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01/12/2015 | FRANCE | N°14LY03404

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 01 décembre 2015, 14LY03404


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 19 septembre 2014 par lesquels le préfet de la Haute-Savoie a, d'une part, décidé qu'il sera remis aux autorités italiennes et, d'autre part, a prononcé sa mise en rétention pour une durée de cinq jours à compter du 19 septembre 2014.

Par un jugement n° 1407279 en date du 24 septembre 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé ce

s arrêtés du préfet de la Haute-Savoie, a enjoint à ce préfet d'admettre provisoirement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 19 septembre 2014 par lesquels le préfet de la Haute-Savoie a, d'une part, décidé qu'il sera remis aux autorités italiennes et, d'autre part, a prononcé sa mise en rétention pour une durée de cinq jours à compter du 19 septembre 2014.

Par un jugement n° 1407279 en date du 24 septembre 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé ces arrêtés du préfet de la Haute-Savoie, a enjoint à ce préfet d'admettre provisoirement M. A...au séjour au titre de l'asile dans le délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 500 euros au profit du conseil de M.A..., MeB..., sous réserve que M. A...obtienne l'aide juridictionnelle et que son conseil renonce à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 novembre 2014, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour d'annuler le jugement du 24 septembre 2014 en tant qu'il a annulé ces arrêtés, lui a enjoint d'admettre provisoirement M. A...au séjour au titre de l'asile dans le délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 500 euros au profit du conseil de M.A..., MeB..., sous réserve que M. A...obtienne l'aide juridictionnelle et que son conseil renonce à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Le préfet soutient que :

- à titre principal, M. A...ne peut être regardé comme ayant demandé la protection de la France ; que c'est dès lors à tort que le tribunal administratif lui a reproché d'avoir méconnu l'obligation d'enregistrer sa demande d'asile avant d'édicter les décisions contestées.

- à titre subsidiaire, la légalité de ses décisions ne peut être remise en cause ; il justifie de la compétence de leur signataire ; ses décisions répondent aux exigences de motivation de la loi du 11 juillet 1979 ; sa décision de placement en rétention est fondée car l'intéressé ne remplit pas les conditions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes propres à prévenir un risque de fuite.

Par un mémoire, enregistré le 28 octobre 2015, Mohamed A...représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 800 euros soit mise à la charge de l'Etat au profit de son conseil, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; il s'en rapporte à ses écritures de première instance.

Par décision du 3 novembre 2015, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. C...A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée à Schengen le 19 juin 1990 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mear, président-rapporteur,

- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public.

1. Considérant que M. C...A...ressortissant somalien, né le 1er janvier 1995, est entré irrégulièrement en France le 18 septembre 2014 et a le même jour fait l'objet d'une interpellation ; que, par arrêtés du 19 septembre 2014, le préfet de la Haute-Savoie a décidé, d'une part, qu'il sera remis aux autorités italiennes et, d'autre part, sa mise en rétention pour une durée de cinq jours à compter du 19 septembre 2014 ; qu'un accord de réadmission de M. A...a été prononcé le 19 septembre 2014 par les autorités italiennes ; que le préfet de Haute-Savoie relève appel du jugement du 24 septembre 2014 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a annulé ces arrêtés, lui a enjoint d'admettre provisoirement M. A...au séjour au titre de l'asile dans le délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 500 euros au profit du conseil de M.A..., MeB..., sous réserve que M. A...obtienne l'aide juridictionnelle et que son conseil renonce à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle ;

2. Considérant que, pour annuler la décision ordonnant que M. A...soit remis aux autorités italiennes, et, par voie de conséquence, la décision le plaçant en rétention le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a considéré que lors de son audition, le 19 septembre 2014, M. A...a sollicité l'asile et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait fait une demande d'asile dans un autre Etat membre ; qu'ainsi les dispositions des articles L. 741-2, L. 742-1, L. 741-4 et L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " font obstacle à ce que le préfet prenne une mesure d'éloignement à l'encontre de M. A...avant d'avoir statué sur cette demande d'admission au séjour déposée au titre de l'asile " ;

