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10/12/2015 | FRANCE | N°14LY01586

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 10 décembre 2015, 14LY01586


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F...et Mme D...F...ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner la commune de Blanzat :

- à leur verser la somme totale de 154 100 euros en réparation des désordres affectant leur propriété en raison d'un risque de glissement de terrain ;

- à faire procéder à des travaux de reprise de la rase existante et des zones amont et aval ;

- aux entiers dépens de l'instance comprenant la moitié des frais d'expertise.

Par un jugement n°s 1300089-13006

62 du 25 mars 2014, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande.

Procédur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F...et Mme D...F...ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner la commune de Blanzat :

- à leur verser la somme totale de 154 100 euros en réparation des désordres affectant leur propriété en raison d'un risque de glissement de terrain ;

- à faire procéder à des travaux de reprise de la rase existante et des zones amont et aval ;

- aux entiers dépens de l'instance comprenant la moitié des frais d'expertise.

Par un jugement n°s 1300089-1300662 du 25 mars 2014, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 mai 2014, présentée pour M. B... F...et Mme D...F..., domiciliés 144 impasse de Reilhat à Blanzat (63112), il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1300089-1300662 du 25 mars 2014 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il a rejeté les conclusions de leur demande ;

2°) de condamner la commune de Blanzat :

- à leur verser la somme de 112 850 euros au titre des frais de purge de la couche remaniée, selon l'estimation opérée par la société Sol solutions, sapiteur de l'expert judiciaire, outre les sommes de 4 500 euros et 6 750 euros au titre des frais du chantier ;

- à faire procéder à des travaux de reprise de la rase existante et des zones amont et aval, tels que décrits et chiffrés par la même société, à hauteur d'une somme de 14 790 euros, dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

- à leur verser une indemnité de 30 000 euros en réparation de leur préjudice moral et du préjudice de jouissance causés par l'inertie de la commune ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Blanzat la somme de 3 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens, comprenant la moitié des frais d'expertise, chiffrés à 9 289,12 euros.

Ils soutiennent que :

- ils ont intérêt à agir dès lors que l'expert a confirmé qu'un glissement de terrain en amont est susceptible d'endommager leur habitation et celle de leur voisin, et alors qu'ils ont justifié de l'acquisition des parcelles cadastrées AM 195 et 196 et de promesses de vente pour l'acquisition des parcelles cadastrées AM 173, 178 et 156 ; le trouble de jouissance est actuel et avéré ; leur requête est recevable au regard des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- alors qu'il existe un risque de glissement de terrain, mis en évidence par un rapport établi par le Centre d'études techniques de l'équipement (CETE) de Lyon à la demande de la commune de Blanzat, montrant un lien indiscutable avec la rase créée par cette commune pour recueillir les eaux de ruissellement du coteau, et que ce glissement est susceptible de provoquer un ensevelissement total ou partiel de leur propriété et de celle de leur voisin, M. C..., la sécurité des personnes se trouvant menacée, la commune a mal exécuté les mesures préventives prescrites par le CETE et effectué des travaux susceptibles de participer au déclenchement de nouveaux glissements de terrain, en cas d'événements pluvieux importants ; sa responsabilité doit être engagée à raison des dommages que l'ouvrage dont elle a la gestion peut causer aux tiers en raison tant de son existence que de son fonctionnement ; si l'expert impute la cause des désordres à des phénomènes naturels, il met également en avant l'absence de maîtrise des eaux de ruissellement des fossés communaux, en particulier l'existence d'une rase mal conçue et mal entretenue, de sorte que le dommage est causé non par la situation naturelle des lieux mais par l'ouvrage public défectueux ;

- ils sont fondés, dès lors qu'ils subissent un préjudice anormal et spécial, à rechercher la responsabilité sans faute de la commune de Blanzat en raison des déficiences de la rase et du réseau communal d'évacuation des eaux pluviales ; à titre subsidiaire, la responsabilité de la commune de Blanzat est également engagée pour défaut d'entretien normal de cet ouvrage public ;

- la commune ne peut se prévaloir d'une acceptation des risques dès lors que, si la zone était classée à risque avant la construction de leur maison, les autorisations d'urbanisme délivrées n'étaient pas assorties de prescriptions qu'ils n'auraient pas respectées ; l'existence d'un lien entre les travaux de défrichement qu'ils ont effectués, correspondant à un débroussaillage pour éviter la prolifération d'animaux nuisibles et prévenir les risques d'incendie, et le glissement de terrain n'est pas établi ; la commune ne peut davantage invoquer la force majeure ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré, en premier lieu, qu'une juste appréciation de la responsabilité de la commune devait conduire à évaluer à seulement 20 % sa part de responsabilité dans la réalisation du phénomène de glissement de terrain, en deuxième lieu, que le préjudice invoqué ne présentait qu'un caractère éventuel et, en dernier lieu, qu'ils ne sauraient réclamer le versement d'une somme pour entreprendre les travaux prescrits par l'expert faute de justifier de la compétence pour les effectuer et de disposer de la totalité de la maîtrise foncière nécessaire, alors qu'ils ont acquis certaines parcelles concernées par les travaux.

