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22/10/2015 | FRANCE | N°13LY02599

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 22 octobre 2015, 13LY02599


Vu la requête, enregistrée le 4 octobre 2013, présentée pour le syndicat intercommunal pour l'assainissement de la moyenne vallée du Gier (SIAMVG), dont le siège est 18 rue Louis Pasteur, BP 4 à La Grand'Croix (42420) ;

Le SIAMVG demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101442 du 16 juillet 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon l'a condamné à verser à la société civile immobilière (SCI) Immolangue la somme de 39 108,13 euros ;

2°) de rejeter la demande de la SCI Immolangue et de la société Construction Benne Service (CBS) devant le

tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de la SCI Immolangue une somme ...

Vu la requête, enregistrée le 4 octobre 2013, présentée pour le syndicat intercommunal pour l'assainissement de la moyenne vallée du Gier (SIAMVG), dont le siège est 18 rue Louis Pasteur, BP 4 à La Grand'Croix (42420) ;

Le SIAMVG demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101442 du 16 juillet 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon l'a condamné à verser à la société civile immobilière (SCI) Immolangue la somme de 39 108,13 euros ;

2°) de rejeter la demande de la SCI Immolangue et de la société Construction Benne Service (CBS) devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de la SCI Immolangue une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- il a fait réaliser des travaux en 1980 pour assurer la collecte des eaux usées des communes adhérentes ; sur la section du Gier concernée par le litige a été installé un collecteur d'eaux usées et pluviales dans le lit de la rivière, sous la forme de tuyaux de 1 200 mm de diamètre ; dans la nuit du 1er au 2 novembre 2008, près de trente ans après lesdits travaux, suite à des intempéries particulièrement fortes, le mur de soutènement de la propriété de la SCI Immolangue s'est effondré ;

- les premiers juges ont, à tort, considéré, pour retenir sa responsabilité, que cet effondrement est imputable à la seule présence de la canalisation dans le lit de la rivière, qui aurait aggravé les phénomènes d'érosion et serait constitutif d'un dommage anormal et spécial ;

- les premiers juges ont, à tort, retenu, pour établir le lien de causalité entre les désordres et l'ouvrage public, le rapport de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif et le rapport de la direction départementale des territoires (DDT), alors que l'expertise comporte des erreurs sur le diamètre de la canalisation, que ses conclusions ne reposent sur aucune étude technique et que le rapport de la DDT ne conclut pas à l'imputabilité des désordres à la seule présence de la canalisation ; en ce qui concerne l'expertise, l'expert a tenu compte d'une canalisation d'un diamètre de 2 000 mm, occupant entre 25 % et 35 % du lit du Gier, ce qui est erroné ; les juges ont d'ailleurs retenu 1 200 mm mais n'en ont pas tiré les conséquences sur l'occupation du lit de la rivière alors qu'une canalisation près de deux fois plus petite ne peut pas occuper le même volume ; les conclusions de l'expert sur le phénomène d'érosion des berges ne reposent sur aucune étude hydraulique permettant de démontrer le rôle causal de la canalisation posée dans le lit du Gier, l'expert se bornant à mentionner une formule théorique et l'application de celle-ci au cas d'espèce étant contestée par l'expert de l'assureur Groupama ; l'expertise n'établit pas en quoi la dégradation constatée des berges est anormale et accélérée ; le rapport de la DDT explique la conception de la pose de l'ouvrage, mais n'évoque pas l'imputabilité des désordres ;

- c'est à tort que n'a pas été retenu le cas de force majeure, alors qu'un arrêté portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle a été pris pour la commune de Lorette le 24 décembre 2008 et que l'expert reconnaît que les crues de 2008, avec entretien ou non, auraient entrainé ce sinistre ;

- les fautes commises par la SCI Immolangue sont exonératoires de responsabilité ; il y a lieu de retenir une exonération totale pour le syndicat alors que le Tribunal a retenu une responsabilité d'Immolangue de 70 % ; en effet, la présence de végétation abondante à l'origine de l'effondrement du mur résulte du défaut d'entretien des berges imputable à la SCI Immolangue, de même que le défaut d'entretien du mur ;

- de travaux ont été réalisés, qui ont rétréci le lit et donc ayant modifié la topographie du cours d'eau ;

- des pluies abondantes se sont produites, en présence de la même canalisation, et n'ont provoqué aucun effondrement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 janvier 2014, présenté pour la SCI Immolangue et la société Construction Benne Service (CBS) qui concluent :

- au rejet de la requête ;

- à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a limité à 39 108,13 euros l'indemnité due ;

- à la condamnation du SIAMVG à leur verser une somme de 55 867,84 euros ;

