'il y a également lieu, en application des mêmes dispositions de mettre à la charge de l'Office public d'habitat Nièvre Habitat la même somme à verser à la société Socotec France ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes n° 13LY02620 et 13LY02654 sont rejetées.

Article 2 : M. A...B..., la société 12 C, l'EURL ECET et la SARL Maurice Tramier verseront solidairement à la société Socotec France la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : L'Office public d'habitat Nièvre Habitat versera à la société Socotec France la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., la société 12 C, l'EURL ECET, la SARL Maurice Tramier, à l'Office public d'habitat Nièvre Habitat et à la société Socotec France.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2016 où siégeaient :

- Mme Verley-Cheynel, président de chambre,

- Mme Gondouin, premier conseiller,

- Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 janvier 2016.

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Nos 13LY02620 et 13LY02654


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