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22/10/2015 | FRANCE | N°13LY02448

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 22 octobre 2015, 13LY02448


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le 15 décembre 2011, Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 25 août 2011 du président du conseil général de la Drôme prononçant son licenciement, d'enjoindre audit département de la réintégrer dans ses fonctions à compter du 25 août 2011 avec rétablissement de sa rémunération et de mettre à la charge du département de la Drôme une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1106717

du 4 juillet 2013, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision de licenci...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le 15 décembre 2011, Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 25 août 2011 du président du conseil général de la Drôme prononçant son licenciement, d'enjoindre audit département de la réintégrer dans ses fonctions à compter du 25 août 2011 avec rétablissement de sa rémunération et de mettre à la charge du département de la Drôme une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1106717 du 4 juillet 2013, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision de licenciement du 25 août 2011 du président du conseil général de la Drôme, a enjoint audit président de poursuivre l'exécution du contrat de travail du 25 août 2011 au 25 juin 2012, de verser à Mme B...une somme représentative de la rémunération qu'elle devait percevoir au cours de cette période dans les conditions fixées au considérant n° 4 du jugement et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour :

Par requête n° 13LY02448, enregistrée le 10 septembre 2013, le département de la Drôme demande à la cour :

1°) à titre principal d'annuler le jugement n° 1106717 du 4 juillet 2013 ;

2°) de rejeter la demande de Mme B...;

3°) à titre subsidiaire de réformer l'article 2 du jugement du 4 juillet 2013 en tant qu'il a enjoint au président du conseil général de la Drôme de verser à Mme B...une somme représentative de la rémunération qu'elle devait percevoir au cours de la période courant du 25 août 2011 au 25 juin 2012 ;

4°) de mettre à la charge de Mme B...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- ce jugement est irrégulier dès lors que la minute du jugement ne comporte pas les signatures du président de formation, du rapporteur et du greffier ;

- ce jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont retenu pour annuler la décision du 25 août 2011 le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 37 du décret du 15 février 1988 sur son droit à prendre connaissance de son dossier alors que ce moyen n'était pas soulevé par la requérante ;

- Mme B...a été convoquée à un entretien préalable au licenciement par courrier recommandé avec accusé de réception et qu'elle doit être regardée comme ayant reçu notification de ce courrier le 13 août 2011 dès lors qu'il existe une preuve du dépôt de pli le 12 août 2011, une présentation du pli à son domicile le 13 août 2011 tel qu'il ressort de l'avis de réception postal qui ne saurait être sérieusement contestée eu égard aux mentions de suivi des lettres recommandées sur une attente d'un retrait de ce pli au guichet de Montélimar le 13 août 2011, l'existence d'un avis de passage du facteur pour ce pli compte tenu que Mme B... a mentionné le numéro de ce pli recommandé figurant sur cet avis de passage dans sa demande de 1ère instance avant toute production de telles données par les services départementaux, la conservation pendant 15 jours par la Poste et le retour comme " non réclamé " de ce pli aux services départementaux ;

- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas retenu que Mme B...n'a pas été avisée en son absence de la mise en instance du pli recommandé ;

- l'avis de réception postal mentionne clairement une présentation le 13 août 2011 et les mentions ne sont pas illisibles ;

- Mme B...s'est bornée en première instance à évoquer une méconnaissance des droits de la défense en se fondant sur une violation des dispositions du décret 89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux dont elle ne remplit pas les conditions car n'étant pas fonctionnaire territoriale ;

- l'article 37 du décret 88-145 du 15 février 1988 sur le droit à communication du dossier n'a pas été méconnu dès lors qu'aucun formalisme spécifique n'est prévu et que dans l'article 17 de son contrat de travail conclu le 30 juin 2009 il est mentionné qu'en cas de licenciement l'assistant familial peut avoir accès à son dossier administratif et se faire assister par une personne de son choix ;

- l'article 4 du décret du 18 septembre 1989 ne lui est pas applicable, ce sont les articles L. 423-10 du code de l'action sociale et des familles et L. 1232-1 à L. 1232-4 du code du travail qui lui sont applicables ;

