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07/01/2016 | FRANCE | N°14LY03653

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 07 janvier 2016, 14LY03653


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 16 avril 2014 du préfet de la Côte d'Or refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant, comme pays de reconduite d'office à l'expiration de ce délai, le pays dont il a la nationalité, ou tout pays pour lequel il est légalement admissible.

Par un jugement n° 1401732 du 30 octobre 2014, le tribunal administratif de Dijon a rejeté c

ette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 décembre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 16 avril 2014 du préfet de la Côte d'Or refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant, comme pays de reconduite d'office à l'expiration de ce délai, le pays dont il a la nationalité, ou tout pays pour lequel il est légalement admissible.

Par un jugement n° 1401732 du 30 octobre 2014, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 décembre 2014, M.B..., représenté par Me Grenier, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 octobre 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 avril 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Côte d'Or de l'autoriser à séjourner sur le territoire français ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière et en méconnaissance du droit d'être entendu qu'il tient du droit de l'Union européenne ;

- cette décision le prive de son droit à un recours effectif devant la Cour nationale du droit d'asile et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- cette mesure d'éloignement a été prise en violation de son droit d'être entendu ;

- elle ne pouvait intervenir avant la décision de la Cour nationale du droit d'asile dans la mesure où, n'ayant pas tenté d'induire en erreur les autorités françaises, il aurait dû être admis provisoirement au séjour au titre de l'asile ;

- elle méconnaît son droit à un recours effectif devant la Cour nationale du droit d'asile ;

- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, en l'absence de consultation préalable du médecin de l'agence régionale de santé ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation car le préfet n'a pas au préalable statué sur sa demande de titre de séjour présentée à raison de son état de santé ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a commis une erreur d'appréciation en ne lui accordant pas un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;

- la décision fixant son pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2015, le préfet de la Côte d'Or conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 décembre 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Meillier.

1. Considérant que M. A...B..., ressortissant congolais (République démocratique du Congo) né en 1979, est entré en France le 4 juillet 2012 ; qu'il a sollicité le 9 août 2012 son admission au séjour au titre de l'asile ; que, par arrêté du 25 février 2013, le préfet de la Côte d'Or a décidé de le remettre aux autorités chypriotes ; que, par décision du 28 mai 2013, le même préfet a estimé que la France était désormais l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile, tout en refusant d'admettre provisoirement au séjour l'intéressé, au motif que sa demande d'asile présentait un caractère abusif au sens des dispositions du 7° de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par décision du 27 mars 2014, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, statuant selon la procédure prioritaire, a rejeté cette demande d'asile ; que, par arrêté du 16 avril 2014, le préfet de la Côte d'Or a refusé de délivrer un titre de séjour à M.B..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination ; que M. B... relève appel de ce jugement ;

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, que les principes généraux du droit de l'Union européenne, parmi lesquels figurent le droit de toute personne d'être entendue préalablement à toute décision affectant sensiblement et défavorablement ses intérêts, ne trouvent à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit de l'Union européenne ; que les règles nationales relatives au séjour des étrangers n'ont pas été harmonisées ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu est inopérant ;

3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles " ; que, faute de préciser quel droit ou liberté reconnu par la convention aurait été violé, M. B... ne peut utilement se prévaloir d'une méconnaissance de ces stipulations ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

4. Considérant, en premier lieu, que M. B... a comparu personnellement en préfecture le 9 août 2012 lors du dépôt de sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile ; qu'il lui appartenait, lors du dépôt de cette demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui était loisible, au cours de l'instruction de sa demande de titre de séjour, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; qu'il ne pouvait ignorer qu'en cas de refus, il pourrait faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; que l'autorité administrative n'était pas tenue de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ; que, dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé du droit d'être entendu qu'il tient du droit de l'Union européenne ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, le requérant n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 741-1 du même code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors applicable : " (...) l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : / (...) 4° La demande d'asile (...) constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou (...). Constitue, en particulier, un recours abusif aux procédures d'asile la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes (...) " ; qu'en faisant valoir qu'il n'a pas tenté d'induire en erreur les autorités françaises lors du dépôt de sa demande d'asile et que sa précédente demande d'asile effectuée à Chypre avait été enregistrée, à l'initiative des autorités chypriotes, sous l'identité de son passeport d'emprunt, M. B... ne conteste pas sérieusement avoir utilisé des identités différentes lors de ses démarches effectuées à Chypre puis en France ; qu'ainsi, sa demande d'asile présentait un caractère abusif au sens du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le préfet pouvait l'obliger à quitter le territoire français à la suite de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sans attendre que la Cour nationale du droit d'asile ait statué sur son recours ;