3. Considérant qu'il ressort du procès-verbal d'audition de M. A...établi le 19 septembre 2014 que ce dernier a notamment déclaré avoir quitté la Somalie parce " qu'il y a la guerre dans (son) pays et (sa) famille est menacée ", qu'il n'a pas l'intention de s'installer en France car " il veut aller en Allemagne " et qu'il " comptait demander l'asile en Allemagne " ; qu'eu égard au caractère très général des déclarations de M. A...sur ses craintes quant à un retour dans son pays d'origine, à son intention clairement exprimée de ne pas demeurer en France mais d'aller en Allemagne, et au caractère vague de son affirmation selon laquelle il comptait solliciter l'asile en Allemagne, il ne peut pas être regardé comme ayant formulé une demande d'asile lors de son audition ; qu'il n'a d'ailleurs formulé aucune demande d'asile lors de sa rétention ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur le motif que M. A...a déposé une demande d'asile pour annuler la décision de ce préfet ordonnant la remise de M. A...aux autorités italiennes et, par voie de conséquence, sa décision plaçant ce dernier en rétention ;

5. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens invoqués par M. A... devant le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon et devant la cour ;

6. Considérant, en premier lieu, que, par arrêté n° 2014213-0012 du 1er août 2014 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Haute-Savoie, le préfet de la Haute-Savoie, a donné à M. E...D..., directeur de la citoyenneté et des libertés publique, délégation pour signer les décisions de réadmission et de placement en rétention ; que M. D...avait ainsi compétence pour signer les décisions litigieuses ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de ces décisions ne peut qu'être écarté ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que M. A...ne pouvant être regardé comme ayant déposé une demande d'asile, l'intéressé ne peut utilement fait valoir qu'en application de l'arrêté du 7 avril 2010 portant régionalisation de l'admission provisoire au séjour des demandeurs d'asile dans la région Rhône-Alpes, le préfet de la Haute-Savoie n'aurait pas été compétent pour prendre cette même décision ;

8. Considérant, en troisième lieu, que la décision du 19 septembre 2014 par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a ordonné la remise de M. A...aux autorités italiennes vise la convention d'application de l'accord de Schengen et les dispositions des articles L. 531-1 et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle mentionne que M. A...est entré en France le 18 septembre 2014, en provenance directe d'Italie sans être titulaire des documents exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur et l'accord de réadmission de l'intéressé prononcé par les autorités italiennes le 19 septembre 2014 ; que, dès lors, M. A...n'est pas fondé à soutenir que cette décision est insuffisamment motivée ;

9. Considérant, en quatrième lieu, que la décision du 19 septembre 2014 par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a ordonné le placement en rétention de M. A...vise les dispositions des articles L. 551-1 1° à L. 555-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne que la décision de réadmission ne peut être exécutée sans délai compte tenu de la date de réadmission des autorités italiennes et que l'intéressé ne dispose pas de garanties de représentation dans la mesure où il est démuni de passeport et est sans domicile fixe en France ; que le moyen tiré d'une insuffisance de motivation doit dès lors être écarté ;

10. Considérant, en cinquième lieu, que M. A...étant dépourvu de passeport et ne disposant pas d'un domicile fixe en France, ne présentait pas de garanties de représentation ; que, par suite, son placement en rétention était justifié au regard des dispositions des articles L. 551-1, L. 554-1 et L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 19 septembre 2014 ordonnant la remise de M. A...aux autorités italiennes et ordonnant son placement en rétention, lui a enjoint d'admettre provisoirement au séjour M. A...au titre de l'asile dans le délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 500 euros à verser à l'avocat de M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que la demande présentée par le conseil de M. A...tendant à l'application au profit de son conseil des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peut qu'être rejetée dès lors que le requérant est partie perdante à l'instance ;

DECIDE :

Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 1407279 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 24 septembre 2014 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon et le surplus de ses conclusions présentées devant la cour sont rejetés.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C...A.... Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2015, à laquelle siégeaient :

Mme Mear, président,

Mme Terrade, premier conseiller,

Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.

Lu en audience publique le 1er décembre 2015.

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N° 14LY03404

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY03404
Date de la décision : 01/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-02-01-01 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité interne. Étrangers ne pouvant faire l`objet d`une OQTF ou d`une mesure de reconduite. Demandeurs d'asile.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEAR
Rapporteur ?: Mme Josiane MEAR
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : OUCHIA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-12-01;14ly03404 ?
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