- c'est au cours de l'entretien préalable que sont indiqués le ou les motifs envisagés de licenciement ;

- M. D...était compétent dans le cadre de sa délégation de signature pour les décisions concernant les personnels départementaux en matière disciplinaire pour prendre et signer la décision de licenciement du 25 août 2011 ;

- en tant qu'assistante familiale, elle n'entre pas dans la procédure prévue à l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 sur les conseils de discipline ;

- aucune erreur sur la matérialité des faits n'a été commise : en l'espèce Mme B...a pris des congés sans y avoir été autorisée préalablement par sa supérieure hiérarchique et a confié pendant cette période sans y être autorisée les enfants dont elle avait la charge à sa voisine MmeC... ;

- il n'y a pas d'erreur manifeste d'appréciation et de disproportion entre les faits reprochés et la décision de licenciement : en l'espèce Mme B...n'a pas fait de demande pour prendre des congés, n'a pas obtenu l'accord préalable et écrit du responsable de placement familial, a confié les enfants à sa voisine sans en informer le service, les enfants ont été véhiculés dans le sud de la France par une personne non autorisée et les mettant potentiellement en danger, le mécanisme de remplacement temporaire au domicile de Mme B...a été utilisée de façon trompeuse et de manière non conforme aux engagements mentionnés dans les contrats d'accueil car le remplacement aurait dû se faire au domicile de MmeB..., ceci méconnaît ses devoirs d'assistante familiale et ceux contenus dans ses contrats d'embauche et d'accueil et est constitutif d'une faute grave ;

- il n'y a pas de détournement de pouvoir ni de position discriminatoire vis-à-vis de jeunes mères ni de discrimination raciste ;

- il n'y a pas d'erreur de droit quant à un état de grossesse dès lors que son licenciement est fondé sur des fautes graves et n'a pas de lien avec son état de grossesse qu'elle a annoncé le lendemain de la décision de licenciement ;

- le licenciement étant légal, les conclusions de Mme B...à fin d'injonction doivent être rejetées ;

- les conclusions à fin d'injonction ne peuvent pas être retenues car d'une part les deux enfants dont elle avait la garde ont été confiés à compter du 10 août 2011 à une autre famille d'accueil et elle ne peut avoir une rémunération pour ces enfants depuis le 10 août 2011, d'autre part elle s'est vue retirer son agrément d'assistante familiale par décision du 25 juin 2012 et ne peut donc plus recevoir une rémunération d'assistante familiale depuis cette date car le président du conseil général est en compétence liée pour la licencier ;

- à titre subsidiaire : en cas de maintien de l'annulation de la décision de licenciement du 25 août 2011, il faudrait réformer l'article 2 du jugement sur l'injonction car celui-ci méconnaît la jurisprudence Mergui dès lors que les deux enfants dont elle avait la garde ont été confiés à compter du 10 août 2011 à une autre famille d'accueil et elle ne peut avoir une rémunération pour ces enfants depuis le 10 août 2011, qu'elle ne peut prétendre qu'à une " indemnité d'attente " pendant une durée maximale de 4 mois après le 9 décembre 2011 soit jusqu'au 10 décembre 2011 ;

Par ordonnance du 5 novembre 2013, la clôture d'instruction a été fixée au 20 décembre 2013.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2013, pour MmeB..., elle conclut au rejet de la requête, demande par la voie de l'appel incident la réformation de l'article 2 du jugement sur l'injonction et à ce que soient mises à la charge du département de la Drôme une somme de 4 500 euros au titre des frais engagés en première instance et une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour les frais engagés en appel ;

Elle soutient que :

- la date de présentation du pli de convocation à l'entretien préalable ne figure pas sur l'avis de réception ;

- faute de date certaine de présentation figurant sur l'avis, le département ne pouvait valablement considérer que la convocation à l'entretien préalable était valable et faute de retour de l'accusé-réception aurait dû la reconvoquer à une date ultérieure ;

- à la date de son licenciement, elle était placée en congé de maternité et bénéficiait à ce titre d'une protection absolue contre le licenciement car l'article 41 du décret du 15 février 1988 fait interdiction de tout licenciement en cas de congé maternité ;

