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05/01/2016 | FRANCE | N°15LY00782

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 05 janvier 2016, 15LY00782


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...ont demandé au tribunal administratif de Lyon la condamnation de la commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or à réparer le préjudice résultant pour eux de la délivrance de permis de construire entachés d'illégalité.

Par un jugement n° 1101136 du 11 décembre 2014, le tribunal administratif de Lyon a condamné la commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or à leur verser une indemnité de 114 529 euros et la communauté urbaine de Lyon à garantir la commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or à concurrence des

deux tiers de la condamnation prononcée à son encontre.

Procédure devant la cour :

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...ont demandé au tribunal administratif de Lyon la condamnation de la commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or à réparer le préjudice résultant pour eux de la délivrance de permis de construire entachés d'illégalité.

Par un jugement n° 1101136 du 11 décembre 2014, le tribunal administratif de Lyon a condamné la commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or à leur verser une indemnité de 114 529 euros et la communauté urbaine de Lyon à garantir la commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or à concurrence des deux tiers de la condamnation prononcée à son encontre.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête et un mémoire, enregistrés, sous le n° 15LY00782, le 3 mars et le 21 septembre 2015, M. et Mme C...demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Lyon du 11 décembre 2014 en ce qu'il n'a fait droit à leur demande qu'à hauteur de 114 529 euros ;

2°) de porter à 381 493,68 euros l'indemnité mise à la charge de la commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or le paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que la responsabilité pour faute de la commune est engagée ; que la délivrance d'un nouveau permis le 1er juillet 2014 n'a pas régularisé la construction, qui a été démolie, ni pu réparer les préjudices subis ; que les causes exonératoires de responsabilité retenues à leur encontre sont infondées ; que les dispositions du code civil ont été respectées ; que le préjudice subi trouve sa cause dans l'illégalité des permis ; que la part de responsabilité laissée à leur charge, de 50 %, est injustifiée ; que les travaux étaient quasiment achevés à la date de suspension des permis ; qu'ils justifient du coût de démolition de l'ouvrage à hauteur de 105 847,47 euros ; que le montant réel des frais de justice à prendre en compte est de 29 005,64 euros et non 25 386 euros ; que les frais de géomètre expert pour un montant de 968,76 euros, justifiés par l'expertise sur les vues, sont directement en lien avec la faute ; que leur préjudice moral et dans les conditions d'existence doit être porté de 8 000 euros à 50 000 euros.

Par un mémoire, enregistré le 27 août 2015, la commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucune faute ne saurait lui être reprochée dès lors que l'illégalité des permis de construire accordés aux requérants trouve sa cause exclusive dans l'annulation d'un document d'urbanisme approuvé par la communauté urbaine ; que la démolition trouve sa cause exclusive dans les troubles anormaux de voisinage et la violation des règles de distance prescrites par le code civil sans qu'aucun lien de causalité avec les permis délivrés ne puisse être retenu ; que, compte tenu du permis de régularisation que les requérants ont obtenu en date du 1er juillet 2014 sur la base du plan local d'urbanisme de 2005, les préjudices allégués ne sont pas établis ou sont sans lien direct avec la faute ; que les intéressés ont commis des fautes exonératoires de responsabilité ; que l'illégalité des permis de construire, qui résulte de celle du plan d'urbanisme approuvé par la communauté urbaine , résulte du fait du tiers ; que cette dernière doit relever la commune de toute condamnation.

Par un mémoire, enregistré le 14 octobre 2015, la métropole de Lyon, venant aux droits de la communauté urbaine de Lyon, conclut au rejet de la requête, à la réformation du jugement attaqué en ce que le tribunal l'a condamnée à garantir la commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or et au rejet de l'appel en garantie formée par cette dernière à son encontre.

Elle soutient qu'il n'y a aucun lien de causalité entre l'illégalité des permis et le préjudice allégué ; qu'étant saisi d'une demande en ce sens par le voisin de M. et MmeC..., le maire aurait dû retirer le permis initial ; que le préjudice n'aurait pu se produire si ce retrait avait été prononcé ; qu'elle se trouve donc exonérée de toute responsabilité et l'appel en garantie doit être rejeté ; que la commune a refusé illégalement de retirer le permis ; que les permis modificatifs ont accru le préjudice des intéressés, sans aucune faute de sa part ; que les époux C... ont commis des imprudences ; qu'ils n'ont pas respecté un accord de conciliation ; qu'ils ont commis des fautes de nature notamment civile à l'origine de la démolition ; que leur imprudence tient également à l'absence d'exercice d'un pourvoi en cassation contre l'arrêt rendu le 19 février 2008 par la Cour administrative d'appel de Lyon ; que le tribunal ne pouvait en effet pas, d'office, par son jugement du 15 novembre 2005, annuler le plan d'occupation des sols pour annuler le permis de construire délivré aux intéressés ; que leur préjudice n'est pas établi.

