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10/12/2015 | FRANCE | N°14LY00466

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 10 décembre 2015, 14LY00466


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris, qui a transmis cette demande au tribunal administratif de Grenoble en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, l'annulation de la décision du 20 avril 2012 par laquelle le ministre chargé du travail a annulé les décisions implicite et expresse de l'inspecteur du travail refusant son licenciement et a autorisé l'EHPAD " La Pousterle " à la licencier.

Par un jugement n° 1203702 du 20 décembre 2013, le tribunal admini

stratif de Grenoble, après avoir admis l'intervention du syndicat CFDT santé ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris, qui a transmis cette demande au tribunal administratif de Grenoble en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, l'annulation de la décision du 20 avril 2012 par laquelle le ministre chargé du travail a annulé les décisions implicite et expresse de l'inspecteur du travail refusant son licenciement et a autorisé l'EHPAD " La Pousterle " à la licencier.

Par un jugement n° 1203702 du 20 décembre 2013, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir admis l'intervention du syndicat CFDT santé sociaux Drôme Ardèche, a annulé la décision du 20 avril 2012 du ministre chargé du travail, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Mme A...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, et a rejeté les conclusions du syndicat CFDT santé sociaux Drôme Ardèche au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 février 2014, présentée pour l'association "Organisation pour la santé et l'accueil" (Orsac) La Pousterle, il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 20 décembre 2013 en ce qu'il a annulé la décision du 20 avril 2012 du ministre chargé du travail ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...A...devant le tribunal administratif.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, elle a respecté ses obligations en matière de reclassement ;

- c'est à bon droit que le ministre du travail a estimé qu'il n'appartient pas à l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement pour inaptitude médicale d'un salarié protégé d'apprécier les causes de cette inaptitude ;

- il appartient à l'administration de vérifier l'existence ou non d'un lien avec le mandat exercé et il ne lui appartient pas de vérifier la motivation de la lettre de licenciement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2014, Mme A... conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'association Orsac La Pousterle d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- compte tenu de la décision récente CE 20 novembre 2013 n° 340591, elle n'entend plus développer son moyen tiré de ce que son inaptitude médicale trouve son origine dans le comportement hostile de son employeur à son égard ;

- c'est à bon droit que le tribunal a estimé que les recherches de reclassement n'ont pas été loyales et sérieuses.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 26 septembre 2014, le syndicat CFDT santé sociaux Drome Ardèche conclut à la recevabilité de son intervention, au rejet de la requête de l'association Orsac La Pousterle, et à la mise à la charge de cette association d'une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que son intervention en soutien de Mme A...est recevable au regard des dispositions des articles R. 632-1 du code de justice administrative et L. 2132-1 du code du travail.

Par un mémoire, enregistré le 17 octobre 2014, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social présente ses observations par lesquelles il se joint aux conclusions de la requête de l'association Orsac La Pousterle tendant à l'annulation du jugement du 20 décembre 2013.

Il soutient que l'employeur a satisfait à ses obligations de reclassement.

Par ordonnance en date du 29 décembre 2014, la clôture d'instruction a été fixée au 23 janvier 2015, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

Par mémoire, enregistré le 15 janvier 2015, Mme A... conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Segado, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Me Tastevin, avocat de MmeA....

1. Considérant que Mme B...A...était employée en qualité d'agent hospitalier-auxiliaire de vie au sein de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de La Pousterle à Nyons (Drôme), établissement géré par l'association Organisation pour la santé et l'accueil (ORSAC) ; qu'elle détenait en outre le mandat de déléguée du personnel ; qu'après avoir estimé qu'aucune solution de reclassement ne pouvait être trouvée à la suite de deux avis d'inaptitude émis les 18 juillet et 1er août 2011 par le médecin du travail, l'association Orsac La Pousterle a, par un courrier en date du 18 août 2011 reçu le 19 suivant, sollicité de l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier cette salariée pour inaptitude médicale ; que, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser ce licenciement par une décision implicite de rejet née le 19 octobre 2011 du silence gardé par l'administration, ce refus ayant été confirmé par une décision expresse de l'inspecteur du travail en date du 7 décembre 2011 ; que, par un courrier du 16 décembre 2011, l'association Orsac La Pousterle a formé un recours hiérarchique devant le ministre contre ces décisions de refus ; que, par décision du 20 avril 2012, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, annulé la décision de refus de l'inspecteur du travail et, d'autre part, autorisé le licenciement de MmeA... ; que Mme A...a contesté cette décision devant le tribunal administratif ; que, par un jugement du 20 décembre 2013, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir admis l'intervention du syndicat CFDT santé sociaux Drôme Ardèche, a annulé cette décision du 20 avril 2012 du ministre chargé du travail ; que l'association Orsac La Pousterle relève appel de ce jugement ;

Sur l'intervention du syndicat CFDT santé sociaux Drôme Ardèche :

2. Considérant que le syndicat CFDT santé sociaux Drôme Ardèche justifie d'un intérêt suffisant au maintien du jugement attaqué ; qu'ainsi, son intervention est recevable ;