- l'état de grossesse est différent de la période de congé maternité et le législateur n'a pas prévu d'atténuation de la protection de la salariée lors de la période de congé maternité ;

- le tribunal a limité les conséquences de l'annulation jusqu'au retrait d'agrément mais un tel retrait d'agrément a été contesté et la procédure est pendante ;

- le tribunal en portant résiliation de manière rétroactive de son contrat a porté atteinte à ses droits et l'article 2 du jugement du tribunal sur l'injonction devra par suite être réformé ;

- il lui sera donné acte qu'elle n'a pas formulé de demande indemnitaire en première instance et qu'elle se réserve la possibilité de présenter une demande indemnitaire

- elle a droit à 4 500 euros au titre des frais engagés en première instance et 2 000 euros en appel au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Par un mémoire, enregistré le 18 décembre 2013, le département de la Drôme maintient ses conclusions ;

Il précise que la notification du pli est régulière dès lors que l'avis de réception postal mentionne " absent avisé ", comporte le tampon du bureau où le pli est mis en instance et que le cachet de réexpédition de La Poste est suffisant pour établir que le délai de 15 jours de conservation du pli a été respecté ;

Il ajoute que Mme B...peut être licenciée pendant un congé de maternité dès lors que ce licenciement n'est pas lié à son état de grossesse et repose sur des faits constitutifs d'une faute grave ; que le tribunal administratif n'a pas prononcé de résiliation rétroactive de son contrat de travail et n'a pas porté atteinte à ses droits ;

Par ordonnance du 20 mai 2015, la date de clôture de l'instruction a été reportée au 16 juin 2015.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code du travail ;

- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale ;

- l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Cottier, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Me Sievers, avocat du département de la Drôme.

1. Considérant que Mme B...a fait l'objet, le 7 juillet 2006, d'un agrément en qualité d'assistante familiale par le département de la Drôme ; qu'à la suite de décisions successives d'extension de cet agrément, elle a été autorisée à accueillir deux enfants de 0 à 9 ans à partir de novembre 2006, puis trois enfants de 0 à 9 ans à compter de mars 2007 et enfin, à compter de novembre 2008, trois personnes de 0 à 20 ans ; qu'elle a ensuite été recrutée par le département de la Drôme en qualité d'assistante familiale agréée à compter du 1er juillet 2009 par contrat à durée indéterminée ; que par contrats d'accueil d'avril 2009, le département de la Drôme, agissant cette fois en qualité d'employeur de MmeB..., lui a confié la garde permanente de deux enfants, nés en 2004 et 2006, issus d'une même fratrie ; que par une lettre du 12 août 2011 adressée en recommandé avec accusé de réception, le département de la Drôme a informé l'intéressée de ce qu'il envisageait de la licencier au motif de plusieurs fautes commises dans l'exercice de sa profession, mettant en péril la santé, la sécurité et l'épanouissement des enfants confiés à elle, et que dans cette perspective, elle était convoquée, en application des dispositions de l'article L.423-10 du code de l'action sociale et des familles, à un entretien devant se dérouler le 23 août 2011 ; que Mme B...ne s'est pas présentée à cet entretien ; que par courrier du 25 août 2011 adressé en recommandé avec accusé réception, le département de la Drôme lui a fait connaitre que son licenciement prendrait effet à compter du 26 août 2011 ; que Mme B...a, par un recours gracieux du 3 septembre 2011, contesté cette décision de licenciement en soutenant n'avoir pas reçu la lettre la convoquant à l'entretien préalable ; que parallèlement, par courrier du 24 août 2011 reçu le 26 août 2011 par les services du département de la Drôme, elle a informé son employeur de sa situation de grossesse au moyen d'un certificat médical daté du 24 août 2011 ; que le président du conseil général de la Drôme a rejeté le recours gracieux par décision du 17 octobre 2011 ; qu'en date du 15 décembre 2011, Mme B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision prononçant son licenciement ; que par jugement du 4 juillet 2013, le tribunal a annulé la décision du 25 août 2011 licenciant Mme B...et a enjoint au département de la Drôme de procéder à la reconstitution de la carrière de celle-ci depuis la date de l'éviction illégale jusqu'au 25 juin 2012, date de retrait de son agrément par le département de la Drôme, et de lui verser une somme représentative de la rémunération dont elle avait été privée ; que le département de la Drôme interjette appel de ce jugement ; que par appel incident, Mme B...demande l'annulation de l'injonction prononcée par le tribunal en tant qu'elle limite au 25 juin 2012 la reconstitution de sa carrière et l'indemnisation afférente ;

