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15/10/2015 | FRANCE | N°14LY02351

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 15 octobre 2015, 14LY02351


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 4 février 2014 du préfet de la Haute-Savoie refusant de lui délivrer un titre de séjour et de renouveler son autorisation provisoire de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant, comme pays de reconduite d'office à l'expiration de ce délai, le pays dont il a la nationalité, ou tout pays pour lequel il établit être légalement admissible.

Par un jugement n°

1401174 du 24 juin 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 4 février 2014 du préfet de la Haute-Savoie refusant de lui délivrer un titre de séjour et de renouveler son autorisation provisoire de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant, comme pays de reconduite d'office à l'expiration de ce délai, le pays dont il a la nationalité, ou tout pays pour lequel il établit être légalement admissible.

Par un jugement n° 1401174 du 24 juin 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2014, M. C..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 24 juin 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 février 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, le médecin de l'agence régionale de santé ne s'étant pas prononcé sur sa capacité à voyager sans risque vers son pays d'origine ; en outre, le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour ;

- cet arrêté méconnaît les dispositions des articles L. 313-11 (11°) et L. 511-4 (10°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

- le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale.

Le préfet de la Haute-Savoie, à qui la requête a été communiquée, n'a produit aucune écriture.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Meillier.

1. Considérant que M. B... C..., ressortissant kosovar né en 1969, est entré en France le 10 septembre 2010 selon ses déclarations ; qu'il a sollicité le 30 novembre 2010 son admission au séjour au titre de l'asile ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 11 février 2011 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 2 février 2012 ; qu'ayant sollicité son admission au séjour au titre de son état de santé, il a bénéficié, sur le fondement de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une autorisation provisoire de séjour valable du 9 avril au 8 octobre 2013 ; qu'il a sollicité le 2 septembre 2013 le renouvellement de ce document de séjour ; que, par arrêté du 4 février 2014, le préfet de la Haute-Savoie a refusé, sur le fondement des articles L. 313-11 (11°) et R. 313-22 du code, de lui délivrer un titre de séjour et de renouveler son autorisation provisoire de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné, comme pays de reconduite d'office à l'expiration de ce délai, le pays dont il a la nationalité, ou tout pays pour lequel il établit être légalement admissible ; que, par jugement du 24 juin 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de l'intéressé tendant à l'annulation de cet arrêté ; que M. C...relève appel de ce jugement ;

Sur la légalité de l'arrêté du 4 février 2014 :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / L'étranger mentionné au 11° de l'article L. 313-11 qui ne remplirait pas la condition de résidence habituelle peut recevoir une autorisation provisoire de séjour renouvelable pendant la durée du traitement. " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 dudit code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 511-1 du code précité : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues aux trois premiers alinéas de l'article R. 313-22. " ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 susvisé : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé. Celui-ci, s'il estime, sur la base des informations dont il dispose, qu'il y a lieu de prendre en compte des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, transmet au préfet un avis complémentaire motivé./ Par ailleurs, dès lors que l'intéressé porterait à la connaissance du préfet des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, le préfet saisit pour avis le directeur général de l'agence régionale de santé, qui lui communique son avis motivé dans un délai d'un mois. " ;

5. Considérant, d'une part, que la circonstance que l'avis rendu le 16 décembre 2013 par le médecin de l'agence régionale de santé ne précise pas si l'état de santé de M. C...lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine est sans incidence sur la irrégularité de cet avis dès lors que cette mention constitue, aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011, une simple faculté pour le médecin et qu'au demeurant, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de l'intéressé suscitait des interrogations sur ce point ;

6. Considérant, d'autre part, qu'il n'est pas contesté que l'état de santé de M. C..., qui souffre de deux pathologies hépatobiliaires, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, toutefois, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé, dans son avis émis le 16 décembre 2013, qu'un traitement approprié existe dans le pays d'origine de l'intéressé ; que M. C... se borne à faire état, de façon générale, des carences du système de santé kosovar et à soutenir que son état pourrait évoluer et nécessiter à l'avenir une greffe du foie, impossible à réaliser au Kosovo, sans établir ni même alléguer qu'il aurait actuellement besoin de subir une telle intervention ; que les certificats médicaux et attestations qu'il produit ne prennent pas position sur l'existence au Kosovo du traitement précis qu'il suit actuellement ; que le préfet produit en revanche un courrier électronique du médecin conseil auprès du directeur général des étrangers en France indiquant que, selon les recherches qu'il a effectuées, les médicaments actuellement utilisés pour traiter les pathologies de l'intéressé sont enregistrés au Kosovo et disponibles dans ce pays ; qu'ainsi, il ressort des pièces du dossier qu'un traitement approprié à l'état de santé de M. C... existe au Kosovo ; que le requérant ne peut utilement invoquer le coût des soins offerts dans son pays d'origine par le secteur privé et l'insuffisance de ses ressources ; que la seule circonstance qu'il est actuellement soigné ne constitue pas une circonstance humanitaire exceptionnelle susceptible de fonder une décision d'admission au séjour ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Savoie a méconnu les dispositions des articles L. 313-11 (11°) et L. 511-4 (10°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...n'est entré en France qu'en septembre 2010, soit trois ans et cinq mois avant l'arrêté attaqué ; que sa demande d'asile a été rejetée ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il peut être soigné au Kosovo ; que s'il soutient que le " centre principal de ses intérêts " se situe en France, il est constant que son épouse, ses quatre enfants, ses parents ainsi que ses frères et soeurs vivent au Kosovo, pays où lui-même a vécu jusqu'à l'âge de 41 ans ; que, dès lors, le refus de titre de séjour qui lui a été opposé n'a pas porté, eu égard aux buts qu'il poursuit, une atteinte disproportionnée au droit de M. C...au respect de sa vie privée et familiale ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés ;

9. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11 et L. 314-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; qu'il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit plus haut, que, contrairement à ce qu'il soutient, M. C...n'est pas au nombre des étrangers pouvant obtenir, de plein droit, un titre de séjour en application du 7° ou du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Savoie était tenu de consulter la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. C...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2015 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

M. Pourny, président-assesseur,

M. Meillier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 octobre 2015.

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N° 14LY02351


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY02351
Date de la décision : 15/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Charles MEILLIER
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 07/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-10-15;14ly02351 ?
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