II - Par une requête enregistrée, sous le n° 15LY00812, le 9 mars 2015, la commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Lyon du 11 décembre 2014 en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. et Mme C...une indemnité de 114 529 euros ;

2°) de rejeter la demande de M. et Mme C...devant le tribunal et, subsidiairement, de condamner la communauté urbaine à la relever et à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme C...le paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'aucune faute ne saurait lui être reprochée dès lors que l'illégalité des permis de construire accordés aux requérants trouve sa cause exclusive dans l'annulation d'un document d'urbanisme approuvé par la communauté urbaine ; que la démolition trouve sa cause exclusive dans les troubles anormaux de voisinage et la violation des règles de distance prescrites par le code civil sans qu'aucun lien de causalité avec les permis délivrés ne puisse être retenu ; que, compte tenu du permis de régularisation que les requérants ont obtenu en date du 1er juillet 2014 sur la base du plan local d'urbanisme de 2005, les préjudices allégués ne sont pas établis ou sont sans lien direct avec la faute ; que les intéressés ont commis des fautes exonératoires de responsabilité ; que l'illégalité des permis de construire, qui résulte de celle du plan d'urbanisme approuvé par la communauté urbaine, résulte du fait du tiers ; que cette dernière doit relever la commune de toute condamnation.

Par un mémoire, enregistré le 14 octobre 2015, la métropole de Lyon, venant aux droits de la communauté urbaine, conclut à la réformation du jugement attaqué en ce que le tribunal l'a condamnée à garantir la commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or et au rejet de la demande d'appel en garantie formée par cette dernière à son encontre.

Elle soutient que l'argumentation d'appel de la commune ne peut qu'être écartée ; qu'il n'y a aucun lien de causalité entre l'illégalité des permis et le préjudice allégué ; qu'étant saisi d'une demande en ce sens par le voisin desC..., le maire, qui était informé de l'annulation entre temps du plan local d'urbanisme, aurait dû retirer le permis initial ; que le préjudice n'aurait pu se produire si ce retrait avait été prononcé ; qu'elle se trouve donc exonérée de toute responsabilité et l'appel en garantie doit être rejeté ; que la commune a refusé illégalement de retirer le permis ; que les permis modificatifs ont accru le préjudice des intéressés, sans aucune faute de sa part ; que les époux C...ont commis des imprudences fautives ; qu'ils ont commis des fautes de nature notamment civile à l'origine de la démolition ; que leur imprudence tient également à l'absence d'exercice d'un pourvoi en cassation contre l'arrêt rendu le 19 février 2008 par la Cour administrative d'appel de Lyon ; que le tribunal ne pouvait en effet pas, d'office, par son jugement du 15 novembre 2005, annuler le plan d'occupation des sols pour annuler le permis de construire délivré aux intéressés ; que leur préjudice n'est pas établi.

III - Par une requête et un mémoire, enregistrés, sous le n° 15LY01088, les 27 mars et 15 juin 2015, la commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or demande à la Cour de surseoir à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Lyon du 11 décembre 2014 en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. et Mme C...une indemnité de 114 529 euros.

Elle soutient que les conditions de l'article R. 811-16 du code de justice administrative sont remplies ; qu'elle se trouve exposée au risque de perte définitive des sommes que le tribunal l'a condamnée à verser aux épouxC... ; que cette somme sera sans nul doute affectée à l'apurement des dettes contractées par ces derniers ; que les pertes subies excède largement le montant de la condamnation prononcée ; que les intéressés ne démontrent pas l'existence d'autres biens dont ils seraient propriétaires.

Par un mémoire, enregistré le 19 mai 2015, M. et Mme C...concluent au rejet de la requête présentée par la commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la commune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que, compte tenu de leurs revenus et biens immobiliers, il n'existe aucun risque de perte définitive des sommes en cause ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n° 2014-1543 du 19 décembre 2014 portant diverses mesures relatives à la création de la métropole de Lyon ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Picard,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant le cabinet Racine, avocat de M. et MmeC..., celles de Me A...représentant Urban Conseil, avocat de la commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or, et celles de Me Deygas, avocat de la métropole de Lyon.

