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03/12/2015 | FRANCE | N°15LY00362

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 03 décembre 2015, 15LY00362


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La compagnie Allianz IARD et le département de la Haute-Loire ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à leur verser respectivement les sommes de 448 734,78 euros et 156 563 euros, assorties des intérêts à compter du 5 mars 2005, en réparation de leurs préjudices résultant de l'incendie survenu le 5 mars 2005 dans l'immeuble sis 2 boulevard Bertrand à Vals-près-le Puy, donné à bail par le département à l'Etat et abritant le service d'économie agricole de la direction dépa

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Par un jugement n° 1100534 du 5 ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La compagnie Allianz IARD et le département de la Haute-Loire ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à leur verser respectivement les sommes de 448 734,78 euros et 156 563 euros, assorties des intérêts à compter du 5 mars 2005, en réparation de leurs préjudices résultant de l'incendie survenu le 5 mars 2005 dans l'immeuble sis 2 boulevard Bertrand à Vals-près-le Puy, donné à bail par le département à l'Etat et abritant le service d'économie agricole de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt.

Par un jugement n° 1100534 du 5 juin 2012, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Par un arrêt n° 12LY01841 du 6 juin 2013, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé ce jugement du 5 juin 2012 et renvoyé l'affaire devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand.

Par un jugement n° 1300876 du 2 décembre 2014, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande de la compagnie Allianz IARD et du département de la Haute-Loire.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 janvier 2015, la compagnie Allianz IARD et le département de la Haute-Loire, représentés par la SELAS Porcher et associés, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 2 décembre 2014 ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser respectivement les sommes de 448 734,78 euros et 156 563 euros, assorties des intérêts à compter du 5 mars 2005 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Ils soutiennent :

- qu'ils n'ont pas persisté à fonder leur action sur l'article 1733 du code civil mais qu'ils entendent engager la responsabilité de l'Etat pour faute contractuelle ;

- que c'est à tort que les premiers juges ont retenu que la pièce dans laquelle le feu s'est déclenché était inoccupée pour en déduire que la responsabilité de l'Etat n'était pas engagée, car la totalité de l'immeuble était à la seule disposition du locataire et son choix de ne pas occuper cette pièce lui a interdit de constater que l'installation électrique appelait une intervention, quelle que soit la personne à qui incombait la charge de ces travaux ;

- que le fait d'exiger que les travaux à entreprendre dans des lieux loués dans l'état dans lequel ils se trouvaient soient des travaux à la charge du propriétaire revient à renverser la charge de la preuve, alors que le contrat stipule expressément que le preneur est tenu de procéder aux réparations locatives ou de menu entretien définies par l'article 1754 du code civil, que le code civil met à la charge du locataire le remplacement des interrupteurs, prises de courant, coupe-circuits et fusibles, des ampoules, tubes lumineux, ainsi que la réparation et le remplacement des baguettes ou gaines de protection et que rien n'interdit à la juridiction administrative de s'inspirer de ce principe ; que l'administration locataire reconnaît ne pas avoir rempli ses obligations puisqu'elle ne conteste pas que la pièce où a débuté l'incendie était fermée et donc inoccupée ;

- que la société Allianz a droit à la somme de 448 734,78 euros, versée à son assuré, dans les droits duquel elle est subrogée en application de l'article L. 121-12 du code des assurances ;

- que le département a conservé à sa charge une somme de 156 563 euros pour vétusté, franchise et agencements.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 octobre 2015, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'Etat n'a commis aucune faute contractuelle ; les requérants ne se prévalent d'aucune obligation particulière au titre des réparations locatives et du menu entretien ; s'ils paraissent se fonder sur le décret n° 87-712 du 26 août 1987, ce décret est inapplicable au bien en cause ; ils n'établissent pas que l'Etat aurait méconnu son obligation au titre des éléments électriques ;

- aucun lien de causalité ne saurait être établi entre une éventuelle faute et le préjudice subi ;

- les conclusions de l'assureur sont irrecevables en tant qu'elles excèdent le montant versé au département, soit 439 724 euros ;

