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29/10/2015 | FRANCE | N°14LY02587

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 29 octobre 2015, 14LY02587


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du préfet de la Loire du 18 février 2014 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit d'office.

Par un jugement n° 1402762 du 2 juillet 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 août 20

14, M.C..., représenté par

Me Lawson-Body, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 2 ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du préfet de la Loire du 18 février 2014 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit d'office.

Par un jugement n° 1402762 du 2 juillet 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 août 2014, M.C..., représenté par

Me Lawson-Body, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 2 juillet 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 février 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de cette notification et de lui délivrer, dans l'intervalle, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'insuffisance de motivation ;

- le refus de titre de séjour a été signé par une autorité incompétente ;

- ce refus est insuffisamment motivé tant au regard de sa vie privée que de sa situation médicale ;

- il est entaché d'une irrégularité de procédure, l'avis médical ayant été rendu non pas par un médecin de l'agence régionale de santé mais par un médecin inspecteur de santé publique ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les dispositions du 11° du même article L. 313-11 ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi sont illégales, du fait de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- la décision fixant le pays de destination est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle et méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été notifiée au préfet de la Loire qui n'a pas produit d'observations.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 octobre 2014.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Meillier, rapporteur.

1. Considérant que M. B...C..., ressortissant de la République démocratique du Congo né en 1982, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 16 mai 2010, selon ses déclarations ; que sa demande d'asile a été rejetée le 30 juin 2011 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, puis le 2 mars 2012 par la Cour nationale du droit d'asile ; que sa demande de réexamen a également été rejetée le 14 septembre 2012 par cet Office puis le 9 octobre 2013 par la Cour nationale du droit d'asile ; que l'intéressé a présenté le 19 septembre 2013 une demande d'admission au séjour en qualité d'étranger malade ; que, par arrêté du 18 février 2014, le préfet de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a désigné le pays vers lequel il pourra être reconduit d'office ; que, par jugement du 2 juillet 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de l'intéressé tendant à l'annulation de cet arrêté ; que M. C... relève appel de ce jugement ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ;

3. Considérant que pour refuser de délivrer à M. C...un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Loire a relevé que, par avis rendu le 21 novembre 2013, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il n'existe pas de traitement approprié dans le pays d'origine et que les soins doivent, en l'état actuel, être poursuivis pendant douze mois ; que l'arrêté attaqué précise qu'aucune pièce du dossier de M. C...ne vient utilement contredire cet avis et qu'ainsi l'intéressé ne remplit pas les conditions d'attribution d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4. Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux établis les 16 août 2013 et 10 mars 2014 par le docteur Bouley, du centre médico-psychologique du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne, que M. C...est suivi, depuis le mois de mai 2011, par ce centre pour un syndrome de stress post-traumatique, caractérisé par des troubles du sommeil persistants, une hyper-vigilance et un sentiment de persécution et accompagné de symptômes dépressifs ; que ces certificats médicaux précisent que ces troubles nécessitent un accompagnement psychologique spécialisé ainsi qu'un traitement psychotrope quotidien et que le patient présente un risque de passage à l'acte suicidaire ; qu'il résulte des ordonnances produites pour la première fois en appel que, comme le confirme le Dr A...dans un certificat médical en date du 23 juillet 2014, l'intéressé est effectivement pris en charge en France depuis 2011 et que plusieurs médicaments, et notamment des tranquillisants, des antidépresseurs et des somnifères, lui sont prescrits depuis cette date ; qu'en outre, les certificats établis les 11 mars et 27 juillet 2014 par le DrA..., médecin généraliste, font état d'une hypertension artérielle sévère, pour laquelle M. C...s'est vu prescrire depuis 2012 un traitement dont l'arrêt pourrait entraîner des conséquences gravissimes ; qu'il résulte de l'ensemble de ces pièces médicales que, contrairement à ce qu'a indiqué dans son avis le médecin de l'agence régionale de santé, l'interruption de la prise en charge médicale nécessitée par l'état de santé de l'intéressé pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que le préfet de la Loire ne conteste pas que, comme l'a indiqué le médecin de l'agence régionale de santé, les traitements médicaux nécessaires à M. C... n'existent pas en République démocratique du Congo ; que, dès lors, le requérant est fondé à soutenir que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que l'illégalité de ce refus entraîne, par voie de conséquence, celle des mesures l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; que le juge de l'injonction, saisi de conclusions présentées au titre de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, est tenu de statuer sur ces conclusions en tenant compte de la situation de droit et de fait existant à la date de sa décision ;

7. Considérant qu'eu égard au motif sur lequel il se fonde, et alors que les certificats médicaux précités précisent que les soins requis par l'état de santé de l'intéressé doivent être poursuivis " sur le long terme, voire très long terme ", s'agissant des troubles psychiques, ou " à vie ", s'agissant de l'hypertension, le présent arrêt, qui annule le refus de titre de séjour, implique nécessairement que le préfet de la Loire délivre à l'intéressé une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre à l'autorité préfectorale de délivrer un tel titre de séjour à M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la requête tendant à ce que cette injonction soit assortie d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Lawson-Body, avocat de M.C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement d'une somme de 1 000 euros à Me Lawson-Body au titre des frais exposés devant la cour et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'arrêté du préfet de la Loire du 18 février 2014 refusant la délivrance d'un titre de séjour à M.C..., obligeant ce dernier à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit d'office ainsi que le jugement n° 1402762 du 2 juillet 2014 du tribunal administratif de Lyon sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Loire de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à M. C...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me Lawson-Body au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Lawson-Body renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 8 octobre 2015 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

M. Pourny, président-assesseur,

M. Meillier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 octobre 2015.

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N° 14LY02587


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY02587
Date de la décision : 29/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Charles MEILLIER
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : LAWSON- BODY

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-10-29;14ly02587 ?
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