- à la mise à la charge du SIAMVG d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elles soutiennent que :

- un collecteur et une canalisation de forte section de 2 000 mm appartenant au SIAMVG, implantée dans le lit du Gier, ayant eu un rôle causal dans l'effondrement du mur de soutènement, ont indirectement augmenté le débit du Gier en rétrécissant ce dernier, provoquant une augmentation du courant, une érosion des berges, puis l'affaissement et la destruction du mur soutenant ces dernières ;

- selon l'expert, l'impact hydraulique de la pose de la canalisation dans le Gier n'a jamais été étudié ni soulevé, le maître d'ouvrage s'étant borné à suivre les préconisations de la maîtrise d'oeuvre sans comprendre les conséquences des choix ; le manque d'entretien du mur n'a pas semblé grave à la DDE lors d'un diagnostic en 2003 ; seuls 15 % du sinistre sont attribuables au manque d'entretien ; la canalisation de 2 000 mm neutralise 25 % de la section du Gier et, en piégeant des sédiments, a entraîné une surélévation de la hauteur de l'eau qui s'est reportée sur la rive opposée, provoquant une érosion anormale ;

- l'expert a réfuté les hypothèses sur l'enrochement en rive gauche et l'obstruction de l'arche de décharge présente sous le pont Max Dormoy ;

- le rétrécissement en aval n'expliquerait qu'une augmentation de la montée des eaux en amont et pas le resserrement du lit du Gier où l'effondrement a été constaté ;

- la DDT et le SIAMVG ne démontrent pas que la surélévation de 30 cm de la plate-forme aurait entraîné l'impossibilité pour le Gier de franchir l'arche de décharge du pont Max Dormoy ; le rapport de la DDT ne se base pas sur un calcul hydraulique ;

- l'expert a estimé que les précipitations revêtaient une fréquence trentenale ; elles ne peuvent pas être rattachées à un cas de force majeure ;

- la canalisation et l'ouvrage public ne sont pas hors de cause car ils ont renvoyé les courants vers les berges de la propriété d'Immolangue ;

- l'entretien d'un mur ne signifie pas réfection complète régulièrement ni reconstruction périodique ; l'ouvrage public a aggravé les causes d'érosion ;

- dans le cas d'une responsabilité sans faute, les deux entreprises doivent seulement démontrer l'imputabilité ;

- l'encombrement du lit quel que soit le diamètre de la canalisation a eu une influence sur la largeur du lit étroit du Gier, à cet endroit ;

- le collecteur est décalé et occupe une partie du lit ; le collecteur et la canalisation font obstacle au libre passage de l'eau ;

- la cote de placement du collecteur a été mal calculée car ne tenant pas compte des crues de la rivière ; le niveau de l'eau atteint rapidement la hauteur du collecteur, ce qui réduit la largeur du lit ;

-le SIAMVG s'est rendu compte des nuisances du collecteur et a décidé de le supprimer ;

- elles sont d'accord sur le partage de responsabilité avec une atténuation de responsabilité du SIAMVG à hauteur de 70 % pour un montant de 186 229,16 euros mais indiquent que le collecteur a été à l'origine d'autres effondrements ;

- pour la détérioration d'un mur par des travaux publics, il n'y a pas lieu, en principe, d'appliquer un coefficient de vétusté ; le Tribunal a appliqué un coefficient de vétusté pour mauvais entretien du mur et a sanctionné ainsi deux fois le défaut d'entretien car il en a aussi tenu compte dans l'imputation de la responsabilité ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 juin 2014, présenté pour le SIAMVG qui maintient ses conclusions par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que :

- la jurisprudence sur les barrages citée par les intimées n'est pas transposable en l'espèce car la canalisation en cause n'est pas à l'origine de l'inondation, le débat portant sur un ouvrage encombrant le lit de la rivière et ayant contribué à le rétrécir avec un déport de l'énergie du courant sur la rive droite aggravant les phénomènes d'érosion ;

- le rapport d'expertise n'est pas suffisant pour établir un lien de causalité entre les désordres et l'ouvrage public alors que le rapport hydraulique qu'il a commandé démontre que le collecteur a une incidence globalement positive sur les vitesses d'écoulement du Gier en cas de crues et que la reverse des eaux due au collecteur reste inférieure à la crête du mur et ne peut contribuer à la " surverse " des eaux à l'arrière du mur de soutènement ;

Vu l'ordonnance du 2 juin 2014 fixant au 20 juin 2014 la date de clôture de l'instruction et l'ordonnance du 20 juin 2014 reportant cette date au 11 juillet 2014 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience :

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 février 2015 :

