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12/11/2015 | FRANCE | N°13LY02567

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 12 novembre 2015, 13LY02567


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...B...ont demandé au tribunal administratif de Lyon de leur accorder la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2006.

Par un jugement n° 1101775 du 4 juillet 2013, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 septembre 2013, et un mémoire, enregistré le 14 février 2014, M. et MmeB..., représentés par MeA..., demanden

t à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon, en date du 4 juillet 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...B...ont demandé au tribunal administratif de Lyon de leur accorder la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2006.

Par un jugement n° 1101775 du 4 juillet 2013, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 septembre 2013, et un mémoire, enregistré le 14 février 2014, M. et MmeB..., représentés par MeA..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon, en date du 4 juillet 2013 ;

2°) de leur accorder la décharge de l'imposition contestée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- M. B...a été licencié par la filiale suisse du groupe Intrum Justitia et non par sa filiale française, contrairement à ce qu'ont indiqué les premiers juges ;

- le protocole d'accord du 17 novembre 2006 a pour objet de réparer le préjudice moral et professionnel subi par M. B...lors de son licenciement par la filiale suisse du groupe Intrum Justitia, l'indemnité allouée constituant des dommages et intérêts en réparation de ce préjudice ;

- la qualification fiscale de l'indemnité versée à la suite de la rupture d'un contrat de travail revêt une dimension essentiellement factuelle, l'article 80 duodecies du code général des impôts ne régissant que l'imposition des indemnités versées pour compenser le préjudice résultant de la perte de revenu, celles versées pour compenser d'autres préjudices n'étant pas imposables ;

- en s'abstenant de procéder à une analyse des circonstances de l'espèce pour qualifier l'indemnité reçue comme il y était invité, le tribunal administratif n'a pas statué sur des moyens qui n'étaient pas inopérants ;

- les pièces versées au dossier établissent l'engagement d'une discussion formelle avec l'administration fiscale sur le traitement fiscal de l'indemnité allouée à M.B..., l'administration fiscale ayant pris une position formelle invocable sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

- le traitement social de l'indemnité par la société française Intrum Justitia SAS n'a pas été remis en cause, seule la fraction de 113 203 euros déclarée par cette société pouvant être imposée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2014, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les premiers juges se sont prononcés sans rechercher la qualification à donner aux sommes objet de la transaction en méconnaissance des principes fixés par la décision du Conseil constitutionnel du 20 septembre 2013 n° 2013-340 QPC entachant ainsi leur jugement d'une erreur de droit ;

- la somme taxée résultait d'une rupture négociée avec la société française Intrum Justitia SAS, les sociétés étrangères Intrum Justitia BV et Intrum Justitia suisse n'étant pas parties au litige, et entrait dans le champ d'application de l'article 80 duodecies du code général des impôts ;

- la circonstance que le montant porté sur la déclaration DADS de la société Intrum Justitia SAS pour l'année 2006 ne correspond pas au montant du rehaussement opéré est sans incidence sur l'imposition en litige ;

- seules les prises de position écrites et signées par un agent qualifié pour engager l'administration entrent dans le champ d'application des dispositions du 1° de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité du jugement attaqué du fait de la composition de la formation de jugement, le rapporteur public étant mentionné parmi les trois magistrats ayant siégé à l'audience.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pourny,

- et les conclusions de Mme Chevalier-Aubert, rapporteur public.

1. Considérant que M. B...a exercé des fonctions de direction au sein des filiales au Pays-Bas et en Suisse d'un groupe, dont la société mère est la société de droit suédois Intrum Justitia AB, jusqu'à son licenciement par la filiale suisse de ce groupe en 2005 ; qu'après avoir saisi le conseil de prud'hommes de Lyon d'une demande indemnitaire dirigée contre la société Intrum Justitia AB et sa filiale française, la société Intrum Justitia SAS, dont il avait été salarié jusqu'en 2001, il a obtenu, dans le cadre d'un protocole d'accord transactionnel conclu en 2006, le versement d'une somme de 358 490 euros ; que la société Intrum Justitia SAS, qui lui a versé cette indemnité, a porté à ce titre un montant de 113 203 euros dans sa déclaration annuelle de salaires, montant qui a été reporté par l'administration sur la déclaration préremplie - revenus 2006 - adressée à M. et Mme B...en 2007 ; que M. et MmeB..., estimant que l'indemnité perçue n'était pas imposable, au motif qu'elle était exclusivement représentative de dommages et intérêts, n'ont déclaré aucun revenu provenant de la société Intrum Justitia SAS et ont informé l'administration fiscale, par lettre du 28 mai 2007, de que ce montant de 113 203 euros n'avait pas à figurer sur leur déclaration de revenus ; qu'après avoir procédé à un contrôle sur pièces de leur dossier, l'administration fiscale a, selon la procédure contradictoire, soumis à l'impôt sur le revenu, sur le fondement de l'article 80 duodecies du code général des impôts, la moitié de l'indemnité de 358 490 euros perçue par M. B...; qu'en conséquence de cette rectification M. et Mme B... ont été assujettis à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu d'un montant de 51 718 euros au titre de l'année 2006 ; qu'ils relèvent appel du jugement du 4 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à la décharge de cette imposition ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 7 du code de justice administrative : " Un membre de la juridiction, chargé des fonctions de rapporteur public, expose publiquement, et en toute indépendance, son opinion sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu'elles appellent. " ; et qu'aux termes de l'article L. 10 du même code : " Les jugements sont publics. Ils mentionnent le nom des juges qui les ont rendus. " ;

