Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'EARLD..., Mme E...B...veuve D...et M. F...D...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble la condamnation de l'Etat à leur verser une somme de 1 810 614, 83 euros en réparation du préjudice financier résultant pour eux des refus illégaux de permis de construire des éoliennes que le préfet de l'Isère leur a opposés les 15 avril et 3 août 2005 et 31 juillet 2007 et à verser à chacun une somme de 5 000 euros en réparation de leur préjudice moral.
Par un jugement n° 1105260 du 17 avril 2014, le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'Etat à verser, avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2011 et capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle à compter du 31 mars 2012 :
- à Mme B...veuveD..., M. F...D...et M. A...D...représenté par Mme B...une somme globale de 3 000 euros en réparation de leur préjudice financier ;
- à Mme B...veuve D...et M. A...D...une somme globale de 5 000 euros en réparation de leur préjudice moral ;
- à M. F...D...5 000 euros au titre de son préjudice moral.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 juin 2014, l'EARL D...et autres demandent à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 avril 2014 ;
2°) de condamner l'Etat à verser à l'EARL D...les sommes de 9 435,60 euros en remboursement des divers frais engagés, 124 356,50 euros au titre de la perte de gains jusqu'au 21 novembre 2007, 38 759 euros au titre de la perte d'exonération de la taxe professionnelle et 2 979 882 euros au titre de la perte de chance d'exploiter la ferme éolienne à compter du 21 novembre 2007 et, subsidiairement, d'ordonner une expertise ou, à défaut, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 638 063,73 euros au titre du surcoût de la construction, ces sommes étant majorées des intérêts au taux légal et des intérêts des intérêts ;
3°) de condamner l'Etat à verser à Mme B...5 000 euros en réparation de son préjudice personnel et 5 000 euros en réparation du préjudice moral de son fils Soren, ces sommes étant majorées des intérêts au taux légal et des intérêts des intérêts ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à chacun des requérants d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent qu'après trois refus, le préfet a délivré le permis de construire sollicité le 21 novembre 2007 ; qu'ils ont été contraints de vendre leur permis à une société ; que la responsabilité de l'Etat est engagée ; que, comme les deux précédents arrêtés de refus des 15 avril et 3 août 2005, le refus de permis de construire du 31 juillet 2007, qui méconnaît l'autorité de la chose jugée par la Cour administrative d'appel de Lyon le 22 mars 2007, est illégal ; que l'EARL D...a exposé des honoraires d'avocat au titre des demandes d'annulation et de suspension, des frais de copies de pièces, des frais de déplacement, des frais d'étude, en déduction desquels viennent les sommes de 5 600 euros au total perçues au titre des frais non compris dans les dépens ; qu'elle a subi des préjudices économiques et commerciaux liés à la perte de gains provenant de la vente d'électricité et de l'exonération de la taxe professionnelle, à l'augmentation du coût de la construction des éoliennes et à la perte de chance, du fait de l'abandon du projet, d'obtenir les profits escomptés à partir du 21 novembre 2007 ; que ces préjudices ne sont pas éventuels ; que la famille D...a subi un important préjudice moral.
Par un mémoire enregistré le 18 septembre 2015, le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'il n'est pas démontré que les frais divers déjà engagés n'ont pas été indemnisés au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que la perte de gains entre 2005 et 2007 n'est pas certaine, rien ne permettant de dire que le financement du projet était assuré ; qu'aucun préjudice n'est démontré au titre de la perte d'exonération de la taxe professionnelle ; que le préjudice résultant du coût de la construction ne peut être indemnisé ; que celui résultant du prix de la vente n'est pas avéré ; que la perte de chance d'obtenir les profits escomptés n'est pas davantage avérée et que la société a renoncé, en vendant son permis, à mettre en oeuvre son projet.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 janvier 2016, présentée pour l'EARLD..., Mme E...B...veuve D... et M. F...D....
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Picard,
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant la SCP ACBM Albert, Crifo, C..., Monnier, avocat de l'EARLD..., de Mme B...veuve D...et de M. F... D...et celles de M. F...D....