Sur la légalité de la décision du 25 août 2012 licenciant MmeB... :

2. Considérant, qu'aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'action sociale et des familles : " Les articles L. 423-3 à L. 423-13 (...) s'appliquent aux assistants maternels et aux assistants familiaux employés par des personnes morales de droit public " ; qu'aux termes de l'article L. 423-10 du même code: " L'employeur qui envisage, pour un motif réel et sérieux, de licencier (...) un assistant familial qu'il emploie depuis trois mois au moins convoque celui-ci et le reçoit en entretien dans les conditions prévues aux articles L. 1232-2 à L. 1232-4 du code du travail. Au cours de l'entretien, l'employeur est tenu d'indiquer le ou les motifs de la décision envisagée et de recueillir les explications du salarié. / L'employeur qui décide de licencier (...) un assistant familial (...) doit notifier et motiver sa décision dans les conditions prévues à l'article L. 1232-6 du code du travail (...) " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 37 du décret n°88-145 susvisé relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale : "Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité territoriale ayant le pouvoir de procéder au recrutement ./ L'agent non titulaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'autorité territoriale doit informer l'intéressé de son droit à communication du dossier. " ; qu'aux termes de l'article L. 1232-2 du code du travail : " L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable/ La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation/ L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation " ;

4. Considérant que les dispositions précitées n'imposent pas que la lettre de convocation à l'entretien préalable comporte elle même la mention du droit de l'intéressée à prendre connaissance de son dossier, cette indication pouvant être donnée de manière distincte ; que par suite, le département de la Drôme est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a interprété les dispositions précitées comme rendant obligatoire une telle mention dans le courrier de convocation à cet entretien ;

5. Considérant qu'en vertu de l'article 5 de l'arrêté du 7 février 2007, pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux, en cas d'absence du destinataire à l'adresse indiquée par l'expéditeur lors du passage de l'employé chargé de la distribution, le prestataire de services postaux informe le destinataire que l'envoi postal est mis en instance pendant un délai de quinze jours à compter du lendemain de la présentation de l'envoi postal à son domicile ainsi que du lieu où cet envoi peut être retiré ; qu'il résulte de l'article 7 du même arrêté que le prestataire peut établir un avis de réception à la demande de l'expéditeur, retourné à ce dernier, attestant la distribution de l'envoi ; que cet avis comporte diverses informations circonstanciées, telles que la date de présentation, si l'envoi a fait l'objet d'une mise en instance conformément à l'article 5, la date de distribution et le numéro d'identification de l'envoi ; que la preuve de dépôt d'un avis de passage et de mise en instance peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou de tous autres éléments de preuve ; que doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d'une notification régulière le pli recommandé retourné à l'administration auquel est rattaché un volet " avis de réception " sur lequel a été apposée par voie de duplication la date de vaine présentation du courrier, et qui porte, sur l'enveloppe ou sur l'avis de réception, l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis ;

