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01/10/2015 | FRANCE | N°14LY02279

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 01 octobre 2015, 14LY02279


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 17 septembre 2013 du préfet de la Loire refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant, comme pays de reconduite d'office à l'expiration de ce délai, le pays dont il a la nationalité, ou tout pays pour lequel il établit être légalement admissible.

Par un jugement n° 1308028 du 27 mars 2014, le tribunal administratif de Lyon a

rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 17 septembre 2013 du préfet de la Loire refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant, comme pays de reconduite d'office à l'expiration de ce délai, le pays dont il a la nationalité, ou tout pays pour lequel il établit être légalement admissible.

Par un jugement n° 1308028 du 27 mars 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2014, M. D... B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 27 mars 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 septembre 2013 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer un titre de séjour d'une durée d'un an ou, à défaut, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler valable dans l'attente du réexamen de sa situation, dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé et n'a pas été précédé d'un examen particulier de sa situation au regard de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ;

- ce refus, qui est fondé sur la circonstance que son parcours scolaire chaotique ne permet pas de faire état de son intégration, de sa motivation et de son insertion dans la société française, est entaché d'une erreur de fait ;

- le préfet a méconnu les dispositions des articles L. 313-10, L. 313-11 (7°) et L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les " lignes directrices " du point 2.1.3 de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 et a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée pour les mêmes motifs que ceux développés à l'encontre du refus de titre de séjour ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2015, le préfet de la Loire conclut au rejet de la requête.

Il s'en remet à ses écritures de première instance et fait, en outre, valoir que :

- le moyen tiré de l'erreur de fait n'est pas fondé ;

- les moyens tirés du défaut de motivation et du défaut d'examen particulier au regard de la circulaire du 28 novembre 2012 ainsi que de la violation des prévisions de cette circulaire sont inopérants.

M. D... B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 juillet 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Meillier.

1. Considérant que M. C... D...B..., ressortissant congolais (République démocratique du Congo) né le 24 août 1995, est entré en France le 23 janvier 2012 selon ses déclarations ; que, par jugement du 16 mars 2012, le tribunal pour enfants de Saint-Etienne l'a confié à la délégation à la vie sociale de la Loire jusqu'à sa majorité ; qu'il a sollicité, le 12 juin 2013, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11 (7°), L. 313-14 et L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en invoquant les circulaires du ministre de l'intérieur des 2 mai 2005 et 28 novembre 2012 ; que, par arrêté du 17 septembre 2013, le préfet de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné, comme pays de reconduite d'office à l'expiration de ce délai, le pays dont il a la nationalité, ou tout pays pour lequel il établit être légalement admissible ; que, par jugement du 27 mars 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. D...B...tendant à l'annulation de cet arrêté : que M. D... B...relève appel de ce jugement ;

Sur la légalité de l'arrêté du 17 septembre 2013 :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, que le requérant ne peut utilement reprocher au préfet de ne pas avoir examiné sa demande de titre de séjour au regard des critères énoncés par la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière et de ne pas avoir motivé son refus par référence auxdits critères dans la mesure où les énonciations de cette circulaire ne constituent pas des lignes directrices dont les intéressés peuvent utilement se prévaloir devant le juge, mais de simples orientations générales adressées par le ministre de l'intérieur aux préfets pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation ; que, pour la même raison, il ne peut davantage utilement soutenir que le refus de titre de séjour méconnaîtrait les prévisions du point 2.1.3 de cette circulaire ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'en indiquant dans son arrêté que le parcours scolaire " chaotique " de M. D...B...ne permettait pas " de faire état de son intégration, de sa motivation et de son insertion dans la société française ", le préfet ne s'est pas fondé sur des faits matériellement inexacts, mais a porté une appréciation sur la réalité de l'intégration de l'intéressé en France ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet a ainsi commis une " erreur de fait " doit être écarté ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. D...B...est entré en France en janvier 2012, à l'âge de seize ans révolus ; qu'après avoir été placé auprès des services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Loire en qualité de mineur isolé, il a été scolarisé dans le cadre de la mission générale d'insertion au lycée professionnel Benoît Fourneyron de Saint-Etienne et a suivi un stage d'initiation en milieu professionnel au sein d'une entreprise de maçonnerie du 21 mai au 1er juin 2012 ; qu'à la rentrée de septembre 2012, il a été inscrit en première année du certificat d'aptitude professionnelle " maçonnerie " au lycée professionnel privé des Collines de Rive-de-Gier, formation abandonnée en janvier 2013 au profit d'une préparation au certificat d'aptitude professionnelle " installation thermique " sous statut d'apprenti ; que, si M. D...B...a obtenu de bons résultats scolaires lors de sa première formation, réduite à son premier trimestre, et si quelques attestations produites au dossier tendent à confirmer le sérieux du suivi de la seconde formation, il ne justifie pas d'un degré d'intégration particulier au sein de la société française, quand bien même il s'est vu délivrer une autorisation provisoire de travail valable du 9 janvier au 23 août 2013 afin de pouvoir être employé, sous couvert de son contrat d'apprentissage, par une entreprise de plomberie chauffage jusqu'à sa majorité ; que le courrier de la structure d'accueil Entraide Pierre Valdo, rédigé le 7 octobre 2013, soit postérieurement à la décision, se borne à décrire le parcours de M. D... B...en expliquant son choix en faveur de l'apprentissage ; que ce jeune majeur, qui vivait sur le territoire national depuis vingt mois seulement à la date de la décision attaquée, est célibataire, sans charge de famille et n'est pas isolé dans son pays d'origine, où vit sa mère, avec laquelle il ne démontre ni même n'allègue ne plus avoir de contact ; que, dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour pris à son encontre a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en violation des dispositions et des stipulations précitées ; que, pour les mêmes motifs, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ce refus sur sa situation personnelle ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;

7. Considérant que, compte tenu des circonstances rappelées plus haut, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que les éléments produits par M. D...B...ne caractérisaient pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels de nature à justifier son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

8. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé. " ;

9. Considérant que, comme il a été dit plus haut, M. D... B... n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où vit notamment sa mère ; qu'au surplus, il ne justifie pas, de manière suffisamment probante, de son degré d'insertion dans la société français ; que, dans ces conditions, et s'agissant d'un cas de délivrance d'un titre de séjour prévu " à titre exceptionnel ", l'autorité administrative n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de délivrer à l'intéressé un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

10. Considérant, en dernier lieu, que la demande de titre de séjour de M. D... B... n'ayant été ni présentée ni examinée sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions dudit article est inopérant ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

11. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit précédemment et en l'absence de circonstance particulière, M. D... B... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français devrait être annulée pour les mêmes motifs que ceux développés à l'encontre du refus de titre de séjour ;

En ce qui concerne le choix du pays de destination :

12. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

13. Considérant que M. D... B...se borne à soutenir, sans apporter aucune précision ni produire aucun élément, qu'il n'a pas encore saisi l'Office français de protection des réfugiés et apatrides pour les faits dont il aurait été victime en République démocratique du Congo, des militaires étant venus menacer sa mère et l'arrêter ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D... B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

15. Considérant que le présent arrêt de rejet n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. D... B...doivent être rejetées ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. D... B...demande pour son conseil au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2015 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

M. Meillier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er octobre 2015.

Le rapporteur,

C. MeillierLe président,

D. Pruvost

Le greffier,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition,

Le greffier,

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N° 14LY02279


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY02279
Date de la décision : 01/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Charles MEILLIER
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : CUCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-10-01;14ly02279 ?
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