Par un mémoire, enregistré le 16 juillet 2014, présenté pour la commune de Blanzat, elle conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire à la réduction des prétentions des requérants et à ce que soient mis à la charge de M. et Mme F... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable à défaut pour les requérants de justifier d'un intérêt pour agir, dès lors qu'ils ne sont pas propriétaires des parcelles concernées par le glissement de terrain et que leur propriété n'a subi aucun désordre, et en l'absence d'une motivation en fait de ladite requête, qui se borne à reprendre le rapport d'expertise qui ne décrit aucun préjudice personnel et actuel indemnisable ; les requérants connaissaient le risque de glissement de terrain lorsqu'ils ont construit leur maison ;

- le risque de mouvement de terrain, reconnu depuis longtemps dans la zone en cause et mentionné lors de la délivrance des permis de construire, résulte de la forte pente du versant et de la nature géologique de la Limagne constituée de formations argilo-marneuses, l'expert ayant constaté que toute la zone sur laquelle leur habitation a été construire a été cartographiée comme présentant un risque potentiel de glissement de terrain ; les causes d'ordre topographique et climatique relèvent de la force majeure ;

- les terrains objets de glissement sont privés, alors que la commune n'est propriétaire que de la parcelle n° 164 et n'a pas réalisé de travaux conséquents depuis des dizaines d'années, et seules les parcelles sinistrées ont été débroussaillées et défrichées par les requérants ; ces derniers ont fait réaliser d'importants travaux de création d'une rase transversale à la rase d'écoulement communale des eaux ;

- depuis les travaux réalisés par la commune en 2012 de fermeture du busage, cette rase ne constitue plus un risque susceptible d'engendrer le moindre débordement et glissement, et il n'y a donc pas lieu de purger la couche remaniée ni de procéder à des travaux de reprise de la rase qui n'est plus alimentée depuis ces travaux ;

- les requérants ne peuvent réclamer une somme au titre des frais de purge de la couche remaniée alors qu'ils ne sont pas propriétaires des terrains concernés par le glissement, et alors que l'expert retient une part de responsabilité à leur charge, à hauteur de 33 % ;

- les demandes indemnitaires sont disproportionnées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 19 novembre 2015 :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

- et les observations de MeE..., substituant Me Poulet, avocat de M. et MmeF....

1. Considérant que M. et Mme F..., propriétaires depuis 2005 d'une construction à usage d'habitation sise au 144 impasse de Reilhat sur le territoire de la commune de Blanzat et implantée sur la parcelle cadastrée section AM n° 521, ainsi que des parcelles annexes cadastrées section AM n° 195 et 196, recherchent la responsabilité de ladite commune à raison des préjudices qu'ils affirment avoir subis à la suite d'un glissement de terrain survenu en amont de leurs parcelles au mois de juin 2010 et qu'ils imputent à la présence et au fonctionnement d'une " rase ", fossé de récupération des eaux de ruissellement, aménagée et entretenue par cette commune dans la pente, en se prévalant de leur qualité de tiers par rapport à cet ouvrage public ; qu'ils font appel du jugement du 25 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté les conclusions de leur demande aux fins d'indemnisation et de réalisation de travaux par la commune de Blanzat ;

2. Considérant qu'un fossé de récupération des eaux de ruissellement créé et entretenu par une commune constitue un ouvrage public dont la présence et le fonctionnement sont susceptibles d'engager la responsabilité de la personne publique envers les tiers, même en l'absence de faute ; qu'il appartient toutefois auxdits tiers d'apporter la preuve de la réalité des préjudices allégués, de leur caractère anormal - c'est-à-dire grave et spécial - et du lien de causalité susceptible d'être établi entre la présence ou le fonctionnement de l'ouvrage et lesdits préjudices ;