- le rapport de Mme Cottier, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

- et les observations de Me B...et de MeA..., avocats du syndicat intercommunal pour l'assainissement de la moyenne vallée du Gier ;

1. Considérant que la société civile immobilière (SCI) Immolangue est propriétaire d'un terrain situé dans la zone industrielle de Serve Bourdon, à Lorette (Loire), en bordure du Gier, ainsi que de bâtiments qui y sont construits, donnés en location à la société Construction Benne Service (CBS) ; que le 2 novembre 2008, à la suite de fortes pluies, le Gier a débordé de son lit ; que sous la poussée des eaux, une partie du mur de soutènement des berges, appartenant à la SCI Immolangue, a cédé et une partie du terrain s'est affaissée avant de s'effondrer ; que par jugement du 16 juillet 2013, le Tribunal administratif de Lyon a condamné le syndicat intercommunal pour l'assainissement de la moyenne vallée du Gier (SIAMVG) à verser à la SCI Immolangue une somme de 39 108,13 euros en réparation des conséquences de ce sinistre ; que le SIAMVG relève appel de ce jugement ; que les sociétés Immolangue et CBS demandent, par la voie de l'appel incident, que la somme allouée soit portée à 55 867,84 euros ;

2. Considérant que selon l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif, le dommage causé à la propriété de la SCI Immolangue est imputable à une canalisation, soutenue par des plots de lestage et complétée d'épis en enrochements de stabilisation, d'une section de 2 000 mm, implantée par le SIAMVG dans le lit du Gier, sur la rive opposée à celle que longe cette propriété, occupant entre 25 et 35 % du lit de la rivière ; que la présence de cet ouvrage a accentué l'encombrement du lit de la rivière par des sédiments et de la végétation et a contribué à rétrécir le lit du cours d'eau dont l'étiage moyen s'est surélevé avec un déport de l'énergie du courant vers la rive droite aggravant les phénomènes d'érosion des berges ;

3. Considérant que le SIAMVG produit, pour la première fois en appel, un rapport d'expertise hydraulique, du 20 décembre 2013, selon lequel la présence de la canalisation implantée dans la rivière, d'une section de 1 200 mm seulement, a eu une " incidence globalement positive sur les vitesses d'écoulement du Gier en cas de crue ", et n'a " pas contribué à la surverse des eaux à l'arrière du mur de soutènement " ;

4. Considérant que ces éléments contradictoires ne permettent pas de déterminer si le dommage est imputable au SIAMVG et, le cas échéant, dans quelle proportion ; que, dès lors, il y a lieu d'ordonner une expertise, aux fins et selon les modalités définies ci-après ;

DECIDE :

Article 1er : Il sera, avant de statuer sur la requête du SIAMVG, procédé à une expertise, en présence de la SCI Immolangue et de la société CBS. L'expert aura pour mission :

- d'entendre les parties et de prendre connaissance de tous les documents fournis par elles ;

- de procéder à la visite des lieux ;

- de décrire l'état de la rivière Le Gier au droit de la propriété de la SCI Immolangue les 1er et 2 novembre 2008 ;

- d'indiquer si, à son avis, le dommage à la propriété de la SCI Immolangue est imputable aux équipements mis en place dans le lit du Gier par le SIAMVG et, le cas échéant, dans quelle proportion ;

- d'évaluer le dommage ;

- de faire toutes constatations utiles.

Article 2 : L'expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il ne pourra recourir à un sapiteur sans l'autorisation préalable du président de la Cour.

Article 3 : Préalablement à toute opération, l'expert prêtera serment dans les formes prévues à l'article R. 621-3 du code de justice administrative.

Article 4 : L'expert avertira les parties conformément aux dispositions de l'article R. 621-7 du code de justice administrative.

Article 5 : L'expert communiquera un pré-rapport aux parties, en vue d'éventuelles observations, avant l'établissement de son rapport définitif.

Article 6 : L'expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 et R. 621-14 du code de justice administrative.

Il déposera son rapport au greffe en deux exemplaires dans le délai qui sera fixé par le président de la Cour.

Des copies de son rapport seront notifiées par l'expert aux parties. Avec leur accord, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique. L'expert justifiera auprès de la Cour de la date de réception de son rapport par les parties.

Article 7 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat intercommunal pour l'assainissement de la moyenne vallée du Gier, à la SCI Immolangue et à la société Construction Benne Service.

Délibéré après l'audience du 19 février 2015, à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 mars 2015.

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N° 13LY02599 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY02599
Date de la décision : 22/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics - Conditions de fonctionnement de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SCP DEYGAS-PERRACHON-BES et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-10-22;13ly02599 ?
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