La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/01/2016 | FRANCE | N°14LY01912

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 05 janvier 2016, 14LY01912


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du préfet du Rhône, du 20 décembre 2013, lui refusant le renouvellement d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit d'office.

Par un jugement n° 1400359 du 13 mai 2014, le tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions préfectorales susmentionnées, a enjoint au préfet de délivrer à M. C...un

titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du préfet du Rhône, du 20 décembre 2013, lui refusant le renouvellement d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit d'office.

Par un jugement n° 1400359 du 13 mai 2014, le tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions préfectorales susmentionnées, a enjoint au préfet de délivrer à M. C...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois et a mis à la charge de l'Etat la somme de six cents euros au profit du conseil de M. C...sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 juin 2014, le préfet du Rhône, représenté par la SELARL Claisse et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 mai 2014 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif.

Il soutient que le tribunal administratif a commis une erreur d'appréciation en considérant que la décision refusant à M. C...le renouvellement d'un titre de séjour avait méconnu les stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, faute pour l'intéressé de disposer de soins médicaux appropriés en Algérie.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 août 2014, M. A...C..., représenté par Me Sabatier, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du préfet du Rhône ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient :

S'agissant du refus de renouvellement de titre de séjour :

- A titre principal, que le préfet n'apportant pas de justificatif probant susceptible de remettre en cause l'avis du médecin de l'agence régionale de santé quant à la possibilité qu'il aurait d'accéder effectivement à des soins médicaux appropriés en Algérie, le refus de renouvellement de titre de séjour méconnaît les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- à titre subsidiaire, que le refus de séjour méconnaît les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- à titre principal que cette mesure d'éloignement est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour qui la fonde ;

- à titre subsidiaire, que cette décision méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- qu'elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- que cette décision est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français qui la fondent.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 septembre 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bourrachot, président,

- et les observations de MeD..., représentant le préfet du Rhône et de Me B...représentant M.C....

1. Considérant que M.C..., ressortissant algérien né le 4 novembre 1985, est entré sur le territoire français le 10 décembre 2007, en compagnie de sa soeur Nassera ; que l'intéressé, qui s'était vu refuser la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé en 2008 et 2010, a été admis au séjour en qualité d'étranger malade du 13 mars 2012 au 12 mars 2013 ; que, le 20 décembre 2013, le préfet du Rhône a refusé de renouveler son certificat de résidence algérien, a obligé M. C...à quitter le territoire français sous le délai de trente jours et a désigné le pays vers lequel il pouvait être reconduit d'office à l'expiration de ce délai ; que le tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions par jugement du 13 mai 2014, dont le préfet du Rhône interjette appel ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du

27 décembre 1968 susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) " ;

3. Considérant que sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un ressortissant algérien nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'accès effectif à un traitement approprié en Algérie ; que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé du ressortissant algérien et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié en Algérie et de la possibilité d'accéder effectivement à ce traitement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un ressortissant algérien justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...est atteint d'une hémiplégie gauche congénitale, accompagnée de troubles de la marche et de la parole et d'épilepsie, ainsi que d'une pathologie mentale de type psychose, se manifestant notamment par des troubles du comportement et de la personnalité ; que ces troubles neurologiques et psychiatriques nécessitent un suivi pluridisciplinaire ainsi qu'une prise en charge médicamenteuse à base de Xanax, Nozinan, Depakine et Urbanyl et lui ôtent toute autonomie, le rendant totalement dépendant de sa soeur Nassera qui s'occupe de lui au quotidien ; que le 29 avril 2013, le médecin de l'agence régionale de santé de Rhône-Alpes a estimé que l'état de santé de M. C...nécessitait une prise en charge médicale de longue durée avec accompagnement de sa famille, dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'intéressé ne pouvait avoir accès à un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'il appartient ainsi au préfet, qui s'est écarté de cet avis médical en refusant de renouveler le certificat de résidence algérien de M. C...au motif que ce dernier pouvait bénéficier d'un traitement approprié en Algérie, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de M. C...et l'existence d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que devant le tribunal administratif, le préfet du Rhône s'est borné à produire l'annuaire des établissements de santé et établissements hospitaliers spécialisés ainsi qu'une jurisprudence, soit des éléments trop généraux et imprécis pour remettre en cause l'avis du médecin de l'agence régionale de santé sur l'indisponibilité du traitement médical requis en Algérie, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Lyon ; qu'à l'appui de sa requête d'appel, par laquelle il fait valoir, d'une part, que M. C...souffre d'une affection neurologique dont il est atteint depuis son enfance et pour laquelle il a donc été pris en charge dans son pays d'origine et, d'autre part, que l'Algérie est en mesure de prendre en charge l'ensemble des pathologies psychiatriques, le préfet du Rhône ne produit aucun justificatif complémentaire à ceux susmentionnés, produits en première instance ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la teneur de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé et aux éléments communiqués par les parties, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un traitement approprié aux pathologies dont souffre M. C... existe en Algérie ; que, par suite, le préfet du Rhône n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 20 décembre 2013 refusant de renouveler le certificat de résidence algérien de M. C...pour méconnaissance des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions du même jour faisant obligation à l'intéressé de quitter le territoire français et désignant le pays de renvoi ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 20 décembre 2013 refusant de renouveler le certificat de résidence de M. C..., lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé le titre de séjour sollicité et a mis à la charge de l'Etat la somme de 600 euros à verser à Me Sabatier au titre des frais exposés en première instance et non compris dans les dépens ;

6. Considérant que M. C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Sabatier, avocat de M.C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au profit de Me Sabatier, au titre des frais exposés devant la cour et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet du Rhône est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Sabatier la somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Sabatier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...C.... Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2015 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président,

Mme Mear, président-assesseur,

Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 janvier 2016.

''

''

''

''

1

3

N° 14LY01912


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01912
Date de la décision : 05/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : CLAISSE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-01-05;14ly01912 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award