3. Considérant que le jugement attaqué mentionne le nom d'un même magistrat comme s'étant prononcé publiquement en qualité de rapporteur public sur la demande de M. et Mme B..., lors de l'audience du 18 juin 2013, et comme ayant siégé lors du jugement de cette affaire à la même audience ; qu'il résulte de ces mentions, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, que la composition du tribunal administratif était de ce fait irrégulière ; que, par suite, le jugement attaqué doit être annulé ;

4. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme B...au tribunal administratif de Lyon ;

Sur le bien fondé des impositions :

5. Considérant que l'article 80 duodecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige, dispose que : " 1. Toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve (...) des dispositions suivantes. / Ne constituent pas une rémunération imposable : (...) 3° La fraction des indemnités de licenciement versées en dehors du cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi (...) qui n'excède pas : a) Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, ou 50 % du montant de l'indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de six fois le plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale en vigueur à la date du versement des indemnités ; (...) " ; qu'il résulte des termes mêmes de ces dispositions qu'à l'exception des indemnités qui y sont limitativement énumérées, toute somme perçue par le salarié à l'occasion de la rupture de son contrat de travail revêt un caractère imposable ;

6. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction M. B...a saisi le 26 octobre 2005 le conseil de prud'hommes de Lyon d'une action dirigée contre les sociétés Intrum Justitia SAS et Intrum Justitia AB afin d'obtenir l'indemnisation de divers préjudices subis du fait de son licenciement en faisant valoir que son contrat de travail français n'avait jamais été rompu et devait se poursuivre à l'issue de ses périodes d'expatriation et en demandant que la société Intrum Justitia AB soit reconnue comme étant son employeur et condamnée solidairement avec la société Intrum Justitia SAS ; qu'il a obtenu, en application d'un protocole d'accord transactionnel, le versement d'une somme d'un montant brut de 380 000 euros, présentée comme étant une " indemnité transactionnelle forfaitaire, globale et définitive, exclusivement représentative de dommages et intérêts en raison du préjudice moral, professionnel invoqué " et perçu un montant net de 358 490 euros ; que cette indemnité, eu égard à son objet, doit être qualifiée d'indemnité versée à l'occasion de la rupture d'un contrat de travail, au sens des dispositions de l'article 80 duodecies du code général des impôts, quand bien même elle répare des préjudices nés d'un licenciement prononcé par une société autre que celle qui en a intégralement assumé la charge ; qu'une telle indemnité est par suite imposable, sous réserve des exonérations limitativement énumérées à cet article, alors même qu'elle serait exclusivement représentative de dommages et intérêts ne compensant pas une perte de rémunération ; que le moyen tiré de ce que l'administration fiscale aurait imposé à tort une fraction de cette indemnité sur le fondement de l'article 80 duodecies du code général des impôts doit, par suite, être écarté ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que le traitement fiscal et social de l'indemnité par la société Intrum Justitia SAS est sans incidence sur son imposition à l'impôt sur le revenu au nom de M. et MmeB... ; que les requérants ne sauraient dès lors utilement faire valoir que cette société n'a porté qu'une somme de 113 203 euros dans sa déclaration annuelle de salaires pour soutenir que l'indemnité perçue n'est imposable qu'à hauteur de ce montant ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration " ; qu'aux termes de l'article L. 80 B du même code : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal " ; que s'il est constant que M. et Mme B...ont engagé une discussion avec le centre des impôts de Lyon sur le traitement fiscal de l'indemnité, ils n'établissent pas que l'administration fiscale aurait admis, ne serait-ce qu'oralement, le caractère non imposable de cette indemnité ; que, dès lors, le moyen tiré de l'application des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales doit également être écarté ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à demander la décharge des impositions susvisées ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à M. et Mme B...une somme au titre des frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1101775 du tribunal administratif de Lyon, en date du 4 juillet 2013, est annulé.

Article 2 : La demande de M. et Mme B...est rejetée.

Article 3 : Les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2015 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

M. Pourny, président-assesseur,

Mme Bourion, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 novembre 2015.

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N° 13LY02567


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY02567
Date de la décision : 12/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

54-06-03 Procédure. Jugements. Composition de la juridiction.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. François POURNY
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : MOULINIER, DULATIER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-11-12;13ly02567 ?
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