1. Considérant que les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que, par un jugement définitif du 18 février 2003, le tribunal administratif de Lyon a annulé la délibération de la communauté urbaine de Lyon du 26 février 2001 approuvant son plan local d'urbanisme ; que, à la suite de ce jugement, le juge des référés du tribunal, par une ordonnance du 12 août 2003, a suspendu les permis de construire initial et modificatif que le maire de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or avait délivrés à M. et MmeC..., respectivement le 9 novembre 2001 et le 21 juin 2002, pour l'extension de leur maison d'habitation sur le territoire de cette commune, en retenant qu'ils méconnaissaient les dispositions des articles UEc d7 et UEc d4 du règlement du plan d'occupation des sols issu de la révision approuvée en 1993, et redevenu applicable ; que, par un jugement du 15 novembre 2005, confirmé par un arrêt de la cour du 19 février 2008, également définitif, le tribunal a annulé le permis de construire du 9 novembre 2001 au motif que les droits à construire résultant du coefficient d'occupation des sols fixé par le règlement du plan d'occupation des sols de 1993 étaient épuisés et, par voie de conséquence, le permis modificatif du 21 juin 2002, ainsi qu'un second permis modificatif en date du 22 janvier 2004 ; que la cour de cassation a rejeté, le 12 février 2013, le pourvoi formé par les époux C...contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 6 décembre 2011 confirmant le jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 10 mars 2010 ordonnant la démolition de leur construction et les condamnant à verser à leur voisin, M. E..., une indemnité de 8 000 euros pour troubles anormaux de voisinage ; que les époux C...ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or à réparer les divers préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de la délivrance de permis de construire illégaux ; que, par un jugement du 11 décembre 2014, le tribunal a condamné la commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or, après réduction de moitié de la responsabilité lui incombant, à leur verser une indemnité de 114 529 euros et la communauté urbaine de Lyon à relever et garantir cette collectivité à concurrence des deux tiers de la condamnation prononcée à son encontre ; que les époux C...relèvent appel de ce jugement et demandent une majoration de l'indemnité allouée ; que la commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or conclut à sa mise hors de cause, à ce que la métropole de Lyon soit condamnée à la relever et garantir intégralement de toute condamnation prononcée à son encontre et à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement en application de l'article R. 811-16 du code de justice administrative ; que la métropole de Lyon relève également incidemment appel de ce jugement ;

Sur le principe de la responsabilité de la commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire : a) Le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative. L'action en démolition doit être engagée au plus tard dans le délai de deux ans qui suit la décision devenue définitive de la juridiction administrative ; b) Le constructeur ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à des dommages et intérêts que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir ou si son illégalité a été constatée par la juridiction administrative. L'action en responsabilité civile doit être engagée au plus tard deux ans après l'achèvement des travaux. (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte du jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 10 mars 2010, confirmé par l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 6 décembre 2011, que la démolition de la construction édifiée par M. et Mme C...a été ordonnée en conséquence de sa non-conformité aux règles d'urbanisme ; que ce jugement et cet arrêt mentionnent également une violation par les intéressés des dispositions des articles 679 et 680 du code civil, non pour décider de la démolition de l'ouvrage, mais pour évaluer l'indemnité due à leur voisin ;

5. Considérant, en premier lieu, que le permis de construire du 9 novembre 2001 et les permis modificatifs des 21 juin 2002 et 22 janvier 2004 méconnaissaient les dispositions des articles UEc d7 et UEc d4 du règlement du plan d'occupation des sols de la communauté urbaine de Lyon issu de la révision approuvée en 1993, et redevenu applicable à la suite de l'annulation du plan local d'urbanisme dont la communauté urbaine s'était dotée en 2001 ; que l'illégalité de ces permis, que le maire a délivrés au nom de la commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or, est constitutive d'une faute de nature à engager à l'égard des époux C...la responsabilité de cette collectivité ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que la commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or fait valoir que les époux C...auraient eux-mêmes commis des fautes à l'origine du préjudice dont ils demandent réparation ;

7. Considérant cependant que, le permis étant délivré sous réserve des droits des tiers, les troubles anormaux de voisinage que le projet en litige a pu occasionner à leur voisin, et que le juge judiciaire a sanctionnés par la condamnation des époux C...à lui verser des dommages-intérêts, ne sauraient exonérer la commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or de la responsabilité encourue ;

8. Considérant que ne sauraient davantage constituer une telle cause d'exonération, faute d'avoir pu contribuer à l'illégalité commise par le maire de la commune lors de la délivrance des permis en cause, les conditions dans lesquelles les intéressés ont exécuté les travaux autorisés par ces permis ;

9. Considérant qu'il n'apparaît pas, en outre, que, malgré la suspension de l'exécution des permis en date des 9 novembre 2001 et 21 juin 2002, les époux C...auraient poursuivi les travaux que ces décisions autorisaient et donc qu'ils auraient eux-mêmes commis une faute ;