6. Considérant que les premiers juges ont estimé que le département de la Drôme n'établissait pas, notamment par l'original du bordereau qu'il a produit à la barre et dont les mentions ont été estimées illisibles, que Mme B...avait été avisée, en son absence, de la mise en instance du pli recommandé au bureau de poste, et ont ainsi conclu à la méconnaissance de la procédure décrite aux articles L. 1232-2 du code du travail et 37 du décret du 15 février 1988 ; qu'il ressort toutefois des tampons à date de La Poste et de la fiche " courrier suivi " établie par La Poste produite par le département de la Drôme, que le courrier contenant la lettre de convocation à l'entretien a été déposé à La Poste le 12 août 2011, que ce courrier est arrivé au bureau distributeur de Montélimar le 13 août 2011, qu'il a été mis en instance pour retrait au guichet de Montélimar ce même 13 août 2011 et était toujours en attente d'être retiré le 16 août 2011 ; que cette lettre portant une étiquette pli non distribuable mention ''non réclamé'' a été réceptionnée en retour par les services du département de la Drôme le 31 août 2011, faute pour Mme B...de l'avoir retirée dans le délai de mise en instance de quinze jours ; que la ligne " avisé " figurant sur le carton portant la mention " recommandé avis de réception " resté sur l'enveloppe a été remplie par le facteur par l'apposition de marques ayant valeur de date, laquelle doit être considérée comme la date de vaine présentation de ce courrier ; que si la date sur la ligne " avisé " est assez peu lisible, la fiche de suivi mentionne le dépôt d'un avis d'instance à cette même adresse et une mise en instance au plus tard le 13 août 2011; que dès lors, la convocation du 12 août 2011 à un entretien préalable doit être regardée comme ayant été régulièrement notifiée à l'intéressée au plus tard le 13 août 2011 ; que par suite le département de la Drôme est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a estimé que la décision de licenciement était intervenue au terme d'une procédure irrégulière ;

7. Considérant toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B...devant le tribunal administratif et la cour ;

8. Considérant, en premier lieu, que le département de la Drôme produit la délégation accordée à M.D..., directeur général des services du département de la Drôme signataire de la décision en litige, pour signer tous les actes en matière disciplinaire concernant les agents départementaux ; que par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision de licenciement du 25 août 2011 manque en fait ;

9. Considérant, en deuxième lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire applicable aux agents contractuels employés par un département ne prévoit la consultation d'un conseil de discipline en cas de procédure disciplinaire menée à l'encontre de l'un de ces agents ; que Mme B..., agent contractuel, qui entre dans le cadre des dispositions précitées de l'article 37 du décret du 15 février 1988, n'est par suite pas fondée à soutenir que le conseil de discipline prévu à l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984, lequel ne concerne que les agents titulaires de la fonction publique territoriale, aurait dû être consulté préalablement à son licenciement disciplinaire ;

10. Considérant, en troisième lieu, que Mme B...fait valoir que la décision qu'elle conteste est fondée sur des circonstances matériellement inexactes ; qu'elle fait valoir qu'elle n'a pas, contrairement à ce qui lui est reproché, quitté la France le 4 août 2011 sans en avoir avisé son employeur et qu'elle avait pendant son absence confié à un tiers habilité les enfants dont elle avait la garde ; que toutefois, il ressort des motifs de la décision de licenciement que celle-ci n'est pas fondée sur de tels éléments, mais sur, d'une part, une absence de Mme B... du 8 au 13 août 2011, sans autorisation du service du placement familial du département et, d'autre part, sur le non-respect des modalités de remplacement par une personne tierce, dès lors que ce remplacement, qui ne devait porter que sur deux jours et se dérouler au domicile de Mme B..., a excédé cette durée et que la remplaçante de Mme B...a emmené sans autorisation les enfants confiés à sa garde à Toulon, imposant même au service de les faire rapatrier, pour les placer dans une autre famille d'accueil, Mme B...étant à ce moment toujours en Algérie ; que pour prendre la mesure contestée l'administration a estimé que les carences de Mme B...conduisaient à la mise en péril des enfants confiés à sa garde ; que Mme B...ne conteste pas les éléments matériels susdécrits, qui sont mentionnés par la décision de licenciement ; que par suite, cette décision n'est entachée d'aucune erreur matérielle ;

