La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/12/2015 | FRANCE | N°14LY03042

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 17 décembre 2015, 14LY03042


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble, sous les n°s 1405759 et 1405794, d'annuler :

- l'arrêté du 18 avril 2014 du préfet de l'Isère refusant de l'admettre provisoirement au séjour en qualité de demandeur d'asile,

- l'arrêté du 12 septembre 2014 du même préfet décidant de sa remise aux autorités espagnoles,

- et l'arrêté du 12 septembre 2014 dudit préfet l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n°s 1405759-

1405794 du 30 septembre 2014, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a :

- renvoyé dev...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble, sous les n°s 1405759 et 1405794, d'annuler :

- l'arrêté du 18 avril 2014 du préfet de l'Isère refusant de l'admettre provisoirement au séjour en qualité de demandeur d'asile,

- l'arrêté du 12 septembre 2014 du même préfet décidant de sa remise aux autorités espagnoles,

- et l'arrêté du 12 septembre 2014 dudit préfet l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n°s 1405759-1405794 du 30 septembre 2014, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a :

- renvoyé devant une formation collégiale les conclusions dirigées contre l'arrêté du 18 avril 2014 (article 5) ;

- annulé les deux arrêtés du 12 septembre 2014 (articles 2 et 3) ;

- et rejeté le surplus des conclusions des demandes de Mme B...(article 6).

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 octobre 2014, le préfet de l'Isère demande à la cour :

1°) d'annuler l'entier jugement du 30 septembre 2014 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par Mme B...devant le tribunal administratif de Grenoble.

Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont fait droit au moyen tiré de la méconnaissance des obligations d'information prévues dans le cadre de la procédure " Dublin " ; qu'en effet, ses services ont remis à Mme B...les brochures prévues à l'article 4, paragraphe 3, du règlement (UE) n° 604/2013 ; qu'au surplus, l'intéressée a eu, avant le dépôt de sa demande, un premier entretien avec l'association La Relève puis, lors du dépôt de sa demande en préfecture, un second entretien ; qu'elle a ensuite été systématiquement convoquée afin de lui permettre de connaître de l'avancement de la procédure de réadmission.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 février 2015, MmeB..., représentée par Me Schürmann, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de décider, en application de l'article R. 522-13 du code de justice administrative, que l'ordonnance à intervenir sera exécutoire aussitôt qu'elle aura été rendue ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle fait valoir que le préfet n'établit lui avoir remis ni les deux brochures A et B, qui comportent les informations requises, ni les deux guides dont il a fait état, sans les produire, devant les premiers juges et qui ne comportent pas l'ensemble des informations nécessaires.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 mars 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Meillier.

1. Considérant que Mme A...B..., ressortissante congolaise (République démocratique du Congo) née en 1978, est entrée en France en mars 2014, selon ses déclarations ; qu'elle a sollicité le 31 mars 2014 son admission au séjour au titre de l'asile ; que, le jour même, elle a été placée en " procédure Dublin " aux fins de la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile ; que, par arrêté du 18 avril 2014, le préfet de l'Isère a refusé de l'admettre provisoirement au séjour en qualité de demandeur d'asile ; que, par arrêtés du 12 septembre 2014, le même préfet a ordonné sa remise aux autorités espagnoles et l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ; que, par jugement du 30 septembre 2014, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, renvoyé devant une formation collégiale les conclusions dirigées contre l'arrêté du 18 avril 2014, d'autre part, annulé les deux arrêtés du 12 septembre 2014 et, enfin, rejeté le surplus des conclusions des demandes de MmeB... ;

2. Considérant que, compte tenu notamment des moyens invoqués au soutien de la requête, le préfet de l'Isère, qui conclut à l'annulation de l'entier jugement du 30 septembre 2014 et au rejet des demandes présentées par Mme B...devant le tribunal administratif de Grenoble, doit être regardé comme relevant appel de ce jugement uniquement en tant qu'il a annulé les arrêtés du 12 septembre 2014 portant remise aux autorités espagnoles et assignation à résidence ;