Sur la légalité de la décision du 20 août 2012 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social :

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 2411-1 du code du travail : " Bénéficie de la protection contre le licenciement prévue par le présent chapitre (...) le salarié investi de l'un des mandats suivants : (...) 2° Délégué du personnel (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2421-3 du code du travail : " Le licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel (...) est soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement (...) La demande d'autorisation de licenciement est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement dans lequel le salarié est employé (...) " ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. " ; qu'aux termes de l'article R. 4624-31 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail qu'après avoir réalisé : 1° Une étude de ce poste ; 2° Une étude des conditions de travail dans l'entreprise ; 3° Deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires. " ;

5. Considérant qu'en vertu de ces dispositions du code du travail, les délégués du personnel bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'inspecteur du travail, et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement du salarié, compte tenu des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi, et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise ; que la circonstance que l'avis du médecin du travail, auquel il incombe de se prononcer sur l'aptitude du salarié à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment ou à exercer d'autres tâches existantes, déclare le salarié protégé " inapte à tout emploi dans l'entreprise " ne dispense pas l'employeur, qui connaît les possibilités d'aménagement de l'entreprise et peut solliciter le groupe auquel, le cas échéant, celle-ci appartient, de rechercher toute possibilité de reclassement dans l'entreprise ou au sein du groupe, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations des postes de travail ou aménagement du temps de travail ;

6. Considérant que, comme il a été dit au point 1. , par deux avis des 18 juillet et 1er août 2011, le médecin du travail qui avait en charge l'EHPAD de La Pousterle a conclu à l'inaptitude de l'intéressée au poste d'agent de services de soins dans l'entreprise, a estimé qu'elle ne pouvait occuper un poste dans le même contexte professionnel, relationnel et organisationnel mais qu'elle pourrait occuper un poste similaire dans une autre entreprise ; qu'estimant qu'aucune solution de reclassement n'avait pu être trouvée, l'association Orsac gérant l'EHPAD La Pousterle a sollicité l'autorisation de licencier cette salariée pour inaptitude médicale ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport établi le 19 mars 2012 par le directeur adjoint de l'unité territoriale de la Drôme dans le cadre de la contre-enquête réalisée consécutivement au recours hiérarchique formulé par l'association Orsac, que cette association gère 46 établissements, dont celui de " La Pousterle ", oeuvrant dans le domaine sanitaire, social ou médico-social ; que ces établissements sont implantés sur 18 sites pour la quasi-totalité en région Rhône-Alpes, et que cette association emploie au total 2 600 salariés sur l'ensemble de ces sites ; que si, dans le cadre de la recherche de reclassement effectuée à la suite du second avis d'inaptitude du médecin du travail du 1er août 2011, l'association a sollicité dès le 2 août 2011 l'ensemble des sites gérés par l'association, et si elle fait valoir que les établissements ont répondu négativement, il ressort également de ce rapport que l'association a, dès le 9 août 2011, soit sept jours seulement après le début des recherches de reclassement, lancé tant la convocation de l'intéressée à l'entretien préalable au licenciement pour inaptitude médicale que celle en vue de la réunion du comité d'entreprise, et qu'elle a notifié à l'intéressée l'impossibilité de son reclassement par un courrier en date du 12 août avant même que sept des structures interrogées n'aient fait connaitre leur réponses, celles-ci ayant été finalement formulées, selon ce rapport, sur une période s'étalant du 3 août au 1er septembre 2011, soit après le dépôt auprès de l'inspecteur du travail de la demande d'autorisation de licenciement datée du 18 août 2011 ; que les éléments produits au dossier ne suffisent pas à établir que le reclassement de l'intéressée était impossible dans l'un au moins des nombreux établissements gérés par l'association, compte tenu des préconisations assez larges du médecin du travail et des qualifications de MmeA..., laquelle occupait un emploi d'agent hospitalier-auxiliaire de vie, largement répandu dans les établissements gérés par l'association Orsac ; que, dans ces conditions, et contrairement à ce que soutiennent en appel le ministre et l'association requérante, cette dernière ne peut être regardée comme ayant effectivement procédé à la recherche de reclassement qui lui incombait ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association Orsac n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision en litige du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'association Orsac la somme de 1 500 euros que Mme A...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que le syndicat CFDT santé sociaux Drôme Ardèche n'étant pas partie à la présente instance, ses conclusions présentées au titre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : L'intervention du syndicat CFDT santé sociaux Drôme Ardèche est admise.

Article 2 : La requête de l'association Orsac La Pousterle est rejetée.

Article 3 : L'association Orsac La Pousterle versera à Mme A...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par le syndicat CFDT santé sociaux Drôme Ardèche au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Orsac La Pousterle, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, à Mme B...A..., et au syndicat CFDT santé sociaux Drôme Ardèche.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2015 à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Segado, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 décembre 2015.

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N° 14LY00466


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY00466
Date de la décision : 10/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: M. Juan SEGADO
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : CABINET FOLLET-RIVOIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-12-10;14ly00466 ?
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