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05/11/2015 | FRANCE | N°14LY00001

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 05 novembre 2015, 14LY00001


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une somme totale de 938 610 euros en réparation des conséquences dommageables de sa contamination par le virus de l'hépatite C et de lui rembourser intégralement les frais médicaux restant à sa charge ainsi que l'ensemble des frais futurs nécessaires à son état.

La caisse primaire d'assurance

maladie du Rhône a demandé au tribunal de condamner l'ONIAM à lui verser une somm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une somme totale de 938 610 euros en réparation des conséquences dommageables de sa contamination par le virus de l'hépatite C et de lui rembourser intégralement les frais médicaux restant à sa charge ainsi que l'ensemble des frais futurs nécessaires à son état.

La caisse primaire d'assurance maladie du Rhône a demandé au tribunal de condamner l'ONIAM à lui verser une somme de 189 065 euros au titre des prestations servies à la victime et de mettre à sa charge une somme de 980 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

La caisse primaire d'assurance maladie du Rhône s'est désistée de sa demande présentée à l'encontre de l'ONIAM et a demandé au tribunal de condamner l'Etablissement français du sang (EFS) à lui verser les sommes de 430 637 ,43 euros au titre des prestations servies à la victime et de 1 015 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Par un jugement n° 1104076 du 22 octobre 2013, le tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône tendant à la condamnation de l'Etablissement français du sang.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 janvier 2014, présentée pour la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, représentée par son directeur en exercice, dont le siège est 12 rue d'Aubigny à Lyon (69003), il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1104076 du 22 octobre 2013 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à ce que l'Etablissement français du sang (EFS) soit condamné à lui verser une indemnité de 430 637,43 euros au titre des prestations servies à son assuré, M. B...A..., à la suite de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

2°) de prononcer la condamnation demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etablissement français du sang (EFS) une indemnité forfaitaire de 1 015 euros et la somme de 2 500 euros, au titre des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est fondée à se prévaloir, au soutien de ses conclusions dirigées contre l'EFS, de la présomption instituée par les dispositions de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002, qui est constituée dès lors qu'un faisceau d'éléments confère à l'hypothèse d'une origine transfusionnelle de la contamination, compte tenu de l'ensemble des éléments disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; en vertu de la loi du 21 janvier 1952, modifiée par la loi du 2 août 1961, les centres de transfusion sanguine ont le monopole des opérations de contrôle médical des prélèvements sanguins, du conditionnement et de la fourniture aux utilisateurs de produits sanguins ;

- il résulte de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Lyon un faisceau d'indices démontrant l'origine transfusionnelle de la contamination de M.A..., en l'absence d'autres facteurs de risque de contamination et eu égard au génotype viral trouvé, qui présente une prévalence plus grande dans les contaminations par transfusion ; l'EFS n'a pas apporté la preuve contraire ;

- les dispositions des articles L. 1221-14 alinéa 7 et L. 3122-4 du code de la santé publique concernent le recours subrogatoire ouvert à l'ONIAM mais en aucun cas à celui de l'organisme social, prévu à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

- elle est fondée à demander le remboursement des prestations versées à son assuré au titre des dépenses de santé, de la perte de gains professionnels et de l'incidence professionnelle.

Par un mémoire, enregistré le 17 mars 2014, présenté pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), il conclut à sa mise hors de cause, au rejet de la requête, et à ce que soit mise à la charge de tout succombant la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- aucune demande n'étant formulée à son encontre par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, qui s'est désistée de sa demande formulée initialement contre l'Office en première instance, il doit être mis hors de cause ;

- la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, en sa qualité de tiers payeur, ne dispose d'aucun recours contre l'ONIAM, dont la mission d'indemnisation intervient au titre de la solidarité nationale, et qui n'est pas intervenu, en l'espèce, en substitution de l'EFS, dès lors que la procédure initiée par M. A... l'a été postérieurement au 1er juin 2010.

Par un mémoire, enregistré le 15 octobre 2014, présenté pour l'Etablissement français du sang (EFS), il conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que le recours de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône relève des dispositions législatives issues de la loi du 17 décembre 2012 qui ont modifié l'article

L. 1221-14 du code de la santé publique, dont il résulte que les tiers payeurs ne peuvent exercer d'action subrogatoire contre l'EFS si l'établissement de transfusion n'est pas assuré, si sa couverture d'assurance est épuisée ou dans le cas où le délai de validité de sa couverture est expiré, et qu'en l'espèce, au regard de l'ancienneté de la transfusion et la date du premier recours, aucun recours contre l'assureur, contre lequel la victime n'a exercé aucune action directe, ne peut être espéré, et aucune faute n'a été mise à la charge de l'EFS.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, par une lettre du 15 septembre 2015, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône tendant à la condamnation de l'EFS, en qualité de responsable du dommage, à rembourser les débours exposés, dès lors que de telles conclusions, émanant d'un organisme n'ayant pas la qualité de partie à l'instance opposant la victime à l'ONIAM et tendant à une indemnisation au titre de la solidarité nationale, relèvent d'un litige distinct.