10. Considérant, enfin, qu'il ne résulte pas de l'instruction que, en demandant un second permis modificatif, délivré le 22 janvier 2004, d'une portée au demeurant très limitée et que le juge des référés du tribunal administratif a refusé de suspendre malgré la suspension dont faisaient l'objet les deux précédents permis, les époux C...se seraient livrés à des manoeuvres ; qu'il ne saurait sérieusement leur être reproché de n'avoir pas exercé un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la cour du 19 février 2008 confirmant le jugement du 15 novembre 2005 par lequel le tribunal administratif a annulé le permis de construire du 9 novembre 2001 modifié les 21 juin 2002 et 22 janvier 2004, l'issue d'une telle action contre cet arrêt, qui a le caractère d'une décision passée en force de chose jugée, étant purement éventuelle ;

11. Considérant qu'ainsi, aucune faute exonératoire de la responsabilité encourue par la commune ne saurait être retenue à la charge des épouxC... ;

12. Considérant, en troisième et dernier lieu, que la responsabilité de la commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or résulte de la méconnaissance, par les permis de construire, du plan d'occupation des sols de la communauté urbaine de 1993, remis en vigueur à la suite de l'annulation du plan d'urbanisme de 2001 ; que ces permis ont été délivrés à M. et Mme C...par le maire, au nom de la commune ; que celle-ci ne peut donc opposer aux intéressés les fautes qu'aurait pu commettre la communauté urbaine de Lyon en adoptant en 2001 un plan d'urbanisme illégal ;

13. Considérant, par suite, que la commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or doit être déclarée entièrement responsable des préjudices résultant directement, pour M. et MmeC..., de la faute qu'elle a commise ;

Sur les préjudices :

14. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la somme dépensée par M. et Mme C...pour les travaux d'extension de leur maison s'élève à 194 535 euros ; que doit en être déduite une somme de 4 271,54 euros correspondant au coût des enduits de façade, qui n'avaient pas été réalisés à la date de suspension par le juge des référés des permis modificatifs ; que si le maire de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or a entendu régulariser ces travaux par un permis accordé le 1er juillet 2014, il résulte de l'instruction que, à cette date, les intéressés avaient déjà, sur injonction du juge judiciaire, prise en application de l'article L. 480-13 précité du code de l'urbanisme à la suite de l'annulation définitive des permis de construire des 9 novembre 2001, 21 juin 2002 et 22 janvier 2004, entièrement démoli l'extension ainsi réalisée ; que le préjudice résultant pour les époux C...d'avoir financé en pure perte les travaux d'extension de leur maison trouve ainsi directement son origine dans la faute commise par la commune ; qu'ils sont donc fondés à demander le remboursement de la somme de 190 263, 46 euros ;

15. Considérant, en deuxième lieu, que, comme il vient d'être dit, les épouxC..., sur mise en demeure du juge judiciaire, ont démoli la construction litigieuse ; que si, postérieurement à la réalisation de ces travaux, le maire leur a délivré un permis de régularisation en date du 1er juillet 2014, une telle circonstance est demeurée sans incidence sur le préjudice correspondant au coût de cette démolition, qui est en lien direct avec la faute commise par la commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or et s'élève à 81 691,47 euros ;

16. Considérant, en troisième lieu, que les époux C...justifient, à hauteur de 7 560 euros, de frais de maîtrise d'oeuvre se rapportant directement aux travaux de démolition de leur construction ;

17. Considérant, en quatrième lieu, qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice résultant pour les intéressés des dégradations d'ordres divers que ces travaux de démolition ont fait subir à leur jardin en leur allouant à ce titre une somme de 1 500 euros ;

18. Considérant, en cinquième lieu, que les frais utilement exposés par le bénéficiaire d'une autorisation individuelle d'urbanisme à l'occasion d'une instance judiciaire engagée par des tiers et à l'issue de laquelle le juge judiciaire ordonne, à raison de l'illégalité de cette autorisation, la démolition d'une construction ainsi que l'indemnisation des préjudices causés aux tiers par celle-ci, sont susceptibles d'être pris en compte dans le préjudice résultant de l'illégalité fautive de l'autorisation, mais à l'exclusion de ceux relatifs aux astreintes prononcées, le cas échéant, pour pallier une carence dans l'exécution de la décision juridictionnelle, et aux frais exposés devant le juge de l'exécution ;