- le montant du préjudice ne peut être regardé comme certain ; le préjudice figurant dans le procès-verbal du 5 octobre 2005 est plus faible que celui figurant dans le rapport de clôture car il réintègre un montant au titre de la vétusté dite récupérable, sans explication, y compris pour le calcul des coûts de maîtrise d'oeuvre et la réactualisation des prix ; les honoraires d'expert visant à évaluer le préjudice ne sauraient être intégrés dans le préjudice, ils ont vraisemblablement été acquittés par l'assureur, ni le département, ni son assureur en tant que subrogé ne sauraient s'en prévaloir ;

- il existe des causes exonératoires de responsabilité pour l'Etat ; la survenance de l'incendie démontre que le département n'a pas respecté son obligation contractuelle d'assurer la parfaite sécurité des locaux et a manqué à son obligation de délivrer la chose en bon état de réparation au sens de l'article 1720 du code civil, en louant un bien équipé d'une installation électrique vétuste.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des assurances ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Samson-Dye, premier conseiller,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;

1. Considérant que le département de la Haute-Loire et son assureur, la compagnie Allianz IARD, relèvent appel du jugement du 2 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté, comme non-fondée, leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser respectivement les sommes de 156 563 euros et 448 734,78 euros en réparation de leurs préjudices résultant de l'incendie survenu le 5 mars 2005 dans l'immeuble donné à bail par le département à l'Etat et abritant le service d'économie agricole de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt ;

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Considérant tout d'abord, qu'il résulte de l'instruction que le département de la Haute-Loire, propriétaire de l'immeuble sis 2 boulevard Bertrand à Vals-près-le Puy, l'a donné à bail à l'Etat, par contrat applicable à compter du 15 mars 2004 ; que ce contrat présente, ainsi que l'a jugé la cour dans son arrêt du 6 juin 2013, le caractère d'un contrat administratif, puisqu'il porte sur l'occupation d'un bien du domaine public ; qu'il est constant que les dispositions de l'article 1733 du code civil, instituant une présomption de responsabilité du preneur en cas d'incendie, sont inapplicables au présent litige ; qu'ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'en leur demandant de prouver que le locataire avait commis une faute, les premiers juges ont renversé la charge de la preuve ;

3. Considérant, ensuite, qu'il ressort des stipulations du contrat que les parties ont entendu mettre à la charge de l'Etat les réparations locatives et le menu entretien correspondant à celles mentionnées à l'article 1754 du code civil ; que le rapport de clôture rédigé par la société Expertises Assurances mentionne que l'origine du sinistre, qui s'est déclenché dans une pièce inoccupée située dans les combles du deuxième étage, ne peut être déterminée avec exactitude mais précise que seul un sinistre d'origine électrique peut être la cause de l'incendie, tout en soulignant que l'installation électrique des combles, constituée de câbles sous tubes " Bergman ", est vétuste car datant d'une cinquantaine d'année ; que, dans ces conditions, et alors que la rénovation de l'installation électrique vétuste située dans les combles ne pouvait être regardée comme une obligation mise à la charge du preneur, de l'ordre de celles mentionnées à l'article 1754 du code civil auxquelles renvoyait le contrat, il ne résulte pas de l'instruction que le sinistre aurait été occasionné par un manquement de l'Etat à son obligation d'entretien ; qu'aucune faute présentant un lien de causalité avec le préjudice dont le propriétaire et son assureur demandent à être indemnisés ne peut lui être reprochée à cet égard ;

4. Considérant, enfin, que le choix du preneur de laisser inoccupée la pièce, située dans les combles du bâtiment, dans laquelle l'incendie a débuté, ne présente pas, par lui-même, de caractère fautif ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, alors que le propriétaire du bien avait vocation à connaître la vétusté de l'installation électrique des combles, qu'un incident précédant le sinistre aurait dû conduire le preneur à lui signaler la nécessité d'intervenir sur cette installation ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'aucune faute de l'Etat n'est établie ; que, dans ces conditions, le département de la Haute-Loire et son assureur ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande ; que leurs conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées, par voie de conséquence ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la compagnie Allianz IARD et du département de la Haute-Loire est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la compagnie Allianz IARD, au département de la Haute-Loire et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2015, où siégeaient :

- Mme Verley-Cheynel, président,

- M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,

- Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 décembre 2015.

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N° 14LY00768

N° 15LY00362 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY00362
Date de la décision : 03/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

17-03-02-05-02-01 Compétence. Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction. Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel. Responsabilité. Responsabilité contractuelle. Contrats administratifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : PORCHER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-12-03;15ly00362 ?
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