7. Considérant, en quatrième lieu, que, pour les mêmes raisons que celles mentionnées au point 3 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant ;

8. Considérant, en cinquième lieu, qu'à supposer même que M. B... se soit présenté au guichet de la préfecture le 11 janvier 2013 afin de déposer une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade et que l'agent qui l'a reçu ait alors refusé d'enregistrer cette demande au motif qu'il ne disposait pas d'un passeport, une telle circonstance, contestée par le préfet, n'est, en tout état de cause, pas de nature à établir qu'au moment de prendre à son encontre, quinze mois plus tard, une obligation de quitter le territoire français le préfet aurait omis de procéder à un examen particulier de sa situation ;

9. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues aux trois premiers alinéas de l'article R. 313-22. " ; qu'aux terme de l'article R. 313-22 dudit code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu -d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. " ;

10. Considérant, d'une part, que M. B... n'établit pas ni même n'allègue avoir porté à la connaissance du préfet, avant l'édiction de l'arrêté attaqué, des éléments suffisamment précis sur la nature et la gravité des troubles dont il souffre ; que, dès lors, le préfet n'était pas tenu, avant d'obliger l'intéressé à quitter le territoire français, de recueillir l'avis du médecin inspecteur de la santé publique ;

11. Considérant, d'autre part, que le requérant se borne à soutenir qu'il souffre de problèmes de santé particulièrement graves ne pouvant être suivis dans son pays d'origine ; que le préfet relève que, selon un certificat médical du 20 mars 2014, M. B..., bien qu'atteint d'une hépatite B, est porteur d'une charge virale très faible et que son état ne nécessite pas un traitement antiviral, mais seulement une surveillance biologique biannuelle ; que, dans ces conditions, le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner pour l'intéressé de conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'au surplus, le requérant ne conteste pas sérieusement que, compte tenu des pièces produites par le préfet, il existe en République démocratique du Congo des traitements appropriés tant pour son hépatite B que pour ses troubles psychiatriques ;

En ce qui concerne le délai de départ volontaire :

12. Considérant qu'en l'absence de toute indication sur les raisons justifiant la fixation d'un délai de départ volontaire de plus de trente jours, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur d'appréciation en accordant à l'intéressé un délai de départ volontaire de trente jours seulement n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

En ce qui concerne le choix du pays de destination :

13. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

14. Considérant que si le requérant soutient avoir été arrêté et torturé en République démocratique du Congo après avoir découvert des cadavres dans le cadre de ses activités pour le compte de la Croix Rouge, les convocations, avis de recherche, notes de témoignage, avis de décès et certificats médicaux qu'il produit à l'appui de ses allégations ne suffisent pas, faute de garanties d'authenticité suffisantes, à établir la réalité et la gravité des risques auxquels il prétend être personnellement exposé en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'au surplus, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile en relevant le caractère peu précis et confus de son récit ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

16. Considérant que le présent arrêt de rejet n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B... doivent être rejetées ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. B... demande pour son conseil au titre des frais exposés par et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Côte d'Or.

Délibéré après l'audience du 9 décembre 2015 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

M. Pourny, président-assesseur,

M. Meillier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 janvier 2016.

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N° 14LY03653


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY03653
Date de la décision : 07/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Charles MEILLIER
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : GRENIER

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-01-07;14ly03653 ?
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