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15/10/2015 | FRANCE | N°15LY00816

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 15 octobre 2015, 15LY00816


Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement a

verties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mear.
...

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mear.

1. Considérant que, M. E...et sa compagne, MmeD..., ressortissants kosovars respectivement nés le 25 juin 1986 et le 5 février 1991, sont, selon leurs déclarations, entrés en France le 2 février 2009 ; que leurs demandes d'asile ont été rejetées en 2009 par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, confirmées en 2011 par des décisions de la Cour nationale du droit d'asile ; que leurs demandes de réexamen de leurs demandes d'asile ont à nouveau été rejetées en 2012 par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et la Cour nationale du droit d'asile le 22 mai 2013 et le 20 février 2014 ; que, par deux arrêtés du 28 février 2014, le préfet de la Loire a rejeté leurs demandes de titres de séjour sur le fondement des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné comme pays de leur renvoi, le pays dont ils ont la nationalité, ou tout autre pays pour lequel ils établissent être légalement admissibles ; que, M. E...et Mme D...relèvent appel, chacun en ce qui le concerne, des jugements du 3 décembre 2014 par lesquels le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes d'annulation de ces arrêtés ; que les requêtes susvisées présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité des décisions portant refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, qu'à la date des arrêtés attaqués, M. E... et sa compagne, MmeD..., ne résidaient en France que depuis cinq ans ; que leurs enfants nés en France en 2009, 2010 et 2011 sont jeunes et ne sont scolarisés, pour les deux aînés d'entre eux, qu'à l'école maternelle ; que les requérants n'établissent ni avoir quitté leurs pays alors qu'ils étaient mineurs ainsi qu'ils le font valoir, ni ne plus avoir d'attaches familiales dans leur pays d'origine ; que, dans ces conditions, et alors même que des membres de la famille de M. E... et de Mme D...résident régulièrement en France et que certains d'entre eux disposent du statut de réfugié, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions leur refusant la délivrance d'un titre de séjour ont porté une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale au regard des buts en vu desquels elles ont été prises ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;

5. Considérant, qu'ainsi que cela a été dit précédemment, M. E...et Mme D...résident tous les deux irrégulièrement en France et leurs deux enfants aînés n'ont été scolarisés que récemment en classe de maternelle ; qu'il n'est établi ni qu'ils ne pourraient pas poursuivre leur vie familiale avec leurs enfants dans leur pays d'origine, ni que ces derniers ne pourraient pas y poursuivre leur scolarité ; que, dès lors, M. E...et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que les décisions de refus de séjour ont méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ces décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle et familiale de M. E...et de Mme D...;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;

8. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet la Loire a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne procédant pas à la régularisation de la situation des requérants à titre exceptionnel ; qu'en se bornant à invoquer leur origine et la situation des roms au Kosovo, les requérants ne font état d'aucune considération humanitaire ou motif exceptionnel qui permettrait de les admettre au séjour à titre exceptionnel ; que, par suite, si M. E... et Mme D... entendent soutenir que les décisions en litige méconnaissent les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce moyen doit être écarté ;

En ce qui concerne la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :

9. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) " ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. E...et MmeD... se sont vu refuser la délivrance d'un titre de séjour par l'arrêté en litige ; qu'ainsi, à la même date, ils étaient dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

11. Considérant, en deuxième lieu, que compte tenu de ce qui vient d'être dit, le moyen tiré, par voie d'exception, de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français sont illégales, en conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour sur lesquelles elles se fondent, doit être écarté ;

12. Considérant en troisième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux précédemment énoncés en ce qui concerne la légalité des décisions portant refus de titre de séjour, les moyens tirés de la violation, par les décisions portant obligation de quitter le territoire français, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés comme non fondés ;

13. Considérant, en quatrième lieu, que les requérants ne peuvent utilement faire valoir que les décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que ces décisions ne fixent pas le pays de leur renvoi ;

En ce qui concerne la légalité des décisions fixant le pays de renvoi :

14. Considérant, en premier lieu, que compte tenu de ce qui vient d'être dit, le moyen tiré, par voie d'exception, de ce que les décisions fixant le pays de destination sont illégales, en conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, sur lesquelles elles se fondent, doit être écarté ;

15. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. E...et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que ces décisions sont entachées d'un défaut d'examen particulier de leur situation personnelle et familiale ;

16. Considérant en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

17. Considérant que M. E...et Mme D...soutiennent encourir des risques ainsi que leur famille en cas de retour dans leur pays d'origine en raison de leur appartenance à la minorité Rom et produisent à l'appui de leurs dires, une décision du tribunal de grande instance de Kosovska Mitrovica du 26 décembre 2001 et une attestation du représentant de l'association pour la protection des droits des Roms exilés de la région de Mitrovica établie en 2010 ; que, toutefois, ces documents ne permettent pas d'établir la réalité des risques, au sens des dispositions et stipulations précitées, qu'ils encourraient directement et personnellement ainsi que leur famille en cas de retour dans leur pays d'origine ; que, par suite, les requérants, dont les demandes d'asile et les demandes de réexamen de leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, ne sont pas fondés à soutenir que les décisions fixant le pays de leur renvoi méconnaissent les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ils ne sont pas, pour les mêmes motifs, fondés à faire valoir que ces décisions sont entachées d'une erreur manifeste de leurs conséquences sur leur situation personnelle et familiale ;

18. Considérant, en quatrième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux-ci-dessus mentionnés en ce qui concerne la légalité des décisions portant refus de titre de séjour, le moyen tiré de ce que les décisions fixant le pays de renvoi de M. E...et de Mme D...méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;

19. Considérant, en cinquième lieu, que si M. E...fait valoir qu'il ne dispose que d'un ancien passeport délivré par les autorités Yougoslaves avant la partition de la Yougoslavie et si Mme D...soutient ne disposer d'aucun document transfrontière, ces circonstances, à les supposer établies, sont sans incidence sur la légalité des décisions fixant le pays de leur renvoi ;

20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. E...et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

21. Considérant que la présente décision qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. E...et MmeD..., à l'encontre des décisions leur refusant la délivrance d'un titre de séjour et leur faisant obligation de quitter le territoire français n'implique pas qu'il soit ordonné au préfet de la Loire de leur délivrer un titre de séjour ou une autorisation provisoire de séjour ; que, par suite, leurs conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Considérant que les conclusions présentées par le conseil de M. E...et de Mme D... tendant à l'application à son profit des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être que rejetées dès lors que les requérants sont parties perdantes à l'instance ;

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. E...et de Mme D...sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...E..., à Mme A...D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2015 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

M. Meillier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 octobre 2015.

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N° 1500816 et N° 15LY00910


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY00816
Date de la décision : 15/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Josiane MEAR
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : MATARI

Origine de la décision
Date de l'import : 07/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-10-15;15ly00816 ?
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