3. Considérant que, lorsqu'il est soutenu qu'une partie s'est exposée en connaissance de cause au risque dont la réalisation a causé les dommages dont elle demande réparation au titre de la présence ou du fonctionnement d'un ouvrage public, il appartient au juge d'apprécier s'il résulte de l'instruction, d'une part, que des éléments révélant l'existence d'un tel risque existaient à la date à laquelle cette partie est réputée s'y être exposée et, d'autre part, que la partie en cause avait connaissance de ces éléments et était à cette date en mesure d'en déduire qu'elle s'exposait à un tel risque, lié à la présence ou au fonctionnement d'un ouvrage public, qu'il ait été d'ores et déjà constitué ou raisonnablement prévisible ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport déposé le 25 avril 2012 par l'expert désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, que lorsque M. et Mme F... ont fait édifier leur maison d'habitation en 2005 ils ont été informés de ce que leurs parcelles étaient situées dans une zone répertoriée comme comportant un risque de glissement de terrain et qu'elle figuraient sur la carte récapitulative des risques d'inondation et de mouvements de terrains dressée dans un dossier communal synthétique de 2000 et dans le PLU approuvé en 2006 ; que ce risque a été également mentionné lors de la délivrance de leur permis de construire ; qu'il est également établi que ces risques de mouvements de terrain, qui avaient conduit à l'abandon de la viticulture auparavant pratiquée dans ce secteur, s'étaient réalisés dans cette même zone dès 1939, avant même l'édification, dans les années 1980, de la rase incriminée ; que si l'expert a aussi indiqué que " l'existence de cette rase qui ne se situe pas dans l'axe d'écoulement du bassin versant ainsi que son entretien trop sommaire sont des facteurs importants dans l'origine du glissement de terrain ", il n'en résulte pas pour autant que les dommages dont M. et Mme F... demandent réparation auraient été aggravés par l'existence ou par les conditions d'entretien de cet ouvrage public ; que leur propriété n'a au demeurant subi aucun dommage direct en suite du glissement de terrain survenu au mois de juin 2010 ; qu'il résulte aussi de l'instruction qu'après le dépôt du rapport d'expertise susmentionné, qui préconisait un colmatage d'une buse alimentant cette rase, la commune a fait réaliser, en novembre 2012, des travaux de fermeture du busage, pour supprimer toute connexion entre le fossé du chemin de la gaîté et la rase en cause ; qu'ainsi, M. et Mme F... qui, lors de la construction de leur maison d'habitation, avaient connaissance du risque de glissement de terrain résultant de la situation naturelle des lieux, et dont il ne peut être admis qu'il a été aggravé par les conditions d'entretien de la rase, laquelle a au demeurant été améliorée du fait des travaux réalisés en novembre 2012, ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité de la commune de Blanzat ni à demander, par suite, sa condamnation à réparer le préjudice moral et les troubles dans leurs conditions d'existence qu'ils prétendent avoir subis du fait de la rase incriminée ; qu'ils ne sont pas davantage fondés à demander la condamnation de ladite commune à leur verser une somme correspondant au montant de travaux de purge des zones fragiles ; qu'au surplus, ainsi que les requérants l'admettent eux-mêmes, ces travaux de purge devraient, pour être réellement efficaces, être également menés " pour partie sur des parcelles appartenant à des tiers ", circonstance qui, dans l'immédiat au moins, les rend irréalisables ; que dès lors les intéressés ne peuvent en tout état de cause prétendre au paiement par la commune d'une somme correspondant au coût desdits travaux ;

5. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, la commune de Blanzat, postérieurement à la demande des requérants tendant à ce que ladite commune procède, à titre de réparation en nature, à des travaux de reprise de la rase existante et des zones amont et aval, tels que décrits et chiffrés par l'expert, à hauteur d'une somme de 14 790 euros, a fait réaliser, en novembre 2012, des travaux de fermeture du busage, pour supprimer toute connexion entre le fossé du chemin de la gaîté et la rase en cause ; que dès lors, les conclusions à fin d'injonction formulées à cet égard ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs conclusions ;

Sur les frais d'expertise :

7. Considérant qu'il y a lieu de laisser à la charge de M. et Mme F... la somme de 12 385,48 euros mise à leur charge par le jugement attaqué au titre des frais d'expertise ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Blanzat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. et Mme F... et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme F... la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Blanzat ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme F... est rejetée.

Article 2 : M. et Mme F... verseront la somme de 1 500 euros à la commune de Blanzat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune de Blanzat est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F...et Mme D... F...et à la commune de Blanzat.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2015 à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Segado, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 décembre 2015.

A...

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N° 14LY01586


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01586
Date de la décision : 10/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-02-01 Travaux publics. Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. Notion de dommages de travaux publics.


Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : TREINS KENNOUCHE POULET VIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-12-10;14ly01586 ?
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