Sur la légalité des arrêtés du 12 septembre 2015 :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " Droit à l'information / 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment: / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert;/ e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. /Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5.FR 29.6.2013 Journal officiel de l'Union européenne L. 180/37/3. La commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune ainsi qu'une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux États membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. " ; qu'aux termes de l'article 20 de ce règlement : " (...) 2. une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur (...) est parvenu aux autorités compétentes de l'Etat membre concerné (...). " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tous cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend ; que cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement ; qu'eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie ;

5. Considérant que les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé les intéressés d'une garantie ; que la délivrance par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constituant pour le demandeur d'asile une garantie, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi du moyen tiré de l'omission ou de l'insuffisance d'une telle information à l'appui de conclusions dirigées contre un refus d'admission au séjour ou une décision de remise, d'apprécier si l'intéressé a été, en l'espèce, privé de cette garantie ou, à défaut, si cette irrégularité a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ;

6. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention de l'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'administration a satisfait à l'obligation qui lui incombe en application des dispositions précitées ; que, dans un premier temps, seul le préfet est en mesure d'apporter les éléments relatifs à la délivrance d'une information écrite au demandeur ;

7. Considérant que le préfet de l'Isère ne conteste plus en appel que le " guide du demandeur d'asile " remis à l'intéressée par l'association La Relève lors du premier accueil des demandeurs d'asile ne comporte pas les informations prévues à l'article 4, paragraphe 1, du règlement du 26 juin 2013 ; qu'il soutient en revanche que Mme B...a reçu en préfecture, lors du dépôt de sa demande, la brochure A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de ma demande d'asile ", et qu'il lui a remis la brochure B intitulée " Je suis sous procédure Dublin - Qu'est-ce-que cela signifie ' " lors de la notification de la décision lui refusant l'admission provisoire au séjour ; que, toutefois, seule la remise en temps utile de ces deux brochures, qui constituent ensemble la brochure commune prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 susvisé, figurant en annexe au règlement du 30 janvier 2014 susvisé, permet aux demandeurs d'asile de bénéficier d'une information complète sur l'application du règlement du 26 juin 2013 ; que le préfet de l'Isère n'établit pas avoir délivré à Mme B...les brochures A et B ; qu'en tout état de cause, la brochure B devait lui être remise antérieurement à la décision de refus d'admission provisoire au séjour ; que de ce fait, des informations écrites essentielles à la compréhension de sa situation et à l'exercice de ses droits n'ont pas été portées à la connaissance de l'intéressée ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette dernière aurait bénéficié par ailleurs de telles informations avant la décision de refus d'admission provisoire au séjour et notamment lors d'entretiens qu'elle aurait eus, avant le dépôt de sa demande, avec l'association La Relève puis, lors du dépôt de sa demande en préfecture et lors de convocations postérieures, avec les services préfectoraux ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, cette omission a été de nature à priver effectivement l'intéressée de la garantie prévue par les dispositions précitées ; que, par suite, l'arrêté ordonnant la remise aux autorités espagnoles est intervenu au terme d'une procédure irrégulière et est, pour ce motif, entaché d'illégalité ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 12 septembre 2014 ordonnant la remise de Mme B... aux autorités espagnoles et, par voie de conséquence, l'arrêté du même jour assignant à résidence l'intéressée pour une durée de quarante-cinq jours ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article R. 522-13 du code de justice administrative :

9. Considérant que cet article, qui prévoit la faculté, pour le juge des référés, de prévoir que son ordonnance sera exécutoire dès qu'elle serait rendue, n'est pas applicable au présent arrêt, qui est exécutoire de plein droit à compter de sa notification aux parties ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à Me Schürmann, avocat de MmeB..., d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Schürmann renonce à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de l'Isère est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Schürmann une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Schürmann renonce à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A...B.... Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 26 novembre 2015 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

M. Pourny, président-assesseur,

M. Meillier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 décembre 2015.

''

''

''

''

2

N° 14LY03042


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY03042
Date de la décision : 17/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Charles MEILLIER
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : SCHURMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-12-17;14ly03042 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award