19. Considérant qu'en l'espèce, au regard des factures présentées, les frais afférents à la défense des requérants devant les juridictions administratives et judiciaires, y compris devant le juge de l'exécution, qui procèdent directement de la faute de la commune, s'élèvent à, respectivement, 11 836,07 euros et 17 169,57 euros ; qu'il y a donc lieu de mettre ces sommes à la charge de la commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or ;

20. Considérant, en sixième lieu, que, comme le soutient la commune, les frais des expertises en date des 7 novembre 2008 et 21 décembre 2013, qui ont porté sur l'état des vues sur la propriété voisine et les troubles susceptibles d'en résulter pour les conditions d'existence des voisins, sont sans lien direct avéré avec la faute qui lui est reprochée ;

21. Considérant, en dernier lieu, que si les époux C...ne peuvent se prévaloir d'aucun préjudice moral, il résulte de l'instruction que les désagréments d'ordre divers qu'ont entraîné pour eux les procédures contentieuses engagées à leur encontre ainsi que la démolition de leur construction les ont exposés à des troubles dans leurs conditions d'existence que le tribunal a justement appréciés en fixant à 8 000 euros l'indemnité mise à la charge de la commune à ce titre ;

22. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme C...sont fondés à demander que l'indemnité de 114 529 euros que le tribunal administratif de Lyon a condamné la commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or à leur verser soit portée à la somme de 318 020,57 euros ;

Sur l'appel en garantie de la communauté urbaine par la commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or :

23. Considérant que, comme il a été dit plus haut, l'illégalité du permis de construire du 9 novembre 2001 et des permis modificatifs des 21 juin 2002 et 22 janvier 2004, délivrés par le maire de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or au nom de la commune, est constitutive d'une faute engageant la responsabilité de cette collectivité ; que toutefois, cette faute procède de l'illégalité dont était entaché le plan d'occupation des sols de la communauté urbaine, approuvé par délibération du conseil de la communauté du 26 février 2001 ; que cette délibération a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 février 2003 en raison d'irrégularités ayant affecté l'enquête publique organisée par la communauté urbaine en vue de la révision de ce document d'urbanisme ; que ces irrégularités sont exclusivement imputables à la communauté urbaine, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la métropole de Lyon ; que la commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or n'y a pris aucune part ;

24. Considérant toutefois qu'en vertu d'un principe général, il incombe à l'autorité administrative de ne pas appliquer un règlement illégal ; qu'ainsi, il appartenait au maire, à l'occasion de la délivrance à M. et Mme C...des permis de construire mentionnés ci-dessus, de ne pas appliquer le plan d'occupation des sols approuvé en 2001, mais de faire application du plan immédiatement antérieur, de 1993 et, sur ce fondement, de refuser les permis de construire sollicités ; que, dès lors, en délivrant ces permis, le maire a commis une faute ;

25. Considérant que par jugement du 4 février 2002, le tribunal administratif de Lyon a annulé la délibération du 26 février 2001 par laquelle le conseil de la communauté urbaine de Lyon a approuvé la révision du plan d'occupation des sols communautaire ; que par un arrêt du 20 mars 2002, la cour a annulé ce jugement et rejeté la demande d'annulation de cette délibération ; que la circonstance que le maire de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or, alors saisi par le voisin des époux C...d'un recours contre le permis initial du 9 novembre 2001, n'a pas retiré ce permis, ne constitue pas une faute distincte de celle mentionnée ci-dessus ;

26. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard aux responsabilités respectives de la commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or et de la métropole de Lyon, cette dernière doit garantir la commune de 80 % de sa condamnation vis-à-vis de M. et MmeC... ;

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué :

27. Considérant que le présent arrêt statuant sur la requête de la commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lyon du 11 décembre 2014, les conclusions de la commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont sans objet ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

28. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or le paiement à M. et Mme C...d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que M. et MmeC..., qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, versent une somme à la commune au titre des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige ;

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées par la commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or.

Article 2 : L'indemnité de 114 529 euros que la commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or a été condamnée à verser à M. et Mme C...par le jugement du tribunal administratif de Lyon du 11 décembre 2014 est portée à 318 020,57 euros.

Article 3 : La métropole de Lyon garantira à hauteur de 80 % la commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or de la condamnation prononcée à l'article 2 ci-dessus.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 11 décembre 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : La commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or versera à M. et Mme C...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...C..., à la commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or et à la métropole de Lyon.

Délibéré après l'audience du 24 novembre 2015, à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Picard, président-assesseur,

M. Levy Ben Cheton, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 janvier 2016.

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N°s 15LY00782, 15LY00812, 15LY01088


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY00782
Date de la décision : 05/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-03-06 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Contentieux de la responsabilité (voir : Responsabilité de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : URBAN CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-01-05;15ly00782 ?
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