1. Considérant que, à la suite de la suspension le 7 juillet 2005 par le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble de l'arrêté du préfet de l'Isère du 15 avril 2005 refusant à l'EARL D...le permis de construire deux éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Pellafol, le tribunal, par un jugement du 19 octobre 2005, en a prononcé l'annulation ; que le 3 août 2005, le préfet de l'Isère a pris un deuxième arrêté de refus de permis de construire pour le même projet, également suspendu par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif du 28 septembre 2005 et définitivement annulé par un arrêt de la Cour administrative d'appel de Lyon du 22 mars 2007, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, par une décision n° 305868 du 15 octobre 2007, n'ayant pas admis le pourvoi du ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables contre cet arrêt ; que par arrêté du 31 juillet 2007, le préfet s'est de nouveau opposé à la demande de permis présentée pour ce projet ; que le juge des référés du tribunal a suspendu cet arrêté par une ordonnance du 7 novembre 2007 ; que par un arrêté en date du 21 novembre 2007, le préfet a finalement accordé cette autorisation et le président de la deuxième chambre du tribunal, par une ordonnance du 21 avril 2008, a déclaré qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande d'annulation présentée contre l'arrêté du 31 juillet 2007 ; que l'EARL D...a vendu son permis de construire à une autre société pour la somme de 350 000 euros et, avec M. F...D..., Mme B...veuve D...et son fils, M. A...D..., a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande de condamnation pour faute de l'Etat à réparer les préjudices résultant pour eux des refus réitérés d'autoriser ce projet d'éoliennes ; que, par un jugement du 17 avril 2014, dont ils relèvent appel, le tribunal a fait partiellement droit à leur demande en condamnant l'Etat à verser, au titre de leur préjudice financier, une somme globale de 3 000 euros à Mme B...veuveD..., M. F...D...et M. A...D..., au titre de leur préjudice moral, une somme globale de 5 000 euros à Mme B...veuve D...et M. A...D...et une somme de 5 000 euros à M. F...D..., ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2011 et de la capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle à compter du 31 mars 2012 ;
Sur le principe de la responsabilité de l'Etat :
2. Considérant que le tribunal, dont le jugement n'est pas contesté sur ce point, a jugé que les refus de permis des 15 avril et 3 août 2005 étaient entachés d'illégalités constitutives de fautes de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; qu'il a en revanche jugé que, en l'absence de démonstration par les intéressés de son illégalité, le refus de permis opposé à l'EARL D...le 31 juillet 2007 n'entraînait pas la responsabilité de l'Etat ;
3. Considérant que cette dernière décision s'appuie sur la violation, par le projet de l'EARLD..., de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme et du II de l'article L. 145-3 du même code ;
4. Considérant, d'une part, que le préfet de l'Isère a pris cette décision en violation de l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt, définitif, du 22 mars 2007 par lequel la cour avait jugé que le refus de permis, opposé à un projet identique d'éoliennes présenté par l'EARLD..., procédait d'une erreur d'appréciation dans l'application de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;
5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable, dont les dispositions sont aujourd'hui reprises à l'article L. 122-9 : " (...) II.- Les documents et décisions relatifs à l'occupation des sols comportent les dispositions propres à préserver les espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard. (...) " ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que, du seul fait de ses dimensions, formes ou couleurs, l'opération projetée par l'EARLD..., qui demeure modeste et dont l'implantation est prévue sur un site ayant en partie perdu son caractère naturel, serait incompatible avec le patrimoine naturel et culturel montagnard ;
6. Considérant, ainsi, que l'arrêté du 31 juillet 2007 est également entaché d'illégalités constitutives de fautes de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
Sur le préjudice :
7. Considérant que l'EARL D...affirme qu'elle aurait perdu les gains liés à la vente d'électricité jusqu'au jour de la délivrance du permis, indiquant que l'obligation de rachat d'électricité dont elle bénéficiait en vertu d'un certificat n° 2004-276 du préfet de l'Isère conférait un caractère certain à ce chef de préjudice ; que, cependant, rien au dossier ne permet de dire que le financement de son projet était garanti et que sa réalisation était assurée, seul étant produit un courrier de la Banque Populaire du 23 novembre 2004 dont il ressort uniquement qu'un crédit-bail était envisagé, sous réserve d'une étude plus complète du dossier et de l'accord du comité d'engagements de la banque ; que ce chef de préjudice n'est donc qu'éventuel ;
8. Considérant que l'EARL D...fait valoir que l'absence de reconduction, par une délibération du conseil municipal de Pellafol du 23 mai 2008, de l'exonération de la taxe professionnelle dont elle avait bénéficié pour la période du 15 octobre 2002 au 15 octobre 2007 aurait entraîné une diminution du prix de vente de son permis ; que, toutefois, aucun lien direct n'est avéré entre cette absence d'exonération et le prix auquel a été cédé ce permis ;
9. Considérant que l'EARLD..., qui a abandonné son projet pour le revendre à une autre société, n'a exposé aucun surcoût lié au retard dans sa réalisation ;
10. Considérant que, eu égard à ce qui a été dit au point 7 ci-dessus, l'EARL D...ne peut se prévaloir d'aucune perte de chance sérieuse de bénéficier des profits qu'elle escomptait percevoir à compter du 21 novembre 2007 ; qu'elle ne saurait donc davantage obtenir réparation à ce titre ;
11. Considérant que les frais que l'EARL D...a exposés dans le cadre des différentes instances engagées devant le juge administratif pour des copies de pièces, pour des déplacements chez son conseil ou devant les juridictions, pour le paiement des honoraires d'avocat ou pour la réalisation d'une étude paysagère, qui relèvent des frais non compris dans les dépens susceptibles d'être indemnisés sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent être indemnisés à un autre titre ;
12. Considérant que l'EARL D...ne justifie pas de la réalité du déplacement de son représentant auprès de la commission des sites ;
13. Considérant que l'EARL D...a été seule à l'initiative des demandes de permis illégalement refusées par l'administration ; qu'aucune précision n'est apportée sur les liens éventuels que Mme B...veuve D...et son fils, M. A...D..., auraient entretenu avec cette société, dont le gérant est M. F...D... ; que, dans ces conditions, Mme B...et M. A...D...ne justifient pas d'un préjudice moral que leur auraient fait subir les illégalités fautives ainsi commises par l'administration ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'EARL D...et autres ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a mis à la charge de l'Etat des indemnités d'un montant qu'ils estiment insuffisant ; que leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'EARL D...et autres est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EARLD..., à Mme E...B...veuve D..., à M. F...D...et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 5 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Picard, président-assesseur,
M. Levy Ben Cheton, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 janvier 2016.
''
''
''
''
2
N° 14LY01834