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26/01/2016 | FRANCE | N°15LY01106

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 26 janvier 2016, 15LY01106


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 18 juillet 2014 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 1408584 du 4 mars 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 mars 2015, M. A...demande

la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 4 mars 2015 ;

2°) d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 18 juillet 2014 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 1408584 du 4 mars 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 mars 2015, M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 4 mars 2015 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du préfet du Rhône du 18 juillet 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre une somme de 1 200 euros à la charge de l'Etat en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le mémoire présenté par le préfet du Rhône devant le tribunal administratif ne lui a pas été communiqué ;

- le refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les articles L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il existe des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires justifiant son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision ne lui accordant qu'un délai de trente jours pour quitter le territoire national est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 8 décembre 2015, qui n'a pas été communiqué, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête en se référant à ses écritures de première instance.

Par une décision du 8 avril 2015, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M.A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-64 7 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Vaccaro-Planchet a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que, par un jugement du 4 mars 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. A...tendant à l'annulation des décisions du 18 juillet 2014 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office ; que M. A... relève appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 613-1 du même code, auquel renvoie l'article R. 776-11 : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close. (...). " ; qu'aux termes de l'article R. 613-3 de ce code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction (...) " ;

3. Considérant que lorsque, postérieurement à la clôture de l'instruction, le juge est saisi d'une production, d'un mémoire ou d'une pièce, émanant d'une partie à l'instance, il lui appartient de prendre connaissance de cette production pour déterminer s'il y a lieu de rouvrir l'instruction afin de la soumettre au débat contradictoire et de pouvoir en tenir compte dans le jugement de l'affaire ; que, s'il s'abstient de rouvrir l'instruction, le juge doit se borner à viser la production sans l'analyser et ne peut la prendre en compte sans entacher sa décision d'irrégularité ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que postérieurement à la clôture de l'instruction devant le tribunal administratif, fixée au 21 janvier 2015, le préfet du Rhône a produit, le 6 février 2015, un premier mémoire en défense décrivant notamment avec précision les conditions d'entrée et de séjour en France de M. A...et justifiant de la compétence du signataire des décisions contestées ; que si le jugement attaqué, qui se borne à viser ce mémoire, ne comporte aucune mention de son contenu, le tribunal a nécessairement, en se référant aux circonstances de l'espèce, notamment à la durée et aux conditions du séjour en France de M. A... et en écartant le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions contestées, pris en compte certains des éléments que contenait ce mémoire ; que, dès lors, en s'abstenant de communiquer cette production au requérant, le tribunal administratif a entaché son jugement d'irrégularité ; que, par suite, M. A...est fondé à en demander l'annulation ;

5. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Lyon ;

Sur la légalité des décisions contestées :

6. Considérant que les décisions contestées par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A...et l'a obligé à quitter le territoire français sont signées par M. B...D..., chef du service de l'immigration et de l'intégration, qui disposait d'une délégation de signature à cet effet consentie par un arrêté en date du 27 juin 2014, publié au recueil spécial n° 60 des actes administratifs de la préfecture du même jour ; que, par suite le moyen tiré de ce que ces décisions seraient signées par une autorité incompétente doit être écarté ;

7. Considérant que les décisions par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A...et l'a obligé à quitter le territoire français comportent l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles elles se fondent ; qu'elles sont ainsi motivées conformément aux dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) " ;

10. Considérant qu'aux termes de L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ;

11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.A..., ressortissant malien qui serait né le 1er avril 1995, réside sur le territoire national depuis le mois d'août 2010 selon ses déclarations ; qu'il a tenté de rejoindre l'Angleterre sous une fausse identité en 2010 et a été interpellé par la police aux frontières à trois reprises sous différentes identités ; qu'il a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance du Rhône en tant que mineur étranger isolé entre le 26 mai 2012 et le 2 janvier 2013 ; qu'une enquête de l'unité judiciaire de la police aux frontières de Lyon ayant révélé que l'intéressé était âgé d'au moins 21 ans au 2 janvier 2013 et qu'il avait donc menti et présenté de faux documents pour établir sa minorité, M. A...a été condamné pour séjour irrégulier et escroquerie à trois mois de prison, un an d'interdiction du territoire et au paiement des sommes de 14 517,27 euros et 12 505,10 euros en réparation des préjudices subis par, respectivement, le département du Rhône et la caisse primaire d'assurance maladie, par un jugement du 4 janvier 2013 du tribunal correctionnel de Lyon ; que si, par un arrêté du 17 avril 2013, le ministre de l'intérieur l'a autorisé à se maintenir en France jusqu'au 8 avril 2014 afin de recevoir les soins que nécessitait son état de santé, les pièces qu'il produit, en particulier un certificat médical du 14 février 2013 mentionnant qu'il a été opéré le 31 octobre 2012 pour l'ablation d'un rein, que son état de santé implique des contrôles et justifie sa présence dans un pays disposant de structures médicales appropriées, ne permettent pas d'établir que son état de santé aurait nécessité, à la date des décisions contestées, des soins qui n'existeraient pas dans son pays d'origine ; que s'il a été scolarisé en France, où il a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) de " peintre-application de revêtements " en 2014 avant que sa candidature ne soit validée pour intégrer au titre de l'année scolaire 2014/2015 une formation en " baccalauréat professionnel aménagement finition du bâtiment " en apprentissage, ces éléments ne suffisent pas à établir que M.A..., qui n'allègue pas être dépourvu de liens au Mali, aurait établi de façon stable, intense et durable le centre de ses intérêts privés en France ; qu'ainsi, les décisions en litige ne portent pas au droit de M.A..., qui ne justifie pas de motifs exceptionnels ou de circonstances humanitaires particulières, au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elles ont été prises ; que, dans ces conditions, la décision par laquelle le préfet du Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A... ne méconnaît ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni celles de l'article L. 313-14 de ce code ; que les décisions de refus de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaissent pas les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elles ne sont pas davantage entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

12. Considérant que le requérant ne démontrant pas que la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour est entachée d'illégalité, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision qu'il soulève à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposée, doit être écarté ;

13. Considérant qu'aux vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce précédemment décrites, le fait que M. A...espérait suivre une formation en "baccalauréat professionnel aménagement finition du bâtiment " à compter de la rentrée scolaire 2014/2015 et disposait d'une promesse d'embauche ne suffit pas à faire regarder la décision contestée par laquelle le préfet du Rhône lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de M. A... aurait nécessité que le préfet lui accorde un délai de départ volontaire de plus de trente jours ;

14. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;

15. Considérant que si M. A...soutient être exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour au Mali, compte tenu de la guerre que vit ce pays, ainsi que des menaces de mort proférées à son encontre par son oncle, qui lui a déjà administré des sévices corporels, il n'apporte aucun élément permettant d'établir la réalité et l'actualité des risques qu'il prétend encourir en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions du préfet du Rhône du 18 juillet 2014 ; que ses conclusions aux fins d'injonction doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

17. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de l'Etat au titre des frais exposés par M. A...à l'occasion du litige ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1408584 du tribunal administratif de Lyon du 4 mars 2015 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de M. A...est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 5 janvier 2016 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Picard, président-assesseur,

Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 janvier 2016.

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N° 15LY01106

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY01106
Date de la décision : 26/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Véronique VACCARO-PLANCHET
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : MEGAM

Origine de la décision
Date de l'import : 06/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-01-26;15ly01106 ?
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