Par un mémoire enregistré le 28 septembre 2015, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, elle maintient les conclusions de sa requête et soutient en outre, en réponse à la lettre du 15 septembre 2015, que sa requête est recevable, dès lors qu'elle dispose d'un recours de nature subrogatoire en vertu des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, et en cette qualité d'un droit qui lui est propre à l'encontre de l'Etablissement français du sang, et qu'elle dispose bien de la qualité de partie à l'instance et n'agit pas dans le cadre d'un litige distinct mais ne fait que soumettre au juge une question dont il était déjà saisi, en l'espèce l'origine de la contamination.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005 relative aux établissements publics nationaux à caractère sanitaire et aux contentieux en matière de transfusion sanguine ;

- la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 ;

- la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

- la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 ;

- le décret n° 2010-251 du 11 mars 2010 ;

- le décret n° 2010-252 du 11 mars 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 15 octobre 2015 :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Michaud, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.

1. Considérant que M. B...A..., gravement blessé le 4 mai 1976 de quatre balles à l'abdomen ayant entrainé des hémorragies abdomino-pleuro-pulmonaires, a été pris en charge par le centre hospitalier d'Annecy où il a bénéficié d'une transfusion de plusieurs flacons de sang ; qu'en 1991 il s'est révélé contaminé par le virus de l'hépatite C ; que la maladie a évolué défavorablement, malgré les traitements, pour atteindre, en juin 2008 un stade de cirrhose non décompensée avec carcinome hépatocellulaire imposant une transplantation hépatique en août 2009 ; que l'intéressé est décédé le 21 février 2012 ; que son épouse et ses enfants ont, le 17 septembre 2012, repris l'instance qu'il avait engagée le 27 juin 2011, tendant à la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à l'indemniser des préjudices résultant de cette contamination ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône qui, dans le cadre de cette instance, avait formé initialement des conclusions tendant à la condamnation de l'ONIAM dont elle s'est ultérieurement désistée, a ensuite conclu à la condamnation de l'Etablissement français du sang (EFS) à lui rembourser les débours exposés pour le compte de son assuré en conséquence de la contamination de celui-ci ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône fait appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 22 octobre 2013 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etablissement français du sang (EFS) ;

2. Considérant qu'en confiant à l'ONIAM, établissement public à caractère administratif de l'Etat placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé, la mission d'indemniser, selon une procédure amiable exclusive de toute recherche de responsabilité, les dommages subis par les victimes de contamination transfusionnelle par le VHC, dans la mesure où ces dommages ne sont pas couverts par les prestations versées par les tiers payeurs et sans préjudice de l'exercice par l'office d'un recours subrogatoire contre " la personne responsable ", le législateur a institué aux articles L. 1142-22 et L. 1221-14 du code de la santé publique un dispositif assurant l'indemnisation des victimes concernées au titre de la solidarité nationale ; qu'il s'ensuit que, dans l'exercice de la mission qui lui est confiée par ces articles, l'ONIAM est tenu d'indemniser les intéressés au seul titre de la solidarité et non en qualité d'auteur responsable ; qu'il en résulte que les recours subrogatoires des tiers payeurs ayant versé des prestations à la victime d'un dommage corporel, organisés notamment par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, ne peuvent être exercés contre l'ONIAM lorsque celui-ci a pris en charge la réparation de ce dommage au titre de la solidarité nationale ; qu'en revanche, les tiers payeurs peuvent exercer leur recours subrogatoire contre l'EFS en sa qualité de responsable du dommage ; que par ailleurs, il n'appartient pas au juge saisi d'un litige relatif à l'indemnisation d'un dommage au titre de la solidarité nationale, qui peut, s'il l'estime utile pour le règlement du litige, diligenter des mesures d'instruction auprès des tiers-payeurs, d'appeler en la cause, par principe et sous peine d'irrégularité du jugement, lesdits tiers-payeurs dans un litige relatif à la réparation des préjudices par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale ;

3. Considérant que la demande présentée par M.A..., puis reprise par ses ayants droit, tendait à la réparation par l'ONIAM, au titre de la solidarité nationale, des préjudices résultant de la contamination de l'intéressé par le virus de l'hépatite C ; que, dès lors, les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, laquelle n'avait pas la qualité de partie à l'instance, et tendant à la condamnation de l'EFS en qualité de responsable du dommage, ce dernier n'ayant pas davantage la qualité de partie, à rembourser les débours exposés, relevaient d'un litige distinct ; que, par suite, elles étaient irrecevables ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'EFS ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à la condamnation de l'EFS au versement de l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés à l'occasion de la présente instance par l'EFS et non compris dans les dépens ;

6. Considérant que les conclusions de l'ONIAM tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, qui ne sont dirigées contre aucune des parties à l'instance, ne sont pas recevables ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône et les conclusions de l'ONIAM tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 2 : La caisse primaire d'assurance maladie du Rhône versera la somme de 1 500 euros à l'EFS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, à l'Etablissement français du sang (EFS) et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM).

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2015 à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 novembre 2015.

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N° 14LY00001


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY00001
Date de la décision : 05/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-05 Responsabilité de la puissance publique. Recours ouverts aux débiteurs de l'indemnité, aux assureurs de la victime et aux caisses de sécurité sociale.


Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : GF AVOCATS -SELARL DE LA GRANGE ET FITOUSSI

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-11-05;14ly00001 ?
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