11. Considérant, en quatrième lieu, que Mme B...fait valoir que cette sanction est disproportionnée par rapport aux faits reprochés, que les licenciements d'assistantes familiales sont rares et sont liés à des faits graves, qu'elle n'a commis aucune faute dès lors qu'elle a informé le service de placement familial qu'elle se rendait en Algérie pour voir sa mère malade et qu'elle confierait les enfants à une personne habilitée pendant son absence ; que toutefois, il n'est pas contesté que l'absence non autorisée de Mme B...du 8 au 13 août 2011 est contraire aux dispositions de l'article 10 de son contrat de travail relatives aux congés annuels et pour événement familiaux ; que le non respect des conditions de remplacement par une personne tierce méconnaît les dispositions du contrat d'accueil de chaque enfant signé entre le département de la Drôme et MmeB..., lesquelles prévoient que la famille d'accueil s'engage à l'égard du service employeur du département à ne pas remettre l'enfant à sa famille ou à un tiers sans l'accord du service ; que si Mme B...minimise la portée de ses actes, il ressort des pièces du dossier qu'elle s'est montrée d'une extrême désinvolture quant au respect des modalités de la garde des enfants confiés à une personne tierce et à la sécurité de ces enfants ; qu'il est constant que les conditions de garde n'ont pas été respectées et que les deux enfants confiés ont quitté le domicile de Mme B...sans l'autorisation du département et ont effectué un long trajet jusqu'à Toulon sans que le département n'en soit averti et ne puisse s'assurer de leur sécurité ; que dès lors, le département de la Drôme a pu estimer sans erreur d'appréciation que ce comportement de MmeB..., révélateur d'un non-respect de ses engagements contractuels et d'une mise en péril des enfants qui lui étaient confiés, relevait d'un motif réel et sérieux de licenciement ;

12. Considérant, en cinquième lieu, que le détournement de pouvoir allégué par Mme B..., tiré de ce que le département de la Drôme conduirait une politique discriminatoire d'emploi à l'égard des mères de jeunes enfants et aurait voulu la licencier en raison de sa grossesse, n'est pas établi par les pièces du dossier ;

13. Considérant en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 41 du décret n°88-145 du 15 février 1988 susvisé applicable à la situation de MmeB... : "Aucun licenciement ne peut être prononcé lorsque l'agent se trouve en état de grossesse médicalement constatée ou en congé de maternité, de paternité ou d'adoption, ainsi que pendant une période de quatre semaines suivant l'expiration de ces congés/Pour l'application de l'alinéa précédent, l'agent qui se trouve en état de grossesse doit, dans les quinze jours de la notification de la décision de licenciement qui lui aurait été faite, justifier de son état de grossesse par la production d'un certificat médical attestant son état. L'agent qui a présenté une demande en vue d'une adoption auprès des autorités compétentes doit, dans les mêmes conditions, justifier de l'existence d'une procédure d'adoption en cours et solliciter l'octroi d'un congé d'adoption. La présentation dans les délais des justifications prévues ci-dessus fait obligation à l'autorité territoriale d'annuler le licenciement intervenu/ L'engagement peut toutefois être résilié dans les conditions prévues aux articles R. 1225-2, L. 1225-4, L. 1225-5, L. 1225-6, R. 1225-10 et L. 1225-39 du code du travail " ; qu'aux termes de l'article L. 1225-4 du code du travail " Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l'expiration de ces périodes./Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnées au premier alinéa " ;

14. Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées qu'un agent contractuel de la fonction publique territoriale dont la situation est régie par les dispositions du décret susvisé du 15 février 1988 peut faire l'objet d'un licenciement pendant sa période de grossesse lorsque ce licenciement est prononcé du fait d'une faute grave non liée à son état de grossesse ; que toutefois la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant le congé maternité ;

15. Considérant, d'une part, que les faits reprochés à Mme B...et décrits aux points 9 et 10 du présent arrêt sont sans lien avec sa grossesse ; qu'au regard de ce qui a été exposé précédemment, ils sont constitutifs d'une faute grave au sens de l'article L. 122-25-2 du code du travail ; que, par suite, l'état de grossesse de Mme B...ne faisait pas obstacle par principe à ce que le département de la Drôme prononce la mesure de licenciement contestée ;

16. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 1225-17 du code du travail : " La salariée a le droit de bénéficier d'un congé de maternité pendant une période qui commence six semaines avant la date présumée de l'accouchement et se termine dix semaines après la date de celui-ci.(...) ; qu'aux termes de l'article L. 1225-19 du code du travail : " Lorsque, avant l'accouchement, la salariée elle-même ou le foyer assume déjà la charge de deux enfants au moins ou lorsque la salariée a déjà mis au monde au moins deux enfants nés viables, le congé de maternité commence huit semaines avant la date présumée de l'accouchement et se termine dix-huit semaines après la date de celui-ci./ A la demande de la salariée et sous réserve d'un avis favorable du professionnel de santé qui suit la grossesse, la période de suspension du contrat de travail qui commence avant la date présumée de l'accouchement peut être réduite d'une durée maximale de trois semaines. La période postérieure à la date présumée de l'accouchement est alors augmentée d'autant/Lorsque la salariée a reporté après la naissance de l'enfant une partie du congé de maternité et qu'elle se voit prescrire un arrêt de travail pendant la période antérieure à la date présumée de l'accouchement, ce report est annulé et la période de suspension du contrat de travail est décomptée à partir du premier jour de l'arrêt de travail. La période initialement reportée est réduite d'autant/La période de huit semaines de congé de maternité antérieure à la date présumée de l'accouchement peut être augmentée d'une durée maximale de deux semaines. La période de dix-huit semaines postérieure à la date de l'accouchement est alors réduite d'autant " ; qu'il résulte de telles dispositions que la durée du congé maternité est conditionnée par le nombre d'enfants présents au foyer ou nés viables ; que le début du congé de maternité peut varier en fonction d'un report souhaité par la salariée enceinte ; que pour une femme ayant accouché de plus de deux enfants nés viables, la période de 8 semaines peut être allongée au maximum à dix semaines antérieurement à la date présumée de l'accouchement sous réserve que la période de dix-huit semaines postérieure à la date de l'accouchement soit réduite d'autant ;

17. Considérant que Mme B...fait valoir que son congé maternité a débuté le 24 août 2011, date de son certificat médical et date à laquelle elle a adressé un courrier recommandé aux services du département indiquant qu'elle se trouvait en congé maternité, et qu'en tout cas des indemnités journalières pour maternité lui ont été versées par la caisse primaire d'assurances maladie à compter du 14 août 2011 ; qu'elle entend en tirer comme conséquence que la décision de licenciement datée du 25 août 2011 et ayant pris effet le 26 août suivant est illégale dès lors qu'elle se trouvait à ce moment en congé maternité ; que cependant le département de la Drôme fait valoir que, compte tenu des éléments figurant sur le certificat médical du 24 août 2011, pour une date prévue d'accouchement au 23 octobre 2011, le début du congé de maternité de Mme B... devait être fixé au dimanche 28 août 2011 ; que dès lors que Mme B...n'allègue pas avoir été dans le cas d'un allongement de congé maternité à 10 semaines avant l'accouchement, circonstance susceptible de modifier la date de 8 semaines fixées à l'article L. 1225-19 du code du travail pour une femme mère de trois enfants, la fixation au 28 août 2011 du début de congé maternité doit être retenue comme exacte ; qu'il ressort des pièces du dossier que la date d'effet du licenciement a été fixée au 26 août 2011 ; que la requérante n'allègue pas que le courrier du 25 août 2011 la licenciant lui aurait été notifié le 28 août 2011 ou postérieurement à cette date ; que par suite, la prise d'effet et la notification de la sanction dont s'agit ne peuvent être regardées comme irrégulières ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens tirés de l'irrégularité du jugement, que le département de la Drôme est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé la décision du 25 août 2011 portant licenciement de Mme B... ; qu'il s'ensuit que les conclusions à fin d'appel incident présentées pour Mme B...et tendant exclusivement à une modification de la portée de l'injonction prononcée par le tribunal doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de la Drôme, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme B...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner Mme B...à verser 1 000 euros au département de la Drôme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement n°1106717 du 4 juillet 2013 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Grenoble et les conclusions présentées par elle devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Mme B...est condamnée à verser au département de la Drôme une somme de 1 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au département de la Drôme et à Mme A...B....

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2015 à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 octobre 2015.

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N° 13LY02448


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY02448
Date de la décision : 22/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

04-02-02-02-01 Aide sociale. Différentes formes d'aide sociale. Aide sociale à l'enfance. Placement des mineurs. Placement familial.


Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SARTORIO - LONQUEUE - SAGALOVITSCH et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-10-22;13ly02448 ?
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